Insignifiante
Page 1 sur 1
Insignifiante
Un rire s’éleva derrière la butte et deux silhouettes surgirent brusquement, déboulant avec une énergie typique de leur jeune âge. Le chien aboya et se mit à sauter pour tenter d’atteindre ce que l’adolescente tenait dans sa main, et celle-ci courut de plus belle pour lui échapper, son rire dépassant bientôt le petit groupe d’homme alors qu’elle s’éloignait et disparaissait derrière une élévation du terrain. Un nuage de fine poussière rouge voleta lourdement dans l’air après leur passage, comme si la terre des Carmines n’aimait pas être dérangée. Les yeux d’Emilian suivirent les mouvements alanguis de la poussière qui retombait lentement au sol, finissant sa petite valse pataude dans le silence le plus total.
« Ce corniaud est vif dis donc, presque autant que ta petiote. »
Thrynne hocha la tête en souriant : s’il portait le titre de Capitaine, au milieu de ses hommes il redevenait un simple soldat rompu à la vie militaire, un bon bougre que tout un chacun respectait et taquinait comme un vieil ami.
La plupart ne portaient qu’un simple plastron en métal, et se contentaient de braies en cuir solides comme tout uniforme. Une armure coûtait cher, et les aurait encombré bien plus qu’elle ne leur aurait sauvé la vie. Face à un gnoll, c’était la rapidité qui primait, et non la carapace. Le courage aussi, et ils n’en manquaient pas : quelque part sur cette terre rouge, ils avaient une femme, un fils, un lopin de terre à défendre. Une vie simple et une logique encore plus épurée : vivre et survivre.
Qu’on soit fermier, soldat, capitaine ou encore petit bâtard né d’une portée inattendue, la vie se résumait à bien peu de choses : manger, boire, se repaître de cette poussière rouge qui vous contaminait jusqu’au plus profond de vous, et s’épanouir sous le soleil chaud des Carmines. Un peu comme ces herbes folles qui prenaient racine près du lac et s’enracinait comme du chiendent, plus teigneuses et tenaces que les autres plantes.
« Il fera un bon chien pour débusquer le lapin. La petiote le dressera.»
Nouveau hochement de tête et petit sourire pensif. Emilian regarda son capitaine un long moment mais comme ce dernier ne semblait pas enclin à engager la conversation, il se tourna vers son arme et se mit à l’aiguiser, comme chaque jour que le soleil des Carmines illuminait. Ses gestes étaient lents, sereins, et la lame brillante tranchait avec le sang qui recouvrait le tissu qui entourait son pommeau. Le sang des Carmines… Il était partout : les gens d’ici ne cessaient de répéter qu’il avait été tellement versé que la terre s’en était abreuvée et en était devenue rouge.
D’autres racontaient que c’était justement parce que la terre d’ici était rouge et le soleil brûlant que cela rendait les étrangers fous et avides de sang.
Reposant son gobelet de vin, Thrynne leva les yeux et aperçut la silhouette élancée de sa fille qui s’ébattait un peu plus loin, jouant toujours avec le petit bâtard de leurs voisins. Ses pieds nus étaient recouverts de poussière rouge et ses cheveux lâchés tournaient autour d’elle à chacun de ses mouvements. Petite flamme agile et vivante qui respirait la vie.
« J’adore l’entendre rire. » laissa échapper Emilian, le visage baissé vers son arme.
Tout le monde aimait entendre le rire des gamins : ils leur rappelaient combien la vie pouvait être belle, même ici. Malgré la chaleur, les gnolls ou les difficultés.
« Elle a le rire de sa mère. » répondit gravement Thrynne, souriant de plus belle.
Et ses petits pieds continuaient de soulever la poussière rouge, de remuer cette terre acariâtre et riche, dansant sur un rythme qui la laissait haletante et transfigurée de joie.
Emilian arrêta quelques instants le mouvement de sa main, releva le regard vers l’adolescente, et il hocha la tête placidement.
« C’est bien une fille d’ici ta Linnet. »
Le sourire du Capitaine s’agrandit, rempli d’une fière toute simple.
Ils n’étaient rien, petites gens vivant au jour le jour, loin des beaux actes de bravoure et des grands bouleversements de ce monde. Leur sang était aussi rouge et épais que la terre d’ici et leurs yeux aussi limpides et clairs que les eaux du lac.
Mais ils étaient heureux, et cela n’avait pas de prix. Le rire de la gamine retentit à nouveau, acclamant la vie qui était la leur et arrachant des sourires aux autres hommes du petit régiment.
« Ce corniaud est vif dis donc, presque autant que ta petiote. »
Thrynne hocha la tête en souriant : s’il portait le titre de Capitaine, au milieu de ses hommes il redevenait un simple soldat rompu à la vie militaire, un bon bougre que tout un chacun respectait et taquinait comme un vieil ami.
La plupart ne portaient qu’un simple plastron en métal, et se contentaient de braies en cuir solides comme tout uniforme. Une armure coûtait cher, et les aurait encombré bien plus qu’elle ne leur aurait sauvé la vie. Face à un gnoll, c’était la rapidité qui primait, et non la carapace. Le courage aussi, et ils n’en manquaient pas : quelque part sur cette terre rouge, ils avaient une femme, un fils, un lopin de terre à défendre. Une vie simple et une logique encore plus épurée : vivre et survivre.
Qu’on soit fermier, soldat, capitaine ou encore petit bâtard né d’une portée inattendue, la vie se résumait à bien peu de choses : manger, boire, se repaître de cette poussière rouge qui vous contaminait jusqu’au plus profond de vous, et s’épanouir sous le soleil chaud des Carmines. Un peu comme ces herbes folles qui prenaient racine près du lac et s’enracinait comme du chiendent, plus teigneuses et tenaces que les autres plantes.
« Il fera un bon chien pour débusquer le lapin. La petiote le dressera.»
Nouveau hochement de tête et petit sourire pensif. Emilian regarda son capitaine un long moment mais comme ce dernier ne semblait pas enclin à engager la conversation, il se tourna vers son arme et se mit à l’aiguiser, comme chaque jour que le soleil des Carmines illuminait. Ses gestes étaient lents, sereins, et la lame brillante tranchait avec le sang qui recouvrait le tissu qui entourait son pommeau. Le sang des Carmines… Il était partout : les gens d’ici ne cessaient de répéter qu’il avait été tellement versé que la terre s’en était abreuvée et en était devenue rouge.
D’autres racontaient que c’était justement parce que la terre d’ici était rouge et le soleil brûlant que cela rendait les étrangers fous et avides de sang.
Reposant son gobelet de vin, Thrynne leva les yeux et aperçut la silhouette élancée de sa fille qui s’ébattait un peu plus loin, jouant toujours avec le petit bâtard de leurs voisins. Ses pieds nus étaient recouverts de poussière rouge et ses cheveux lâchés tournaient autour d’elle à chacun de ses mouvements. Petite flamme agile et vivante qui respirait la vie.
« J’adore l’entendre rire. » laissa échapper Emilian, le visage baissé vers son arme.
Tout le monde aimait entendre le rire des gamins : ils leur rappelaient combien la vie pouvait être belle, même ici. Malgré la chaleur, les gnolls ou les difficultés.
« Elle a le rire de sa mère. » répondit gravement Thrynne, souriant de plus belle.
Et ses petits pieds continuaient de soulever la poussière rouge, de remuer cette terre acariâtre et riche, dansant sur un rythme qui la laissait haletante et transfigurée de joie.
