[Fiche d'identité] Talhin Flytherson
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[Fiche d'identité] Talhin Flytherson
Titre : Caporal
Nom : Flytherson
Prénom : Talhin
Surnoms : /
Classe : Combattant au corps à corps, guerrier
Age : Dix-huit ans, né le 16 octobre de l'an 16
Lieu d'origine : Val d'est, dans la forêt d'Elwynn
Apparence
La peau hâlée par le soleil, la musculature sèche et développée, les main calleuses malgré son jeune âge, il ne fait aucun doute quant aux origines de cet individu. Talhin est un fermier, un ouvrier, en somme : un homme du peuple.
Récemment âgé de dix-huit ans, il affiche un visage aux traits simples et peu raffinés. Ses traits oscillent entre l'adolescent qu'il était et l'adulte en devenir. Son regard respire l'honnêteté et la loyauté. Un nez épaté, à l'arête épaisse, orne le centre de son visage et surplombe une bouche aux lèvres chaleureuses. Talhin n'est pas avare en sourires ni en bonne humeur.
Sa chevelure rousse est coupée courte. La nuque est dégagée, ainsi que son front, afin qu'il ne soit pas gêné durant l'exercice de ses fonctions. Une fine toison recouvre son torse, flamboyante comme sa chevelure.
Talhin est rompu aux tâches physiques et au labeur en plein air. Son buste est large et ses mains sont aussi fortes qu'abîmées par le quotidien de fermier. Bien proportionné, il n'excède cependant pas la taille moyenne des humains.
Signes particuliers : Aucun
Alignement : Loyal - Bon
Pouvoirs : Aucun
Récemment âgé de dix-huit ans, il affiche un visage aux traits simples et peu raffinés. Ses traits oscillent entre l'adolescent qu'il était et l'adulte en devenir. Son regard respire l'honnêteté et la loyauté. Un nez épaté, à l'arête épaisse, orne le centre de son visage et surplombe une bouche aux lèvres chaleureuses. Talhin n'est pas avare en sourires ni en bonne humeur.
Sa chevelure rousse est coupée courte. La nuque est dégagée, ainsi que son front, afin qu'il ne soit pas gêné durant l'exercice de ses fonctions. Une fine toison recouvre son torse, flamboyante comme sa chevelure.
Talhin est rompu aux tâches physiques et au labeur en plein air. Son buste est large et ses mains sont aussi fortes qu'abîmées par le quotidien de fermier. Bien proportionné, il n'excède cependant pas la taille moyenne des humains.
Signes particuliers : Aucun
Alignement : Loyal - Bon
Pouvoirs : Aucun
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Caractère
Talhin est un bon vivant. Il aime plaisanter, sourire et partager sa bonne humeur. Parfois léger, il sait cependant se tenir lorsque la situation ne se prête pas à l'humour et que le sérieux est de rigueur. Malgré son âge, beaucoup de choses lui sont encore inconnu. Il est curieux de tout et ne cache pas sa passion pour l'apprentissage. Il a le cœur sur la main et n'hésite pas à venir en aide à son prochain. Malheureusement, il est sujet à une certaine naïveté, celle de l'homme qui n'a pas encore connu les affres de la vie.
Certains pourront le qualifier d'esprit léger, mais ce serait bien mal connaître le jeune homme que de s'attacher uniquement à son air tête en l'air. Talhin est plein de bonne volonté. Il sait rester à la place qui est la sienne. Loyal, il est respectueux de la hiérarchie et prends les tâches qu'on lui confie avec sérieux. Il ne baisse pas les bras et persévère tant qu'il le peut, parfois trop.
Qualités :
Défauts :
Certains pourront le qualifier d'esprit léger, mais ce serait bien mal connaître le jeune homme que de s'attacher uniquement à son air tête en l'air. Talhin est plein de bonne volonté. Il sait rester à la place qui est la sienne. Loyal, il est respectueux de la hiérarchie et prends les tâches qu'on lui confie avec sérieux. Il ne baisse pas les bras et persévère tant qu'il le peut, parfois trop.
Qualités :
- Loyal
- Bienveillant
- Honnête
- Persévérant
- Humble
Défauts :
- Un peu naïf
- Têtu
- Parfois tête en l'air
- Superstitieux
- Farceur
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Bref historique
- Talhin est né en automne, il y a dix-huit ans de cela, au val d'est de la forêt d'Elwynn.
- Ses parents étaient fermiers, spécialisés dans l'agriculture du chou et l'élevage des chèvres. C'est tout naturellement qu'il les aida à s'occuper de la ferme dès qu'il fut en âge de le faire.
- Il a passé une partie de son enfance en compagnie de ses deux cousins, Leosert et Hethis, avant que ceux-ci n'aillent habiter à Hurlevent, à l'âge de dix ans, pour finalement rejoindre la marine au service du roi quelques années plus tard.
- Talhin a eu la chance d'apprendre à lire et à écrire lorsque ses parents se lièrent d'amitié à un mage de passage dans le val qui se rendait à la tour d'Azora.
- En début d'avril de l'an 34, ses parents périrent, tués par des orcs rochenoirs qui s'étaient aventurés dans la forêt en quête de pillage. Talhin fut sauvé grâce à l'intervention des gardes du royaume.
- N'ayant plus ni ferme, ni parents, il considéra néanmoins avoir une dette envers Hurlevent, ce qui le poussa quelques jours plus tard à intégrer les rangs de la garde.
Découvrable (en fouillant dans les archives diverses par exemple) : /
Secret (infos purement hrp) : Il déteste les citrouilles décoratives de la Sanssaint, parait-il qu'il en a peur. « Une citrouille, c'est fait pour être mangée. Pas pour y graver des visages dégueulasses. Sans déconner, virez ça de là, parce que moi dès que vous allez avoir le dos tourné je vais l'éclater par terre .»
Secret (infos purement hrp) : Il déteste les citrouilles décoratives de la Sanssaint, parait-il qu'il en a peur. « Une citrouille, c'est fait pour être mangée. Pas pour y graver des visages dégueulasses. Sans déconner, virez ça de là, parce que moi dès que vous allez avoir le dos tourné je vais l'éclater par terre .»
Dernière édition par Talhin Flytherson le Mer 8 Oct 2014 - 16:06, édité 4 fois
Pytt- Citoyen
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Re: [Fiche d'identité] Talhin Flytherson
- Je remercie Meishali alias Haneath Lilac pour ce merveilleux portrait. -
Dernière édition par Talhin Flytherson le Lun 9 Juin 2014 - 22:32, édité 2 fois
Pytt- Citoyen
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Re: [Fiche d'identité] Talhin Flytherson
Dernière édition par Talhin Flytherson le Mer 8 Oct 2014 - 16:21, édité 1 fois
Pytt- Citoyen
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Re: [Fiche d'identité] Talhin Flytherson
25/04/34 - 10 jours après recrutement
Lorsque Talhin se réveilla, se fut avec un mal de crâne qui lui tint compagnie jusqu'à la fin de la matinée. L'aube pointait à peine le bout de son nez et il eut le loisir de remarquer la présence du commandant dans l'infirmerie, proche de son lit. Il essaya de rassembler ses idées mais il avait du mal à se souvenir des événements de la veille. Le port, un incendie, une anguille, des tonneaux, de l'huile... Il lui fallut faire preuve de bon sens pour écarter l'idée de la grillade estivale.
Oh, il s'en voulait, et c'était peu dire. Il songea un moment à s'excuser auprès du commandant pour se maladresse mais il lui fallut reconnaître que la vieille lionne se passerait volontiers de ses balbutiements et qu'elle n'avait pas besoin d'une recrue faisant la sole à ses pieds après l'évasion presque réussit de l'homme-anguille.
Il ravala sa fierté en même temps qu'il mit sa culpabilité de côté et se glissa hors du lit en saluant sa supérieure qui de toute façon n'allait pas tarder à disparaître pour aller chercher son précieux clairon. Des actes avant les mots, pensa-t-il en regardant la rouquine quitter l'infirmerie. Et il sourit.
05/05/34 - Moins d'un moins après recrutement
- Ne me regarde pas comme ça. Je n'ai pas vraiment le choix.
Talhin renversa sa tête en arrière en poussant un grognement. Il se tenait assit dans les écuries, à côté de sa jument.
Le cheval piétina la terre meuble de sa stalle et secoua sa crinière. Visiblement, elle semblait avoir moins d'intérêt pour les propos du jeune homme que pour la carotte qu'il lui avait donné à déguster deux minutes plus tôt.
