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Lettres noyées

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Message par Lev Sam 10 Mar 2012 - 16:56

Du Tal'doren, je n'ai gardé que la Fureur.

Et je me souviens de ce que j'ai fait avant – même si j'ai répondu le contraire à cette draeneï. Je me souviens des viscères répandues, des gorges ouvertes, des femmes massacrées et des enfants traquées en meute, des soldats abattus et du sang inondant ma gueule d'animal complet – l'homme, si chez certains avait pu réfréner leur sauvagerie de par sa présence encore minime, n'était dans mon corps, et après la malédiction, présent que pour que je sois conscient de ce que la Bête faisait. J'ai vu les corps jonchant les rues; j'ai vu les toits que la pluie rendait glissants; j'ai vu les ombres qui nous cachaient aux yeux des citoyens; j'ai vu ma meute bondir et répandre la terreur, progressivement, comme un serpent rampant et resserrant son long corps de la cité jusqu'à la Cathédrale pour l'étouffer; j'ai vu mes mains transformées, mes griffes, labourer les chairs dont j'ai senti le goût quand je m'en suis nourri.

Que le Worgen était fourbe en ne me gardant seulement pour que l'Homme souffre à sa place. Les dents d'acier se sont refermées sur ma cheville en un claquement bref alors que je fuyais les fusils, j'ai hurlé de cette voix rocailleuse et grave, si grave! Si bestiale! Si primitive!, et ils ont déversé leur remède dans ma gorge alors que je le pensais poison, alors que je m'agitais follement comme un poisson qu'on sort de l'eau, puis ils m'ont.. Permis.
Quel autre terme quand on vous délivre de vos entraves et que vous découvrez, après plusieurs semaines – ou mois? - que vous êtes à nouveau maître de vos actes?
J'ai découvert les réfugiés sans être le prédateur mais le coupable. J'ai regardé les mères pleurant leurs enfants, j'ai regardé les orphelins, leurs yeux vides et ceux, dégoûtés, des pères. Les premières heures qui ont suivi ma lente reprise de contrôle, je sentais encore le poisseux goût d'humain sur ma langue. J'étais un monstre. Je crois qu'au fond de moi, je suis toujours dans cet état de conscience à peine recouvrée. Comme lors d'une sieste trop tardive dans l'après-midi. Le réveil est nauséeux. J'ai trop chaud, mais je grelotte. Sans m'en vouloir vraiment pour ce que j'ai fait. Sans vraiment savoir ce que je dois faire.

A tâtons?

Peut-être que ma mère serait contente que je lui parle, que je lui dise. Elle qui me reproche de ne pas assez le faire lorsque je la nourris; je ne lui réponds que d'un grognement. J'ai raison d'agir ainsi. Quel intérêt aurait-elle à m'entendre lui raconter tout ça si ce n'est être d'autant plus horrifiée? Elle a déjà perdu son mari et deux fils. Non. Je ne lui donnerais pas ce parchemin et ne répondrais jamais à sa demande tacite.
Je ne sais pas à qui j'écris. Lorsque je planterais cette lettre et celles qui suivront dans la boue de l'étang, il y aura un moment où l'eau les emportera, et au fil du temps, elles finiront par se déchirer, emportant les mots que je colle à l'encre, ceux d'un gilnéen dont le passé ne doit pas être plus horrible que celui d'un autre. Tant mieux. Je ne veux pas qu'on lise mes réflexions.

Je ne suis pas loquace avec les autres – au moins puis-je l'être avec moi-même.
Lev
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