Emilian arrêta quelques instants le mouvement de sa main, releva le regard vers l’adolescente, et il hocha la tête placidement.
« C’est bien une fille d’ici ta Linnet. »
Le sourire du Capitaine s’agrandit, rempli d’une fière toute simple.
Ils n’étaient rien, petites gens vivant au jour le jour, loin des beaux actes de bravoure et des grands bouleversements de ce monde. Leur sang était aussi rouge et épais que la terre d’ici et leurs yeux aussi limpides et clairs que les eaux du lac.
Mais ils étaient heureux, et cela n’avait pas de prix. Le rire de la gamine retentit à nouveau, acclamant la vie qui était la leur et arrachant des sourires aux autres hommes du petit régiment.
Linnet Thrynne- Citoyen
- Nombre de messages : 1105
Lieu de naissance : Comté-du-Lac
Age : 23 ans
Date d'inscription : 29/06/2013
Re: Insignifiante
« La force pure n’est pas une qualité essentielle en escrime, rappelle-t’en. Si tu cours vers ton adversaire en ne comptant que sur la valeur de ton bras, alors tu as déjà perdu. »
Le soleil au zénith tapait si fort qu’elle dû passer sa manche sur son front pour essuyer sa sueur : face à un adversaire tel que Thrynne, elle ne pouvait en aucun cas laisser sa vue se brouiller. Sa main ajuste sa prise sur le pommeau, et prenant cela pour un signal, le Capitaine attaqua de nouveau.
« Il faut réfléchir avant d’agir, et réfléchir vite. Ton principal atout, c’est avant tout ta cervelle, petite fille. »
Ce surnom l’agaçait au plus haut point et elle serra les dents, parant à l’attaque en plantant ses pieds dans la terre. La poussière rouge faillit la faire glisser, mais elle se retint à temps et croisa alors le regard de son père, toujours aussi concentré quand il joutait.
En cet instant, elle redécouvrait l’escrimeur de talent qu’elle imaginait toujours dans ses rêves… Celui qui aurait pu connaître la gloire s’il n’avait pas autant aimé sa terre natale.
« Concentration et agilité, petite. Rappelle-t’en. Ton adversaire peut être aussi fort qu’un bœuf, s’il ne bouge pas assez rapidement, ou ne vise pas tes points faibles, alors il n’a aucune chance. »
Il la repoussa d’un coup brusque et elle recula de quelques pas pour reprendre la position de garde. Son corps, à force d’entraînement, savait instinctivement comment se positionner. C’était devenu inné chez elle, elle n’y pensait même plus : d’un œil appréciateur, son père la regarda effacer ses épaules et redresser le buste pour offrir le moins de surface possible à l’adversaire.
Sa petite épée en acier des Carmines brillait sous le soleil et elle se mit exactement au bon endroit entre eux deux : de manière à le menacer sans pour autant trop s’éloigner de sa propriétaire pour pouvoir parer n’importe quelle attaque. Elle n’aurait qu’à plier le poignet pour interdire tout accès à ses points faibles.
« Redresse le buste, ne te relâche pas. »
Il savait qu’elle n’aurait pu se tenir plus droite, mais il était hors de question qu’il la félicite et qu’elle se croit déjà arrivée au bout. Elle était née Thrynne et il ne lui restait plus qu’elle en ce bas-monde pour lui transmettre son savoir.
Elle apprendrait et s’entraînerait jusqu’à être parfaite. Autrement dit, jusqu’à la fin de sa vie. Cette petite créature au regard pétillant était une argile entre ses doigts qu’il ne laisserait pas s’effriter.
Avec un regard de défi, elle releva son bras gauche, qui ne tenait pas l’arme, et le replia en arrière, se campant un peu plus sur ses genoux ployés pour faire face à l’attaque qu’elle savait imminente. Et elle ignora les gouttes de sueur qui perlaient sur sa nuque, ni ses mèches rousses trempées par l’effort sous ce soleil brûlant.
« L’attaque qui suit toute parade doit être rapide. Ne laisse jamais à ton adversaire le temps de souffler. Il attaque, tu pares, tu ripostes aussitôt et tu fais en sorte qu’il ne puisse pas esquiver. Rappelle-toi, l’esquive… »
« … est le début de la défaite si ton adversaire est plus rapide que toi. Je sais, Père. »
Un fier sourire illumina le visage du Capitaine Thrynne et il attaqua aussitôt avec un cri féroce. Nullement déstabilisée, le petit corps de Linnet se tassa et opposa son épée à celle de son père : le choc qui suivit la fit trembler dans tous ses membres mais elle tint bon. Et poussant le même cri rageant que le Capitaine, elle para, repoussa l’attaque et riposta. L’épée de son père glissa sur l’acier de la sienne et ne put se rattraper, si bien qu’elle partit à sa gauche sans qu’il puisse l’arrêter. Offrant une ouverture sur son flanc droit assez importante.
Libérée de la menace de son adversaire durant un court instant, l’épée de Linnet fonça tout droit vers la taille de Thrynne, cherchant le point faible… Et son père bloqua l’attaque au tout dernier moment, se retrouvant obligé de reculer d’un pas pour éviter le dangereux coup.
Une seconde leur suffit pour s’évaluer du regard. Pour savoir si le Capitaine contre-riposterait et si Linnet serait en mesure de parer, alors même que son bras était tendu en avant, la mettant en position de faiblesse. Elle s’était trop exposée pour porter le coup de grâce…
Mais le Capitaine relâcha la pression et lui adressa un grand sourire lumineux : sa main se détendit sur son arme et il hocha la tête.
« Magnifique. Si je n’avais pas reculé à temps, tu m’aurais embroché. »
« Vous reculez toujours à temps, Père. » lâcha Linnet, un peu à court de souffle.
« Moi peut-être. Mais tes futurs ennemis n’auront probablement pas autant de chance… Joli coup Linnet. »
Plus de surnom ni de « petite » lâché négligemment. Elle avait mérité l’attention de son père aujourd’hui, et elle s’en sentit ragaillardie.
Mais le vieux roublard ne perdit pas un instant et se remit en position de garde.
« Allez, fais plaisir à ton vieux père et prouve-lui que tu es la meilleure. »
Elle éclata de rire et attaqua.
Le bruit des épées s’entrechoquant raisonna dans la cour inondée de soleil. Une matinée comme une autre dans les Carmines.
Le soleil au zénith tapait si fort qu’elle dû passer sa manche sur son front pour essuyer sa sueur : face à un adversaire tel que Thrynne, elle ne pouvait en aucun cas laisser sa vue se brouiller. Sa main ajuste sa prise sur le pommeau, et prenant cela pour un signal, le Capitaine attaqua de nouveau.
« Il faut réfléchir avant d’agir, et réfléchir vite. Ton principal atout, c’est avant tout ta cervelle, petite fille. »
Ce surnom l’agaçait au plus haut point et elle serra les dents, parant à l’attaque en plantant ses pieds dans la terre. La poussière rouge faillit la faire glisser, mais elle se retint à temps et croisa alors le regard de son père, toujours aussi concentré quand il joutait.
En cet instant, elle redécouvrait l’escrimeur de talent qu’elle imaginait toujours dans ses rêves… Celui qui aurait pu connaître la gloire s’il n’avait pas autant aimé sa terre natale.
