Le chant de la Grive
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Le chant de la Grive
Arnil avait toujours été solitaire. Il vivait seul, dans la capitale Tirassienne, à deux pas de la caserne. Pratique, simple, militaire. C'était un homme bon, plein de tocs, de superstitions et d'habitudes étranges. Il avait d'ailleurs la manie de se préparer du porc, tous les dixièmes jour du mois. Ce fameux dixième jour était arrivé, et ce dîner allait être comme tous ceux avant lui, un délice, dévoré dans un calme total et une solitude reposante.
Il dégustait déjà son plat du regard lorsque trois petits coups secs, résonnèrent à travers les murs lourds de sa demeure de pierres blanches, et de bois brun. Confrontant le Capitaine à un de ces sentiments qu'il haïssait, celui d'être extirpé de son cocon par une réalité ambiante.
Arnil se leva en direction de la porte, prêt à en découdre avec le malotru qui osait perturber son rituel gustatif. Ce devait être encore un factionnaire, ils avaient la fâcheuse habitude de pleurer sur le parvis de sa demeure. Il se rembrunit, s'éclaircit la voix et lança:
"Je vous ai dit que c'était NON, Clairbois, pas d'augmentation à dis-.."
Lorsqu'il ouvrit la porte, la chute de ses paroles se fana dans un mutisme. Ce n'était pas cet abruti de Clairbois qui venait quémander une prime, mais une vieille femme rabougrie.
"Que puis-je pour vous citoyenne ?" Prononça le soldat, las.
En un claquement de doigt, l'apparence de la grand-mère changea du tout au tout. Les rides dégoulinantes de son visage se muèrent en une peau lisse et opaline, ses cheveux hirsutes en une chevelure blonde parfaitement brossée, et ses prunelles grisées par la cataracte s'illuminèrent, berçant les rebords de la capuche qui recouvrait son crâne, dans une petite lueur bleutée. C'était l'émissaire d'une Magistrice, qu'il avait rencontré il y a plus d'un an de cela à l'ambassade. Elle était toujours aussi belle. Arnil repassa une main dans ses cheveux, il voulu commencer à parler mais la quel'dorei le coupa.
-"J'ai du me reclure pendant dix mois. Dix mois, articula la thalassienne. Je ne t'accuse de rien mais débrouille toi avec maintenant, lança l'elfe dans un élan d'agacement, elle lui tendit un panier en osier, empli de couvertures recouvrant un petit être à peine plus grand qu'une dague. Il est de toi, c'est certain. Regarde ses yeux et ses oreilles. Il est difforme. Et ses yeux ne brillent pas."
Arnil prit le temps d'analyser sa progéniture avec incertitude. En effet, il s'agissait clairement d'un bâtard. Ses yeux n'étincelaient pas, son corps était frêle mais pas assez élancé pour être celui d'un elfe, et ses sourcils bien que trop longs, ne se décollaient pas de leurs arcades, comme ceux des habitant de Quel'Danas. Le soldat déglutit et reprit,
-De moi? Mais je croyais qu'il n'y avait aucun risque.. Rentre, ne reste pas là, nous allons discuter.
-C'est hors de question. Je ne te referai plus le plaisir de rentrer dans cette bicoque miteuse.
-C'est toujours un plaisir.. Entre te dis-je, nous n'allons pas prendre le risque de nous afficher publiquement.
Arnil semblait paniquer, tout allait beaucoup trop vite pour lui. Il coula un regard à l'elfe, puis avisa le nouveau né, avant de regarder l'elfe à nouveau...
-Ne sois pas idiot. C'est déjà un miracle de ne pas avoir été suivi. J'ai pris le risque de venir jusqu'ici en personne. Si tu ne fais pas attention à cet enfant, que tu ne tiens pas ta langue sache qu'elle en payera le prix. Ce serait pour la maison ennemie à la mienne, une preuve de faiblesse exploitable, et nous en payerions tous trois le prix."
Avant qu'Arnil ne puisse dire quoi que ce soit, l'elfe changea son apparence une nouvelle fois, reprenant les traits de l'ancêtre sous lesquels elle était venue, et disparut dans les brumes matinales de la cité portuaire.
