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[Fiche d'identité] Enola Lues (Ex-Garde)

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Message par Jess Ven 22 Oct 2021 - 15:35


Titre :  X
Nom : Lues
Prénom :  Enola
Surnoms : Eno, Nola
Classe : Gabier, furtif, chirurgien, Herboriste du dimanche.
Age :   On lui donne 29 ans, mais elle doit être plus âgée de par son statut de demi elfe, elle ne connaît pas l'année de sa naissance, ni le jour.
Lieu d'origine : La grande mer, officiellement Austrivage



[Fiche d'identité]  Enola Lues (Ex-Garde) Jessic10


Apparence :

Fille batard d’un Capitaine et d’une Quel'dorei, issue d'une union non désiré entre la lune et l’océan.Enola emprunte à l’astre de la nuit sa blancheur opalescente et aux flots le bleu lumineux de ses grands yeux.
Sa beauté rappelle les cimes enneigées et sa longue chevelure d’écume, soie immaculée aux reflets d’argent, ondule en vagues légères autour de son charmant minois aux traits délicats. Mais marquait par une cicatrice hideuse qu’elle gardera tout le long de sa vie.

Enola possède la nitescence lunaire, sans en arborer la froideur marmoréenne ; au contraire, il émane d’elle une aura solaire et une chaleur qui a le pouvoir de faire fondre même les cœurs de glace.
La première chose qui frappe les observateurs, à sa vue, est sa silhouette éthérée.

Les yeux oblongs d’Enola sont obombrés par de longs cils recourbés et l’intensité de son regard est accentuée par les traits bleutés qui les encerclent. Ses prunelles céruléennes, telles des miroirs de l’âme, reflètent la palette infinie de ses émotions, arborant les teintes changeantes de l’océan, allant du bleu d'un saphir à celui d'une l’aigue-marine. Tantôt rieurs, tantôt ternis par un voile de la mélancolie, ses mires sont souvent plus parlantes que d’interminables palabres.
Le doux ovale du visage de la jeune femme forme un cadre exquis pour ses traits angéliques. Pour les personnes aimant de genre de femme.
Le nez est petit et fin et la bouche mutine, d’un rose nacré, est délicatement ourlée et s’étire souvent en un sourire radieux, dévoilant des rangées de dents blanches semblables à des perles.
Ses cheveux, d’une blancheur lumineuse, s’écoulent le long de ses épaules, en une cascade de boucles soyeuses. Pour dompter cette chevelure aussi belle qu’encombrante, Enola a l’habitude de les couper.
Sans être d’une taille démesurée, le gabier possède une silhouette mince et élancée, aux membres fins et déliés, tout en grâce et en souplesse et dont les mouvements gracieux rappellent ceux d’une danseuse et la légèreté d’une panthère

Bien que son corps ait déjà connu une fois la maternité, ce dernier semble n’en garder aucun stigmate et plutôt que les flancs larges. Enola affiche la grâce virginale d’une jeune fille en fleur et des courbes tout en douceur.

Ses seins rond sont hauts perchés et le large décolleté de ses tenues dévoile une gorge et des épaules lactescentes. Son ventre est plat et sa taille d’une grande finesse, aussi souple qu’un roseau, donne envie de l’enserrer avec ses mains.

Enola n’aime pas se parer de longues robes. Cette dernière privilégie les tenues amples et les pantalons, gardant ce petit cotés garçon manqué.
La voix aux sonorités cristallines d’Enola est mélodieuse et charme les oreilles par ses intonations chantantes. Malgré son langage de charretier.  Elle essaye de se montrer calme et patiente, cette dernière prend garde à toujours conserver un ton posé et de ne jamais prononcer un mot plus haut que l’autre. Pourtant, il arrive que sous l’effet d’un excès d’émotion, cette voix limpide vacille, se brise, laissant transparaître les fêlures intérieures de la jeune femme.

Signes particuliers :Des cheveux blancs comme neige un tatouage sur le cou, sur les poignets, une large cicatrice sur la joue gauche, et d'autres marquant son dos, laissaient par les coups de fouet
Alignement : Chaotique neutre.
Pouvoirs : Aucun pouvoirs, si ce n’est qu’elle sait se dissimuler dans les ombres, enfin, elle sait être discrète.



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Caractère :

C’est une demi elfe "de caractère", qui ne s'en laisse pas conter.
Un abord franc, presque brut de décoffrage, une attitude à la fois languide et pleine de morgue : la fille de marin telle qu'on l'imagine, rude, échevelée et sauvage. Elle était sicaire avant d’être elle-même. Enola n’avait pas été sereine depuis trop longtemps, ses souvenirs pouvaient remonter vers l’aurore de son existence : ils étaient perdus dans les nuages mirifiques d’un sombre marasme qui l’avait ensevelie pour l’engloutir dans une forme de douce folie.

En vérité, ce fut ce vertige qui lui permit de vivre dans ce monde terrifiant et pitoyable qu’était les bas-fonds, voir simplement de la réalité de sa vie.  
Engourdissement de la sensibilité, sorte de sommeil animal où les gestes et actions obéissaient à des besoins primaires : elle voulait manger elle le prenait, elle souhaitait avoir chaud elle mordait jusqu’au sang qu'un souffle vital lui réchauffe les entrailles.
C’était de cette rage d’être qu’elle avait appris à contrôler au sein de la marine.
Elle recelait un cœur plein de violence contenue avec un fond irascible.

Elle souffrait de ce trop-plein de réalité, il lui manquait des certitudes et surtout elle était incomplète dans sa perception de l’affection, des repères fondamentaux que la demi-elfe n’avait pas reçu dans son évolution.
En somme, elle n’avait fait que grappiller dans certaines formes d’attachement grégaire et bestial ce besoin et elle offrait aux autres cette carence en compensant par un don de soi total, qu’importe ce que cela lui coutera.
L’animal qu’était le batard était un contraste étrange mais essentiel chez elle, qui oscillait entre sa profondeur et son individualisme. Les fauves n’étaient pas fondamentalement altruistes, cependant Enola dans son existence s’était vue se révolter contre la médisance des plus forts.

La gueuse allait à l’encontre de la haine et du pouvoir que se donnaient les éminents sur les plus faibles qu’eux et ce qu’importe la caste ou la couche sociale où ils se trouvaient.
Elle était une louve solitaire qui avait besoin d’un clan, d’un groupe auquel se rattacher.
Mais au-delà de cet endormissement de sa personne, elle survécut avec sa meilleure arme : l’humour, ironie acérée qui taillait toutes choses, même elle-même.
La jeune femme se moquait de tout qu’importe la situation. C’était cette forme d’autodérision en la vie et envers son entité propre qui l’empêcha de noircir le tableau davantage qu’il ne l’était et de placer ses pions à la bonne place. Son insolence envers tout lui donnait accès à un œil ouvert sur la réalité.

Très peu croyante, voire totalement athée, sa foi était bien la seule chose avec laquelle elle ne transigeait pas. Depuis sa prime enfance et dès qu’elle eut entendu parler de la mère des marées, elle la calomnia, l’accusant de son existence et surtout lui reprochant les croyances ridicules qu’il imposait à l’intellect des pauvres hères sous sa coupe. Les autres systèmes de déité étaient tout aussi ridicules que la croyance des Lumineux.
Attention, n’allez pas croire que cette femme ne soit qu’une forte tête, non, non.

C’est aussi une demoiselle intelligente et cultivée qui a su faire de ses diverses épreuves des atouts considérable.
Elle est imprévisible. Son cœur et ses envies la mènent à prendre des chemins que personne ne prendrait. Ou, du moins, pas dans cet ordre-là. Elle savoure la vie dans son ensemble, profite de chaque instant. C'est autant une bénédiction qu'une malédiction car les sentiments sont amplifiés, autant dans les bons que les mauvais moments. Mais elle fait face à cela en gardant un esprit objectif, en tirant toujours le positif du négatif. Elle a gardé ce même trait de caractère qu'elle possédait déjà étant enfant : la curiosité.
Elle ne se lasse jamais de découvrir. Elle est assoiffée de connaissance. Cependant, elle trie les choses qu'elle veut apprendre, les remet à plus tard si elle ne lui corresponde pas encore.

Force et Faiblesse : Son esprit comme son corps étaient ses plus grandes forces, mais ils recelaient également ses plus grandes faiblesses. Enola s’équilibrait naturellement en se contenant, elle supportait les tortures physiques et psychiques les plus douloureuses, toutefois elle recelait un feu ardent et bilieux qui pouvait lui enlever toute réflexion.
Qualités : Attentionnée, Autonome, sincère, spontané, Ambitieuse, social et sympathique
Défauts : Abrupte, Bavarde, Bagarreuse, grossière, maladroite, pointilleuse et têtue.