« Concentration et agilité, petite. Rappelle-t’en. Ton adversaire peut être aussi fort qu’un bœuf, s’il ne bouge pas assez rapidement, ou ne vise pas tes points faibles, alors il n’a aucune chance. »
Il la repoussa d’un coup brusque et elle recula de quelques pas pour reprendre la position de garde. Son corps, à force d’entraînement, savait instinctivement comment se positionner. C’était devenu inné chez elle, elle n’y pensait même plus : d’un œil appréciateur, son père la regarda effacer ses épaules et redresser le buste pour offrir le moins de surface possible à l’adversaire.
Sa petite épée en acier des Carmines brillait sous le soleil et elle se mit exactement au bon endroit entre eux deux : de manière à le menacer sans pour autant trop s’éloigner de sa propriétaire pour pouvoir parer n’importe quelle attaque. Elle n’aurait qu’à plier le poignet pour interdire tout accès à ses points faibles.
« Redresse le buste, ne te relâche pas. »
Il savait qu’elle n’aurait pu se tenir plus droite, mais il était hors de question qu’il la félicite et qu’elle se croit déjà arrivée au bout. Elle était née Thrynne et il ne lui restait plus qu’elle en ce bas-monde pour lui transmettre son savoir.
Elle apprendrait et s’entraînerait jusqu’à être parfaite. Autrement dit, jusqu’à la fin de sa vie. Cette petite créature au regard pétillant était une argile entre ses doigts qu’il ne laisserait pas s’effriter.
Avec un regard de défi, elle releva son bras gauche, qui ne tenait pas l’arme, et le replia en arrière, se campant un peu plus sur ses genoux ployés pour faire face à l’attaque qu’elle savait imminente. Et elle ignora les gouttes de sueur qui perlaient sur sa nuque, ni ses mèches rousses trempées par l’effort sous ce soleil brûlant.
« L’attaque qui suit toute parade doit être rapide. Ne laisse jamais à ton adversaire le temps de souffler. Il attaque, tu pares, tu ripostes aussitôt et tu fais en sorte qu’il ne puisse pas esquiver. Rappelle-toi, l’esquive… »
« … est le début de la défaite si ton adversaire est plus rapide que toi. Je sais, Père. »
Un fier sourire illumina le visage du Capitaine Thrynne et il attaqua aussitôt avec un cri féroce. Nullement déstabilisée, le petit corps de Linnet se tassa et opposa son épée à celle de son père : le choc qui suivit la fit trembler dans tous ses membres mais elle tint bon. Et poussant le même cri rageant que le Capitaine, elle para, repoussa l’attaque et riposta. L’épée de son père glissa sur l’acier de la sienne et ne put se rattraper, si bien qu’elle partit à sa gauche sans qu’il puisse l’arrêter. Offrant une ouverture sur son flanc droit assez importante.
Libérée de la menace de son adversaire durant un court instant, l’épée de Linnet fonça tout droit vers la taille de Thrynne, cherchant le point faible… Et son père bloqua l’attaque au tout dernier moment, se retrouvant obligé de reculer d’un pas pour éviter le dangereux coup.
Une seconde leur suffit pour s’évaluer du regard. Pour savoir si le Capitaine contre-riposterait et si Linnet serait en mesure de parer, alors même que son bras était tendu en avant, la mettant en position de faiblesse. Elle s’était trop exposée pour porter le coup de grâce…
Mais le Capitaine relâcha la pression et lui adressa un grand sourire lumineux : sa main se détendit sur son arme et il hocha la tête.
« Magnifique. Si je n’avais pas reculé à temps, tu m’aurais embroché. »
« Vous reculez toujours à temps, Père. » lâcha Linnet, un peu à court de souffle.
« Moi peut-être. Mais tes futurs ennemis n’auront probablement pas autant de chance… Joli coup Linnet. »
Plus de surnom ni de « petite » lâché négligemment. Elle avait mérité l’attention de son père aujourd’hui, et elle s’en sentit ragaillardie.
Mais le vieux roublard ne perdit pas un instant et se remit en position de garde.
« Allez, fais plaisir à ton vieux père et prouve-lui que tu es la meilleure. »
Elle éclata de rire et attaqua.
Le bruit des épées s’entrechoquant raisonna dans la cour inondée de soleil. Une matinée comme une autre dans les Carmines.
Linnet Thrynne- Citoyen
- Nombre de messages : 1105
Lieu de naissance : Comté-du-Lac
Age : 23 ans
Date d'inscription : 29/06/2013
Re: Insignifiante
L’arrivée d’une troupe de comédiens était toujours un évènement dans une bourgade comme Comté-du-Lac. Les mégères y voyaient là le moyen d’enrichir leur catalogue de potins, les guerriers demandaient des nouvelles du front et la petite élite bourgeoise s’enquérait des mesures politiques en vigueur et de la dernière mode en vogue à la capitale.
Quant aux enfants, ils sortaient en courant de l’école pour venir se régaler des récits en tout genre où ogres et sorciers s’affrontaient, et où les plus fiers héros d’Azeroth revivaient à l’infini leurs exploits légendaires, débités par des conteurs aux yeux aussi émerveillés que ceux des bambins.
Le soleil des Carmines tapait toujours aussi fort mais le rêve s’installait pour une semaine ou deux dans la bourgade, chassant les problèmes du quotidien et les petits tracas sans importance.
Au moment où la nuit reprenait ses droits, la taverne était bondée et tous se réunissaient autour des comédiens, des artistes et autres ménestrels pour profiter de leurs récits : les discussions allaient bon train dans une ambiance joyeuse et presque bon enfant.
L’un des guerriers leva son épée en tonitruant que s’il avait été sur le front, il aurait embroché toutes ces peaux-vertes maléfiques. Un concert de cris masculins lui répondit, alors que quelques femmes dans un coin devisaient autour de deux comédiennes, et exhibaient des dessins de modèles couturiers en prenant des notes. Quelques enfants étaient assis près de la cheminée, profitant du conte que narrait un grand échalas aussi maigre qu’il était laid, mais qui avait le don de manier les mots et de captiver son auditoire. Leurs petites lèvres se pinçaient à chaque péripéties, et certains grands frères prenaient courageusement la main de leurs cadettes pour les rassurer aux moments les plus terribles.
La porte s’ouvrit et quelques adolescents surgirent pour rejoindre les enfants en riant, se faufilant entre les adultes en jouant parfois des coudes.
« Hé doucement ! » rouspéta un homme de la troupe.
Ses yeux suivirent les mèches rousses qui l’avaient bousculé sans ménagement, quand un petit rire aigrelet lui parvint et détourna son attention.
« Ne faites pas attention, ils ne voulaient pas vous manquer de respect. »
« Je sais, madame : il faut bien que jeunesse se passe. Cela dit, si elle pouvait le faire avec davantage de délicatesse… » répondit-il à la vieille femme en massant ses côtes.
Elle rit de plus belle, sans doute davantage charmée par le titre de « madame » que par le minois basané du trentenaire.
« Une véritable petite tigresse que votre rouquine. » maugréa-t-il encore une fois, la cherchant du regard.
Une telle couleur de cheveux n’était pas courante, et il crut en apercevoir une flamme avant qu’elle ne disparaisse derrière deux gaillards costauds.
« C’est une fille des Carmines, c’est bien normal. » répondit la vieille femme en haussant les épaules.
« Toutes vos femmes sont donc aussi vives ? » s’en amusa le ménestrel.
