L'ivrogne prolixe.
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L'ivrogne prolixe.
Nouvelle-Hurlevent.
Fin d'après-midi, on s'ennuie.
Quelqu'un erre. Vous errez ?... ça s'pourrait. L'oisiveté amène bien souvent à faire d'étranges rencontres, lorsqu'on traine trop tard aux abords des tavernes.
" Vous, oui vous. Pas vous, vous, làààà. Nannnn. Nan, l'autre. Oui toi. V'nez don' à 'ma tab'. Asseyez-vous ici, là, non ici, hips ! Voulez pas êt' à ma tab ? Tant pis hein...vous z'avez rin d'aut' à faire que d'm'écouter, toute fazon."
La nuit est tombée depuis plusieurs heures, et cet étrange grouillot aux allures de vieux marin est toujours assis en face de lui. Ou d'elle, ou de vous, qui s'en soucie.
Oh il puait fort le brandy maintenant. Sans parler de ses vêtements: ils n'avaient sans l'ombre d'un doute pas vu un savon depuis quelques mois au moins, et c'était peu dire.
En bref, ce sac à vinasse avait beau avoir une lueur particulière dans le regard; un de ces "je ne sais quoi" qui fait qu'on se retrouve assis en face de ce type de bonhomme; il n'en restait pas moins que c'était un spectacle à la fois pitoyable et insoutenable, au moins physiquement. Une heure sonnait. Le plus patient des morts serait parti sur le champ, excédé par une telle perte de temps avec pareil énergumène, quand l'aviné fit soudain signe d'attendre : ou plutôt, il posa d'un bloc son bras et sa bouteille sur la table en hêtre, l'index décollé du goulot pointant vers son auditeur. La bouteille enfin vidée, la langue de l'ivrogne se délia, par on ne sait quel miracle. Il était temps, n'importe qui de normalement constitué aurait fini par partir, ou au moins rendre son diner à ce train là, à attendre devant ce tas...cet... ça.
Mais là, aussi incroyable que cela puisse paraître; à moins que ce ne soit les vapeurs mélangées qui exhalaient de sa carcasse et qui altéraient votre sens de la perception; son élocution vous parait subitement fluide. Un vrai fou, un vrai miséreux et totalement marteau qui plus est, mais s'exprimant dans un commun parfait : ça commençait à vous manquer, à Hurlevent. Pas la moindre erreur de diction, si ce n'est un petit accent gilnéen.
Vous pourriez partir, mais maintenant qu'il a commencé à parler, autant écouter. Au pire des cas, vous vous endormirez avant l'aube. Et au point où vous en êtes...
"Aux dires d'une infime minorité des habitants de Surwich, le "manoir aux loups" n'est rien de plus qu'une ruine à l'abandon, n'est-il pas, et son histoire une vieille légende pour vieux fou; ou un conte tout juste bon à effrayer les enfants refusant d'avaler leur soupe, enfin c'est selon.
Il est un fait intéressant toutefois : Si l'on dit "infime minorité des habitants", ce n'est non pas parce que peu de gens y croit, mais bel et bien parce que peu accepteraient en vérité de vous en dire deux mots, ou du moins sans avoir à cracher trois fois par terre ou prendre rendez-vous avec le prêtre du coin pour se protéger du mauvais sort. Je dis. En fait, tous préfèreront vous ignorer et/ou ignorer vos questions, vous voyez ?
Ce "manoir", me direz-vous. Et bien, qu'avait-il donc de si particulier ? Son ancien propriétaire.
En fouillant les archives de l'hôtel de ville, la réponse tiendrait en deux mots: Lendrith Recellson. D'aucuns laissaient entendre, fut un temps pas si lointain , qu'il avait sinistre réputation- le manoir, pas l'ex-propriétaire, quoique...- et qu'il était hanté par des spectres. "Trois.", vous diront les champions de la boisson une fois arrosés de Brandy, au sortir des tavernes de la petite colonie.
"Mais ch'est fini maint'nant, depuis quat', chinq, shix mois shinon plush." qu'ils vous diront comme ils me l'ont dit.
Auparavant, on évitait d'aborder le sujet à l'hotel de ville, on refusait d'en parler au marché, on s'interdisait d'en parler tout court, entre citadins. Aussi, nul besoin de préciser qu'on éludera la question auprès des nouveaux-arrivants en ville. De même, il va de soi que les nouveaux propriétaires du manoir -s'il y en a un jour- seront sans doute les derniers avertis. Mais qu'importe !
Qu'importe, oui, puisque plus rien n'était arrivé d'étrange depuis cinq, peut-être six mois. les bruits lugubres et les hurlements; que les plus pragmatiques attribuaient à tort au vent soufflant dans les froides cheminées délabrées de la bâtisse; les ombres furtives devant les fenêtres, les rumeurs d'apparitions de loups rapportés par des gosses trop curieux, tout ce bazar pas très accueillant, tout s'était évanoui du jour au lendemain.
Seuls les pêcheurs s'en contrefichaient, ils n'allaient jamais du côté du manoir beaucoup plus éloigné de la côte, vers la forêt de Roncever, forêt qui préoccupait d'ailleurs plus le maire que cette histoire de fantôme à dormir debout. Pourtant tous les citoyens de Surwich y allèrent de leur propre petite interprétation.
L'ancien propriétaire se serait suicidé pour certains, et les spectres auraient donc rejoint la Lumière, libéré du devoir de hanter sa demeure. Pour d'autres, persuadés que ce gilnéen pur sang ne mourrait pas avant d'avoir vu la réhabilitation totale de Gilneas, il était sans doute encore vivant quelque part et la malédiction qui planait sur le manoir serait tout simplement partie à sa recherche. Avec le temps, l'histoire s'effacerait pour laisser place à d'autres ragots... et il y en a de drôles... Passons. Car ce qui importe pour les citadins et les pêcheurs, c'est que depuis l'hiver dernier, les cris de corbeaux, les disparitions de sacs de poissons frais et les hurlements de loup-pas de worgen, de loup, faites confiance aux gilnéens sur place pour différencier les deux- ont définitivement cessés.
...j'ai dit disparitions de poissons ? Attendez, que je vous raconte ce qu'on dit sur ces loups qui hantent ce manoir ! C'était un soir de tempête, et l'orage grondait... "
Fin de matinée, on se réveille.
Le tavernier aura laissé partir l'ivrogne un peu trop prolixe, et la note est pour vous, fourré à votre ceinture. Cette histoire de fou vous aura coûté cher, dont un brandy hors de prix.
Se souvient-on seulement de quoi il était question ?
Une histoire de poisson hanté par des loups, quelque chose comme ça. Bah ! Allez donc vous reposer, vous avez probablement respiré quelque chose d'illicite à votre insu, voilà tout.
Lendrith- Citoyen
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