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Bref historique :

« Il y en a qui attirent la poisse comme la charogne pour les gypaètes sur dix lieues à la ronde.  L’esquisse d’un sourire en coin vint ourler ses lèvres. Et vu comme vous n’avez pas arrêté de fixer mes yeux, il est évident que vous avez compris en partie à qui je faisais référence. »*

Il y avait ceux qui naissaient avec une myriade de privilèges, ceux qui guerroyaient pour en obtenir ne serait-ce qu’une once et encore ceux qui, malgré leurs efforts, retombaient d’où ils étaient venus par l’intervention d’une tierce personne, ou encore du destin qui se chargeaient pour eux de leur rappeler qui ils incarnaient et qui ils étaient destinés à n’être que ce que leur naissance leur dictait d’être : c’est-à-dire de la bagatelle.

L’étoile de l’assassin aurait pu être toute autre si on n’avait pas décelé dans son apparence de poupon un défaut, là où l’âge tendre de l’enfance incarnait que perfection ; elle était maudite pour de simples nuances dépareillées dans son regard, de cette imperfection Enola fût condamnée aux abysses.

Les réminiscences de cette époque étaient trop succinctes pour qu’elle possédât un relent de nostalgie ; elle fut abandonnée à l’approche de l’aboutissement de sa quinzième année, mais la gueuse ne sut jamais exactement quel âge elle avait et le milieu où elle échoua ne fut pas de ceux qui s’en souciaient : on vivait au jour le jour, sans penser à l’avenir et encore moins au passé.
(*saline)


Secret (infos purement hrp) :  
Spoiler:

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Enola alias Jess enfant : ( Quyen Pham )

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Dernière édition par Enola Lues le Sam 18 Mai 2024 - 22:32, édité 12 fois
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Message par Jess Ven 29 Oct 2021 - 17:16


Regarde-moi. Observe-moi attentivement. Je sais que je cause l'effroi. Je le vois dans tes yeux. Tu as demandé à contempler mon visage, le voici. Oui, me voici devant toi, me voici enfin à visage découvert et je sens, je sais que tu regrettes déjà ta curiosité, que tu te détournes et que tu cherches à éviter mon regard.

Ce sont nos yeux, en effet, qui choquent au premier abord, j'en suis consciente. Ils sont les miroirs de nos âmes et la mienne est chargée de colère et d'amertume, la mienne est obscure comme un puits sans fond. S'y plonger, c'est plonger dans l'abîme.

Tout le monde n'en a pas la force, tout le monde ne supporte pas le regard que te rend l'abysse que tu contemples …
Vert, mes yeux, vert comme ce serpent que tu crains tant, brillants comme des perles, des joyaux morts et figés.
Gris, parfois, en de trop rares instants quand tout s’apaise, gris de plomb et d'anthracite : c'est le seul moment où ils retrouvent un soupçon de la clarté d'autrefois, paraît-il.

Je n'y comprends moi-même guère, à trop fuir mon reflet et mon image qui me dégoûte. Car, comme chacune de ses esclaves que tu as touchés, je porte le souvenir et la marque, je suis un vestige, une épave, un naufrage. Pourtant, je brûle...

Je suis petite ? Tu me domines de la tête et des épaules.
À n'y prendre point garde, on me prend souvent pour une enfant, pourtant n'est-ce pas ce que je suis censé être pour toi ?
Un peu courbée, voûtée sous un invisible fardeau ; cela m'arrange et j'affecte à accentuer cette disgrâce, parce qu'elle me dissimule et fourvoie l'ennemi : toi et tes hommes. Et puis qui se défierait d'une chétive créature ? Ah, sots ! Ah, rats que vous êtes ! Si vite floués.

Maintenant, je vais renaître, je serais immense ! Mon sang pourri avait dilué ce privilège, nous avons gagné en taille comme nous avons perdu en tout, en beauté, en prestance, en élégance... Nous étions fiers et élancés comme des bouleaux, pâles et fins comme leurs ramilles frissonnantes, tout façonnés d'eau claire, d'argent pur et d'or.

Tu as osé nous transformer en ruine. Nous avons décru comme meure les grands arbres, rabougris et rongés, nous avons courbé nos échines trop altières et nos os érodés se sont amoindris jusqu'à nous donner l'allure que tu me vois à présent.

Le plus insupportable n'est pas notre laideur. La mienne, je m'y suis faite, et même si elle me soulève le cœur, je n'y prends plus garde.
Non. Ce qui me révulse, c'est de te voir traquer le moindre parti de mon âme, je suis ta femme, je suis ta fille, je suis ta chose.

Les vestiges, justement, ce qui s’étiole encore et s’attarde dans nos corps amoindris, ce que l’on distingue derrière la ruine, comme on devine dans l’arbre mort le vert baliveau qu’il était, ils sont partout.
C’est subtil, mais je capte dans le regard de certains comme une admiration passagère, quand ils croient percevoir, l’espace d’un instant, ce qui fut et ne sera plus jamais.

Certains s’arrêtent au visage de Jouvencelle funèbre que j’arbore et ne vont point plus avant.
Je me prends à le surprendre, moi aussi, de temps à autre et cela est pire que tout : pire que la ruine, pire que de voir quelle horreur indigne nous sommes devenus. À cause de toi !
Mais c’est cela qui nous rend beaux à nouveau, parfois ; cela qui nous rend dérangeants aussi, car c’est comme contempler le cadavre d’une accorte personne : c’est ce que je suis, c’est que nous sommes tous.

L’attrait est là, encore, sous-jacent, on le traque et on le débusque au détour d’un regard, l’amande de mes grands yeux, le contour d’une bouche fine, la gorge de cygne, la taille délicate, la stature altière qui se redresse dans un effort.

Mais la ruine menace, la ruine ronge, la pourriture flétrit les chairs vives et retrousse les lèvres sur les dents aiguës, les orbites se creusent et noircissent, le teint vire à la grisaille poisseuse.
La coexistence contre nature de la beauté et de l’horreur, voilà comment cher père, tu m’as transformé.Je me tiens sur le seuil, là où la peur rejoint le désir. Je vais t’ouvrir comme un poisson, vider tes tripes sur ce navire maudit.

Tu m’avais caché l’existence de mon frère…. Lui aussi, l’as-tu travailler à ton image ? L’as-tu pourri jusqu’à que sa folie le contrôle ? L'as-tu seulement aimé ? Est-ce je te plairais toujours cher père quand je fendrais tes bourses en deux avec mes disgrâces de vieille bâtarde abandonnée par toi.

Mais je m'égare et je te vois me contempler de nouveau. Ton envie de me toucher s'est estompée ?
Quel dommage que tu es perdu tes doigts ! Tu ne pourras plus jamais toucher quelqu'un !
Ton regard effrayé ne s'attarde plus sur mon visage de cadavre noyé ? Mon entaille sur ma joue, celle que tu m'as affligée lorsque tes désirs te contrôlaient, te fait horreur, n'est-ce pas ?

Je suis le cadavre vivant, parlant, chantant, le tombeau que tu as créé fils de chien ! Je suis leur fantôme !
Ce que nous fûmes, tu l'entrevois en moi.
Alors, me voici. Regarde, à travers moi, la splendeur et la ruine, la chute, la déchéance ce qui reste de nous !
Contemple ton œuvre ! Regarde ta fille, le monstre, avant qu'il ne t'avale pas toute crue ! Repais-en, voilà ta récompense !


La jeune femme sortie de la cabine, en sang tenant fermement deux petits orbes entre ses doigts.
On pourra entendre parmi les cris stridents, des injures sortir de la cabine.

- Gamine, je te maudis, je maudis ma descendance, vous crèverez t…. !!!

Un coup d’épée empêcha, l'ancien Capitaine de continuer à beugler.

- Bordel, j’espère que tu gémis moins que ton paternel ? Bienvenue dans Le Lily, ma belle, et merci du cadeau, part dans la salle, on va t’donner de quoi bouffer et te soigner.

Il jeta le bout de langue qu'il venait de couper avec ironie derrière lui avant de partir donner ses ordres à ses hommes. Ordonnant de brûler le navire de ce foutu pirate tout en récupérant les biens.
Le Capitaine Johnson secoua la tête en voyant les petites, notamment celle-là, se disant que c’était un gâchis de l’avoir laissé moisir dans une des cales.
C'est ainsi le capitaine Kingster, un des pires esclavagiste mourut, brûlez vif dans son propre bateau avec quelques-uns de ses hommes.