« Toutes, sûrement pas, mais elle, évidemment. Une fille des Carmines… »
Un peu perplexe, il tira une chaise vide et la ramena vers la vieille femme. S’il y avait là matière à tirer une histoire de tout cela, il était toujours preneur. Il en imaginait déjà le titre « la petite fille trop vive qui ne savait jamais s’arrêter… ». Ou alors, quelque chose de plus mystérieux…
« Une fille des Carmines ? »
Il suffisait d’amorcer pour que le poisson morde, et la vieille femme avait visiblement envie de bavarder un peu ce soir.
« La terre d’ici est riche, Monsieur. Très riche et très forte. Beaucoup d’étrangers ressentent cette énergie comme une malédiction : ils disent que le soleil écrase tout ici. Qu’il ne laisse derrière lui que cette poussière rouge. »
Il acquiesça : lui-même avait ressenti comme une chape de plomb dès que le soleil lui avait mordu les épaules ce matin-là. L’air chaud lui avait arraché un halètement, lui qui aimait tellement les ombres revigorantes d’Elwynn, et il s’était senti comme un poisson hors de l’eau. Ce n’était qu’en voyant les habitants évoluer normalement qu’il s’était morigéné intérieurement de céder aussi violemment à une sensation aussi abstraite.
La vieille femme se pencha et continua :
« Mais d’autres racontent que cette énergie se condense, se tasse sur elle-même, se tourne comme un renard dans son terrier avant de brusquement en surgir pour faire naître une petite boule de vie. A trop frotter deux pierres l’une contre l’autre, on crée une flamme. C’est ce qui se joue ici, dans les Carmines. Un jour, l’énergie devient trop forte et cherche un exutoire. »
Elle haussa les épaules comme si c’était là une triste vérité qu’elle ne déguisait point.
« La mère de la petite était une fille d’ici, et elle aimait profondément sa terre natale. Je crois que pour rien au monde elle ne l’aurait quitté. Et sa terre le lui a rendu en lui donnant cette petiote. »
Le ménestrel sourit : c’était là un joli conte de bonne femme, un peu naïf mais fort charmant au demeurant. Les vieilles de la bourgade devaient se raconter cela le soir au coin du feu, en tricotant les vêtements de leurs petits-enfants… Il y avait de quoi façonner une histoire, cela dit.
« Il y a beaucoup de ‘filles’ de ce genre ? Ou de garçons peut-être ? »
« Point trop. La dernière que j’ai connue est morte de vieillesse quand j’avais cinq ans. Du moins ma mère était persuadée qu’elle en était une. Elle avait un don certain avec les plantes… »
Son regard se fit pensif, plongé dans un passé lointain, et le ménestrel sourit de plus belle. Cela devenait de plus en plus piquant.
« Celle-ci aussi ? »
« Je n’en sais rien. Elle est tout le temps fourrée Dieu sait où, à se battre comme un garçon et à s’essayer à l’épée… »
« Un vrai garçon manqué alors. »
« Hum… Il y a de ça. Son père tente de la façonner à sa façon, mais l’argile reste carminoise. L’énergie qu’elle possède en elle n’est pas domptable.»
« Tout comme les gens d’ici, n’est-ce pas ? »
Elle répondit d’un hochement de tête et d’un sourire, regardant l’homme avec bienveillance. Son récit avait piqué son imagination… Une flamme des Carmines : cela ferait un excellent titre pour une histoire qui avait besoin d’être enjolivée et développée.
Cette petite n’en était qu’à l’aube de sa vie, mais le personnage de son récit aurait une destinée hors du commun.
Quant aux enfants, ils sortaient en courant de l’école pour venir se régaler des récits en tout genre où ogres et sorciers s’affrontaient, et où les plus fiers héros d’Azeroth revivaient à l’infini leurs exploits légendaires, débités par des conteurs aux yeux aussi émerveillés que ceux des bambins.
Le soleil des Carmines tapait toujours aussi fort mais le rêve s’installait pour une semaine ou deux dans la bourgade, chassant les problèmes du quotidien et les petits tracas sans importance.
Au moment où la nuit reprenait ses droits, la taverne était bondée et tous se réunissaient autour des comédiens, des artistes et autres ménestrels pour profiter de leurs récits : les discussions allaient bon train dans une ambiance joyeuse et presque bon enfant.
L’un des guerriers leva son épée en tonitruant que s’il avait été sur le front, il aurait embroché toutes ces peaux-vertes maléfiques. Un concert de cris masculins lui répondit, alors que quelques femmes dans un coin devisaient autour de deux comédiennes, et exhibaient des dessins de modèles couturiers en prenant des notes. Quelques enfants étaient assis près de la cheminée, profitant du conte que narrait un grand échalas aussi maigre qu’il était laid, mais qui avait le don de manier les mots et de captiver son auditoire. Leurs petites lèvres se pinçaient à chaque péripéties, et certains grands frères prenaient courageusement la main de leurs cadettes pour les rassurer aux moments les plus terribles.
La porte s’ouvrit et quelques adolescents surgirent pour rejoindre les enfants en riant, se faufilant entre les adultes en jouant parfois des coudes.
« Hé doucement ! » rouspéta un homme de la troupe.
Ses yeux suivirent les mèches rousses qui l’avaient bousculé sans ménagement, quand un petit rire aigrelet lui parvint et détourna son attention.
« Ne faites pas attention, ils ne voulaient pas vous manquer de respect. »
« Je sais, madame : il faut bien que jeunesse se passe. Cela dit, si elle pouvait le faire avec davantage de délicatesse… » répondit-il à la vieille femme en massant ses côtes.
Elle rit de plus belle, sans doute davantage charmée par le titre de « madame » que par le minois basané du trentenaire.
« Une véritable petite tigresse que votre rouquine. » maugréa-t-il encore une fois, la cherchant du regard.
Une telle couleur de cheveux n’était pas courante, et il crut en apercevoir une flamme avant qu’elle ne disparaisse derrière deux gaillards costauds.
« C’est une fille des Carmines, c’est bien normal. » répondit la vieille femme en haussant les épaules.
« Toutes vos femmes sont donc aussi vives ? » s’en amusa le ménestrel.
« Toutes, sûrement pas, mais elle, évidemment. Une fille des Carmines… »
Un peu perplexe, il tira une chaise vide et la ramena vers la vieille femme. S’il y avait là matière à tirer une histoire de tout cela, il était toujours preneur. Il en imaginait déjà le titre « la petite fille trop vive qui ne savait jamais s’arrêter… ». Ou alors, quelque chose de plus mystérieux…
« Une fille des Carmines ? »
Il suffisait d’amorcer pour que le poisson morde, et la vieille femme avait visiblement envie de bavarder un peu ce soir.
« La terre d’ici est riche, Monsieur. Très riche et très forte. Beaucoup d’étrangers ressentent cette énergie comme une malédiction : ils disent que le soleil écrase tout ici. Qu’il ne laisse derrière lui que cette poussière rouge. »
Il acquiesça : lui-même avait ressenti comme une chape de plomb dès que le soleil lui avait mordu les épaules ce matin-là. L’air chaud lui avait arraché un halètement, lui qui aimait tellement les ombres revigorantes d’Elwynn, et il s’était senti comme un poisson hors de l’eau. Ce n’était qu’en voyant les habitants évoluer normalement qu’il s’était morigéné intérieurement de céder aussi violemment à une sensation aussi abstraite.