Le médecin passa un long moment seul, son porc déposé sur un côté de la table, à contempler le nourrisson. Un petit être frêle, aux oreilles décollées et pointues. Ses prunelles, avaient tout gardé de la couleur claire des yeux de sa mère. Arnil passa des heures à observer l'enfant, il en perdit même la notion du temps sans s'en rendre compte.
Qu'allait-il bien pouvoir faire de ce bébé...
Dernière édition par Feyrelith le Jeu 11 Juil 2019 - 17:14, édité 2 fois
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Re: Le chant de la Grive
Le jour se levait et un beuglement résonna depuis le salon.
"Eldreith ! Debout, dépêche toi!"
Elle n'avait pas envie. Pas déjà. Peut-être aurait-elle une chance, en jouant la morte, d'échapper à l'horreur de la situation...
"Ca fait douze ans que je te le répète: Tes oreilles bougent quand elles captent le moindre bruit. Arrête de me faire croire que tu n'as rien entendu. Lève toi, et viens manger."
Ses satanées oreilles étaient la seule chose qui dépassait de la couette. En fait, elles étaient les seules choses qui dépassaient tout le temps, de partout.
Ses lobes se murent avec désespoir, se tordant aux extrémités. Elle grommela quelques mots, la tête dans son édredon.
"On ne marmonne pas dans sa barbe jeune fille"
Eldreith fronça ses longs sourcils et répliqua, avec la répartie de tout adolescent en devenir.
"J'ai peut être de grandes oreilles mais je n'ai pas de barbe. Et je ne veux pas y aller.
-Eldreith.. L'école n'a plus rien à t'apprendre. Tu veux devenir médecin oui ou non?"
La jeune fille finit par se lever. Elle sortit de son lit avec lenteur et traversa la pièce en traînant des pieds. Elle s'assit sur un des strapontins inconfortables de la cuisine, se hissa pour en atteindre l'assise et se laissa choir sur le bois abîmé de la table haute. Là, elle déposa ses prunelles claires sur Arnil, le dévisageant.
"Médecin, pas pretresse. Je veux devenir médecin pas prêtresse.. Et je veux pas partir..."
Arnil rajusta son tablier de cuisine. Il savait qu'il avait l'air parfaitement ridicule dedans, mais Eldreith le lui avait offert pour la semaine des enfants. Bien qu'il ne voulu l'admettre devant sa fille, il était déchiré. Il allait devoir se séparer pour la première fois, depuis douze ans, de celle qui avait rejoint son quotidien un dixième soir du mois, dans un couffin. Le soldat ne dit rien, il se contenta de garnir deux bols de flocons d'avoine, mijotés dans du lait et du miel chaud.
L'odeur sucrée du mets berçait la pièce dans une petite fumée légère. La jeune fille regarda son père un instant, fronçant ses longs sourcils, dérangée par son mutisme.
"Tu es triste. Je sais que tu es triste Papa.
-Je sais que tu sais, et c'est d'ailleurs pour ça que tu vas là où tu vas. Parce que tu es capable de ressentir bien plus qu'un simple médecin peut ressentir. Je sais que tu comprendras."
-Pourquoi tu l'as pas fait toi?"
-De quoi?"
-Bah être prêtresse, quoi d'autre"
Arnil esquissa un sourire. Il admirait l'assurance de sa fille, sa force de caractère, sa retenue. Il la contempla comme pour en mémoriser les traits, avant de n'avoir à la quitter. Il lui fallu reprendre d'une voix légèrement tremblotante.
"Parce que je n'ai pas ta sensibilité
-C'est faux, tu pleures quand tu lis ton bouquin "Les amants de Mysir"
Arnold bougonna
"Oui bon, alors disons que nous n'avons pas la même sensibilité là, ça te va ? La tienne est spéciale. Elle est utile. Voilà.
-Tu boudes papa ?
-Bon tais-toi et mange. Ou ce sera à la mine que je t'enverrai, pour finir"
Eldreith souffla un rire. Le père et la fille s'échangèrent un coup d'œil complice avant de terminer le repas en silence.***
Dernière édition par Feyrelith le Jeu 11 Juil 2019 - 17:23, édité 1 fois
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Re: Le chant de la Grive
« Allez, laisse la Mona, si la Soeur Chantécume te voit faire, ça va péter, elle n’en vaut pas la peine.