La petite savourait avec délectation le spectacle, les cris et les hurlements se mêlant au valses des flammes léchant ce bateau de malheur la faisaient enfin sourire.
Elle écrasa les yeux de son père entre la paume de sa main, les pressants avec rage. Elle était enfin libre!

"C’est moi qui maudit ton âme sale chien ! Jamais tu ne rejoindras les abysses. J’espère que mon frère ne te ressemble pas. Puisse-t-il avoir une belle vie sur les flots ? Si ce n’est pas le cas. Je viendrais lui aussi le broyer..."

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Dernière édition par Enola Lues le Mer 26 Jan 2022 - 14:56, édité 1 fois
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Message par Jess Sam 30 Oct 2021 - 19:45

Le gamin se glissa lentement entre deux dunes. Collé au sable, il semblait être un gros Crocilisque. Il demeura totalement immobile à l’abri des buissons. Seuls ses yeux azur vrillaient le soleil à la recherche des petits lapins qui couraient insouciants entre l’Ancoracée et la Rivebulbe.
De l’autre côté des dunes, la mer chuintait paisiblement en venant s’allonger sur les galets blancs amoncelés au pied des falaises.
Une chaude après-midi de printemps s’étirait en longueur et l’enfant l’occupait à ses chasses interminables.

Parfois, il réussissait à saisir une bête qu'il tuait aussitôt et qu’il apportait triomphalement à sa tutrice.

Cette fois-ci, après avoir réveillé toute la colonie de lapin, il ne parvenait même pas à s’approcher d’eux, car ils commençaient à se méfier.
Un faucon, il est vrai, volait en rond dans le ciel et son ombre glissait sur le flanc des dunes surchauffées.

L’enfant, tous ses sens altérés fondus dans cette nature qui avait fini par l’élever, se mouvant à peine.
Il avait repéré un petit lapin qui devait dormir dans une ombre. Depuis quelque temps, il n’avait plus bougé.
Son cœur battait fort il se sentait fière et déjà se voyait remettre à sa mère le fruit de sa chasse.

- Eno dirait-elle, tu es une fameuse chasseresse. Avec toi, lorsque je serais vieille, je ne mourrais pas de faim!

Enola, pour qui ces mots n’avaient aucun sens, se laisserait câliner et rirait de bonheur.
Un relent de feu, éteint glissa sur le sable et lui rappela que le gîte n’était pas très loin.
Un moment déconcentrée, elle écouta les vagues qui feulaient un peu plus fort sur les esquifs des trois Pierres de l’Amiral.

Elle progressa à nouveau laissant une trace au soleil. Le petit lapin était tout proche. D’un instant à l’autre, la petite fille allait pouvoir lancer sa main rapace. 
Eno aimait le moment où elle tuait. Elle se sentait elle, le sang-mêlé, invulnérable, presqu’une déesse. Justes un petit effort et l’acte sera accomplis.

Mais à cet instant elle entrevit une ombre se glisser en contre-jour au-dessus de la dune. En un appel, une sorte de sifflement d'alouette que Clément utilisait pour se faire reconnaître.
Ah que faisait donc Clément en plein soleil, dans cette après-midi de plus en plus chaude et pourquoi venait il perturbait la chasse d'Eno ?
Pour rien, sans doute, comme d'habitude.
Le lapin avait maintenant disparu dans le terrier.
Eno, furieuse, se dressa et insulte le garçon. Celui-ci riait et ses légers vêtements étaient mouillés.
Alors à n'en pas douter, il s'était laissé glisser dans une vague. Cela était pourtant interdit. Les vagues ici étaient violentes et en refluant pouvaient vous emporter au large comme un fétu de paille. 
Enola observait scrupuleusement les recommandations de Nana à ce sujet. Pas Clément, qui était sans doute un peu fou, et qui n'en faisait qu’à sa tête. Troisième ou quatrième enfant d'une famille noble de la rade, il ne craignait rien ou presque.

- Tu ressembles à un Krolusks!! dit Clément en éclatant de rire.
Vexée Enola rougit, prête à lui mettre son poing dans le nez
- J’allais attraper un lapin !
Mais cette parole ridicule, disparut dans le vent. La fille comprit très vite ce que vous voulez, le garçon. Et domptée, elle le suivit à l'ombre d'un sapin dont les branches étaient torturées par les diverses tempêtes, avait-elle le choix?
- Tu connais le paiement, si tu ne veux pas que les autres sachent que tu n’es pas un garçon hein.

Alors, contrairement aux autres fois,  la gamine ne retira pas sa chemise non, elle vient déposer un baiser sur les lèvres de Clément qui, lui, ne pensait pas qu’elle allait agir de la sorte. 
Ils restèrent, un instant immobiles, étonnés tous les deux.
La fillette se roula ensuite dans le sable. Et souris en direction de son ami. Clément se mit debout comme absent de lui-même, tout entier capté.

- C’est dégoutant ce que tu as fait !

Puis, il sortit son livre de son sac se posant à côté de son amie pour lui faire la lecture, afin d’apprendre à Enola le sens des mots et leur prononciation, il était plutôt bon élève, mais comme on le dit si bien, ici sur Boralus : "On ne mélange pas les serviettes faites de soi avec les torchons de Méchumide ensemble". 
Mais il adorait son amie, et même cet interdit, défier sa famille était une chose si excitante pour ce petit homme.
Alors que la gamine s'évertuait à faire un O avec sa bouche pour réussir à sortir le son Oie de sa bouche. Un appel traversa les dunes, plus fort que le bruit incessant de la mer.

- Eno ? Que fais-tu ? Où es-tu ?
La gamine allait répondre à sa mère et détaler.
Clément, lui mit la main sur la bouche. Tandis que son livre tomba sur le sable.
-Tais-toi où c'est fini…, dit clément dans un souffle.

La gamine savait très bien de quoi il s'agissait. Mais Clément tremblait aussi. Il craignait. La tutrice d’Enola, à la réputation de maraudeuse de la côte qui allait avec qui elle voulait, même avec des marins de passage. 
C’est comme ça que Clément imaginait la naissance de son amie et c’est pour ça qu’il la prenait en pitié.
On ne lui connaissait pas de nom et on parlait d'elle en disant à voix basse : la naufrageuse.
Elle, pour elle-même et pour sa fille, avait gardé deux mots. "Chouka ou Nana". 
Venue de son enfance, leur rappelant les oiseaux noirs qui surveillaient les champs et les taillis suspendus dans le ciel.
Elle appela encore, sachant très bien où était Enola. Elle avait surpris le manège de Clément. Et devinez ce que faisaient les galopins. Elle riait de bonheur.
En se disant qu'il n'y avait jamais rien de nouveau sur Azeroth.

Elle aimait Clément. Car il était un enfant sauvage même si le sang de nobliaux coulait dans ses veines, Intelligent un peu fou peut-être. Et bien plus mûr qu’Eno. Elle se promettait de lui dire un jour.Ce qui la retenait le plus, c'était la famille de Clément, dont, elle dépendait pour vendre le fruit de ses rapines. Cette famille, pour une raison ou une autre, pouvait la condamner à mourir de faim. Elle et sa fille. Ils étaient fiers, disons temps. Et c'est pour cela qu'ils avaient donné à leur fils le nom. D'un ancien noble. Qui vécut sur l'île.

Pour l'instant, les deux enfants restèrent tapis dans l'ombre, espérant que la mère allait se lasser et retournerait dans la maison, faire la sieste ou tresser des paniers en osier. Chouka insista pourtant. Une inquiétude la rongeait désormais : Énola devenue grande allait être un frein à sa propre liberté ?

- Eno, fit, elle avec une pointe de colère. Viens ici tout de suite. Je sais où tu es !

Elle était curieuse de voir ce qu'elle allait faire, sa fille.
À cet instant, l'âne, qui était la seule bête dont la famille était en possession, se mit à braire.
Eno ne bougea pas. Chouka en ressenti une petite satisfaction. 
Finalement soulagée, elle rentra dans sa tanière et lorsque le calme revint, alors que la marée commençait à se retirer, les deux gamins allèrent dans les rochers noirs pour récolter des crabes et des palourdes. 
Ils ne repensèrent plus à ce qui venait de se passer. Cependant, il ne riait pas, comme d'habitude.