- Tu me comprends, non ? reprit Talhin. Nous ne sommes plus à la ferme. C'est différent maintenant.
Pour toute réponse, la jument fouetta l'air avec sa queue pour chasser quelques nuisibles bourdonnant. Talhin était fier de cette bête et il en prenait grand soin. C'était tout ce qu'il lui restait depuis que ses parents avaient été tué par des pillards orcs en maraude et que leur ferme avait été brûlé, un mois plus tôt. Avant d'entrer au service du roi comme son maître, la jument passait ses journées à tirer une charrue ou un chariot plein de marchandises. Elle était robuste même si elle n'avait pas l'élégance des autres chevaux du régiment.
Talhin s'étira et passa une main sur son visage. Il attrapa un brin de paille pour le coincer entre ses dents et croisa ses bras derrière sa tête, pensif. Il jeta un coup d’œil au parchemin vierge qui se trouvait à côté de lui, sur sa gauche, ainsi qu'à l'épais volume pompeusement intitulé Codex des crimes et des délits.
- D'un autre côté, si mes supérieurs m'attrapent...
Il gémit. La décision n'était pas facile. Il hésita un instant à lancer le livre contre la palissade en bois de l'écurie. La jument s'ébroua et tourna son museau vers lui en soufflant par les naseaux. Elle agita ses oreilles d'un côté, puis de l'autre, et reporta mollement son attention sur ce qu'il se passait devant la caserne.
- Tu pourrais m'aider quand même.
Talhin fixait le cheval en mâchonnant son brin de paille, comme s'il s'attendait à ce que l'animal lui réponde. Ce qui n'advint pas. Il laissa finalement retomber ses bras le long de son corps, dépité, et s'empara du parchemin et du codex pour les poser sur ses genoux. Tout en fouillant sous son tabard en quête d'un crayon, il essayait de se convaincre que cette solution était la meilleure. Du moins pour le moment.
- L'autre fois, c'était un coup de chance. Notre devise et l'article 22-bis... Ça ne marchera pas à tous les coups. Au moins, si on m'interroge sur d'autres lois, je saurais répondre.
Il déchira un bout de parchemin, ouvrit le livre et commença à recopier scrupuleusement le numéro et l'intitulé d'une loi. Lorsque ce fut fait, il roula le morceau et le glissa dans son gantelet droit. Il observa le cuir du gantelet un moment, songeur, et réitéra la manœuvre en écrivant directement sur le cuir cette fois.
Il sourit, fier de son idée.
- Je n'aurais qu'à bien les cacher, dit-il en observant ses premières anti-sèches. Aucun risque de me faire prendre avec ça.
13/05/34 - Un mois après recrutement
Il y a ceux pour qui tuer est devenue une routine, pour qui ôter la vie d'un homme est aussi facile que mordre dans le pain. Et puis il y a les autres. Ceux qui ne s'y feront jamais, qui n'en ont pas le courage, et ceux pour qui c'est la première fois. Pour Talhin, cette première fois n'avait pas un goût doux et sucré, elle n'avait pas été grisante et il n'en retirait aucune fierté. Il avait tué un homme et c'était tout ce qu'il retenait. Un violeur récidiviste qui dans un dernier élan de folie en voyant le billot auquel il avait été condamné, s'était précipité sur Kate malgré les chaînes qui lui entravaient les poignets. La guerrière n'avait eu qu'à lever l'épée qu'elle tenait pour que le mastodonte en furie s'empale sur la lame; et Talhin, de voler au secours de sa camarade, s'était jeté dans le dos de l'agresseur pour le rouer de coups avec son arme jusqu'à ce que mort sans suive.
Puis, il y eu une sans-abris, une errante armée d'un fusil qui avait tenté de tirer sur le sergent Stolen. Elle fut tué sur-le-champs par Kate, sous les yeux de Talhin. C'était la troisième exécution à laquelle assistait le jeune homme depuis le début de l'après-midi. Le bûcher n'avait pas désemplit et, alors que le manteau nocturne avait jeté son dévolu sur Hurlevent et ses toits multicolores, une odeur de chair brûlée alourdissait l'air autour de la caserne.
Lorsque Talhin mit fin à son service pour gagner les dortoirs communs, Kate Bonham et le capitaine Stolen mettait fin aux crimes d'un quatrième séditieux par le fil de l'acier. Pour la première fois depuis qu'il s'était engagé dans les rangs de la garde, le jeune homme n'éprouvait ni fierté, ni bonheur. Bien sûr, il ne doutait pas un instant du bien fondé de ces actes, de la justice solide qui ne pliait pas devant les criminels, mais il n'arrivait pas à se débarrasser de la boule qui nouait son estomac. Il avait tué, oui. Ce n'était pas un orc, ni un gnoll, mais un humain. Des humains. Les paroles de Sierra lui revinrent en mémoire : «Il y a des monstres aussi parmi les humains.»
Le reste de la nuit fut difficile. Il eut du mal à trouver le sommeil. Et quand bien même... Il revoyait encore et encore cet homme se jeter sur l'épée de Kate, sa propre épée tâchée de sang et le dos lacéré du criminel. Mais ce qu'il ne s'avait pas, ce qui était peut être bien pire que tout cela, c'est qu'un jour il finirait par ne plus être affecté.
20/06/34 - Deux mois après recrutement
Bientôt deux mois que Talhin s'était engagé à défendre Hurlevent. Deux mois et il s'en était passé des choses depuis son intégration.
Chaque événement, chaque découverte avait permis au jeune homme d'accroître son expérience. Les divers entraînements auxquels il se soumettait commençaient à porter leurs fruits. La balle du fusil atteignait plus souvent son centre, le tranchant de son épée trouvait la faille dans la garde ennemie avec plus de facilité et les rapports étaient écrit avec plus de rapidité et de clarté. Comme l'on forge un rouage pour qu'il s'imbrique parfaitement avec le reste de la mécanique, Talhin se forgeait, évoluait et changeait. Ce n'était rien de spectaculaire et lui-même ne s'en apercevait pas, mais son quotidien se muait en routine; qu'il arrivait encore à égayer de quelques bourdes. Mais pour un homme de sa simplicité, c'était dans la répétition qu'il trouvait le confort.
Sa soif de connaissance ne semblait jamais vouloir se tarir. Il apprenait dès que l'occasion se présentait. Récemment il s'était mit à l’arithmétique, arguant qu'il ne pouvait plus la fuir maintenant qu'il s'impliquait plus sérieusement dans l'intendance. Il n'excellait pas au maniement du fusil qu'il commençait déjà à lorgner sur les arcs et les arbalètes !
Et pourtant ses professeurs pouvaient en témoigner : Talhin n'était pas un rapide à l'apprentissage; mais sa rigueur et sa persévérance faisaient ses forces.
30/06/34 - Trois mois après recrutement
Quatre mois étaient passés depuis que Talhin avait intégré les rangs de la garde de Hurlevent. Quatre mois qu'il avait quitté la forêt d'Elwynn et ses campagnes pour se mêler à l'activité grouillante de la ville. Les champs fertiles avaient fait place aux boulevards pavés, le bruit des sabots foulant les rues avait remplacé le claquement des haches contre les arbres et les effluves de fumier ne pouvaient rivaliser avec la farandole d'odeurs qui pullulaient entre les bâtiments. C'étaient deux mondes différents, séparés par les remparts qui entouraient Hurlevent.
Talhin était plein de ressources ; il s'était adapté rapidement à cette nouvelle vie. Il ne se levait plus avec le chant du coq mais celui du clairon. Le matin, s'il pataugeait toujours dans la boue, ce n'était plus pour semer des choux et rassembler les chèvres mais pour entraîner son endurance et sa coordination avec les autres gardes. Il ne brandissait plus la bêche mais l'épée. Son quotidien était éprouvant mais le jeune homme était né pour s'épuiser à la tâche. Il en retirait même une nette satisfaction, celle du devoir accomplit.
Travailler pour l'intendance l'avait aidé à prendre ses repères plus facilement. Gérer les stocks d'équipements du régiment n'était guère différent de son travail à la ferme avec ses parents lorsqu'ils faisaient l'inventaire des réserves. Les tâches n'étaient pas aussi prestigieuses que celles des services d'enquête et de formation mais s'il y avait bien une chose dont se souciait peu Talhin, c'était le prestige. Du moins cette forme de prestige : il n'avait pas abandonné son rêve de sauver Hurlevent des griffes d'un dragon. Il l'avait même noté sur un bout de parchemin : 1. Tuer un dragon et sauver Hurlevent, 2. Acheter une ferme de tomates et 3. Créer son propre jus de tomate.
