Echec... Mais pour qui ?

A la tombée de la nuit, une petite troupe de garde s'affairait dans Hurlevent. Elle marchait tranquillement, sans nulle anxiété. Les habitants les regardaient du coin de l'oeil. Ils avaient l'habitude des parades, et des patrouilles de l'armée de la ville. Et, tandis que la citée s'éteignait doucement, les gardes continuaient leur chemin, ne s'arrêtant qu'a de rares occasions. Leurs lanternes éclairant leur parcourt dans l'obscurité, l'incinérateur les observait au loin, les poings crispés. Son plan, son magnifique plan... Il a été compromis. Et part qui ? Ce traître ! Il lui avait fait confiance, avait fait de lui son second. Mais depuis le début, quelque chose clochait chez cet homme. L'incinérateur avait été sous le charme, et l'avait pris pour l'un de ses semblables. A présent, le criminel pyromane regrettait cette décision. Il aurait du tuer son collaborateur dés qu'il en a eu l'occasion...

Il ne pouvait que rester là, spectateur de la fin d'une année de travail. Une à une, ses petites chéries étaient enlevées a leur foyer, a leur socle, puis désactivées, comme de vulgaires jouets. Elles, ces superbes créations ! Ses créations ! Son esprit torturé et hors de la réalité lui fit donc prendre conscience d'une chose... Il a perdu... Dans la fougue de l'accomplissement de sa quête, il avait exécuté tout ses sbires. Les uns après les autres, ne laissant que deux vivants. Que de regrets...

Et, tandis que les gardes rentraient vers leur caserne, le coeur gonflé de la fierté du devoir accompli, l'incinérateur descendit de son perchoir. Son pas incertain, et sa jambe boiteuse le menèrent vers son repaire... Enfin, ce qui lui servait de repaire, depuis que le véritable lui avait été soutiré par ce même traître... Le fou ricana. Il en revenait toujours a ce despote. Il ouvrit la porte de son refuge, et se dirigea vers son petit kit d'alchimiste. Alambic, cornue, tout était là. En travaillant une petite dizaine de minutes, il réussit a créer un poison foudroyant, et l'enduisit sur un fin surin. Enfin, il ressortit dans la nuit, et s'avança vers ce qui semblait être sa fin, mais aussi celle d'une autre personne...

Le désespoir. C'était la seule émotion que ressentait l'Incinérateur, acculé contre le mur. Trois malandrins lui faisaient face, à travers la pénombre de la nuit. Ses jambes tremblaient dans un rythme qui aurait put paraître musical, et sa mâchoire claquait a répétition, tandis que les hommes s'avançaient vers lui. Le silence était d'or. Puis, d'un accord tacite, les trois racailles s’élevèrent contre le vieil homme, le rouant de coups. De la violence gratuite, sans nul but. L'incinérateur n'avait aucune chance, son corps émacié et érodé par les âges, face a trois hommes vigoureux. Et, tandis qu'il encaissait les frappes, le criminel riait. Il riait tel un dément, le sang coulant de ses lèvres éclatées, et les larmes coulant sur ses joues. Il continuait de rire, alors qu'il était réduis a l'état misérable qu'il méritait. On lui enleva tout : sa robe de noble, sa belle capuche, sa bourse... Il ne lui restait plus rien, mis a part son surin, qu'il n'a même pas pensé a prendre... Les voyous, fiers de leurs nouvelles acquisitions, s'en emparent, et disparurent dans la nuit. L'incinérateur resta là, seul et prostré sur le sol, a demi-nu, les côtes secouées de tremblement... Puis il se mit a ramper. Oui, il se traîna, et s'extirpa de la ruelle où il avait été mis a mal. Continuant a ramper, il continuant son funeste voyage, avec à présent son seul surin comme compagnon...

Une heure plus tard, alors que l'obscurité de la nuit atteignait son paroxysme, l'Incinérateur avait enfin pu rejoindre sa destination. Avec des gestes malhabiles, il réussis a se remettre debout, et s'avança, titubant, vers la porte d'une bâtisse anonyme. Il frappa à la porte, trois coups secs. Elle s'ouvrit, et dévoila un homme gigantesque. Il était immense, musclé et taillé comme un barbare. Nul mot ne fut prononcé, l'Incinérateur hocha la tête dans sa direction, et lui tendit le surin empoisonné. L'homme le pris... Et referma la porte derrière le vieil homme. Deux heures plus tard, une silhouette massive et imposante, émergeait de ce bâtiment, le surin a la main, et une forte conviction dans le regard, tandis qu'il s'avançait vers sa destinée.

Un cri. Une pure expression de douleur et de souffrance. Il ne semblait pas humain, et pourtant l'était. Un cri déchirant, semblable a celui d'un bête a l'agonie. Il exprimait la rage, la tristesse, la peur. Un tourbillon d'émotions négatives. Et, dans cette tourmente, l'homme se perdait. Sans points de reperes, il commençait à sortir de la réalité. Peu à peu, il s'exilait en dehors de son corps.

Et, a ce opposé, un rire. Un rire de joie, de plaisir, d'extase. Tant d'émotions positives qu'une pudibonde en serai dégouté.

Mais ces deux cris provenaient de la même pièce. Celle-ci était nue, sans ornements. On n'y trouvait guère plus qu'un homme enchainé à une table, les vêtements en lambeaux. A ses cotés, un plan de travail, agrémenté de subtils outils à l'utilisation indéterminée. Scalpels, tenailles, pinces... Non loin, on pouvait entendre un rat courir, fou, dans une cage.
Et, debout près du supplicié, on pouvait discerner un homme d'âge très mur, ses cheveux blancs et sales plaqués contre la tête. Il était emmitouflé dans une robe, faîte dans un sac en toile. Ses traits était déformés par la rage, en contraste avec les rires qu'il poussait, à gorge déployée.
L'homme séquestré saignait de multiples plaies. Ses cheveux ont été rasés, comme le prouvait leur présence au sol. Il avait l'air absent, ne réagissant plus aux mauvais traitements infligés par l'homme. Le vieux, lui, se plaignait. Il parlait seul, tandis qu'il prenait son pied, infligeant les pires supplices a un pauvre hère. A croire ses dires, l'Incinérateur arrivait toujours a ses fins. Et Andreï Caref, allongé sur la table, subissait sa vengeance.

Le poison foudroyant n'avait pas eu l'effet escompté. Au lieu d'une morte instantané, il avait paralysé sa victime, durant de précieuses heures. C'est a vrai dire, une bien meilleure issue a cette histoire. La montagne, a l'aide du surin, avait poignardé le Vicomte, alors que celui-ci venait prendre des nouvelles du pyromane. Il l'avait cueillit dans la ruelle d’à coté, lors de sa sortie. Simple, et efficace. A présent, Caref ne pouvait que s'en prendre a lui même : on ne doublait pas l'Incinérateur, et l'homme payait chère sa traitrise. Oui, Hoeffrey Georgs arrivait toujours à ses fins.