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Dernière édition par Enola Lues le Mer 26 Jan 2022 - 14:56, édité 2 fois
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Message par Jess Dim 21 Nov 2021 - 23:32

Les orages montèrent de l’horizon à la tombée de la nuit avec une rapidité phénoménale. De gros nuages noirs et torturés se jouaient de la lumière et recouvrir l’île en un instant. Le ciel roula et craqua.
La pluie pareille à une haute vague vint s’abattre sur les dunes. L’eau frappant le sable chaud faisait un bruit de cheval au galop. 

Nana avait tant bien que mal refermé la porte de la masure, le vent emporta les planches du toit tout en poussant de longs hurlements qui mirent le cœur de l’enfant en émoi.
Eno, rentrée depuis longtemps, aida sa mère à combattre la tempête.
Mais les objets et les vêtements étaient maintenant la cible de la tornade. Nana enfouit tout dans un coffre à dorures. Puis elle se mit à chanter une berceuse. 



 
Cette chanson si souvent entendu par Énola enleva à la fillette toute crainte : la tempête allait passer, comme tant d’autres et tout reviendrait comme avant. 
Seuls les éclairs, désormais, couraient au ras de l’eau et des récifs.

Nana vivait comme les lapins dans une sorte de terrier protégé par des sapins aux branches contourné par le vent.
Le sable était contenu grâce aux planches récupérées sur le rivage. Dans un angle de la pièce assez vaste se trouver une vieille figure de proue d’un navire de Theramore. C’était d’ailleurs la seule décoration. 
Lorsque le soleil entrait dans ce taudis, le visage de la proue semblait sourire.
Le toit aussi était fait en planche de navire échoué sur les écueils. Une lanterne se balançait sur le porche et plusieurs coffres se confondaient avec les amoncellements mêlés d’épaves. Au plafond pendaient des grappes d’herbes et des graines que nana faisait sécher. Elle avait hérité du don de guérir et nombreux était ceux qui venaient quémander quelques remèdes depuis Brennadam ou le Fort de Daelin. Parfois même de Boralus.

Temporairement, le vent cessa de rugir. Ce furent les vagues qui le remplacèrent, plus fortes, plus angoissantes.
Elles se ruaient à nouveau contre les falaises grisonnantes, car la marée était revenue.
Des gerbes d'embruns jaillissaient dans le ciel. Enola écoutait se plaindre la mer avec un ravissement qu'elle s'expliquait mal. Elle avait sommeil. Elle avait lutté avec sa mère contre l'orage.
Maintenant, elle voulait s'endormir, se laisser bercer par ses rêveries familières : elle était tout simplement sur un bateau et les courants l'emportaient au large, loin de l'île de Kul’tiras, vers d'autres iles plus riches, plus chaudes, plus mystérieuses.
D'autres éclairs coururent sur l'océan et les récifs, d'autres coups de tonnerre ébranlèrent les dunes.
Du sable coula au fond de la pièce entre les planches disjointes. 
Enola s'endormit. Du moins Nana le crut.

Alors, d'un geste souple de félin, elle décrocha la lanterne, vérifia le briquet et sortit au-dehors.
Elle courut à l'enclos où l'âne somnolait, indifférent aux bourrasques. D'un coup de bâton, elle l'obligea à s'éveiller tout à fait et le poussa vers les dunes par l'étroit sentier.
Une fois arrivée en haut des falaises, Nana alluma la lanterne et l'accrocha au cou de l'âne. Celui-ci malgré les craintes de brûlures se laissa faire et entreprit d'aller et de venir sur l'étroit périmètre qu'il connaissait bien.
Elle regarda au large tel un rapace pour deviner s'il y avait des navires en difficulté.

L'obscurité presque totale, mais aussi ces vagues aux crêtes blanches qui couraient de toutes parts comme des folles l'empêchaient d'avoir une réponse quelconque.
Cependant, au-delà des récifs, elle savait fort bien que des bateaux passaient et pouvaient être en danger.
Trompés par le balancement de la lumière au cou de l'âne, croyant qu'il s'agissait d'une balise pour marquer l'entrée du détroit, les marins allaient droit vers la terre.
C'en était fini d'eux.
Les vagues les poussaient sur les récifs aiguisés comme des couteaux où les plus belles embarcations se disloquaient et éparpillaient leurs précieuses cargaisons.

Enola était éveillée. Elle avait vu à la lueur d'un éclair sa mère se saisir de la lanterne et sortir précipitamment sous la pluie. Elle revêtit une chemise sèche et sortit. Que faisait donc Nana avec son âne ?
Pourquoi partait-elle avec cette bête stupide en pleine nuit ?
Sans se faire remarquer, l'enfant se glissa derrière un tronc. De là, il surveilla ce que faisait sa mère.

Les vagues énorme roulait sans relâche des rochers et des galets, les entrechoquait, les projetait où bon lui semblait.
L'assurance de sa mère et la nonchalance de l'âne lui firent comprendre qu'il assistait là à une scène bien souvent répétée. Il la vit battre le briquet et allumer la lanterne le piège était tendu aux bateaux en péril.
Enola s'avança au bord de la falaise et se cacha dans un buisson. Un lapin se sauva et fit peur à la gamine.

- Sale bête ! Maugréa-t-elle.

Elle regarda ensuite Nana un long moment. Elle allait et venait tirant lentement l'âne par la corde. La lumière se balançait. Cela semblait n'avoir aucune importance pour elle.
Dans les grondements de l'océan, la petite essaya de percevoir les craquements d'une coque.
Elle rechercha au loin un petit lumignon. Rien. Les éclairs éparpillaient partout la lumière bleue, puis l'ombre se faisait immédiatement plus épaisse. Eno, un instant, crut voir plusieurs bateaux, dressés au-dessus des récifs filant à la vitesse des vagues.
L'éclair suivant, rien de tout cela n'avait existé. Les vagues folles au loin allaient les unes et les autres se jetaient sauvagement sur les rochers et c'était tout.
Enola hésita. Fascinée, percée par la pluie, le cœur en fête, le corps excitée et fatiguée.

Le bon sens l'emporta. Elle courut vers la tanière. Dans la pièce, le ciel se découvrait à cause des planches arrachées.
Le sable sentait l'humidité, l’herbe foulée. Malgré cela, il s'enroula dans une couverture de laine épaisse et quelques instants plus tard, elle s'endormit abruptement.
Au matin, tout était paisible. Pas le moindre souffle de vent. 
Pas le moindre chuintement de l'océan. L'air sentait tout à la fois les Brin-de-mer et les coquillages morts. Eno regarda autour de d'elle et découvrit sa mère enroulée elle aussi dans une couverture, dormant à son endroit habituel. 
La gamine se leva et sortit avec précaution. Rien ne bougeait dans le jour pâle. Au-dessus de l'océan, de grandes traînées de couleurs, déjà, illuminaient le ciel. La marée était basse. Tous les récifs se dressaient sur un miroir blanc. Arrivé au bord de la falaise, Eno regarda. Rien n'avait changé sur le rivage. Il n'y avait aucune trace d'épaves, mais toujours ces gros bourrelets d'algues, un goéland mort et c'était tout.
La tempête d'hier n'avait rien donné.

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Message par Jess Ven 11 Mar 2022 - 21:21

M.C

Nana avait devant elle une longue journée d'été. Elle laissa aller Énola sur les rochers avec un roseau habilement taillé en pointe, en guise de Lance, pour capturer les poissons pris dans les pièges.
Elle savait que sa protégée allait se livrer à cette occupation jusqu'au retour de l'océan.Rapide comme une belette, elle se glissa entre les dunes et enleva des broussailles qui cachaient l'entrée d'un petit souterrain, habilement creusé dans le sable durci.

Une légère fumée s'en dégagea. Elle était déjà venue ici après la nuit sur la falaise avec la lanterne et l'âne. Elle avait mis le feu un four fait de briques crues. Elle y ajouta encore des brassées de genêts secs et de tamaris morts. L'air se chargea de l'odeur du bois brûlé. Nana n'avait aucune crainte. Le mélange de fer et de cuivre était à point. Elle retira des moules de terre cuite d'une cache derrière des bûches et y coula aussitôt le métal en fusion.

La sorcière, une fois ce travail achevé, s’éponge le visage en sueur.
Elle imprima la fausse monnaie à l'aide d'un lourd poinçon puis elle repoussa les moules derrière les bûches, effaça toutes ses traces et se reposa sur le tronc d'un des arbres allongés. 
Une fois encore personne ne l'avait surprise, personne ne pouvait deviner ce qu'elle venait de faire.
"– Il faut que j'arrête, se dit-elle. Je n'ai pas besoin de cette fausse monnaie pour vivre." Mais cela était plus fort qu'elle.

