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Infanticide

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Message par Aliane Trias Jeu 22 Nov 2012 - 17:27



Infanticide



Peu après avoir appris son infanticide aux Carmines, Aliane, lorsque qu'elle était seule, devint peu à peu nerveuse, plus excitable encore qu’autrefois, bien qu’elle maîtrisât ses colères. Les bruits soudain la faisaient sauter de peur; elle frémissait pour la moindre chose, tressaillait parfois des pieds à la tête quand une mouche se posait sur son front. Alors un besoin impérieux de mouvement l’envahit, la força à des courses prodigieuses, la tint debout des nuits entières, marchant à travers sa chambre, les dortoirs ou la caserne.
Ce n’était point qu’elle fût harcelé par des remords. Sa nouvelle nature brutale ne se prêtait à aucune nuance de sentiment ou de crainte morale. Elle ne comptait guère la vie humaine. Bien qu’elle eut respecté l’Église de la Lumière, et respectât toujours par politique, elle n'y croyait plus tellement,n’attendant par conséquent, dans une autre vie possible, ni châtiment, ni récompense de ses actes en celle-ci. Elle gardait pour toute croyance une vague philosophie faite de toutes les idées restantes dans sa tête ; et elle considérait le châtiment de l'Eglise de la Lumière comme une sanction morale de la loi, l’une et l’autre ayant été inventées par les hommes pour régler les rapports sociaux et contrôler cette puissance pure que chacun des hommes possédait.
Tuer quelqu’un en duel, ou à la guerre, ou dans une querelle, ou par vengeance, ou même par forfanterie, lui eût semblé une chose amusante et crâne, et n’eût pas laissé plus de traces en son esprit que le coup de fusil tiré sur un lièvre; mais elle avait ressenti une émotion profonde du meurtre de cet enfant. Elle l’avait commis dans l’affolement d’une sanction irrésistible, dans une espèce de tempête vindicative emportant sa raison.

Alors elle eut peur des soirs, peur de l’ombre tombant autour d'elle. Elle ne savait pas encore pourquoi les ténèbres lui semblaient effrayantes, mais elle les redoutait d’instinct; elle les sentait peuplées de terreurs. Le jour clair ne se prête point aux épouvantes. On y voit les choses et les êtres; aussi n’y rencontre-t-on que les choses et les êtres naturels qui peuvent se montrer dans la clarté. Mais la nuit, la nuit opaque, plus épaisse que des murailles, et vide, la nuit infinie, si noire, si vaste, où l’on peut frôler d’épouvantables choses, la nuit où l’on sent errer, rôder l’effroi mystérieux, lui paraissait cacher un danger inconnu, proche et menaçant ! Lequel ?
Elle le sut bientôt. Comme elle était dans son fauteuil, assez tard, un soir qu’elle ne dormait pas, elle crut voir remuer le rideau de sa fenêtre. Elle attendit, inquiète, le cœur battant; la draperie ne bougeait plus; puis, soudain, elle s’agita de nouveau; du moins elle pensa qu’elle s’agitait. Elle n’osait point se lever; Elle n’osait plus respirer; et pourtant elle était brave; elle s’était battu souvent et elle aurait aimé découvrir chez elle des voleurs.
Était-il vrai qu’il remuait, ce rideau? Elle se le demandait, craignant d’être trompée par ses yeux. C’était si peu de chose, d’ailleurs, un léger frisson de l’étoffe, une sorte de tremblement des plis, à peine une ondulation comme celle que produit le vent. Aliane demeurait les yeux fixes, le cou tendu ; et brusquement elle se leva, honteux de sa peur, fit quatre pas, saisit la draperie à deux mains et l’écarta largement. Elle ne vit rien d’abord que les vitres noires, noires comme des plaques d’encre luisante. La nuit, la grande nuit impénétrable s’étendait par-derrière jusqu’à l’invisible horizon si maigre pourtant de la rue. Elle restait debout en face de cette ombre illimitée; et tout à coup elle y aperçut une lueur, une lueur mouvante qui semblait éloignée. Alors elle approcha son visage du carreau, pensant qu’un simple passant venait d'allumer sa lampe. Comme elle ne distinguait pas encore, Aliane enferma ses yeux entre ses mains; et brusquement cette lueur devint une clarté et elle aperçut la silhouette d'un garçon ensanglanté sur la pierre froide et sans vie de la chaussée.
Aliane poussa un cri et se sauva vers son lit, où elle resta jusqu’au matin, la tête cachée sous l’oreiller, pour retourner à la caserne joyeuse et pleine de vie.

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Hedwë a écrit:Mais comme le dit Aliane peu être un peu brusquement...
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