-C’est clair, laisse la bâtarde où elle est, on s’en fiche »
Mona finit par lâcher son bâton dans un bruit détonnant. Elle quitta la salle avec ses camarades, laissant le sol immaculé de la salle d’entrainement, constellé de sang et de cheveux. Mona Sifflemorne était une kultirassienne, une vraie. D’une lignée pure et d’un physique à en faire jalouser la cour de l’Amirauté. Sa peau bronzée respirait l’air marin, le bleu de ses yeux reflétait les cieux et ses oreilles rondes et bien formées, épousaient à merveille les longueurs solaires de sa chevelure parfaitement brossée. Dans son ombre, Eldreith faisait pâle figure. Elle n’avait rien d’une kultirassienne, ni même de l’augure émérite, que son père avait vu en elle. Loin de l’ombre protectrice de ce dernier, elle était seulement le fruit d’une union douteuse, dont tout le monastère se moquait ouvertement.
Baignée dans la lumière d’un vitrail, elle peinait à se relever. Elle sentait ses os brisés lécher ses chaires déchirées. Sans les regarder, elle passa ses mains gantées sur ses blessures. Éclairée par les couleurs disparates du verre peint, l’apprentie eaugure souffla quelques complaintes, en priant la Lumière dans une psalmodie approximative. Ce n’était pas à ce culte des Mers auquel elle en appelait, non. La demi-elfe allait à l’encontre des traditions, depuis qu’elle avait trouvé dans un grimoire volé, le secret des prêtres de la Première Guerre. Un manuscrit digne d’une hérétique, le fruit d’un discours manichéen opposant l’ombre à la lumière. Seule cette force lui venait en aide lorsqu’elle était laissée à l’abandon. C’était elle, cette présence bénéfique, cet espoir.
La prêtresse finit de réciter. Elle s’était faite à la sensation des blessures se refermant et au bruissement des os dans sa peau. Dans un mouvement difficile elle se hissa sur ses bras, la chevelure hirsute et les pommettes recouvertes d’un lueur humide. Assise, Eldreith contempla la peau bleutée de ses cuisses, avant de passer une main sur son visage, défiguré par les coups. Au moins avait-elle soigné le principal de ses blessures. Laissée seule face à l’intransigeance de la solitude, elle s’interrogeait. Parfois pendant des heures, elle réfléchissait la notion de Compassion. Ses camarades en étaient-ils démunis ? Avaient-ils conscience du mal qu’ils faisaient ? Terrée dans une peur ineffable, elle scrutait les alentours avant de trouver la force de tenir sur ses jambes tremblotantes. Elle les détestait, tous. Son père, ses camarades et ses professeurs. Tous.
Lorsqu’elle eut gagné son lit, Eldreith n’en finit pas de s’interroger, d’analyser sa condition. Elle pensa, encore et encore à la façon la plus adéquate de se rendre justice. A la manière la plus simple de reprendre le dessus.
***
Le chant des cloches la réveilla. Elle en compta plus de cinq, c’était inhabituel. Elle glissa ses pieds dans l’étoffe tressée de ses sandales, et entreprit de quitter sa chambre. D’un pas décidé elle avançait vers la salle d’étude, bien décidé à publiquement prendre la parole sur ce qu’elle vivait au quotidien. Elle voulait dénoncer, à la façon de ces prêtres qu’elle étudiait et dont la verve s’élevait contre l’injustice. Ceux la même qui dénonçaient les maux et défendaient la vérité, au noms des trois vertus. Elle voulait crier au monde entier sa souffrance, pointer du doigt Mona et l’humilier publiquement et démasquer ces êtres viciés, à grand coup de paroles cinglantes et vindicatives. Elle voulait confronter Mona en exhibant ses cicatrices, elle voulait que tous la copient, qu’elle retourne l’opinion public contre sa rivale, d’un trait d’esprit. Elle avait soif de revanche, de justice. Son pas se raffermit, davantage. La brique du sol ployait sous le joug arrogant de ses pas déterminés. Elle les sentait trembler sous la plante de ses pieds. Eldreith, galvanisée, poussa le bois sculpté des portes de la loge d’étude, inspirant, prête à en découdre avec le monde. Elle pénétra la salle, conquérante, et dans un souffle s’écria: « Trouvez-vous cela normal, de tolérer ainsi l’injustice qui nous enjoint à courber l’éch-.. »