Une odeur d'herbe foulée lui parvint. Nana, sans faire le moindre geste, chercha d'où venait le vent et vit au loin Clément qui courait tout seul vers les dunes de la plage.

"- Petit merdeux, bien un fils de noble celui-là à courir après ce qu'il n'a pas." Se dit-elle.

Puis elle sourit en pensant à sa fille. Elle se leva et s'éloigna de la tanière. Là, elle avait dressé avec des galets un petit oratoire où elle déposait des fleurs séchées, des coquillages. Chaque soir, après avoir longuement lissé le sable, elle dessinait un cercle. Ce cercle devait demeurer vierge de traces, de brindilles, tout le long de la nuit. Cette fois encore nul insecte ne l'avait traversé. Rien de néfaste ne pouvait donc lui advenir.
Nana se sentait bien. Elle aimait ces moments de tension et d'inquiétude, ce risque qu'elle prenait pour elle et cet enfant que l’on lui avait confié et le soulagement ensuite quand ce qu'elle avait désiré se réalisait.
Elle était encore tout excitée. Elle décida de s'allonger à l'ombre des pins et de goûter au calme de l'après-midi. Elle n'avait nulle envie d'aller surveiller Nola et Clément, pour une fois, elle préférait penser à elle-même.

Il est vrai que Nana ne s'interrogeait que rarement sur ce que la vie lui donnait.
Pour rien au monde, elle ne serait partie pour habiter à Boralus ou Austrivage. Elle n'aimait pas l'odeur lourde de la vase et des coquillages morts et port liberté aurait grillé leur couverture. Non, elle était bien dans cette vallée. Seul l'air du large, les embruns de l'océan et la course des grandes vagues folles lui plaisaient. 
L’Âne se mit à bruire, mais cela n'inquiéta pas plus que ça. La bête était plutôt lunatique en ce moment. Alors, elle se replongea dans sa rêverie.
Des images de naufrages remontaient en elle. Elle découvrait sur la plage des ballots enroulés dans les vagues, des tonneaux, des planches éparses et parfois des corps qu'elle enterrait dans les dunes sans en informer personne. 

Sa conscience était claire : il fallait qu'elle se batte dans cette vie, pour élever cette bâtarde comme elle aurait élevé sa propre fille promesse tenue à une amie qui l’avait fait tant à rêver dans cette prison de crasse, et de son père qu'elle avait finit par aimer.
Il est vrai que la capitaine était devenue tout pour Nana, à la fois marin, brigand, coureur de jupons et contrebandier, dont elle aimait le sourire et la façon de prononcer les mots.
Elle avait réussi à retenir la gamine bien loin du Kingston sans devoir s’inquiéter de ce que les hommes où son propre père pourrait lui faire. 


Un bruit sourd se fit entendre de nouveau.

- Peter, dit-elle à voix haute, c'est toi?

Seul le vent dans les genêts et les massifs de Mousse étoilée lui répondit.


Nana avait dormi profondément. Elle s'éveilla brusquement, mal à l'aise, le cœur lourd. Elle avait traversé en rêve un temps épais et malsain. L'ombre des pins qui pourtant l'avait si simplement accueillie était maintenant noire et inquiétante.
Debout, ayant observé tout ce qui pouvait la mettre en péril, elle et sa fille, elle découvrit ce qui l'avait réveillée : Un sifflement au bout du chemin qui menait aux dunes qu'elle habitait.
Elle resta dans l'ombre, hésita avant de répondre, mais son cœur avait répondu avant elle. Il battait fort.

C'était Peter qui revenait, comme il l'avait promis la dernière fois, fidèle à son rendez-vous.
Nana bondit. Tout son corps chantait. Avant même d'avoir reconnu Peter, elle savait qu'il était là. Elle oublia tout. L'espace d'un éclair, elle fut seule au monde. Eno ne rentrerait pas tout de suite. Les pièces d'argent refroidissaient dans leurs moules et seraient prêtes bien assez tôt. Rien ne pouvait résister au retour de Peter.
Elle reconnut la silhouette de l'homme qui s'avançait dans les hautes herbes.

Cela faisait douze ans déjà qu'elle l’avait connu au début de l'été. Douze ans, l'âge d’Eno. Une Frégate qui transportait diverses marchandises s’était échouée là. Autrement dit, tout s'était bien passé.

Le bateau avait été réparé. Cela avait duré plusieurs semaines, mais pendant ce temps-là Peter s'était installé chez Nana et Nana avait nourrit le butin vivant dans les cales. 
C’est là qu’elle avait rencontré la vraie mère de la gamine. Mais surtout Peter, le quartier-maître du Kingston. 
Ils parlaient beaucoup et faisaient souvent l'amour.

Peter était de Boralus. Il avait vécu toute sa vie dans les ports, près des bateaux en partance et vers onze ans, il s'était engagé comme Mousse, mais très vite, il s'était rendu compte que cela ne rapportait pas beaucoup d'argent. Il était alors devenu contrebandier, voleur, et brigand de haute mer. 
Nana avait assisté à cette métamorphose avec envie. Si elle avait été un homme, elle aurait été semblable à Peter.
Elle aurait été pirate, aventurière, et elle aurait connu tous les ports d’Azeroth. Mais hélas, pour elle, elle ne pouvait qu'en rêver.


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Message par Jess Ven 18 Mar 2022 - 15:08

Peter avait pris goût à cette femme libre et sauvage. Souvent il revenait ici au début de l'été.
Il s'était pris aussi d'affection pour la gamine, qu’il prenait pour un gamin avec lequel il baragouinait dans un méli-mélo de langues improbables quelques-unes de ses aventures. Lui promettant une place de choix dans le navire une fois que celui-ci aurait du poil au menton. Nana s'était bien garder de lui dire que c'était une gamine sous peine qu'Eno finisse dans le premier bordel de la Baie.
C'était leur secret et même si elle aimait Peter plus que tout, elle avait beaucoup plus d'affection pour sa protéger. 


Un jour Peter était arrivé tenant sur son dos un sac qui pesait lourd.

- Qu'est-ce que c'est ? avait demandé Nana intriguée.
- Tu vas voir. 
 
Il avait sorti une plaque de fonte percée de trous ronds. Il avait expliqué l'usage des marteaux et des poinçons.
Le lendemain, dans les dunes ils avaient construit un four. Peter était content d'avoir trouvé cette solution. Nul n'irait songer à Nana ni encore moins à la surveiller. Elle pouvait en toute impunité couler de belles argentée très ressemblantes dans les moules. Il se chargerait lui de venir les chercher et de les écouler dans les ports. C'était lui aussi qui fournissait le métal. Ce commerce fonctionnait très bien.
Cette fois encore Peter repartirait avec de la fausse monnaie, sonnante et trébuchante.


Nana serra fort Peter. Elle aimait son odeur âcre où se mêlaient tous les parfums et toutes les pourritures de l'océan et de l'aventure.
Avec l'âge, Milane n'aimait plus les furtives rencontres et se satisfaisait de cet homme qui surgissait au début de l'été pour repartir bien vite et la laisser seule le reste du temps. D'ailleurs elle ne lui en portait nullement rigueur.
 
- Je suis contente que tu sois là, Peter.
- Tu es toujours aussi jolie toi. On aurait dit que tu m'attendais… « roucoulant »
- Je ne sais pas , fit-elle en riant.
 
Leurs deux corps étaient collés l'un à l'autre.
 - Où est Jess ? demanda l'homme.
- Il est à la pêche. Il reviendra avec la marée.
 
Ils entrèrent dans la tanière. Milane enleva très vite ses vêtements et attira Peter sur elle.

L'air de la pièce était lourd, empli d'odeur de sable, de terre, de plantes en maturation. De grosses mouches tournaient dans un rayon de soleil.
 
- Jess va revenir, fit Nana en se relevant avant de remettre son corset.
- Tu as fait des pièces ?
- Oui, justement, il faut les démouler.
- Jess ne sait rien ? Il faut se méfier.
- Je ne pense pas qu'il comprenne. Allons voir ou cela en est avant qu'il ne revienne.
 
C'est au même endroit que Nana cuisait le pain. L'enfant ne pouvait pas imaginer autre chose.

Ils contournèrent la dune. Le vent s'était levé et l'océan commençait à chanter. Les vagues remontaient.  Ils entrèrent dans la petite pièce du four. Le sable y coulait et il fallait l'enlever sans cesse. Une mince couche d'herbe solidifiait une partie.
Peter ne voyant pas à l'intérieur, laissa Nana passer. Elle revint avec la plaque de fonte qu'elle retourna, Avec un petit maillet, elle donna quelques coups et une pièce tomba sur le sol, toute neuve, tout ensoleillée. Ils se mirent à rire en même temps.