La vieille femme se pencha et continua :
« Mais d’autres racontent que cette énergie se condense, se tasse sur elle-même, se tourne comme un renard dans son terrier avant de brusquement en surgir pour faire naître une petite boule de vie. A trop frotter deux pierres l’une contre l’autre, on crée une flamme. C’est ce qui se joue ici, dans les Carmines. Un jour, l’énergie devient trop forte et cherche un exutoire. »
Elle haussa les épaules comme si c’était là une triste vérité qu’elle ne déguisait point.
« La mère de la petite était une fille d’ici, et elle aimait profondément sa terre natale. Je crois que pour rien au monde elle ne l’aurait quitté. Et sa terre le lui a rendu en lui donnant cette petiote. »
Le ménestrel sourit : c’était là un joli conte de bonne femme, un peu naïf mais fort charmant au demeurant. Les vieilles de la bourgade devaient se raconter cela le soir au coin du feu, en tricotant les vêtements de leurs petits-enfants… Il y avait de quoi façonner une histoire, cela dit.
« Il y a beaucoup de ‘filles’ de ce genre ? Ou de garçons peut-être ? »
« Point trop. La dernière que j’ai connue est morte de vieillesse quand j’avais cinq ans. Du moins ma mère était persuadée qu’elle en était une. Elle avait un don certain avec les plantes… »
Son regard se fit pensif, plongé dans un passé lointain, et le ménestrel sourit de plus belle. Cela devenait de plus en plus piquant.
« Celle-ci aussi ? »
« Je n’en sais rien. Elle est tout le temps fourrée Dieu sait où, à se battre comme un garçon et à s’essayer à l’épée… »
« Un vrai garçon manqué alors. »
« Hum… Il y a de ça. Son père tente de la façonner à sa façon, mais l’argile reste carminoise. L’énergie qu’elle possède en elle n’est pas domptable.»
« Tout comme les gens d’ici, n’est-ce pas ? »
Elle répondit d’un hochement de tête et d’un sourire, regardant l’homme avec bienveillance. Son récit avait piqué son imagination… Une flamme des Carmines : cela ferait un excellent titre pour une histoire qui avait besoin d’être enjolivée et développée.
Cette petite n’en était qu’à l’aube de sa vie, mais le personnage de son récit aurait une destinée hors du commun.
Linnet Thrynne- Citoyen
- Nombre de messages : 1105
Lieu de naissance : Comté-du-Lac
Age : 23 ans
Date d'inscription : 29/06/2013
Re: Insignifiante
Son père tenait une lettre dans ses mains et semblait plongé dans sa lecture. S’approchant à pas de loups pour ne pas le déranger, elle voulut déposer le plateau repas qu’elle lui avait confectionné et repartir aussitôt, mais ses yeux accrochèrent les restes du sceau rouge qui avait probablement fermé la lettre.
Elle aurait reconnu cet insigne entre tous, malgré la faille qui le séparait en deux et défigurait l’homme représenté sommairement dans la cire.
L’armée du Nord. Et plus exactement le sceau du régiment dans lequel son frère s’était engagé.
L’effroi qui la saisit fut tel qu’elle sentit un frisson glacé parcourir son dos et creuser ses reins. Elle n’eut même pas conscience d’avoir posé le plateau un peu trop brusquement ni d’avoir éclaboussé avec le vin contenu dans le verre les papiers officiels qui jaugeaient le bureau de son père.
Terence leur envoyait des lettres écrites à la main et fermées sommairement : aucun sceau n’y figurait jamais parce que la famille Thrynne n’en avait jamais eu. Seuls les nobles s’en faisaient faire un, ou encore les représentants officiels.
Un sceau indiquait un message officiel. Et le régiment de Terence n’avait absolument aucune raison d’écrire à la Garde de Comté-du-Lac. Aucune… Sauf si la lettre était personnellement adressée au Capitaine Thrynne.
« Qu’est-il arrivé à Terence ? » murmura-t-elle, regrettant presque aussitôt d’avoir posé la question car elle savait d’ores et déjà qu’elle n’en supporterait pas la réponse.
Pour la première fois de sa vie, son père détourna les yeux pour lui répondre. L’homme franc et sûr de lui qu’il avait toujours été ne trouva pas le courage de regarder sa fille en face pour lui annoncer la nouvelle.
Sa main n’aurait pas tremblé s’il avait dû affronter une armée de gnolls enragés, mais affronter le visage défait de sa propre fille était au-dessus de ses forces.
Le silence dura quelques secondes qui lui parurent une éternité, et sa voix trembla quand elle redemanda :
« Que lui est-il arrivé Père ? »
Sa gorge lui semblait faite en granit et ses yeux, si peu habitués à pleurer, la brûlaient atrocement, mais il fallait qu’elle sache…
« Il n’y a plus de Terence Thrynne. » annonça le Capitaine d’une voix froide.
Elle voulut hurler mais aucun son ne sortit de sa bouche, sinon un horrible gémissement plaintif.
Son frère pourtant si adroit à l’épée, si fort dès qu’il s’agissait de se battre… Terence, sa seule fratrie qu’elle adorait plus que tout, et duquel elle attendait la prochaine permission avec tant d’impatience.
Tombait-on donc si facilement au front ? Une vie disparaissait-elle à l’aide de simples mots couchés sur du papier ?
« Va-t’en. » ordonna sèchement son père.
Elle connaissait trop cette voix pour ne pas obéir, et en un mouvement elle fut dehors, courant à perdre haleine. Pleurant sur ce coup du sort…
Resté seul, le Capitaine garda les yeux fixés sur le bois qui brûlait dans l’âtre, le corps figé dans une impassibilité lugubre. Il ne releva la tête que lorsque le vent se mit à souffler à l’extérieur et qu’une fine poussière rouge se mit à entrer par la fenêtre ouverte de son bureau.
Ce n’était pas la petite brise légère qui leur permettait de respirer quand le soleil se faisait trop lourd. La poussière se fit plus épaisse et vint cingler les carreaux avec véhémence, annonçant un de ces rares orages violents qui s’abattait parfois sur les Carmines.
« Je te laisse la consoler, moi je n’y arriverai pas. » murmura le Capitaine dans le vide.
Le vent redoubla de violence et un grondement sourd se fit entendre au loin…
Il resserra sa main sur la missive, faisant disparaître l’odieuse trahison d’un fils qu’il ne pouvait désormais plus considérer comme sien… et jeta le papier dans le feu.
Terence Thrynne n’existait plus.
Elle aurait reconnu cet insigne entre tous, malgré la faille qui le séparait en deux et défigurait l’homme représenté sommairement dans la cire.
L’armée du Nord. Et plus exactement le sceau du régiment dans lequel son frère s’était engagé.
L’effroi qui la saisit fut tel qu’elle sentit un frisson glacé parcourir son dos et creuser ses reins. Elle n’eut même pas conscience d’avoir posé le plateau un peu trop brusquement ni d’avoir éclaboussé avec le vin contenu dans le verre les papiers officiels qui jaugeaient le bureau de son père.
Terence leur envoyait des lettres écrites à la main et fermées sommairement : aucun sceau n’y figurait jamais parce que la famille Thrynne n’en avait jamais eu. Seuls les nobles s’en faisaient faire un, ou encore les représentants officiels.
Un sceau indiquait un message officiel. Et le régiment de Terence n’avait absolument aucune raison d’écrire à la Garde de Comté-du-Lac. Aucune… Sauf si la lettre était personnellement adressée au Capitaine Thrynne.
« Qu’est-il arrivé à Terence ? » murmura-t-elle, regrettant presque aussitôt d’avoir posé la question car elle savait d’ores et déjà qu’elle n’en supporterait pas la réponse.