Face à elle, les chaises vides d’une vingtaine d’élèves trônaient, solitaires, dans un silence religieux. La demi-elfe cilla avant de laisser traîner ses oreilles. Des gens courraient plus loin, en direction du cloître. Elle finit par rejoindre la cour au pas de course, elle aussi, craignant un retard quant à un évènement important auquel elle aurait omis de penser. « La fête du solstice ? Non, trop tôt. La célébration des premiers eaugures ? Non Trop tard. Mais quoi, alors ? ». Quelques mètres plus loin, elle aperçut une foule, groupée et chuchotante. Elle se faufila, tout en écoutant le discours de la Prêtresse Principale:
« Ici, au coeur de cette île, c’est l’idéal de l’Eglise des Mers qui prévaut. Voilà pourquoi nous sommes ravis en ce jour si spécial d’accueillir Dame Ledisse Voeurst, de la Maison Chantorage et son fils, qui vont, durant un an, étudier notre manière d’approcher la pédagogie dans un soucis de cohérence entre tous les établissements. Ma Dame, Sieur, soyez les bienvenus parmi nous! »
Eldreith détailla le fils de la mage, plissant un œil lorsqu'elle détailla sa paire d'oreilles pointues.***
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Re: Le chant de la Grive
Cette chambre, était une échappatoire. Une halte dans le temps. Dans ses bras, rien n’avait plus la même signification, la même valeur. Ses baisers étaient une source de réconfort inépuisable et la chaleur de son souffle réveillait chez Eldreith, des sentiments indicibles. A l’ombre des ses caresses, la demi-elfe avide de vengeance se muait en un être doux et docile. Ses démons, ses fantômes, s’évaporaient, à chaque contact contre sa peau.
Il faisait chaud, même cette nuit là. Aucun vent ne soufflait, et la chaleur sèche rendait l’air étouffant. Les deux demi-elfes ruisselaient de sueur, nus dans une mer de drapés de soie. Victelius était muet, depuis dix bonnes minutes. Il n’avait jamais été particulièrement locace, surtout après leurs ébats, mais elle lui connaissait, depuis quelques jours, des manières distantes qui l’effrayaient plus que tout. Comment arriverait-elle à reprendre sa vie en main, si d’aventure le sentiment grisant qu’elle ressentait à son égard, fanait à l’image de leur relation? La prêtresse détailla son amant, qui passait une main distraite dans sa chevelure, yeux rivés sur le plafond. Il était en pleine réflexion.
« Tu penses que ta mère nous cherche ? Eldreith parlait bas, comme si un danger résidait derrière chaque mur de la maison. Bien qu’ils soient tous composés d’une pierre lourde, elle suspectait Lady Voeurst de les écouter grâce à quelques sortilèges. Après tout, c’était bien là le défaut qu’elle connaissait à tous les mages, la curiosité.
-Pourquoi est-ce que tu penses à cela ? Dit Victelius d’un ton monocorde, le regard vide, toujours. Ses mains quittèrent les longueurs blond-cendré de sa compagne avant de s’enquérir de sa gorge, glissant jusqu’à sa poitrine, avant d’embrasser, dans un geste éhonté, leurs sommets rosâtres.
-Je pense toujours à ce genre d’inconvénients. C’est en ça que je te suis utile, tu ferais bien de t’en rappeler. Eldreith se releva, rapidement, sortant le mage de sa torpeur, lequel cillait avant de froncer, manifestement déstabilisé.
-Tu n’es pas utile qu’à ça, Eldreith, dit-il, empoignant son bras comme pour la retenir. Eldreith fit volte-face, envoyant valser le bras de Victelius dans un mouvement de rejet presque violent. Elle pinçait les lèvres, interdite.
-Ah non? Et à quoi d’autre, alors, Monsieur Ieralwen? Elle avisa sa poitrine un instant, avant d’en revenir à lui. Ah, j’ai bien ma petite idée. Elle avait cette fâcheuse habitude de tout rendre plus complexe, plus dur. Chaque moment ensemble obéissait depuis plus d’un mois à une loi dramatique, qui lassait petit à petit Victelius. Une étreinte, qui se transformait en un moment intime lequel se muait, irrévocablement, en une sortie théâtrale, qui semblait transcender toute compréhension. Une animosité nouvelle qui laissait songeur le mage.