Il y eut un cri et des buissons de genêts jaillirent alors les gens d'armes.
Ce fut un tourbillon de cris, de sable. Une angoisse terrible saisit Nana. Elle fut frappée, plaquée au sol. De la terre lui cribla les yeux. On lui écrasa les reins.
D'autres cris la bouleversèrent. Peter avait dû s'échapper. Des hommes luttaient pour le prendre.
Le sol vibra. Il y eut des râles et le bruit mât des coups. Puis soudain tout s'apaisa. Peter et Nana étaient maintenant aux mains du Seigneur de Chantorage qui avait dressé le guet-apens. Ils furent ligotés et attachés aux chevaux. Les soldats qui étaient cachés dans les dunes revinrent essoufflés.
Ils se rassemblèrent, puis comme des ombres, disparurent. Ils attachèrent Nana à un cheval et hissèrent Peter sur une selle.
Non loin de là l'océan feulait comme une bête paisible. Le chant des alouettes passa. Bien entendu Nana ne l'entendit pas.
Elle réussit à tourner la tête. Ses liens lui taisaient terriblement mal. Elle vit Peter non loin d'elle, ballotté, inerte.
Les gens d'armes près d'elle riaient et se moquaient. Ils vantaient ses charmes. Nana se laissa sombrer; elle voulait mourir dès maintenant.

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Message par Jess Sam 26 Mar 2022 - 23:12

M.C

Eno remonta avec l’océan sur les talons. Clément avait fui vers les dunes, pareille à un chasseur fond de rive et la jeune gamine avait esquissé un sourire à cette évocation.
Elle grimpa la falaise, faisant ébouler quelques pierres blanches appelées elles aussi à devenir des galets et, son sac plein de poissons et de mollusques sur le dos, Elle s'approcha de la maison et soudain se figea. Une sensation étrange la parcourut. 
 
Puis ce furent des traces confuses dans le sable qui l'alertèrent sur le danger présent. Mais aussi des odeurs nouvelles qu'elle ne parvenait pas à identifier. Tout cela la plongea brusquement dans une grande inquiétude. Avec l'instinct d'une bête, elle comprit qu'il s'était passé quelque chose. Quelque chose de grave. Elle appela sa mère. Ce fut un chant de mouette qui lui répondit. Ce chant était triste et funèbre.
 
Elle se sentit pour la première fois abandonnée, sûre que Nana était morte. Elle entra dans la maison. Le toit de planches et de genêts était crevé, les étagères taillées dans la terre effondrée, le sol tout martelé de pas inconnus. 
L'odeur insupportable de sueur étrangère la fit vomir. Elle ressortit et se retint à une branche de pin pour ne pas s'effondrer. Le sac glissa à terre.
Des traces de combat et de luttes étaient partout visibles. On était venu ici à cheval. Nola n'y comprenait rien.

Elle courut jusqu'au four. Là aussi, tout était détruit et les parois de sable coulaient encore.
La gosse fut effrayée par une aussi grande dévastation qui était ces gens qui avaient emmené sa mère ?
Elle allait suivre les traces et peut-être réussirait elle à libérer Nana. Cette décision, une fois prise, la raffermit.
Sans hésiter, elle s'élança à travers les herbes vers l'intérieur de l'île.

Il devait y avoir beaucoup de monde dans cette troupe. Le sentier était comme labouré. Elle chercha la trace du pied de sa mère et elle eut l'impression de la reconnaître plusieurs fois.
Elle regarda aux alentour. Personne ne travaillait dans les champs. Les oiseaux eux-mêmes ne chantaient plus. La gamine avança pourtant. Elle ne pouvait que suivre ce terrible sillon qui emmenait sa mère. Elle parvint dans un village. 
Une vieille se hissa au-dessus d'un muret. Elle dit d'une voix aiguë.

- Pauvre garçon, j'ai de la peine pour toi.
"Un garçon, pourquoi un garçon ?"

Puis la petite se mit à penser aux paroles de sa tutrice.

"En dehors du terrier, tu es Jess, un garçon. Si tu veux survivre. Garde bien ça en tête ! Jamais sur cette île et sur le bateau du Capitaine, si il vient, tu racontes que tu es une fille, tu comprends ? Cela restera notre petit secret !" 
La gamine hocha la tête et regarda la femme tristement.

- Mais...s'est passé quoi, Madame ?
- Tu ne sais pas. Les gens d'armes du seigneur Chantorage sont allés prendre la sorcière des trois pierres de l’Amiral.
- La sorcière des Trois Pierres ? Fit Énola étonnée C’est ma mère!
- Pauvre petit..., dit la vieille en glissant derrière le muret.
Eno insista.
- Pourquoi ?
- On a découvert qu'elle fabriquait de la fausse monnaie en plus de ses pouvoirs farfelue, dit la vieille d'une voix triste. Il l’amène sur Boralus.
 
Une main, peu après se hissa de l'autre côté du mur et tendit à la gamine un morceau de pain.
 
- Va, mon pauvre, tu en auras bien besoin.

Énola continua son chemin. Les traces avaient déjà séché sous le soleil. Les soldats et les chevaux pour aller au plus court avaient parfois dévasté des champs de blé et d'orge déjà jaunes.
Elle traversa un marais. La nuit commençait à tomber. De gros nuages montaient dans le ciel derrière elle du côté de la mer. Elle était sûre que des grains de pluie violente allaient balayer le coin.
Alors elle chercha un abri sous un arbre à demi couché sur le sol pareil à un serpent. Elle s’enroula dans ses maigres habits. Elle revécut cette journée, sa pêche dans les rochers, la venue de Clément et la disparition de sa mère. Elle gardait encore bon espoir de la retrouver. C'est baigné de cette douce espérance qu'elle s'endormit. Une fois la tempête et la nuit passés. Elle se remit sur pied et mordit dans le pain de la vieille. Boralus, c'est pas la porte à cotés, il faut aller plus vite.

Elle courut en direction de la grande ville. Elle devait traverser des espaces qu'elle connaissait mal, encombrés de taillis et de marais.
Elle arriva devant un pauvre hameau de maisons blanches. Du linge séchait au bout de longues perches. Seules les roses trémières lui semblèrent familières. Elle s'approcha et des chiens se jetèrent devant elle.
Un homme à la peau brune apparut, méfiant, prêt à lâcher ses bêtes sur elle.


- Il n'y a rien ici, gamin ! Dit-il d'une voix tonitruante. Passe ton chemin ! Rien, pas le moindre morceau de pain ! Les gardes du bataillon ont tout mangé.
- Les gardes ? Demanda Énola Où ils sont allés ?
- Ce sont ceux de la cité, dit l'homme. Ils emmenaient une sorcière pour la pendre ! Que la mère des marées nous vienne en aide, manque plus que ces saloperies de Drust se ramènent ici ! 

Crachant au sol, ses chiens gémissant et tirant sur leur laisse, essayant juste de mordre l'enfant.

- C'est ma mère , Ho! S’écria Eno.
- C'est ta mère? La sorcière ! Sois maudit toi aussi !

Les autres habitants du village avaient suivi la discussion, cachés derrière les murets. Quand ils apprirent que Nana était la mère de la gamine, ils surgirent de partout et lancèrent sur elle des cailloux, des morceaux de bois, excitant les chiens.
Enola détala le plus vite possible, mais une pierre l'atteignit au mollet et lui fit mal. Hors d'haleine, elle continua à courir. Elle voulait à tout prix s'éloigner.
À midi, le soleil devint chaud et elle eut soif. Elle ne voulait pas boire l'eau croupie des marais, mais où trouver une source dans cette immensité plate ? Il fallait qu'elle demande dans une maison l'eau recueillie dans un puits. Une femme arrachait des légumes dans un champ.

- J'ai soif, implora Nola.

Elle prit un récipient entouré de linges humides et le tendit à la gamine.

- Où vas-tu ? Demanda-t-elle.
- Sur Boralus…
- Tu ferais mieux de ne pas y aller. On y juge aujourd'hui une malheureuse que les gardes ont prise au nord de l’île de Chantorage.

Cette fois Énola ne dit rien. Le terme « juge » était déjà suffisamment effrayant pour un enfant. Elle se contenta de boire et de se débarbouiller le visage.
Elle arriva dans la ville en fin d'après-midi. On aurait dit que les habitants s’’étaient donné le mot, le marché des Alizée grouillait de monde. L’Amiral suprême avait bien choisit son jour pour le jugement de Nana.