Mais cette envie si simpliste cachait une motivation plus profonde. C'étaient les gardes qui lui avaient sauvé la vie, quatre mois plus tôt et il n'abandonnerait pas Hurlevent tant qu'il n'aurait pas remboursé sa dette, même si pour cela il devait servir les quarante années à venir. La ferme pourrait bien attendre. Et puis son temps passé aux côtés du sergent-chef lui avait fait comprendre que les femmes appréciaient nettement plus les hommes âgés.
- Et barbus... pensa Talhin à voix haute en s'observant devant le miroir de sa chambre d'auberge.
19/08/34 - 5 mois après recrutement
- J'ai été promu caporal. Talhin marqua une pause, songeur, et poursuivit. Caporal Flytherson, ça sonne plutôt bien. J'ai un nouvel insigne, forcément. Une double barre. C'est le commandant en personne qui l'a épinglé pour l'occasion, et devant tout le régiment ! Ou presque. Le chef aussi a été promu. Désormais c'est lieutenant Shephard. Je pense que tu l'apprécierais, p'pa.
Le soleil de midi perçait à travers la ramure des chênes et des ormes qui étendaient leurs feuillages au-dessus du cimetière tels d'éternels gardiens du calme. Le mémorial de lordaeron se dressait au fond du décor, implacable; il se dégageait de lui un sentiment d'austérité comme si le sculpteur était parvenu à capturer l'âme des défunts dans son ouvrage, comme si la pierre elle-même était chargée de toute la volonté des humains et qu'elle chuchotait à ceux qui se recueillaient : Nous sommes morts, mais nous n'abandonnerons jamais. Un jour, nous aurons notre honneur. Fouler ces pavés avait toujours eu quelque chose d'étrange. Les morts étaient maîtres de l'endroit, maîtres dans leur inertie. Il était bien difficile d'ignorer ce sentiment de paix auquel se mélangeait la mélancolie, parfois l'angoisse, la tristesse, le soulagement ou la colère. Il était étrange qu'un tel lieu, pourtant mort, parvenait à faire vibrer la vie au travers de ces émotions. Le poète avait raison : c'est face à la mort que l'on se sent le plus vivant.
Talhin était assit dans l'herbe devant deux modestes pierres tombales. Il n'aurait su dire depuis combien de temps il leur faisait face. C'était toujours la même chose lorsqu'il se trouvait ici, il ne comptait pas le temps qui passe. Une fleur blanche trônait dans un vase longiforme en verre. Le jeune homme en apportait une nouvelle dès que l'ancienne perdait de sa superbe. Les pierres tombales étaient propres : pas de mousse grimpante ni de poussière ou de toiles d'araignées.
- Il est un peu comme toi, mais pas vraiment. On dirait plutôt grand-père avec sa manie des moustaches. Je crois qu'il veut que je m'en laisse pousser une. Talhin releva la tête pour observer les branches qui lui faisaient de l'ombre. En fait, il me l'a déjà demandé. Ça lui va plutôt bien à Clayton, il a presque mon âge, mais je préfère attendre. Plus tard. Lorsque j'aurais une ferme et une femme.
Une brise légère effleura l'étendue d'herbe verte et fit frémir le chêne, ramenant Talhin à la contemplation des deux pierres tombales. Le jeune homme était propre et bien mis sur lui, comme on se doit de l'être lorsqu'on visite une cathédrale ou en l'occurrence, de la famille au cimetière. Il portait une chemise à carreaux bleus, le col ouvert puisqu'il n'avait pas attaché les deux derniers boutons, et deux bretelles brunes maintenaient son pantalon en bonne place. Ce dernier n'avait pas été travaillé d'une main d'artiste, il était d'ailleurs plutôt modeste. Talhin avait préféré mettre un peu plus d'argent dans le prix de ses bottes, une paire en cuir clair bordée d'un liseret vert buisson. Il en était fier.
- Il n'y a pas que le lieutenant que vous auriez apprécié. M'man, j'aurais aimé te faire rencontrer Maryl. Un sacré brin de femme comme dirait p'pa ! On dirait qu'elle tire constamment la tronche mais moi je sais qu'au fond, elle sourit. C'est une bonne amie et je suis sûr de pouvoir compter sur elle. Bon, elle s'irrite facilement, mais elle n'est pas méchante. Je me demande à quoi ressemble son père. Elle m'a dit que c'était un vétéran et qu'il avait dû prendre sa retraite à cause d'une blessure à la jambe. Je suis sûr que c'est une brute immense, avec une grosse barbe et une jambe de bois, et des mains capables d'écraser le crâne d'un sanglier. Ce genre là. Hethis et Leosert vont bien. Je les ai vu il n'y a pas longtemps mais ils vont bientôt reprendre la mer.
Talhin continuait de parler. C'était un rituel qu'il répétait fréquemment. Au départ il venait tous les jours devant les tombes de ses parents et puis à mesure que la peine de les avoir perdu si tôt se faisant moins dure, il avait allégé ses visites. Mais il n'y allait pas moins de trois fois par semaine. Il veillait à changer l'eau du vase régulièrement et bien nettoyer les pierres tombales.
Ça n'avait pas été facile pour lui d'accepter cette absence dans sa vie. Mais il s'était découvert un but, rembourser la dette qu'il avait envers Hurlevent comme il le clamait souvent, et le labeur l'avait aidé à surmonter la douleur.
- Vous voyez, vous pouvez être fiers. Notre nom n'a pas disparu et je ne suis pas devenu un mendiant, ni un voleur. Je vais continuer à travailler durement pour protéger la ville et peut être qu'un jour j'aurais remboursé ma dette. Quand ce sera fait, je m'achèterais une ferme et je me lancerais dans la production de jus de tomate. J'ai beaucoup appris en travaillant dans l'intendance, je serais capable de tenir un commerce. J'hésite encore sur le nom mais j'ai déjà le slogan.
Talhin fut interrompu par le son des cloches qui résonnaient au loin. Il poussa un soupire et se releva en frappant son pantalon pour le débarrasser du surplus d'herbes. Il avisa les deux tombes et sourit doucement.
- Je crois que c'est l'heure de vous laisser. Je reviendrais bientôt.
Il hésita un instant puis murmura une prière avant de tourner les talons pour s'engager dans l'allée principale.
30/09/34 - Six mois après recrutement
Caserne de Hurlevent, début de soirée
Talhin était en rang avec les autres gardes dans la grand-salle de la caserne. L'ambiance était pesante, l'atmosphère lourde, le silence presque total. Seul le bâtiment gémissait sous le poids des bottes qui foulaient son plancher et bien que constant, le bruit des chaînes que les prisonniers remuent dans les geôles du sous-sol peinait à parvenir au rez-de-chaussé.
Le commandant faisait face à ses hommes. Alors que le major avait disparu dans les escaliers qui descendaient au sous-sol, le suspens atteignait des sommets. Certains redoutaient le sermon habituel qui précédait le retour aux activités du commandant, d'autres s'étaient fait une idée de la raison d'un tel rassemblement.
C'est alors que la voix de la vieille lionne coupa court aux élucubrations de chacun.
- Que ceux qui ne s'en sentent pas le courage quittent le service.
Aucun murmure n’accueillit cette phrase. Talhin lança un regard à sa droite, puis à sa gauche avant de se pencher vers son voisin, le sémillant sergent MacLane. Ce dernier ne bougea pas d'un pouce. Il écouta sans accorder un regard à son interlocuteur ; car tous ici le savaient – Clayton en tête de liste – mieux valait ne pas contrarier le commandant.
- De quoi parle-t-elle, sergent ? Murmura-t-il.
Pas de réponse. Talhin se redressa et tourna la tête en direction des escaliers alors que le major remontait, flanquée de Khaltée. Cette fois, le doute n'était plus permis. Et pourtant, volontairement drapé dans sa naïveté, Talhin se risqua à poser une nouvelle question à Cornelius.
- On va l'escorter à la prison centrale ?
Le sergent resta silencieux. Un silence qui en disait long, car si il se refusait à répondre au jeune homme, celui-ci pouvait maintenant comprendre aisément de quoi il en retournait. Ils vont l'exécuter... pensa-t-il, alors que son cœur s'emballait.
Sous l'ordre de la vieille lionne il se dirigea comme un pantin articulé à l'extérieur du bâtiment, aux côtés de ses camarades.