-Tu sais aussi très bien recoudre mes plaies et tu fais des gratins incroyables, lança-t-il à Eldreith dans un regard emprunt de malice. Victelius se targuer de peu de choses, mais il était indéniablement aussi intelligent que bon désamorceur.
-Idiot, se fendit Eldireth, dans un élan de sympathie. Elle détaillait Victelius, scrutant ses traits avec une délicatesse nouvelle.
-Dis-moi ce qui ne va pas. Dis-le moi, vraiment. Victelius se releva, faisant léviter un draps, avant que ce dernier ne ceigne sa taille dans un geste délicat.
-Rien. Eldreith regardait à son tour dans le vide, empruntant à son amant, sans s’en rendre réellement compte, son attitude désinvolte. La paume de sa main embrassa délicatement la chair de son cou, détaillant subtilement sa nuque. Elle semblait plonger dans une introspection, lorsque Victelius reprit.
-Tu n’es pas avec Mona, avec ton père ou ton commandant, ici. C’est toi et moi, grive. A l’énoncent de son surnom, la prêtresse frissonna. Son âme toute entière bourdonnait d’une folle envie de vomir un tas de parole difforme, dégoûtant. Elle quitta son apparent état de méditation, happée par l’indicible expression d’une colère noire. Ses oreilles alors courbes, se redressèrent en leurs chefs, rougissant sur leur extrémités. Ses sourcils longs, soulignés d’une note de pigment beige, se ruèrent vers le centre de son visage, fronçant tant et si bien que ses paupières s’ombragèrent d’une ombre nouvelle.
-C’est toi et moi ? Vraiment Victelius ? Toi et moi ? Ou toi, ta mère qui me déteste, ta future épouse qui t’attend à la capitale et moi ? Cela m’assome. Cela me hante. Tu t’en fiches bien, toi , de savoir qui, quoi et quand. Tu es riche, les filles trouvent à tes origines métissées un charme particulier. Tu es pour les paysannes un objet de curiosité, pour les bourgeoise un monstre d’élégance et pour les petites nobles, un objet de rébellion, l’ami dont leurs parents ne veulent pas. Et moi je suis quoi dans cette bourgade perdue ? Hm? Un monstre de foire ? Un prêtresse de la Lumière parmi les eaugures ? C’est de ça dont les gens veulent. De l’étrange, dans ce royaume de dégénérés, fit la demi-elfe, sa gorge noyée d’une émotion palpable.
-Je me fiche des autres Elei. S’il te plaît, cesse de penser à demain, vis avec moi, présentement. Tu étais tout sourire il y a encore quelques minutes, et là, regarde toi, redevenue monstre d’intransigeance. Le mage finit par se dresser devant elle, se rapprochant avec toute l’élégance qui le caractérisait si bien. Il s’enquit de l’épaule de sa compagne, en une douce étreinte, se griffant à ses bras avec tant de délicatesse que, lors d’un instant, Eldreith lui sourit avant de reprendre de plus belle.
-Mais qu’est-ce que tu penses finalement ? Hm ? Quand je couche avec toi sans me soucier du reste ? Que je pense à mon avenir ? Quel crétin prétentieux tu peux faire. Tu critiques ta mère mais tu es tout comme elle. tu n’arrives même pas à prendre conscience de la façon dont tu me prends en otage. Comment suis-je censée me laisser aller ? Être coulante ? Alors que dans quelques mois tu seras à Boralus, installé dans une maison avec ta fiancée, à planifier ta carrière à Dalaran ? Ses mots prenaient la forme d’une pique, d’une lame. Acérée, cette dernière tenta de blesser Victelius d’un coup judicieusement placé. Mais rien n’y fit.
-Je ne vais plus à Dalaran, souffla Ieralwen, dans un calme olympien. Ça n’était pas un argument. Ni même une menace. C’était un drapeau blanc qui flottait au vent des colères d’Eldreith. La lame de prêtresse se retournait bientôt contre elle.