Un léger vent faisait claquer les tissus et dans leurs échoppes ainsi sur la place, près de la lanterne des morts, les vendeurs criaient, se disputaient. 
Enfants et chiens couraient en tous sens, ce qui donnait malgré tout au fort un air de fête. Cette multitude de gens, du moins aux yeux de la gamine habitués à la solitude de ses dunes, allaient et venait, se livrant à des activités incompréhensibles


Énola, suffoquée par cette activité qui l'éloignait de sa mère, elle se trouvait en plein cauchemar. Elle se referma comme un coquillage, se laissant secouer aux épaules par les gens actifs qui, au passage, l'insultaient. Elle se heurta ainsi à des jongleurs, des dresseurs de pies dansantes, à des enfants en haillons comme elles qui récoltaient quelques pièces. Des jeunes filles lui firent des sourires, des garçons de son âge lui demandèrent d'où il venait. Hagard, elle ne répondait pas. Elle avançait comme on nage dans l'océan perdu au milieu des vagues avec ce seul espoir de rencontrer un esquif qui la sauvera. Énola avança donc encore et arriva jusqu'au port. Il portait une multitude de bateaux posés au sec ou flottant dans le calme. 
Elle en fut tout étonnée et un instant oublia la triste réalité. 
Elle passa bien entendu, totalement inaperçue dans la foule où venaient, au-delà de la porte d'ouest. Toutes sortes de mariniers aux vêtements marron, couleur de cette vase que l'océan laissait ici.
Soudain, les gens se précipitèrent vers les marches menant au quartier qui se faisait appeler Méchumide. Quelques sons de tambours les attirèrent
.

- C'est le moment ! Il faut y aller !
- Faut s'trouver une bonne place !
- Ce ne sera pas facile, avec tout ce monde !

Le roulement sourd des tambours recouvrait maintenant le brouhaha de la foule.

Le gibet avait été face à la lanterne des morts. La foule était contenue par des gardes de Boralus, imposant du fait de leur carrure ou leur armure. Par une petite grille passa un Eaugure dans une robe vert sombre. Ses moindres gestes furent suivis attentivement par la foule.
Désormais, les places se défendaient à coups de coude et parfois de poing. Énola fut poussée au premier rang. Elle tenait à peine debout, tremblait.
Un homme, dans un beau vêtement de couleur Boralus, vint et s'avança tandis que le roulement de tambour s'arrêtait.

- La femme Chouka !, cria-t-il pour être entendu de tous, qui vivait dans les dunes des trois Pierres de l’Amiral. Comme une sauvagesse a été surprise avec un bandit, Pirate de Cabestan du nom de Peter en flagrant délit de fabrication de fausse monnaie. La cour condamne le pirate Peter et la femme Chouka à la mort ! Ils seront pendu haut et court !

Ce bref discours fut immédiatement relayé par un roulement des tambours. La grille à nouveau s'ouvrit et les gardes portèrent à plusieurs ce qui se révéla être le corps de Peter. Il devait déjà être mort ou blessé, mais on l'accrocha cependant à la corde et il fut rapidement hissé. La foule poussa un grognement de dépit et de déception.

- Il est déjà mort ! Entendit on ici et là.

Nana fut aussitôt introduite. On lui avait coupé les cheveux, mais elle avait toujours cette robe longue sauvée d'un ancien naufrage. Son visage brun était sali et elle donna plusieurs fois l'impression de vouloir s'effondrer.
On la poussa avec rudesse sur les escaliers et le bourreau aidé par l’Eaugure la hissa en haut. On lui accrocha la corde au cou dans le plus grand des silences.
Seules quelques mouettes dans le ciel passèrent en criant. Nana fut prestement précipitée dans le vide. Un grand silence planait sur la foule partagée entre peur et plaisir. Son corps quelques instants se balança et heurta celui de Peter à plusieurs reprises. Curieusement, à ce contact, la pirate sembla reprendre vie. Puis il n'y eut plus rien. Seules deux misérables dépouilles pendaient au soleil. C'en était fini de Nana.

Énola n'avait pas crié. Elle était demeurée de marbre. Une terrible colère mêlée à la peur lui servait maintenant de squelette.
Un instant, sa mère avait semblé la voir dans la foule, mais ce n'était sans doute qu'une illusion. Elle avait eu envie de se cacher comme honteuse du mal qu'on lui faisait. Elle gardait d'elle l'image d'une femme indestructible, le visage pointé vers le large… Mais le mal était fait.
Énola s’éloigna dans une ruelle et se retrouva contre une digue de rochers. Elle sentait derrière la mer qui battait légèrement. Seul l'océan maintenant pouvait la consoler. Elle se glissa entre les rocs et chercha un endroit protégé d'où elle pouvait voir le va-et-vient des vagues. Elle se lova sur un bourrelet d'algues et comme une bête, ne bougea plus.


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Date d'inscription : 14/07/2021

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[Fiche d'identité]  Enola Lues (Ex-Garde) Empty Re: [Fiche d'identité] Enola Lues (Ex-Garde)

Message par Jess Mer 27 Avr 2022 - 13:55


Lorsqu'elle s'éveilla au matin, Énola était trempé. Elle avait froid. Le vent qui traversait ses vêtements mouillés lui glaçait les os. La mer s’était déjà retirée, laissant au passage une large bande de vase verdâtre.
Au loin dans la brume, se devinait la côte. Le soleil se levait et la lumière se reflétait dans les vagues.
Enola se dirigea vers le port. Quelques bateaux étaient accrochés à de grands piquets en bois permettant un accès facile aux embarcations. Les pêcheurs et les passeurs attendaient en mâchonnant, on ne savait quoi.
Quelques voyageurs à qui l'on avait offert de la chair de palourde patientaient à l'abri d'une baraque.
Il fut des jours où Énola pouvait entendre les bruits de la peur. Et lors de ce jour spécial, elle était terrifiée.
Elle ne comprenait pas bien cette sensation. C’était comme des coups lourds frappés sur des plaques de tôle, et aussi une rumeur sourde qui ne vient pas par les oreilles, mais par la plante des pieds et qui résonne à l'intérieur de son corps.
C'est la solitude et la faim aussi, la soif de douceur, de lumière, de chansons, la faim de tout.
Elle glisse presque toute sa tête dans le col de son manteau de fortune. Elle se couvre les cheveux jusqu'aux sourcils avec sa capuche rapiécée, mais la blancheur du ciel l'atteint toujours aussi bien que le brouhaha incessant des rues.

Elle ressent comme une nausée, qui monte du centre de son ventre, qui vient dans sa gorge, qui emplit sa bouche d'amertume.
Énola s'assoit vite, n'importe où, sans chercher à comprendre, sans se soucier des gens qui la regardent, parce qu'elle craint de s'évanouir encore une fois. Elle résiste de toutes ses forces, elle essaie de calmer les battements de son cœur, les mouvements de ses entrailles. Elle pose ses deux mains sur son ventre, de sorte que la douce chaleur de ses paumes passe à travers son chandail gelé.

Les gens passent à côté d'elle sans s'arrêter. Parfois, ils ralentissent un peu, comme s'ils allaient venir vers elle. Mais lorsque la jeune fille lève la tête, il y a tellement de souffrance dans ses yeux qu'ils partent très vite, parce qu'ils ont peur.
Après un certain temps, la douleur disparaît sous les mains de l'enfant. Elle peut reprendre son souffle. Malgré le vent froid, elle transpire, et elle est encore mouillée. Elle a besoin de se réchauffer et de manger.

"C'est pt ‘être le bruit d’la peur, le bruit qu'on n'entend pas avec les oreilles, mais qu'on entend avec les pieds et tout le corps, qui me donne la gerbe"


Énola remonte vers le quartier où le cadavre de Nana continue de se balancer au gré du vent. Elle gravit lentement les marches de l'escalier défoncé où coule l'égout qui sent fort. En haut de l'escalier, elle tourne à gauche, puis elle marche dans la rue. Il y a des signes écrits à la craie, des lettres et des dessins incompréhensibles, à demi effacés.
Par terre, il y a plusieurs taches rouges comme le sang, où rôdent des mouches. La couleur résonne dans la tête d'Enola, donne un son de sirène, un sifflement qui creuse un trou vide son esprit.
Lentement, avec effort, elle enjambe une première flaque, une deuxième, une troisième. Il y a de drôles de choses blanches mêlées aux taches rouges, comme des cartilages, des os brisés, de la peau, et la sirène résonne encore plus fort dans sa tête.
Elle essaie de courir le long de la rue en pente, mais les pierres sont humides et glissantes. Il y a encore des signes écrits à la craie sur les vieux murs, des mots, peut-être des noms. Puis une femme nue, aux seins pareils à des yeux, et plus loin, c'est un phallus énorme dessiné à la craie sur une vieille porte, comme un masque grotesque.