Alignés dans la cour, sous un ciel noir d'encre, baignés par la caresse de la lune, le lieutenant Oliver Shephard commença à leur distribuer les fusils. Il s'arrêta devant Talhin, le fixant alors qu'il tendait l'arme à feu. Mais le jeune homme restait immobile. Son esprit était en proie à une bataille et son corps refusait de coopérer.
C'est à cet instant que la voix de Cornelius le tira de sa torpeur. Il lui demandait de quitter le rang. Le ton était sans appel.
C'est alors que Talhin remarqua le fusil tendu vers lui. Un rapide coup d’œil à son voisin de droite et il comprit pourquoi le sergent avait rompu son mutisme. Plutôt que d'entamer la distribution à tous les gardes, Oliver s'était immédiatement dirigé vers Talhin. Une bouffée de colère réchauffa sa poitrine.
Il croisa le regard de celui qu'il avait élevé en mentor. L'homme en qui il avait placé sa confiance. Un homme qu'il respectait et qui avait son admiration. Alors c'est ainsi ? songea-t-il, amer.
Leur relation s'était envenimée depuis le début de cette affaire. Le piédestal sur lequel il avait placé Oliver avait commencé à s'effriter, une semaine plutôt, lorsque le lieutenant l'avait accusé de prendre la défense de la traîtresse Raven pour les galbes de son corps. Et puis il s'était acharné à vouloir sa mort, plus que de raison selon le jeune homme. Dès lors Talhin avait commencé à cultiver une certaine rancœur à l'égard de son supérieur. Et maintenant, il lui faisait face, le fusil tendu. Il l'avait choisit lui avant tout autre. Il savait que Talhin ne supportait pas la décision de la cour martiale. Il savait qu'il ne pourrait pas mettre la main sur cette arme.
Ses pensées se bousculèrent dans son esprit.
- Espèce de... fut tout ce qu'il parvint à articuler alors qu'il tenta de se jeter sur Oliver.
La poigne de Cornelius se referma aussitôt sur son bras comme un étau.
- Une rébellion ?! vociféra le lieutenant.
Talhin tourna la tête vers Cornelius. Le quarantenaire avait le visage fermé. Son regard était froid, plus sombre que Talhin ne l'avait jamais vu. Ses traits ne dégageaient rien de sa bonhomie habituelle. Il arborait un masque.
Le ton monta entre les deux officiers. C'est à ce moment que le capitaine Stolen quitta la caserne et s'approcha de la troupe d'un pas lourd et vif. Il arracha Talhin du rang en le tirant par le bras, l'air contrarié. Lui qui n'avait pas voulu prendre part à cette histoire se voyait contraint de gérer les petites querelles de ses subordonnées. Ils n'avaient pas besoin de ça, surtout en ce moment.
C'est ce qu'il essaya de faire comprendre à Talhin en quelques mots. Mais le jeune homme n'écoutait plus. Face au trouble que dépeignait son visage, Karven le laissa retourner à l'intérieur du bâtiment d'un geste mou. Il n'avait pas le temps pour un tel sentimentalisme, pas ce soir. Ils avaient une lourde tâche à accomplir. Et qu'importe ce que pouvait penser le caporal Flytherson, ni lui ni le commandant ne prenaient plaisir à cela.
Talhin entra dans la caserne et se dirigea vers les vestiaires. Il passa la porte et s'appuya contre un casier, prit de vertiges. Jusqu'au bout il avait été persuadé que le commandant reviendrait sur sa décision. Il pensait que la sentence ne serait qu'une mise en scène pour faire réfléchir Khaltée et la mettre face à son erreur. Il ne comprenait pas et c'était cette incompréhension qui était la source de ses maux.
Lorsqu'il avait entendu pour la première fois le major Ventis dire qu'un officier ou sous-officier devait se porter volontaire pour défendre Khaltée, Talhin avait hésité. A ce moment, il n'était pas sûr de vouloir l'aider. Après tout elle avait trahit son serment, un serment auquel le jeune homme attachait une grande importance. Mais c'était aussi son devoir que de conserver une certaine neutralité : à l'état-major la décision d'une sentence, Talhin n'était pas là pour juger. Il était l'outil, pas la main.
Le temps était passé sans que personne ne se porte volontaire. Lorsqu'il entendait ses camarades parler de Khaltée c'était en des termes peu élogieux. Beaucoup éprouvaient de la rancœur à son égard et pour tous le verdict était sans appel : elle devait passer par les pics ou la corde. Selon Talhin, ce n'était pas juste. Non pas qu'il voulait l'exempter de toute punition, mais il avait bien du mal à concevoir le déroulement d'un procès équitable si le défenseur de l'accusée lui-même voulait sa mort.
C'est ainsi que le devoir prit le pas sur l'hésitation. Il avait décidé de défendre Khaltée afin qu'elle ait droit à un jugement aussi droit que possible en mettant de côté ses à priori. Ainsi, les valeurs en lesquels il croyait ne seraient pas bafouées.
Talhin déambula dans la pièce jusqu'à faire face à son casier. Il posa son front contre le métal froid de la porte.
Il avait échoué. Sa défense, pathétique, construite sur un sentimentalisme qui n'avait pas lieu d'être en cour martiale, n'avait pas tenue le choc face à la pugnacité du lieutenant Shephard. Khaltée ne l'avait pas non plus aidé alors qu'elle avait vanté les mérites de La Clef en plein procès, s'attirant les foudres de l'état-major et nourrissant la machine de guerre de Oliver.
Mais Talhin n'était pas de ceux qui abandonnaient facilement. Bien qu'atterré par la décision de la cour martiale, il avait continué de rendre visite à Khaltée. Il allait la voir régulièrement, jusqu'à une fois par jour. Il était persuadé, au fond de lui, qu'il pouvait lui ouvrir les yeux. Il savait en son fort intérieur qu'elle n'était qu'un pantin, un pion manipulé par la criminelle La Clef ; un pion qui s'était laissé abusé par de belles paroles.
Et puis il y était parvenu, avec l'aide de Cornelius. Il ne savait pas ce que le sergent lui avait raconté mais à eux deux ils avaient réussi. Ils avaient balayé l'emprise de La Clef sur son esprit. Il avait été fier, et heureux, de lire les deux lettres rédigées par Khaltée.
C'est ainsi que Talhin avait franchit une ligne dangereuse. Celle de la neutralité. Il avait commencé à éprouver de la sympathie pour celle qui un mois plus tôt était encore l'une des leurs. Il ne l'appréciait pas autant qu'il appréciait Maryl mais suffisamment pour ne pas avoir envie de la voir morte. Il agissait en humain avant d'agir en garde, la main sur le cœur plutôt que sur l'épais codex qui garantissait la paix de Hurlevent. Une erreur qui, s'il l'avait évité, l'aurait privé de bien des troubles qui l'agitaient en cet instant.
Soudain, le fil de ses pensées fut interrompu par le bruit de coups de feu. La salve de détonations se répercuta en écho dans le quartier. Le son résonnait aux oreilles de Talhin, à peine étouffé par les murs de la caserne. Le jeune homme fut prit d'un hoquet et écrasa violemment son poing contre la porte de son casier. Il ferma les yeux en essayant de se concentrer pour ne pas imaginer la scène qui venait de se dérouler à l'extérieur. Il ravala avec peine ses larmes.
Il avait échoué. Pire encore, il avait offert de l'espoir à une condamnée à mort. Il se revoyait encore face à sa cellule, la motivant à ne pas perdre espoir car lui, Talhin Flytherson, réussirait à convaincre le commandant. Elle y avait cru. Lui aussi.
Il aurait aimé pouvoir remonter le temps. Il aurait aimé mieux construire sa défense face à l'état-major et trouver les bons mots, plus tôt, pour lui ouvrir les yeux.
Mais c'était trop tard. Elle était morte. Elle n'avait prit aucune vie et pourtant, ils avaient décidé de prendre la sienne. Et pour couronner le tout, certains voyaient en lui un garçon naïf qui s'était laissé abusé par les charmes d'une traîtresse ; voilà tout ce qu'ils retenaient de son travail. Le caporal eut un nouveau hoquet. Un sentiment d'injustice nouait ses entrailles.
Il se laissa tomber sur une chaise. Le dos voûté, la tête baissée et les avant-bras appuyés sur ses genoux, il faisait peine à voir. C'est à ce moment que la voix du major Ventis retentit de derrière la porte des vestiaires.
- Flytherson ? Je peux entrer ?
Taverne du quartier nain, minuit
- C'est pas de bêtes ingrédients qu'on mélange, pour dire. Mais l'essence même des esprits qui les animent.
