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Un long cauchemar.

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Un long cauchemar. Empty Un long cauchemar.

Message par Caprice Mer 10 Nov 2010 - 20:55

Comment commencer ?

Je n'arrive plus à structurer mes mémoires ni à distinguer les fantasmes du réel. Le contour des choses est tellement imprécis; et même maintenant que je suis libre je ne suis pas certaine d'arriver à tout remettre en place.
Je vais néanmoins essayer... tenter de suivre le cours de la rivière noire et agitée que sont mes souvenirs... voyager avec le flot... retrouver ces morceaux perdus... et tant pis si ça n'a aucun sens... tant pis si je ne me retrouve pas au bout.

Le Noir et le Froid. Mes chers compagnons... comment aurais-je survécu sans vos caresses rassurantes ?
Je vous aime et je vous méprise. Je vous aime car sans vos farandoles j'aurais perdu la raison, sans vos étreintes familières je n'aurai eu aucun temple où enfouir mon âme.
Je vous méprise car vous êtes tellement ingrats.
Je vous ai donné mon cœur, je vous ai donné mon âme, je vous ai donné tout ce qui restait de moi et vous ne m'avez jamais répondu... je voulais juste.. entendre... une autre voix que la Sienne.

J'ai du mal à me rappeler de l'époque où je me débattais encore, de cette époque où je cognais contre la porte, d'abord avec mes poings, puis avec la tête... toujours dans le sot espoir de m'affranchir de ces murs... d'une façon ou d'une autre.

Caprice... je me souviens de ce mot... oui : " Cesse de faire des caprices " J'ai dû entendre cette phrase si souvent. Et ma seule distraction était de les répéter, de les railler, de les moquer. C'est devenu un mantra, une prière que je récite pour me faire rire... pour sentir mon corps trembler de son propre fait.

C'est précieux de trembler... de pleurer... d'avoir la gorge nouée, les joues en feu, les doigts en sang. Je ne me révolte plus parce qu'il me reste la foi, non. Je le fais parce quand il ne me reste plus de force... je me sens enfin mourir.

Je n'ai même pas commencé à parler de la Voix ni du marteau; j'aimerais à ne avoir à le faire...
Parfois ils déposent une gamelle. Je ne sais jamais si c'est de la soupe ou de l'eau terreuse. En tout cas, elle me vrille la tête.
Chaque fois je me jure que je n'y toucherai plus, chaque fois je me jure que je vais avoir la force de me laisser mourir... et chaque fois je me jette dessus comme un animal affamé.

Je suis pitoyable. Et je me hais encore plus en me rendant compte que je cherchais ce moment ravissant où mon âme fondrait. Boire ma gamelle c'est cesser d'être. Mon corps s'engourdit, ma conscience s'effondre sur elle même et il me semble tout percevoir comme si j'étais un personnage noyé au fond de mes pupilles. Même ma propre main devant mes yeux paraissait inatteignable.

La gamelle précède la Voix. La Voix précède le marteau. Ils amènent une lumière qui me brule les yeux, même fermés. Mais même si je pouvais voir, je ne serais jamais arriver à distinguer les formes. Je voyais les murs fondre, le bois craquer, les échos de mon imaginaire se mélangeaient aux propos mielleux de ma chère Voix. Elle me murmurait des mots si tendres... si intimes...

Puis s'abattait le marteau. Sur mes bras ou mes jambes, je ne sais pas vraiment... je les ressentais bizarrement. Ils ne me faisaient pas vraiment mal mais je sentais un immense choc à la frontière de ma conscience. Je n'oublierai jamais ce rythme...
Même aujourd'hui, même dehors je me crispe rythmiquement à chaque choc que je perçois.

Tout est si violemment mélangé... ma mémoire ne remonte pas assez loin, ou bien sont-ce des constructions de verre effondrées...

Je me suis pourtant bel et bien réveillée dans une autre chambre, j'ignore pourquoi ou comment, et je ne voulais rien en savoir. SORTIR !!! Sortir de la prison ! Sortir de moi même ! Ce ne pouvait être vrai ! Je devais être en train de mourir ! Ou de fantasmer, encore, si au moins j'avais eu la force de hurler ... de faire comprendre à cette femme que je ne suis pas folle. J'aurais rampé ! J'aurais creusé le bois ! Pourquoi ne m'a-t-elle pas écouté ? ! Pourquoi m'a-t-elle fait remis en cage ? !

Je suis encore derrière cette porte, une autre voix me parle, différente... étrangère. Ô comme j'aime le gout de l'étrangère ! Je la supplie ! J'implore... il faut que je sorte. Mais elle ne m'écoute pas, elle ne m'aime pas, non. Pourquoi aimerait-elle un vilain caprice ?

Je vacille encore, cette fois je le sais... je vais mourir.
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