Pour la première fois de sa vie, son père détourna les yeux pour lui répondre. L’homme franc et sûr de lui qu’il avait toujours été ne trouva pas le courage de regarder sa fille en face pour lui annoncer la nouvelle.
Sa main n’aurait pas tremblé s’il avait dû affronter une armée de gnolls enragés, mais affronter le visage défait de sa propre fille était au-dessus de ses forces.
Le silence dura quelques secondes qui lui parurent une éternité, et sa voix trembla quand elle redemanda :
« Que lui est-il arrivé Père ? »
Sa gorge lui semblait faite en granit et ses yeux, si peu habitués à pleurer, la brûlaient atrocement, mais il fallait qu’elle sache…
« Il n’y a plus de Terence Thrynne. » annonça le Capitaine d’une voix froide.
Elle voulut hurler mais aucun son ne sortit de sa bouche, sinon un horrible gémissement plaintif.
Son frère pourtant si adroit à l’épée, si fort dès qu’il s’agissait de se battre… Terence, sa seule fratrie qu’elle adorait plus que tout, et duquel elle attendait la prochaine permission avec tant d’impatience.
Tombait-on donc si facilement au front ? Une vie disparaissait-elle à l’aide de simples mots couchés sur du papier ?
« Va-t’en. » ordonna sèchement son père.
Elle connaissait trop cette voix pour ne pas obéir, et en un mouvement elle fut dehors, courant à perdre haleine. Pleurant sur ce coup du sort…
Resté seul, le Capitaine garda les yeux fixés sur le bois qui brûlait dans l’âtre, le corps figé dans une impassibilité lugubre. Il ne releva la tête que lorsque le vent se mit à souffler à l’extérieur et qu’une fine poussière rouge se mit à entrer par la fenêtre ouverte de son bureau.
Ce n’était pas la petite brise légère qui leur permettait de respirer quand le soleil se faisait trop lourd. La poussière se fit plus épaisse et vint cingler les carreaux avec véhémence, annonçant un de ces rares orages violents qui s’abattait parfois sur les Carmines.
« Je te laisse la consoler, moi je n’y arriverai pas. » murmura le Capitaine dans le vide.
Le vent redoubla de violence et un grondement sourd se fit entendre au loin…
Il resserra sa main sur la missive, faisant disparaître l’odieuse trahison d’un fils qu’il ne pouvait désormais plus considérer comme sien… et jeta le papier dans le feu.
Terence Thrynne n’existait plus.
Linnet Thrynne- Citoyen
- Nombre de messages : 1105
Lieu de naissance : Comté-du-Lac
Age : 23 ans
Date d'inscription : 29/06/2013
Re: Insignifiante
Il passa une main sur son front trempé de sueur et soupira : même à l’abri sous les feuillages des arbres, la chaleur était étouffante.
« Il arrive ».
Le garçon se tourna vers elle en plissant les yeux.
« Le chien aurait aboyé, on l’aurait entendu. »
Il haussa les épaules en arborant une moue dédaigneuse : cette fille n’aurait jamais dû venir avec eux. La chasse, qu’il s’agisse de gros gibier ou de petites proies, était affaire d’homme. Il fallait des muscles pour porter les armes, du courage pour attaquer l’animal et de l’honneur pour le tuer avec dignité.
Tout ce qu’une femme n’aurait jamais selon lui. Et encore moins ce garçon manqué aux cheveux roux, qui s’acharnait à suivre leur petite bande au lieu de rester près de leurs mères à apprendre le tricot ou toute autre activité réservée aux femmes.
D’ailleurs, cela n’aurait tenu qu’à lui, il y aurait belle lurette qu’il l’aurait chassé à coup de trique sur le dos ! Il détestait ses grands sourires et son agilité à l’épée : l’escrime était un art masculin, pas une pitrerie à apprendre à une fille ! Il la détestait encore plus parce qu’elle était la fille d’un capitaine, et se croyait tout permis à cause de cela…
Mais ses amis l’adoraient et semblaient perplexes chaque fois qu’il leur rétorquait qu’elle n’avait pas sa place parmi eux : la considéraient-ils seulement comme une fille ? A entendre leurs plaisanteries crues ou leurs accolades bourrues, il en doutait. Ils agissaient avec elle comme ils agissaient entre eux, sans même jamais prendre de gants ou retenir leurs paroles les plus indélicates vis-à-vis de la gente féminine.
Cette chipie avait réussi à les berner, mais lui n’était pas dupe.
« Je te dis qu’il arrive. » répéta-t-elle à nouveau.
« Mais tais-toi, on ne va pas les entendre ! » maugréa-t-il en la rabrouant sèchement.
Et voilà qu’elle se permettait de donner son avis maintenant ! Le chien aboyait toujours quand il tombait sur sa proie au fond du terrier, afin de donner l’alerte. Or ils n’avaient encore rien entendu et étant donné le temps qu’il mettait à remonter, le petit bâtard allait rentrer bredouille après avoir retourné le terrier dans tous les sens.
Décidément, les filles n’étaient pas douées pour la chasse.
« Dire que je suis obligé de me coltiner une nulle comme toi… Tu piges rien à la chasse. »
Un simple haussement de sourcil répondit à sa provocation, accompagné d’un reniflement moqueur.
« Toujours aussi aimable toi. Tu ne changes pas… »
« Je t’emm… »
Le renard surgit brusquement, bondissant avec une telle rapidité que le garçon en perdit l’équilibre et se retrouva sur les fesses, sa dague lui échappant maladroitement.
Sa belle fourrure tâchée de sang au niveau du poitrail et de la gueule, l’animal siffla comme un enragé, furieux de trouver des intrus si proches de sa tanière, et il se tassa sur le sol, ses yeux jaunes rivés sur le duo.
En temps normal, une bête n’attaquait pas les humains, mais celle-là était blessée et avait sans doute une portée à protéger : le sang l’avait aveuglé et lui avait fait perdre toute prudence.
Affolé, le garçon chercha sa dague au sol, tâtonnant si rapidement que ses doigts finirent par en trouver le tranchant… et s’y blessèrent. Il gémit de douleur et ce fut comme un signal pour le renard qui bondit, ses repères totalement affolés par l’odeur du sang frais.
L’animal ne le tuerait pas mais il pourrait sérieusement le blesser… Toutefois, les yeux du garçon ne virent qu’un chatoyant mélange de rouge virevolter devant ses yeux sans l’atteindre.
Rouge sang… Rouge or… Rouge velours… Une explosion inattendue qui le laissa béat, et qui se termina aussi rapidement qu’elle avait commencé.
Linnet se redressa et laissa à terre le corps du renard : le temps de reprendre son souffle, elle jeta un regard empli de tristesse sur la carcasse.
Elle l’avait… protégé. Bon sang, il allait lui être redevable maintenant !
Son animosité redoubla et il cancana, arrogant et méchant :
« Me dis pas que tu vas pleurer sur cette saloperie ! T’es bien une gonzesse toi ! »
Elle releva un regard furieux vers lui, un regard teinté d’un tel mépris qu’il se sentit soudain tout petit.
« Pauvre imbécile, s’il est sorti, c’est qu’il a tué ton chien. »
Et elle l’abandonna avec sa proie du jour, le laissant encore plus bête qu’avant. Plus bête et plus seul.
Une journée comme une autre dans les Carmines…
« Il arrive ».
Le garçon se tourna vers elle en plissant les yeux.
