La boucle est bouclée

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Message par Leizen Mar 18 Juin 2013 - 22:01

Je pars.
Quand l'horloge me cueille au dépourvu et que je me retrouve à devoir expédier des corvées importantes le matin, moi qui ne suis tranquille que la nuit ... j'ai l'impression que les aiguilles tournent à l'envers. La paresse, l'ennui et un reste d'oblomovisme un peu snob condamnent mes aurores industrieuses à demeurer dans cette étrange dimension antihoraire où les choses se défont spontanément dès qu'on les quitte un instant des yeux. Le fil du temps ne tient que par ma volonté vacillante ; et je sais, par avance mais avec un peu de retard, que viendra (est venu ?) le temps où, de guerre lasse, je m'enfouirai sans plus résister dans le fatras inconséquent des minutes et des mois et des secondes. Demain, 19 du sixième mois de l'An 33, ou quelque autre jour qu'auront choisi les autorités compétentes (mayas, Obama, millénaristes cathares ...) pour mon apocalypse ordinaire, tout l'édifice des secondes trop pleines et des heures vides s'écroulera par blocs. Dans le chaos des sédiments éternels, des restes de reste, on retrouvera pêle-mêle les fragments de rapports d'enquête, des ébauches de refontes tantôt réussites, tantôt avortées, et les vestiges de ma brève existence à la garde de Sa Majesté.

Je regarde la chaîne de bronze de ma montre à gousset qui pend à mon poignet frêle, comme les algues chevelues sur le cadavre de ces mammifères marins qui ont toujours l'air simultanément obèse et rachitique, avec leurs ventres bombés et leur appendices cartilagineux découpés au laser. Je regarde l'aiguille, et je la devine qui me nargue. Je SAIS qu'elle tourne à l'envers. Seulement, y'a jamais moyen de la prendre en flag' ! Dès que je la regarde, la trotteuse a comme un abandon branlant qui m'arrête le cœur un instant. Et sous mes yeux incrédules repart dans le bon sens, comme de juste. Le monde a des allures de conspirateur vaudevilliste, et mon nez sature dans les vents nidoreux de la traîtrise. Un ennemi mortel en tout et en tous. Ça sent le miel dans ma chambrée, pire qu'au pied d'une ruche gavée de sucre. Dès que j'aurai le dos tourné, les butineuses lésées me tomberont sur le coin de la tête. Mais pour l'heure, je veille. Un coup d’œil inquiet derrière mon épaule ... ce n'est rien. Juste la porte battante de ce vieux casier à la ferraille meurtrie par les poings de Coolidge, vide depuis peu, qui grince de mécontentement. Je finis mes sacs.

De nombreux chiffons. Immaculés. 5 chemises, ou 15 chemises, ou 30 chemises, bleuies, rigides, bien empilées dans l'ennui de leur amidon. Comme des petits cadavres dans la chaux vive. Un insigne de Commandant volé, en souvenir, au bureau des officiers, à un jet de la bouteille de bourbon d'Hëdwe. Tout y est. Ma place de dortoir est presque vide, et ma valise va bientôt la boucler. La Kawatière va bientôt la boucler. Les Citoyens, pour beaucoup égocentriques et analphabètes, marchants de fumisteries vont bientôt la boucler. Et Hurlevent avec.

Ma lettre de démission est finie. Les heures ne m'ont pas mangé, et les aiguilles repartent dans le bon sens. 13 heures sonnent, même. Ce qui me ramène, enfin, au début. Où en étais-je ? Ah oui ...
Je pars.
Leizen
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