Le pandaren agitait ses mains en même temps qu'il parlait, comme le font les passionnés. Il se dégageait de sa robuste silhouette une forte odeur d'alcool. La discussion s'était enflammée depuis qu'il avait abordé le chapitre des bières, cette boisson si chère aux yeux de son peuple.
- Chaque chose à un esprit. L'eau, le feu, le vent, la terre, et tout ce qui y vit.
Il releva un peu le bord de son chapeau tressé de bambou et balaya le comptoir de son regard doré pour s'assurer que son public suivait bien ses explications. Il remarqua alors que le jeune humain à côté s'était de nouveau perdu dans ses pensées. Il empoigna sa bière et lui donna une tape dans le dos pour le rappeler à la réalité.
- La bière est l'union ultime de tout ça, gamin ! Le breuvage céleste et parfait !
Mais la voix du pandaren avait bien du mal à atteindre Talhin. Le rouquin était accoudé au comptoir, tête baissé, ailleurs. Le regard ancré dans les remous de sa bière, il ressassait les événements de la soirée. Tout autour de lui n'était qu'un brouhaha de voix informes. Le temps semblait comme suspendu, plié face aux tourments du jeune homme. Et rien n'arrivait à éloigner Talhin de sa morosité, pas même la bonhomie de Xuandian et son discours sur les bières, ni ce vieux nain qui les avait rejoint ou la plantureuse demoiselle qui s'était approchée du comptoir.
Aux grands maux les grands remèdes ! Le pandaren dégaina une gourde en argile de la manche de son gilet et fit sauter le bouchon de liège.
- Fabrication maison ! Je crois que l'eau de source vient de Dun Morogh. Viens par ici, Barlaf, viens la goûter ! Elle est faites à base de pacifique. On la sert normalement avant un repas, ou après. Vous allez voir, elle libère l'esprit. Elle vous donne des ailes. Au sens figuré bien sûr. Je n'ai pas encore trouvé la recette pour les vrais ailes, héhé.
Le vieux nain s'approcha de Talhin et Xuandian en tendant sa chope. Vaincu par l'obstination du pandaren à le tirer de sa morosité, le jeune homme accepta lui aussi le breuvage. Une fois qu'il les eut servit, Xuandian agita sa gourde au-dessus de sa langue en penchant la tête pour récupérer les dernières gouttes.
Talhin trempa ses lèvres dans la bière de pacifique et dès la première gorgée, son esprit s’apaisa. Le tourment de son cœur s'empêtra dans la chaleur de l'alcool. Des souvenirs chaleureux refaisaient surface à mesure que son esprit s'embuait. Il resta une partie de la nuit dans la taverne, flanqué du pandaren vagabond et du vieux nain vétéran, écoutant leurs conseils et leurs épopées.
Lorsqu'il se réveilla au petit matin, dans la paille de l'écurie aux côtés de sa jument, seules quelques phrases persistaient dans son esprit. De sages paroles et d'autres, un peu moins censées. Il se sentait le cœur plus léger et comme si cette nuit avait suffit à faire sauter un verrou, il laissa sa peine éclater et pleura à chaudes larmes.
Lorsque Talhin se réveilla, se fut avec un mal de crâne qui lui tint compagnie jusqu'à la fin de la matinée. L'aube pointait à peine le bout de son nez et il eut le loisir de remarquer la présence du commandant dans l'infirmerie, proche de son lit. Il essaya de rassembler ses idées mais il avait du mal à se souvenir des événements de la veille. Le port, un incendie, une anguille, des tonneaux, de l'huile... Il lui fallut faire preuve de bon sens pour écarter l'idée de la grillade estivale.
Oh, il s'en voulait, et c'était peu dire. Il songea un moment à s'excuser auprès du commandant pour se maladresse mais il lui fallut reconnaître que la vieille lionne se passerait volontiers de ses balbutiements et qu'elle n'avait pas besoin d'une recrue faisant la sole à ses pieds après l'évasion presque réussit de l'homme-anguille.
Il ravala sa fierté en même temps qu'il mit sa culpabilité de côté et se glissa hors du lit en saluant sa supérieure qui de toute façon n'allait pas tarder à disparaître pour aller chercher son précieux clairon. Des actes avant les mots, pensa-t-il en regardant la rouquine quitter l'infirmerie. Et il sourit.
05/05/34 - Moins d'un moins après recrutement
- Ne me regarde pas comme ça. Je n'ai pas vraiment le choix.
Talhin renversa sa tête en arrière en poussant un grognement. Il se tenait assit dans les écuries, à côté de sa jument.
Le cheval piétina la terre meuble de sa stalle et secoua sa crinière. Visiblement, elle semblait avoir moins d'intérêt pour les propos du jeune homme que pour la carotte qu'il lui avait donné à déguster deux minutes plus tôt.
- Tu me comprends, non ? reprit Talhin. Nous ne sommes plus à la ferme. C'est différent maintenant.
Pour toute réponse, la jument fouetta l'air avec sa queue pour chasser quelques nuisibles bourdonnant. Talhin était fier de cette bête et il en prenait grand soin. C'était tout ce qu'il lui restait depuis que ses parents avaient été tué par des pillards orcs en maraude et que leur ferme avait été brûlé, un mois plus tôt. Avant d'entrer au service du roi comme son maître, la jument passait ses journées à tirer une charrue ou un chariot plein de marchandises. Elle était robuste même si elle n'avait pas l'élégance des autres chevaux du régiment.
Talhin s'étira et passa une main sur son visage. Il attrapa un brin de paille pour le coincer entre ses dents et croisa ses bras derrière sa tête, pensif. Il jeta un coup d’œil au parchemin vierge qui se trouvait à côté de lui, sur sa gauche, ainsi qu'à l'épais volume pompeusement intitulé Codex des crimes et des délits.
- D'un autre côté, si mes supérieurs m'attrapent...
Il gémit. La décision n'était pas facile. Il hésita un instant à lancer le livre contre la palissade en bois de l'écurie. La jument s'ébroua et tourna son museau vers lui en soufflant par les naseaux. Elle agita ses oreilles d'un côté, puis de l'autre, et reporta mollement son attention sur ce qu'il se passait devant la caserne.
- Tu pourrais m'aider quand même.
Talhin fixait le cheval en mâchonnant son brin de paille, comme s'il s'attendait à ce que l'animal lui réponde. Ce qui n'advint pas. Il laissa finalement retomber ses bras le long de son corps, dépité, et s'empara du parchemin et du codex pour les poser sur ses genoux. Tout en fouillant sous son tabard en quête d'un crayon, il essayait de se convaincre que cette solution était la meilleure. Du moins pour le moment.
- L'autre fois, c'était un coup de chance. Notre devise et l'article 22-bis... Ça ne marchera pas à tous les coups. Au moins, si on m'interroge sur d'autres lois, je saurais répondre.
Il déchira un bout de parchemin, ouvrit le livre et commença à recopier scrupuleusement le numéro et l'intitulé d'une loi. Lorsque ce fut fait, il roula le morceau et le glissa dans son gantelet droit. Il observa le cuir du gantelet un moment, songeur, et réitéra la manœuvre en écrivant directement sur le cuir cette fois.
Il sourit, fier de son idée.
- Je n'aurais qu'à bien les cacher, dit-il en observant ses premières anti-sèches. Aucun risque de me faire prendre avec ça.
13/05/34 - Un mois après recrutement
Il y a ceux pour qui tuer est devenue une routine, pour qui ôter la vie d'un homme est aussi facile que mordre dans le pain. Et puis il y a les autres. Ceux qui ne s'y feront jamais, qui n'en ont pas le courage, et ceux pour qui c'est la première fois. Pour Talhin, cette première fois n'avait pas un goût doux et sucré, elle n'avait pas été grisante et il n'en retirait aucune fierté. Il avait tué un homme et c'était tout ce qu'il retenait. Un violeur récidiviste qui dans un dernier élan de folie en voyant le billot auquel il avait été condamné, s'était précipité sur Kate malgré les chaînes qui lui entravaient les poignets. La guerrière n'avait eu qu'à lever l'épée qu'elle tenait pour que le mastodonte en furie s'empale sur la lame; et Talhin, de voler au secours de sa camarade, s'était jeté dans le dos de l'agresseur pour le rouer de coups avec son arme jusqu'à ce que mort sans suive.
Puis, il y eu une sans-abris, une errante armée d'un fusil qui avait tenté de tirer sur le sergent Stolen. Elle fut tué sur-le-champs par Kate, sous les yeux de Talhin. C'était la troisième exécution à laquelle assistait le jeune homme depuis le début de l'après-midi. Le bûcher n'avait pas désemplit et, alors que le manteau nocturne avait jeté son dévolu sur Hurlevent et ses toits multicolores, une odeur de chair brûlée alourdissait l'air autour de la caserne.
Lorsque Talhin mit fin à son service pour gagner les dortoirs communs, Kate Bonham et le capitaine Stolen mettait fin aux crimes d'un quatrième séditieux par le fil de l'acier. Pour la première fois depuis qu'il s'était engagé dans les rangs de la garde, le jeune homme n'éprouvait ni fierté, ni bonheur. Bien sûr, il ne doutait pas un instant du bien fondé de ces actes, de la justice solide qui ne pliait pas devant les criminels, mais il n'arrivait pas à se débarrasser de la boule qui nouait son estomac. Il avait tué, oui. Ce n'était pas un orc, ni un gnoll, mais un humain. Des humains. Les paroles de Sierra lui revinrent en mémoire : «Il y a des monstres aussi parmi les humains.»
Le reste de la nuit fut difficile. Il eut du mal à trouver le sommeil. Et quand bien même... Il revoyait encore et encore cet homme se jeter sur l'épée de Kate, sa propre épée tâchée de sang et le dos lacéré du criminel. Mais ce qu'il ne s'avait pas, ce qui était peut être bien pire que tout cela, c'est qu'un jour il finirait par ne plus être affecté.
20/06/34 - Deux mois après recrutement
Bientôt deux mois que Talhin s'était engagé à défendre Hurlevent. Deux mois et il s'en était passé des choses depuis son intégration.
Chaque événement, chaque découverte avait permis au jeune homme d'accroître son expérience. Les divers entraînements auxquels il se soumettait commençaient à porter leurs fruits. La balle du fusil atteignait plus souvent son centre, le tranchant de son épée trouvait la faille dans la garde ennemie avec plus de facilité et les rapports étaient écrit avec plus de rapidité et de clarté. Comme l'on forge un rouage pour qu'il s'imbrique parfaitement avec le reste de la mécanique, Talhin se forgeait, évoluait et changeait. Ce n'était rien de spectaculaire et lui-même ne s'en apercevait pas, mais son quotidien se muait en routine; qu'il arrivait encore à égayer de quelques bourdes. Mais pour un homme de sa simplicité, c'était dans la répétition qu'il trouvait le confort.
Sa soif de connaissance ne semblait jamais vouloir se tarir. Il apprenait dès que l'occasion se présentait. Récemment il s'était mit à l’arithmétique, arguant qu'il ne pouvait plus la fuir maintenant qu'il s'impliquait plus sérieusement dans l'intendance. Il n'excellait pas au maniement du fusil qu'il commençait déjà à lorgner sur les arcs et les arbalètes !
Et pourtant ses professeurs pouvaient en témoigner : Talhin n'était pas un rapide à l'apprentissage; mais sa rigueur et sa persévérance faisaient ses forces.
30/06/34 - Trois mois après recrutement
Quatre mois étaient passés depuis que Talhin avait intégré les rangs de la garde de Hurlevent. Quatre mois qu'il avait quitté la forêt d'Elwynn et ses campagnes pour se mêler à l'activité grouillante de la ville. Les champs fertiles avaient fait place aux boulevards pavés, le bruit des sabots foulant les rues avait remplacé le claquement des haches contre les arbres et les effluves de fumier ne pouvaient rivaliser avec la farandole d'odeurs qui pullulaient entre les bâtiments. C'étaient deux mondes différents, séparés par les remparts qui entouraient Hurlevent.
Talhin était plein de ressources ; il s'était adapté rapidement à cette nouvelle vie. Il ne se levait plus avec le chant du coq mais celui du clairon. Le matin, s'il pataugeait toujours dans la boue, ce n'était plus pour semer des choux et rassembler les chèvres mais pour entraîner son endurance et sa coordination avec les autres gardes. Il ne brandissait plus la bêche mais l'épée. Son quotidien était éprouvant mais le jeune homme était né pour s'épuiser à la tâche. Il en retirait même une nette satisfaction, celle du devoir accomplit.
Travailler pour l'intendance l'avait aidé à prendre ses repères plus facilement. Gérer les stocks d'équipements du régiment n'était guère différent de son travail à la ferme avec ses parents lorsqu'ils faisaient l'inventaire des réserves. Les tâches n'étaient pas aussi prestigieuses que celles des services d'enquête et de formation mais s'il y avait bien une chose dont se souciait peu Talhin, c'était le prestige. Du moins cette forme de prestige : il n'avait pas abandonné son rêve de sauver Hurlevent des griffes d'un dragon. Il l'avait même noté sur un bout de parchemin : 1. Tuer un dragon et sauver Hurlevent, 2. Acheter une ferme de tomates et 3. Créer son propre jus de tomate.
Mais cette envie si simpliste cachait une motivation plus profonde. C'étaient les gardes qui lui avaient sauvé la vie, quatre mois plus tôt et il n'abandonnerait pas Hurlevent tant qu'il n'aurait pas remboursé sa dette, même si pour cela il devait servir les quarante années à venir. La ferme pourrait bien attendre. Et puis son temps passé aux côtés du sergent-chef lui avait fait comprendre que les femmes appréciaient nettement plus les hommes âgés.
- Et barbus... pensa Talhin à voix haute en s'observant devant le miroir de sa chambre d'auberge.
19/08/34 - 5 mois après recrutement
- J'ai été promu caporal. Talhin marqua une pause, songeur, et poursuivit. Caporal Flytherson, ça sonne plutôt bien. J'ai un nouvel insigne, forcément. Une double barre. C'est le commandant en personne qui l'a épinglé pour l'occasion, et devant tout le régiment ! Ou presque. Le chef aussi a été promu. Désormais c'est lieutenant Shephard. Je pense que tu l'apprécierais, p'pa.
Le soleil de midi perçait à travers la ramure des chênes et des ormes qui étendaient leurs feuillages au-dessus du cimetière tels d'éternels gardiens du calme. Le mémorial de lordaeron se dressait au fond du décor, implacable; il se dégageait de lui un sentiment d'austérité comme si le sculpteur était parvenu à capturer l'âme des défunts dans son ouvrage, comme si la pierre elle-même était chargée de toute la volonté des humains et qu'elle chuchotait à ceux qui se recueillaient : Nous sommes morts, mais nous n'abandonnerons jamais. Un jour, nous aurons notre honneur. Fouler ces pavés avait toujours eu quelque chose d'étrange. Les morts étaient maîtres de l'endroit, maîtres dans leur inertie. Il était bien difficile d'ignorer ce sentiment de paix auquel se mélangeait la mélancolie, parfois l'angoisse, la tristesse, le soulagement ou la colère. Il était étrange qu'un tel lieu, pourtant mort, parvenait à faire vibrer la vie au travers de ces émotions. Le poète avait raison : c'est face à la mort que l'on se sent le plus vivant.
Talhin était assit dans l'herbe devant deux modestes pierres tombales. Il n'aurait su dire depuis combien de temps il leur faisait face. C'était toujours la même chose lorsqu'il se trouvait ici, il ne comptait pas le temps qui passe. Une fleur blanche trônait dans un vase longiforme en verre. Le jeune homme en apportait une nouvelle dès que l'ancienne perdait de sa superbe. Les pierres tombales étaient propres : pas de mousse grimpante ni de poussière ou de toiles d'araignées.
- Il est un peu comme toi, mais pas vraiment. On dirait plutôt grand-père avec sa manie des moustaches. Je crois qu'il veut que je m'en laisse pousser une. Talhin releva la tête pour observer les branches qui lui faisaient de l'ombre. En fait, il me l'a déjà demandé. Ça lui va plutôt bien à Clayton, il a presque mon âge, mais je préfère attendre. Plus tard. Lorsque j'aurais une ferme et une femme.
Une brise légère effleura l'étendue d'herbe verte et fit frémir le chêne, ramenant Talhin à la contemplation des deux pierres tombales. Le jeune homme était propre et bien mis sur lui, comme on se doit de l'être lorsqu'on visite une cathédrale ou en l'occurrence, de la famille au cimetière. Il portait une chemise à carreaux bleus, le col ouvert puisqu'il n'avait pas attaché les deux derniers boutons, et deux bretelles brunes maintenaient son pantalon en bonne place. Ce dernier n'avait pas été travaillé d'une main d'artiste, il était d'ailleurs plutôt modeste. Talhin avait préféré mettre un peu plus d'argent dans le prix de ses bottes, une paire en cuir clair bordée d'un liseret vert buisson. Il en était fier.
- Il n'y a pas que le lieutenant que vous auriez apprécié. M'man, j'aurais aimé te faire rencontrer Maryl. Un sacré brin de femme comme dirait p'pa ! On dirait qu'elle tire constamment la tronche mais moi je sais qu'au fond, elle sourit. C'est une bonne amie et je suis sûr de pouvoir compter sur elle. Bon, elle s'irrite facilement, mais elle n'est pas méchante. Je me demande à quoi ressemble son père. Elle m'a dit que c'était un vétéran et qu'il avait dû prendre sa retraite à cause d'une blessure à la jambe. Je suis sûr que c'est une brute immense, avec une grosse barbe et une jambe de bois, et des mains capables d'écraser le crâne d'un sanglier. Ce genre là. Hethis et Leosert vont bien. Je les ai vu il n'y a pas longtemps mais ils vont bientôt reprendre la mer.
Talhin continuait de parler. C'était un rituel qu'il répétait fréquemment. Au départ il venait tous les jours devant les tombes de ses parents et puis à mesure que la peine de les avoir perdu si tôt se faisant moins dure, il avait allégé ses visites. Mais il n'y allait pas moins de trois fois par semaine. Il veillait à changer l'eau du vase régulièrement et bien nettoyer les pierres tombales.
Ça n'avait pas été facile pour lui d'accepter cette absence dans sa vie. Mais il s'était découvert un but, rembourser la dette qu'il avait envers Hurlevent comme il le clamait souvent, et le labeur l'avait aidé à surmonter la douleur.
- Vous voyez, vous pouvez être fiers. Notre nom n'a pas disparu et je ne suis pas devenu un mendiant, ni un voleur. Je vais continuer à travailler durement pour protéger la ville et peut être qu'un jour j'aurais remboursé ma dette. Quand ce sera fait, je m'achèterais une ferme et je me lancerais dans la production de jus de tomate. J'ai beaucoup appris en travaillant dans l'intendance, je serais capable de tenir un commerce. J'hésite encore sur le nom mais j'ai déjà le slogan.
Talhin fut interrompu par le son des cloches qui résonnaient au loin. Il poussa un soupire et se releva en frappant son pantalon pour le débarrasser du surplus d'herbes. Il avisa les deux tombes et sourit doucement.
- Je crois que c'est l'heure de vous laisser. Je reviendrais bientôt.
Il hésita un instant puis murmura une prière avant de tourner les talons pour s'engager dans l'allée principale.
30/09/34 - Six mois après recrutement
Caserne de Hurlevent, début de soirée
Talhin était en rang avec les autres gardes dans la grand-salle de la caserne. L'ambiance était pesante, l'atmosphère lourde, le silence presque total. Seul le bâtiment gémissait sous le poids des bottes qui foulaient son plancher et bien que constant, le bruit des chaînes que les prisonniers remuent dans les geôles du sous-sol peinait à parvenir au rez-de-chaussé.
Le commandant faisait face à ses hommes. Alors que le major avait disparu dans les escaliers qui descendaient au sous-sol, le suspens atteignait des sommets. Certains redoutaient le sermon habituel qui précédait le retour aux activités du commandant, d'autres s'étaient fait une idée de la raison d'un tel rassemblement.
C'est alors que la voix de la vieille lionne coupa court aux élucubrations de chacun.
- Que ceux qui ne s'en sentent pas le courage quittent le service.
Aucun murmure n’accueillit cette phrase. Talhin lança un regard à sa droite, puis à sa gauche avant de se pencher vers son voisin, le sémillant sergent MacLane. Ce dernier ne bougea pas d'un pouce. Il écouta sans accorder un regard à son interlocuteur ; car tous ici le savaient – Clayton en tête de liste – mieux valait ne pas contrarier le commandant.
- De quoi parle-t-elle, sergent ? Murmura-t-il.
Pas de réponse. Talhin se redressa et tourna la tête en direction des escaliers alors que le major remontait, flanquée de Khaltée. Cette fois, le doute n'était plus permis. Et pourtant, volontairement drapé dans sa naïveté, Talhin se risqua à poser une nouvelle question à Cornelius.
- On va l'escorter à la prison centrale ?
Le sergent resta silencieux. Un silence qui en disait long, car si il se refusait à répondre au jeune homme, celui-ci pouvait maintenant comprendre aisément de quoi il en retournait. Ils vont l'exécuter... pensa-t-il, alors que son cœur s'emballait.
Sous l'ordre de la vieille lionne il se dirigea comme un pantin articulé à l'extérieur du bâtiment, aux côtés de ses camarades.
Alignés dans la cour, sous un ciel noir d'encre, baignés par la caresse de la lune, le lieutenant Oliver Shephard commença à leur distribuer les fusils. Il s'arrêta devant Talhin, le fixant alors qu'il tendait l'arme à feu. Mais le jeune homme restait immobile. Son esprit était en proie à une bataille et son corps refusait de coopérer.
C'est à cet instant que la voix de Cornelius le tira de sa torpeur. Il lui demandait de quitter le rang. Le ton était sans appel.
C'est alors que Talhin remarqua le fusil tendu vers lui. Un rapide coup d’œil à son voisin de droite et il comprit pourquoi le sergent avait rompu son mutisme. Plutôt que d'entamer la distribution à tous les gardes, Oliver s'était immédiatement dirigé vers Talhin. Une bouffée de colère réchauffa sa poitrine.
Il croisa le regard de celui qu'il avait élevé en mentor. L'homme en qui il avait placé sa confiance. Un homme qu'il respectait et qui avait son admiration. Alors c'est ainsi ? songea-t-il, amer.
Leur relation s'était envenimée depuis le début de cette affaire. Le piédestal sur lequel il avait placé Oliver avait commencé à s'effriter, une semaine plutôt, lorsque le lieutenant l'avait accusé de prendre la défense de la traîtresse Raven pour les galbes de son corps. Et puis il s'était acharné à vouloir sa mort, plus que de raison selon le jeune homme. Dès lors Talhin avait commencé à cultiver une certaine rancœur à l'égard de son supérieur. Et maintenant, il lui faisait face, le fusil tendu. Il l'avait choisit lui avant tout autre. Il savait que Talhin ne supportait pas la décision de la cour martiale. Il savait qu'il ne pourrait pas mettre la main sur cette arme.
Ses pensées se bousculèrent dans son esprit.
- Espèce de... fut tout ce qu'il parvint à articuler alors qu'il tenta de se jeter sur Oliver.
La poigne de Cornelius se referma aussitôt sur son bras comme un étau.
- Une rébellion ?! vociféra le lieutenant.
Talhin tourna la tête vers Cornelius. Le quarantenaire avait le visage fermé. Son regard était froid, plus sombre que Talhin ne l'avait jamais vu. Ses traits ne dégageaient rien de sa bonhomie habituelle. Il arborait un masque.
Le ton monta entre les deux officiers. C'est à ce moment que le capitaine Stolen quitta la caserne et s'approcha de la troupe d'un pas lourd et vif. Il arracha Talhin du rang en le tirant par le bras, l'air contrarié. Lui qui n'avait pas voulu prendre part à cette histoire se voyait contraint de gérer les petites querelles de ses subordonnées. Ils n'avaient pas besoin de ça, surtout en ce moment.
C'est ce qu'il essaya de faire comprendre à Talhin en quelques mots. Mais le jeune homme n'écoutait plus. Face au trouble que dépeignait son visage, Karven le laissa retourner à l'intérieur du bâtiment d'un geste mou. Il n'avait pas le temps pour un tel sentimentalisme, pas ce soir. Ils avaient une lourde tâche à accomplir. Et qu'importe ce que pouvait penser le caporal Flytherson, ni lui ni le commandant ne prenaient plaisir à cela.
Talhin entra dans la caserne et se dirigea vers les vestiaires. Il passa la porte et s'appuya contre un casier, prit de vertiges. Jusqu'au bout il avait été persuadé que le commandant reviendrait sur sa décision. Il pensait que la sentence ne serait qu'une mise en scène pour faire réfléchir Khaltée et la mettre face à son erreur. Il ne comprenait pas et c'était cette incompréhension qui était la source de ses maux.