« Le chien aurait aboyé, on l’aurait entendu. »
Il haussa les épaules en arborant une moue dédaigneuse : cette fille n’aurait jamais dû venir avec eux. La chasse, qu’il s’agisse de gros gibier ou de petites proies, était affaire d’homme. Il fallait des muscles pour porter les armes, du courage pour attaquer l’animal et de l’honneur pour le tuer avec dignité.
Tout ce qu’une femme n’aurait jamais selon lui. Et encore moins ce garçon manqué aux cheveux roux, qui s’acharnait à suivre leur petite bande au lieu de rester près de leurs mères à apprendre le tricot ou toute autre activité réservée aux femmes.
D’ailleurs, cela n’aurait tenu qu’à lui, il y aurait belle lurette qu’il l’aurait chassé à coup de trique sur le dos ! Il détestait ses grands sourires et son agilité à l’épée : l’escrime était un art masculin, pas une pitrerie à apprendre à une fille ! Il la détestait encore plus parce qu’elle était la fille d’un capitaine, et se croyait tout permis à cause de cela…
Mais ses amis l’adoraient et semblaient perplexes chaque fois qu’il leur rétorquait qu’elle n’avait pas sa place parmi eux : la considéraient-ils seulement comme une fille ? A entendre leurs plaisanteries crues ou leurs accolades bourrues, il en doutait. Ils agissaient avec elle comme ils agissaient entre eux, sans même jamais prendre de gants ou retenir leurs paroles les plus indélicates vis-à-vis de la gente féminine.
Cette chipie avait réussi à les berner, mais lui n’était pas dupe.
« Je te dis qu’il arrive. » répéta-t-elle à nouveau.
« Mais tais-toi, on ne va pas les entendre ! » maugréa-t-il en la rabrouant sèchement.
Et voilà qu’elle se permettait de donner son avis maintenant ! Le chien aboyait toujours quand il tombait sur sa proie au fond du terrier, afin de donner l’alerte. Or ils n’avaient encore rien entendu et étant donné le temps qu’il mettait à remonter, le petit bâtard allait rentrer bredouille après avoir retourné le terrier dans tous les sens.
Décidément, les filles n’étaient pas douées pour la chasse.
« Dire que je suis obligé de me coltiner une nulle comme toi… Tu piges rien à la chasse. »
Un simple haussement de sourcil répondit à sa provocation, accompagné d’un reniflement moqueur.
« Toujours aussi aimable toi. Tu ne changes pas… »
« Je t’emm… »
Le renard surgit brusquement, bondissant avec une telle rapidité que le garçon en perdit l’équilibre et se retrouva sur les fesses, sa dague lui échappant maladroitement.
Sa belle fourrure tâchée de sang au niveau du poitrail et de la gueule, l’animal siffla comme un enragé, furieux de trouver des intrus si proches de sa tanière, et il se tassa sur le sol, ses yeux jaunes rivés sur le duo.
En temps normal, une bête n’attaquait pas les humains, mais celle-là était blessée et avait sans doute une portée à protéger : le sang l’avait aveuglé et lui avait fait perdre toute prudence.
Affolé, le garçon chercha sa dague au sol, tâtonnant si rapidement que ses doigts finirent par en trouver le tranchant… et s’y blessèrent. Il gémit de douleur et ce fut comme un signal pour le renard qui bondit, ses repères totalement affolés par l’odeur du sang frais.
L’animal ne le tuerait pas mais il pourrait sérieusement le blesser… Toutefois, les yeux du garçon ne virent qu’un chatoyant mélange de rouge virevolter devant ses yeux sans l’atteindre.
Rouge sang… Rouge or… Rouge velours… Une explosion inattendue qui le laissa béat, et qui se termina aussi rapidement qu’elle avait commencé.
Linnet se redressa et laissa à terre le corps du renard : le temps de reprendre son souffle, elle jeta un regard empli de tristesse sur la carcasse.
Elle l’avait… protégé. Bon sang, il allait lui être redevable maintenant !
Son animosité redoubla et il cancana, arrogant et méchant :
« Me dis pas que tu vas pleurer sur cette saloperie ! T’es bien une gonzesse toi ! »
Elle releva un regard furieux vers lui, un regard teinté d’un tel mépris qu’il se sentit soudain tout petit.
« Pauvre imbécile, s’il est sorti, c’est qu’il a tué ton chien. »
Et elle l’abandonna avec sa proie du jour, le laissant encore plus bête qu’avant. Plus bête et plus seul.
Une journée comme une autre dans les Carmines…
Linnet Thrynne- Citoyen
- Nombre de messages : 1105
Lieu de naissance : Comté-du-Lac
Age : 23 ans
Date d'inscription : 29/06/2013
Re: Insignifiante
A plat ventre sur l’herbe sèche, un brin de paille dans la bouche et leurs jambes battant une cadence relâchée derrière eux, ils observaient les petites barques sur le lac. Comme chaque jour, le soleil s’y miroitait, amant narcissique fidèle, et ils devaient souvent mettre la main en visière pour apercevoir les minuscules silhouettes des pêcheurs.
« Je crois qu’Herbert vient de choper un gros poisson dis donc. Tu as vu comme sa barque bouge ? »
Elle plissa les yeux et chassa une de ses mèches de cheveux qui lui retombaient sur le visage pour mieux regarder.
« Vu comme il se débat, il est tombé sur un poisson-chat. »
« J’ai déjà vu des perches aussi excitées, tu sais. »
Haussant les épaules, elle abandonna là le sujet et elle s’aplatit totalement dans l’herbe, son menton venant se poser sur ses mains jointes. Coincé entre ses dents, le brin de paille virevoltait dans tous les sens et relâchait sur sa langue un goût d’herbe amère et de terre rouge qu’elle affectionnait par-dessus tout.
On ne pouvait rêver plus belle journée. Ecrasante, étouffante et aussi sèche que la poussière qu’une légère brise courageuse soulevait parfois entre deux rochers… Mais pourtant parfaite : chacun avait sa place dans ce petit univers quotidien, et sans se poser de questions, faisait ce qu’il devait faire. Le cœur se reposait et l’esprit suivait, se contentant de la simplicité et occultant les difficultés.
Un rouage identique à celui de la veille, et probablement à celui du lendemain. Et personne n’était assez fou pour y jeter un grain de sable et l’enrayer.
« Il paraît que le fils Smith va partir… Il veut aller voir le monde. Enfin, c’est c’qu’y dit. »
Le brin de paille s’agita de plus belle alors qu’elle le mordait brutalement, mais elle ne répondit pas à son ami.
« Ils ont tous la bougeotte une fois devenu adulte. A croire que c’est forcément plus beau ailleurs. »
« Ca c’est impossible ! Il n’existe pas plus bel endroit que les Carmines ! » s’insurgea-t-elle en le foudroyant du regard.
« J’suis d’accord mais c’est c’qu’y pensent. » énonça-t-il d’une voix molle, sans guère s’inquiéter de la véhémence de sa compagne d’observation.
S’il l’adorait, c’était bien parce qu’elle était entière et pleine de passion. Contrairement aux autres filles qui chuchotaient avec leurs amies ou déguisaient souvent leurs pensées par des phrases compliquées, la rousse allait droit au but et ne s’embarrassait pas d’artifices. Avec elle, il réussissait à parler de tout sans que cela paraisse grossier ou mal élevé, et il se sentait bien. Pas de rivalité comme avec un autre garçon, et pas de gêne comme avec une fille.