-Comment ça? Eldreith baissait le ton, accompagnant sa paix nouvelle d’un mouvement délicat. Elle déposa sur le bras qui lui saisissait l’épaule, une main calme et débordant d’empathie. Alors, et bien que son amant ne montra rien, elle perçu toute sa déception l’envahir. Le fruit de tous ces efforts, cette fougue dans l’exercice, cette application dans l’évaluation, tout cela pour rien, il n’irait pas à Dalaran. La fatalité instigua un silence lourd, pesant. Et malgré ça, Victelius se forçait à sourire. Il détaillait Eldreith comme la seule chose précieuse qu’il n’avait jamais eu. Une femme bardée d’étoffe simplistes, de haillons et de chausses tressées à la main, trônant, plus impérieuse que toutes les reines du monde réunies, là, en une pièce qui transpirait la richesse et le faste. Un joyau de simplicité au delà de tout soupçon, un modèle de droiture. Victelius tiqua, la détaillant. Il y avait autre chose, il en était persuadé, mais quoi ?
-Je ne vais pas à Dalaran. Ma candidature a finalement été rejeté. Tisserune ne m’a pas jugé à la hauteur, et ce malgré l’appuie de mon père et de mon oncle, lança-t-il, comme pour la jauger. Il la connaissait bien, depuis le monastère, depuis cette époque, il ne l’avait jamais quitté. Il avait passé tant d’années à la protéger, à l’aimer, à la chérir. Il savait reconnaître lorsque quelque chose d’autre se cachait derrière ses colères.
-Je suis désolée. Tu.. Tu veux en parler ? Eldreith ne captait rien des interrogations de son aimé, elle essaya de sourire, en retour. Se montrer rassurante était certainement ce qu’il lui incombait de faire. Victelius avait travaillé tellement dur pour devenir l’apprenti d’Ansirem Tisserune. Il avait appris de nouveaux sorts rien que pour l’impressionner, cela avait duré tout l’automne, et tout le printemps aussi.
-Je veux seulement t’étreindre et m’endormir à tes côtés, c’est encore la meilleure chose qui puisse m'arriver, ces mots semblèrent prendre Eldreith de court. Touchée par tant de spontanéité. Elle ressentait ce qu’il dégageait, et bien que Victelius ne soit un mage, cette sensation d’amour pur n’était pas un enchantement. Cela la poussa à exprimer ce qu’elle ressentait, ce qui lui rongeait les entrailles.
-Il pourrait y avoir autre chose, Victelius. Le mage avait eu raison. Il y avait autre chose. Il se redressa légèrement, la jaugeant de toute part. Comme il était frustrant de ne pas avoir ses dons de prêtrise, de ne pas ressentir la peur et de devoir compter en permanence sur l’analyse des siens pour en déceler les vices, les secrets, les non-dits, les hésitations.
-Quoi donc ? Lança le mage, dans un écho d’inquiétude. Eldreith avait l’air désemparé. Sa bouche se tordait à la chaleur palpable d’une expression paradoxale. Etait-elle heureuse de l’annoncer ? Ou au contraire, détruite ? Victelius se le demandait jusqu’à ce qu’elle dépose une main sur son ventre. Le mage écarquilla les yeux, cillant. Le monde autour de lui s’arrêta de tourner. Il avait commencé à devenir mage, parce que la sensation que les arcanes lui prodiguaient lorsqu’il incarnaient un sort l’exultait, mais rien de comparable à ce moment là. Une ivresse, palpitante, accompagnée d’une nuée de questions. Il ne savait quoi dire, et un silence s’installa de nouveau.
-Comment est-ce qu’on l’appellera ? Si c’est un garçon ? La prêtresse se défaisait d’une pression manifeste, sa voix qui brisa le silence une deuxième fois, tremblait.
-Et si c’est une fille ? Ou même deux, qui sait ? Fit le mage, avant d’éclater de rire. A ces mots, Eldreith étira un sourire avant de se fendre d’un rire. tous deux se blottirent l’un contre l’autre avant de retomber dans les draps soyeux de leur couche.
Lidiane et Salicia ? Proposa la prêtresse dans un sourire bercé par l’humidité de quelques larmes.
C’est horrible ! Non, appelons-les comme dans la légende. Le mage s’appuya contre son poing, avisant les beaux yeux bleu-céruléen d’Eldreith.
-Quoi, Rael’hen et Herl’haen ? Oh, c’est d’un laid.. Non, à ce compte là, je préfère encore Minhalet et Feyrelith.***
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