Lorsqu'il avait entendu pour la première fois le major Ventis dire qu'un officier ou sous-officier devait se porter volontaire pour défendre Khaltée, Talhin avait hésité. A ce moment, il n'était pas sûr de vouloir l'aider. Après tout elle avait trahit son serment, un serment auquel le jeune homme attachait une grande importance. Mais c'était aussi son devoir que de conserver une certaine neutralité : à l'état-major la décision d'une sentence, Talhin n'était pas là pour juger. Il était l'outil, pas la main.
Le temps était passé sans que personne ne se porte volontaire. Lorsqu'il entendait ses camarades parler de Khaltée c'était en des termes peu élogieux. Beaucoup éprouvaient de la rancœur à son égard et pour tous le verdict était sans appel : elle devait passer par les pics ou la corde. Selon Talhin, ce n'était pas juste. Non pas qu'il voulait l'exempter de toute punition, mais il avait bien du mal à concevoir le déroulement d'un procès équitable si le défenseur de l'accusée lui-même voulait sa mort.
C'est ainsi que le devoir prit le pas sur l'hésitation. Il avait décidé de défendre Khaltée afin qu'elle ait droit à un jugement aussi droit que possible en mettant de côté ses à priori. Ainsi, les valeurs en lesquels il croyait ne seraient pas bafouées.
Talhin déambula dans la pièce jusqu'à faire face à son casier. Il posa son front contre le métal froid de la porte.
Il avait échoué. Sa défense, pathétique, construite sur un sentimentalisme qui n'avait pas lieu d'être en cour martiale, n'avait pas tenue le choc face à la pugnacité du lieutenant Shephard. Khaltée ne l'avait pas non plus aidé alors qu'elle avait vanté les mérites de La Clef en plein procès, s'attirant les foudres de l'état-major et nourrissant la machine de guerre de Oliver.
Mais Talhin n'était pas de ceux qui abandonnaient facilement. Bien qu'atterré par la décision de la cour martiale, il avait continué de rendre visite à Khaltée. Il allait la voir régulièrement, jusqu'à une fois par jour. Il était persuadé, au fond de lui, qu'il pouvait lui ouvrir les yeux. Il savait en son fort intérieur qu'elle n'était qu'un pantin, un pion manipulé par la criminelle La Clef ; un pion qui s'était laissé abusé par de belles paroles.
Et puis il y était parvenu, avec l'aide de Cornelius. Il ne savait pas ce que le sergent lui avait raconté mais à eux deux ils avaient réussi. Ils avaient balayé l'emprise de La Clef sur son esprit. Il avait été fier, et heureux, de lire les deux lettres rédigées par Khaltée.
C'est ainsi que Talhin avait franchit une ligne dangereuse. Celle de la neutralité. Il avait commencé à éprouver de la sympathie pour celle qui un mois plus tôt était encore l'une des leurs. Il ne l'appréciait pas autant qu'il appréciait Maryl mais suffisamment pour ne pas avoir envie de la voir morte. Il agissait en humain avant d'agir en garde, la main sur le cœur plutôt que sur l'épais codex qui garantissait la paix de Hurlevent. Une erreur qui, s'il l'avait évité, l'aurait privé de bien des troubles qui l'agitaient en cet instant.
Soudain, le fil de ses pensées fut interrompu par le bruit de coups de feu. La salve de détonations se répercuta en écho dans le quartier. Le son résonnait aux oreilles de Talhin, à peine étouffé par les murs de la caserne. Le jeune homme fut prit d'un hoquet et écrasa violemment son poing contre la porte de son casier. Il ferma les yeux en essayant de se concentrer pour ne pas imaginer la scène qui venait de se dérouler à l'extérieur. Il ravala avec peine ses larmes.
Il avait échoué. Pire encore, il avait offert de l'espoir à une condamnée à mort. Il se revoyait encore face à sa cellule, la motivant à ne pas perdre espoir car lui, Talhin Flytherson, réussirait à convaincre le commandant. Elle y avait cru. Lui aussi.
Il aurait aimé pouvoir remonter le temps. Il aurait aimé mieux construire sa défense face à l'état-major et trouver les bons mots, plus tôt, pour lui ouvrir les yeux.
Mais c'était trop tard. Elle était morte. Elle n'avait prit aucune vie et pourtant, ils avaient décidé de prendre la sienne. Et pour couronner le tout, certains voyaient en lui un garçon naïf qui s'était laissé abusé par les charmes d'une traîtresse ; voilà tout ce qu'ils retenaient de son travail. Le caporal eut un nouveau hoquet. Un sentiment d'injustice nouait ses entrailles.
Il se laissa tomber sur une chaise. Le dos voûté, la tête baissée et les avant-bras appuyés sur ses genoux, il faisait peine à voir. C'est à ce moment que la voix du major Ventis retentit de derrière la porte des vestiaires.
- Flytherson ? Je peux entrer ?
*
* *
* *
Taverne du quartier nain, minuit
- C'est pas de bêtes ingrédients qu'on mélange, pour dire. Mais l'essence même des esprits qui les animent.
Le pandaren agitait ses mains en même temps qu'il parlait, comme le font les passionnés. Il se dégageait de sa robuste silhouette une forte odeur d'alcool. La discussion s'était enflammée depuis qu'il avait abordé le chapitre des bières, cette boisson si chère aux yeux de son peuple.
- Chaque chose à un esprit. L'eau, le feu, le vent, la terre, et tout ce qui y vit.
Il releva un peu le bord de son chapeau tressé de bambou et balaya le comptoir de son regard doré pour s'assurer que son public suivait bien ses explications. Il remarqua alors que le jeune humain à côté s'était de nouveau perdu dans ses pensées. Il empoigna sa bière et lui donna une tape dans le dos pour le rappeler à la réalité.
- La bière est l'union ultime de tout ça, gamin ! Le breuvage céleste et parfait !
Mais la voix du pandaren avait bien du mal à atteindre Talhin. Le rouquin était accoudé au comptoir, tête baissé, ailleurs. Le regard ancré dans les remous de sa bière, il ressassait les événements de la soirée. Tout autour de lui n'était qu'un brouhaha de voix informes. Le temps semblait comme suspendu, plié face aux tourments du jeune homme. Et rien n'arrivait à éloigner Talhin de sa morosité, pas même la bonhomie de Xuandian et son discours sur les bières, ni ce vieux nain qui les avait rejoint ou la plantureuse demoiselle qui s'était approchée du comptoir.
Aux grands maux les grands remèdes ! Le pandaren dégaina une gourde en argile de la manche de son gilet et fit sauter le bouchon de liège.
- Fabrication maison ! Je crois que l'eau de source vient de Dun Morogh. Viens par ici, Barlaf, viens la goûter ! Elle est faites à base de pacifique. On la sert normalement avant un repas, ou après. Vous allez voir, elle libère l'esprit. Elle vous donne des ailes. Au sens figuré bien sûr. Je n'ai pas encore trouvé la recette pour les vrais ailes, héhé.
Le vieux nain s'approcha de Talhin et Xuandian en tendant sa chope. Vaincu par l'obstination du pandaren à le tirer de sa morosité, le jeune homme accepta lui aussi le breuvage. Une fois qu'il les eut servit, Xuandian agita sa gourde au-dessus de sa langue en penchant la tête pour récupérer les dernières gouttes.
Talhin trempa ses lèvres dans la bière de pacifique et dès la première gorgée, son esprit s’apaisa. Le tourment de son cœur s'empêtra dans la chaleur de l'alcool. Des souvenirs chaleureux refaisaient surface à mesure que son esprit s'embuait. Il resta une partie de la nuit dans la taverne, flanqué du pandaren vagabond et du vieux nain vétéran, écoutant leurs conseils et leurs épopées.
Lorsqu'il se réveilla au petit matin, dans la paille de l'écurie aux côtés de sa jument, seules quelques phrases persistaient dans son esprit. De sages paroles et d'autres, un peu moins censées. Il se sentait le cœur plus léger et comme si cette nuit avait suffit à faire sauter un verrou, il laissa sa peine éclater et pleura à chaudes larmes.
« - Vous ne tuez jamais ? Même les orcs ? Pourtant ce sont des monstres !
- Oui, mais nous vallons mieux qu'eux. N'oublie jamais ça. »
- Oui, mais nous vallons mieux qu'eux. N'oublie jamais ça. »
« T'as la tête du gars qui a mit ses tripes dans la balance. Et ça, ça compte. »
« Boaf, gamin. Tu verras quand tu auras cent-vingt ans ! »
« Inexpérimenté, voilà tout. Je pourrais te montrer deux-trois choses, si tu veux.»
Pytt- Citoyen
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Date d'inscription : 07/04/2014
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