Avec Linnet, tout était simple. Alors il savait déjà ce qu’il ferait plus tard.
« Moi je resterai, je n’ai pas envie de partir. Et je t’épouserai Linnet. »
Elle tourna à peine la tête et ses yeux plongèrent dans les siens, le scrutant pour tenter de deviner s’il plaisantait ou non.
« Ne dis pas n’importe quoi Damien. »
« Je ne mens pas. Je me moque que tu ne saches pas coudre ou que tu préfères t’entraîner à l’épée plutôt que de rester avec les autres femmes. Tu sais cuisiner, tu es plutôt jolie et je t’aime bien. »
Elle retint à grand-peine un éclat de rire, mais ses lèvres s’incurvèrent dans un sourire amusé en même temps que ses yeux pétillaient d’une joie espiègle.
« Dis comme cela, comment veux-tu que je te résiste ? Donc si je t’épouse, tu resteras à la maison t’occuper du ménage pendant que j’irai entraîner nos enfants à l’épée ?»
Une moue lui échappa et il détourna les yeux vers le lac.
« Ben voilà, tu te moques. »
« Non Damien, je ne me moque pas. » Elle se redressa sur ses coudes et reprit plus fortement. « Je ne conçois pas ma vie derrière des fourneaux, à tenir un balai. Je veux continuer dans l’escrime, je veux m’améliorer et suivre la voie de mon père. »
« Tu t’engagerais dans la Garde ? »
« Pourquoi pas ? Les femmes y sont admises et on respecte leurs talents. »
« Mais tu n’auras jamais une vraie vie heureuse si tu fais cela ! »
Il semblait au désespoir, voire abasourdi d’un tel choix. Il avait toujours admiré le talent de Linnet à l’épée, mais de là à y consacrer sa vie… Il ne l’aurait jamais cru aussi radicale.
Ses mèches rousses perdirent soudain de leur charme à ses yeux et il maugréa de plus belle, pestant intérieurement contre les femmes, la Garde et l’escrime.
« Et bien, si je ne suis pas heureuse, même si j’en doute… Je démissionnerai et te t’épouserai alors, Damien. Je te le promets. »
Il savait qu’elle plaisantait, mais il enregistra tout de même l’information dans un coin de son cerveau, au cas où. On ne savait jamais…
Et quelque part entre les rochers englués dans la terre rouge sang, la brise s’accentua, glissant sur les surfaces rugueuses du granit, créant un petit sifflement proche du rire.
« Je crois qu’Herbert vient de choper un gros poisson dis donc. Tu as vu comme sa barque bouge ? »
Elle plissa les yeux et chassa une de ses mèches de cheveux qui lui retombaient sur le visage pour mieux regarder.
« Vu comme il se débat, il est tombé sur un poisson-chat. »
« J’ai déjà vu des perches aussi excitées, tu sais. »
Haussant les épaules, elle abandonna là le sujet et elle s’aplatit totalement dans l’herbe, son menton venant se poser sur ses mains jointes. Coincé entre ses dents, le brin de paille virevoltait dans tous les sens et relâchait sur sa langue un goût d’herbe amère et de terre rouge qu’elle affectionnait par-dessus tout.
On ne pouvait rêver plus belle journée. Ecrasante, étouffante et aussi sèche que la poussière qu’une légère brise courageuse soulevait parfois entre deux rochers… Mais pourtant parfaite : chacun avait sa place dans ce petit univers quotidien, et sans se poser de questions, faisait ce qu’il devait faire. Le cœur se reposait et l’esprit suivait, se contentant de la simplicité et occultant les difficultés.
Un rouage identique à celui de la veille, et probablement à celui du lendemain. Et personne n’était assez fou pour y jeter un grain de sable et l’enrayer.
« Il paraît que le fils Smith va partir… Il veut aller voir le monde. Enfin, c’est c’qu’y dit. »
Le brin de paille s’agita de plus belle alors qu’elle le mordait brutalement, mais elle ne répondit pas à son ami.
« Ils ont tous la bougeotte une fois devenu adulte. A croire que c’est forcément plus beau ailleurs. »
« Ca c’est impossible ! Il n’existe pas plus bel endroit que les Carmines ! » s’insurgea-t-elle en le foudroyant du regard.
« J’suis d’accord mais c’est c’qu’y pensent. » énonça-t-il d’une voix molle, sans guère s’inquiéter de la véhémence de sa compagne d’observation.
S’il l’adorait, c’était bien parce qu’elle était entière et pleine de passion. Contrairement aux autres filles qui chuchotaient avec leurs amies ou déguisaient souvent leurs pensées par des phrases compliquées, la rousse allait droit au but et ne s’embarrassait pas d’artifices. Avec elle, il réussissait à parler de tout sans que cela paraisse grossier ou mal élevé, et il se sentait bien. Pas de rivalité comme avec un autre garçon, et pas de gêne comme avec une fille.
Avec Linnet, tout était simple. Alors il savait déjà ce qu’il ferait plus tard.
« Moi je resterai, je n’ai pas envie de partir. Et je t’épouserai Linnet. »
Elle tourna à peine la tête et ses yeux plongèrent dans les siens, le scrutant pour tenter de deviner s’il plaisantait ou non.
« Ne dis pas n’importe quoi Damien. »
« Je ne mens pas. Je me moque que tu ne saches pas coudre ou que tu préfères t’entraîner à l’épée plutôt que de rester avec les autres femmes. Tu sais cuisiner, tu es plutôt jolie et je t’aime bien. »
Elle retint à grand-peine un éclat de rire, mais ses lèvres s’incurvèrent dans un sourire amusé en même temps que ses yeux pétillaient d’une joie espiègle.
« Dis comme cela, comment veux-tu que je te résiste ? Donc si je t’épouse, tu resteras à la maison t’occuper du ménage pendant que j’irai entraîner nos enfants à l’épée ?»
Une moue lui échappa et il détourna les yeux vers le lac.
« Ben voilà, tu te moques. »
« Non Damien, je ne me moque pas. » Elle se redressa sur ses coudes et reprit plus fortement. « Je ne conçois pas ma vie derrière des fourneaux, à tenir un balai. Je veux continuer dans l’escrime, je veux m’améliorer et suivre la voie de mon père. »
« Tu t’engagerais dans la Garde ? »
« Pourquoi pas ? Les femmes y sont admises et on respecte leurs talents. »
« Mais tu n’auras jamais une vraie vie heureuse si tu fais cela ! »
Il semblait au désespoir, voire abasourdi d’un tel choix. Il avait toujours admiré le talent de Linnet à l’épée, mais de là à y consacrer sa vie… Il ne l’aurait jamais cru aussi radicale.
Ses mèches rousses perdirent soudain de leur charme à ses yeux et il maugréa de plus belle, pestant intérieurement contre les femmes, la Garde et l’escrime.
« Et bien, si je ne suis pas heureuse, même si j’en doute… Je démissionnerai et te t’épouserai alors, Damien. Je te le promets. »
Il savait qu’elle plaisantait, mais il enregistra tout de même l’information dans un coin de son cerveau, au cas où. On ne savait jamais…
Et quelque part entre les rochers englués dans la terre rouge sang, la brise s’accentua, glissant sur les surfaces rugueuses du granit, créant un petit sifflement proche du rire.
Linnet Thrynne- Citoyen
- Nombre de messages : 1105
Lieu de naissance : Comté-du-Lac
Age : 23 ans
Date d'inscription : 29/06/2013
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum