C'est l'histoire d'un gnome

D’aucuns l’auront remarqués, Zillimac Toc avait tout d’un gnome particulier et excentrique. Mettons de côté son physique avantageux, son esprit brillant et ses réflexions pertinentes, oublions un peu ses célèbres diatribes, ses argumentations enflammées et ses discours mémorables, occultons sa gentillesse, sa générosité et son altruisme, pour nous focaliser sur lui. Ou du moins, sur ce qui a fait de lui, ce… génie du 1er siècle diront-certains ? Bah, sa modestie le pousserait à nier, non,  plutôt ce précurseur de la science moderne, ce visionnaire de la révolution technologique. Mais qu’est –ce qui a fait de ce gnome, ce pionnier de l’ingénierie ?

*Tourbillon qui vous fait revenir dans son enfance*

« Mieux mieux, je fabriquerai un oiseau mécanique qui ira me chercher des vers pour aller pêcher ! Non mieux, je fabriquerai directement un ver mécanique pour la pêche ! Non j’ai trouvé ! Je vais concevoir directement des poissons mécaniques ! Oh oui oui oui ! »

Son père le regarda doucement, d’un air bienveillant, les deux mains jointes sous son menton. Il était assis sur son fauteuil, une pipe éteinte à la bouche, deux petites lunettes perchées sur son nez et une barbe broussailleuse qui lui mangeait la moitié du visage.

« Et quel intérêt aurait la pêche Xillimac si tout devient robotisée ? Il faut laisser parfois la nature reprendre ses droits, et de manière impétueuse et imprévisible, nous surprendre. Tu comprends ?

Xillimac regarda son père en se grattant le crâne, assis à même le sol. La moustache qu’il lissait continuellement n’existait pas encore, ainsi que sa barbe en pointe. A la place se trouvait une petite bouille imberbe et innocente, qui gigotait dans tous les sens.

- Euh… oui, tu as raison ! Une rivière mécanisée, ça ça serait le pied ! »

Le père poussa un soupir, puis se remit à la contemplation de son journal. Les nouvelles n’étaient pas réellement bonnes. La guerre devenait le quotidien, peu de chance que cela arrive aux portes de Gnomeregan, et cela sonnait comme un conflit lointain pour la petite cité gnome. Walter Toc, car tel était son nom, était professeur. Du moins c’était ce qu’il avait toujours dit à son fils, mais de là à savoir ce qu’il enseignait. Néanmoins c’était avec fierté, bombant le torse que Xillimac assénait à ses amis : « Mon père moi, il est professeur ».  Puis, les autres se moquaient de lui :

« Ouais, c’est un littéraire ! », « Il vit dans le passé ! », « La seule chose qu’il a jamais inventé, ce sont ses horribles lunettes ! ». « Bibliothécaire ! Bibliothécaire ! Bibliothécaire ! ».

Alors Xillimac rentrait chez lui, fustigeant son père d’un regard acerbe, se remettant en tête des inventions improbables.

« Une machine qui multiplie les pièces d’or… oh oui, pour devenir riche et payer un monstre qui les mangera !

- Une machine pour reproduire de la monnaie… Le père se permit un petit rire, mon fils, non… il faut travailler dur pour gagner de l’argent et, petit à petit, nous faisons fructifier un patrimoine nous permettant de vivre comme il faut. »

Un regard dépité, un soupir exaspéré, il sifflait alors entre ses dents : « Un jour, vous verrez. »