Enola poursuit sa marche, respirant difficilement. La sueur s'écoule toujours sur son front, dans son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles. Il n'y a personne dans les rues de ce quartier à cette heure-là, seuls quelques chiens au poil hérissé, qui rongent leurs os en grognant.
Les fenêtres au ras du sol sont fermées par des barreaux. Plus hauts, les volets sont tirés, les maisons semblent abandonnées. Il y a un froid de mort qui sort des bouches des ouverture, des caves, des fenêtres noires.
Où aller ? La jeune fille progresse lentement, elle tourne de nouveau à droite, vers le mur d'une vieille maison.
Elle a toujours un peu peur, quand elle voit ces grandes fenêtres avec des barreaux, parce qu'elle pense que c'est une prison, c'est ce que Nana lui expliquait en fin de compte.

"On dit même que la nuit, parfois, on entend les gémissements des prisonniers derrière les barreaux des fenêtres. Ah, mais pense pas à ça toi. Avance ! "


Elle part vite, elle descend vers la mer, à travers les rues silencieuses. Le vent qui passe par rafales fait claquer le linge, de grands draps blancs aux bords effilochés. Énola entend par moments les bribes de phrases, les bruits de vaisselle, des odeurs de cuisine et son ventre gargouille de plus bel. Elle passe devant un abreuvoir et boit. Sa tête continue de tourner, c'est toujours les mêmes murs lépreux, qu'effleure la lumière froide, le bas des murs où croupit l'eau verte, où pourrissent les tas d'ordures. Il n'y a que des hommes, des rats, des blattes, tout ce qui vit dans les trous sans lumière, sans air, sans ciel. Enola tourne dans les rues comme un vieux chien noir aux poils hérissés, sans trouver sa place.

Elle repart à travers le dédale sombre, tandis que la lumière du ciel décline peu à peu. Elle voit sur l'un des bancs de la place, une vieille femme dans une grande robe colorée se gavant d'un morceau de gâteau.
L'enfant va rester devant elle et essayer de lui quémander une part. Elle a faim, elle est sale. Mais pourquoi ne pas tenter sa chance?

-Tu veux bien me donner à manger. S’il te plaît m’dame ? j'peux faire c'que tu veux en échange.


La vieille la regarde sans comprendre, puis elle prend peur et se lève en laissant la petite sans réponse.
Énola regarde fixement la grosse femme partir, et elle sent encore la présence froide et terrifiante de la mort. Elle frissonne. Elle va rejoindre sa mère si sa continue.
La nuit prend place peu à peu sur la ville, l'ombre emplit la place, noie les recoins, les fissures, entre par les fenêtres aux carreaux cassés. Il fait de plus en plus froid. Énola se serre dans son manteau, elle remonte de nouveau sa capuche. Elle ferme les yeux pour résister et part se réfugier dans une balustrade de pierre. Le vent passe avec violence, en sifflant.
La solitude est grande ici, comme sur un navire en pleine mer. Elle fait mal, elle serre la gorge et les tempes.

Une fois la nuit tombé, la gamine retourne à l'inté­rieur de la ville.
Elle traverse la place, où les hommes se pressent autour des portes des bars, Mais, même ici, l'angois­se ne parvient pas à se dissiper.
Elle tourne le long des rues sombres, tandis qu'une pluie fine commence à tomber du ciel, car le vent s'est tu. Des hommes passent, silhouettes noires, sans visage, qui semblent perdues, elles aussi Enola s'efface pour les laisser passer, disparaît dans l'embrasure des portes, se cache der­rière des caisses laissée à l’abandon. Quand la rue est à nouveau vide, elle sort, elle continue à marcher sans bruit, fatiguée, ivre de sommeil et de faim.
Mais elle ne veut pas dormir. Où pourrait-elle s'abandon­ner, s'oublier ? La ville est trop dangereuse, et l'angoisse ne laisse pas les filles pauvres dormir, comme les enfants de riches.
Il y a trop de bruits dans le silence de la nuit, bruits de la fringale, bruits de la peur, de la solitude. Il y a les bruits des voix avinées des clochards, les bruits des taverne où ne cesse pas la musique monotone, et les rires lents

Maintenant, la petites les voit les fameux rats de la ville. Ils sont là, par­tout, assis contre les vieux murs noircis, tassés sur le sol au milieu des excréments et des immondices : les mendiants, les vieillards aveugles aux mains tendues, les jeunes femmes aux lèvres gercées, un enfant accroché à leur sein flasque, les petites filles vêtues de haillons, le visage couvert de croûtes, qui s'accrochent aux vêtements des passants, les vieilles cou­leur de suie, aux cheveux emmêlés, tous ceux que la faim et le froid ont chassés des taudis, et qui sont poussés comme des rebuts par les vagues.
Ils sont là, mouil­lés de pluie, hérissés par le vent, plus laids et plus pauvres encore à la lueur mauvaise des lanternes Ils regardent ceux qui passent avec des yeux troubles, leurs yeux humides et tristes qui fuient et reviennent sans cesse vers vous.

Enola marche doucement devant les mendiants, elle les regarde, son cœur se resserre. Elle marche si lentement qu'une clocharde l'attrape par son manteau et veut la tirer vers elle. Nola se débat, défait avec violence les doigts qui se nouent sur l'étoffe de son manteau ; elle regarde avec pitié et horreur le visage encore jeune de la femme, ses joues bouffies par l'alcool, tachées de rouge à cause du froid, et surtout ses deux yeux bleus d'aveugle, presque transparent, où la pupille n'est pas plus grande qu'une tête d'épingle.

- Viens ! Viens ici !

Répète la mendiante, tandis que la gamine essaie de détacher les doigts aux ongles cassés. Puis la peur est la plus forte, et Énola arrache son manteau des mains de la clocharde, et elle se sauve en courant pour arriver vers une gigantesque maison. La petite porte verte s'ouvre complètement, et maintenant sur la chaussée, devant Énola, une femme est immobile. C'est elle que les hommes regardent sans bouger, en fumant des cigarettes. C'est une femme très petite, presque naine, au corps large, à la tête enflée posée sur ses épaules, sans cou. Mais son visage est enfantin.
Des hommes s'approchent d'elle. Ils ne parlent pas. Ils ont l'air brutaux, butés, lèvres serrées, regard dur. La petite femme aux cheveux de feu ne les regarde même pas.
Elle allume une cigarette à son tour, et elle fume vite, en pivotant sur place. Puis en haut de la ruelle marche une autre femme. Celle-ci est très grande, au contraire, et très forte, déjà vieillie, flétrie par la fatigue et le manque de sommeil. Et ses cheveux noirs sont décoiffés par le vent.
Elle descend lentement la rue, en faisant claquer ses chaussures à hauts talons, elle arrive à côté de la naine, et elle s'arrête, elle aussi, devant la porte. Les hommes s'approchent d'elle, lui parlent.

La gamine ne comprend pas. Elle n'a pas l'âge de comprendre et Nana ne lui a jamais parlé de cette ville puante. Elle veut passer, elle n'en peut plus d'attendre. Elle veut crier, se mettre à pleurer, mais c'est impossible. Le vide et la peur lui ont serré la gorge, et c'est à peine si elle arrive à respirer.
Alors elle puise dans ses dernière force et s'échappe. Elle court à toutes allures le long de la ruelle, et le bruit de ses pas résonne fort dans le silence.
Les hommes se retournent et la regardent fuir. La naine crie quelque chose, mais un homme la prend par le cou et la pousse avec lui à l'intérieur de la maison.

À côté du phare, toujours le même cauchemar. Il y a beaucoup de mendiants qui dorment, engoncés dans leurs hardes.  
Et là dans un coin de porte, à l'abri dans un grand lac d'ombre humide, Énola s'est couchée par terre. Elle a rentré sa tête et ses membres le plus qu'elle a pu à l'intérieur de son manteau en lambeau tout à fait dans le genre d'une tortue.
La pierre est froide et dure. Mais peu importe, demain sera, un jour, meilleur. Elle ferme les yeux. La faim tiraille ses entrailles. Mais cette ville remplie de monstres géants a réussi à l'épuiser. La fatigue l'emporte et la fillette s'endort.

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