The Ferrith's family

Les Ferrith ont toujours vécus en Lordaeron, à Tirisfal. Une famille de cultivateurs, ils n’avaient jamais eu à se plaindre. Des revenus certes modestes mais suffisants pour subvenir à leurs besoins. Trois fils bien bâtis, la relève était assurée. Madame Ferrith, appelée dans la région « La marchande » était une femme stricte et très pieuse. Inflexible, elle n’était pas femme à cajoler ou gâter ses enfants. Pour elle, une mère se devait d’élever ses enfants dans le giron de la Lumière, leur apprendre la valeur des choses et l’amour de leur patrie. Elle avait réussi.

Monsieur Ferrith était un homme tout aussi sévère que son épouse, pas de tire-au-flanc chez lui. Leurs trois enfants, Gaëlen, Caeran et Nelthan n’étaient pas du genre à rechigner, à dix ans, ils étaient déjà dans les champs et n’aspiraient à rien d’autre que cultiver la terre qui les avait vus naître.

Les clairières subirent le même funeste sort que le reste du Royaume. D’abord la peste qui emporta leur père, puis les hordes déchainées du Fléau qui semblaient infaillibles. Avec la force et le courage de la jeunesse, les frères Ferrith réussirent à défendre la petite ferme des semaines durant. Leur détermination était un exemple pour tous. Il existait une rumeur dans la région comme quoi les cris hystériques de la « Marchande », jours et nuits, dissuadaient même les pires immondices écervelées d’attaquer la ferme. La résistance s’organisa peu à peu autour de la modeste fermette. Les granges furent aménagées pour accueillir les réfugiés, des barricades de fortune furent dressées autour de la ferme et les fiers paysans, armés de fourche et de haches se relevaient pour les patrouilles. Tous savaient que ça ne durerait pas, mais combattre leurs propres parents réanimés en goules finissait d’affermir leur volonté. Ils ne lâcheraient rien. Les femmes soignaient les blessés tandis que les hommes combattaient. Les enfants, de tout âge, apportaient nourriture et boissons aux hommes et servaient de messagers entre les différents points de défense.

Les trois fils Ferrith dirigeaient les opérations. Gaëlen, l’aîné, pilotait la logistique. Plus réfléchi que ses frères, il organisait les relèves, élaborait les schémas de défense et priait, inlassablement. Caeran et Nelthan, plus fougueux que leur aîné, étaient en première ligne, ils menaient les hommes au combat, de l’improvisation totale, mais qui fonctionnait plutôt bien.

Au bout d’un mois de siège, l’épuisement affectait tout le monde mais pas un ne renonça, tous étaient décidés à vendre chèrement leur peau. Les prières furent entendues et le salut vint des hommes au blason cramoisi. Les écarlates restèrent plusieurs semaines à leurs côtés, partageant leurs rations et couvertures, fournissant armes et boucliers. Conscients qu’ils ne pourraient tenir indéfiniment, ils durent se résigner à la fuite, ils brulèrent tous leurs biens avant le départ. Le village des Ferrith tomba mais leur lutte ne fut pas vaine, dans tout le pays, des poches de résistance subsistaient, certains refusaient d’abandonner le Royaume si facilement. Ce fut naturellement qu’ils prirent les armes sous la bannière écarlate. Les Ferrith étaient des hommes de foi, on en fit des hommes de guerre.

C’est à Tyr qu’ils firent la connaissance d’un jeune prêtre prometteur, Vallien Narssis. Les Ferrith acquirent leur réputation par leurs faits d’armes. Nulle pitié, nul remords, ils faisaient ce qui était juste. Ils suivirent Vallien Narssis au sein de l’ordre écarlate Purification qui avait refusé de partir pour les terres du Nord et ils devinrent ses Champions. Droiture, Foi, Justice et Purge. Purge était un homme plus inflexible que l’acier de son épée et il donna sa vie pour sauver Vallien Narssis devenu Evêque lors du second assaut sur Âtreval.

A la frontière entre les Montagnes d’Altérac et les Maleterres- Quelques années après leur enrôlement dans la Croisade.

« - Et de quinze frérot ! Tu pourras faire mieux ? »

Caeran ricana en sortant sa lame du corps du non-mort. Les trois frères arrivaient à contenir le flux de réprouvés qui les harcelait, au prix d’efforts incroyables. Mais chez les Ferrith, on ne renonce jamais, nulle cause n’est perdue…S’il y a encore un pauvre fou prêt à se battre pour elle.

Les champs et les récoltes avaient déjà été vandalisés, piétinés. Tous ces efforts réduits à néant, de quoi alimenter leur hargne. Et ils n’en manquaient pas. Ces paysans, au bord du gouffre se battaient avec acharnement, prêts à mourir pour sauver leur foyer. Les Ferrith et quelques Croisés ne pouvaient que saluer et encourager ces comportements. C’est la raison pour laquelle ils étaient prêts à périr avec eux. La rédemption de leur Royaume devait se faire dans le sang et dans le sang elle allait commencer.

Nethan abattit sa lourde épée sur une goule, elle eut une sorte de hoquet de surprise et avant qu’elle n’effleure Nelthan, elle tombait au sol, le torse séparé des jambes.
« - Et de vingt ! Tu te ramollis on dirait ! C’est l’âge qui fait ça ? »

Caeran redoubla de vigueur en grommelant, encore une bonne dizaine de corps s’entassèrent à ses pieds avant que le flux soit endigué. Les frères regardèrent les amoncellements de chairs putréfiées avec des sourires satisfaits puis le feu purificateur fit son œuvre. La ferme logée au pied des montagnes d’Altérac n’était pas en si mauvais état, il fallait à tout prix persévérer.

« - Nous ne devons pas reculer. Lordaeron doit renaître. Continuez de travailler la terre, d’élever vos enfants ici, c’est ainsi que le Royaume aura sa rédemption. Nous protégerons notre peuple. N’ayez crainte nous veillons. Une patrouille passera chaque jour s’assurer de votre sécurité. Mais de grâce, par La Lumière, n’abandonnez pas vos terres, elles portent votre sueur, votre sang, elles sont à vous. Nous chasserons les Impies, les traîtres et les usurpateurs. »

La bannière de la Croisade Ecarlate fut plantée à l’entrée de la ferme, un avertissement ; quiconque s’en prendrait au fier et courageux peuple de Lordaeron devra payer le prix du sang et subira le courroux des vengeurs de la Lumière.

Les croisés ajustèrent leurs baudriers et reprirent leur patrouille, recouverts de sang, sur l’éternelle flamme cramoisie de leurs tabards, le sang des innocents se mêlait à celui des impies. La fin de la patrouille se fit dans un silence presque macabre et dans les têtes, toujours cette interrogation, latente ; combien de litres de sang faudra t-il faire couler pour que tous comprennent ? Chaque victoire avait un goût amer. Chaque pas en avant leur faisait prendre conscience de la distance qui restait à parcourir, le point scintillant au bout, à peine perceptible semblait inaccessible. Mais chez les Ferrith, on ne renonce jamais. Ils sont les Champions de l’Evêque, le dernier Rempart contre l’hérésie.

A Hurlevent, un triste soir de pendaison.

Gaëlen, Nelthan et Caeran étaient dans la foule, les mâchoires serrées et les yeux embués de larmes. Autour d’eux, autant d’hérétiques, d’infidèles qui arboraient des sourires satisfaits et des mines réjouies. Un homme bouscula vaguement Caeran, jouant des coudes pour voir de plus près le macabre spectacle. Caeran l’attrapa par le col sans délicatesse et le ramena à l’arrière. Il insista.
« - Hé, mon gars, t’es pas le seul à vouloir profiter du spectacle ! Ceux là vont prendre cher, des petites ordures comme ça…La corde c’est encore trop doux s’tu veux mon avis…J’parie qu’ils vont faire dans leurs frocs. »

Sans un mot, Nelthan enfonça son genou dans l’entrejambe de l’importun et se retourna vers ses chefs, tristement mis à l’honneur en cette soirée.

Les fidèles rescapés étaient dissimulés dans la foule, certains voulaient agir mais le mot d’ordre était de ne pas bouger, de rendre un dernier hommage à ces grands hommes et d’attendre…D’attendre. Les Ferrith fermèrent les yeux au moment ou les cordes se tendirent, récitèrent plusieurs prières entre leurs dents serrées et quittèrent les lieux. Inutile de s’attarder. Plus au Sud, la machine était en route, les sacs de pièces d’or scelleraient les destins d’Hiltar Taelis et de Vallien Narssis. Ce soir là, il n’y eut aucun bruit, aucun chant. A divers endroits de la ville, des hommes prostrés aux visages fermés patientaient, impuissants. Comment la Lumière pouvait-elle permettre cela ? Inutile de douter. Chez les Ferrith, on ne renonce jamais, on ne doute jamais.

Au Monastère, il y a quelques mois.

« - Ecoutez moi bien les trois clowns…Le premier qui ouvre son clapet pour me dire ‘On veut pas y aller’ je le taille en pièces…Ou mieux, je le ramène à sa mère qui j’en suis sûr, saura le raisonner. Compris ? »

Les Ferrith pâlirent. La mère Ferrith était infirmière pour l’ordre, elle suivait ses fils et ne tolérait aucun écart de conduite. Même le Commandeur Hiltar Taelis avait toujours refusé de s’approcher d’elle. Si dans la cité d’Hurlevent on menaçait les enfants turbulents qu’Hiltar Taelis viendrait les chercher s’ils refusaient de manger leur soupe …Chez les écarlates, on menaçait les Croisés désobéissants d’une visite médicale avec la « Mégère », bien plus efficace que les Inquisitions plébiscitées par l’Evêque Narssis. Ilyas Aubren, ancien Champion du Commandeur et prétendant au titre croisa les bras devant les frères Ferrith, implacable.

« - Donc. C’est un ordre d’en haut, vous partez pour Hurlevent et vous faites ce que j’ai dit. Deux trois entourloupes et vous vous faites recruter comme Gardes. Après, vous attendez, vous obéissez, pas de faux pas, pas d’insultes… » Il plissa les yeux et porta son regard sur Nelthan et Caeran, marquant une pause en caressant son faucon juché sur son épaule avant de poursuivre. « Croyez moi, j’aurais pas choisi des idiots dans votre genre pour ce genre de mission…Mais j’ai pas le choix, donc tout le monde obéit et tout se passera bien. Je serais en ville avec la petite teigne de Pérod. Je viendrais vous border le soir, promis. »

Caeran leva un index timide pour prendre la parole. Un hochement de tête d’Ilyas et il commença, hésitant.
« - Et comment on va faire ? Enfin, faudrait un truc plausible…Ils ne sont pas bêtes à ce point… »
Nelthan ricana. Des trois, c’était le plus arrogant.

« - Personne ne vous connaît là-bas. Vous êtes de pauvres paysans de Lordaeron venus trouver refuge dans leur ville il y a des années. Ca doit pas être trop difficile à tenir comme rôle, si ? »
Les trois secouèrent vivement la tête, saluèrent et se mirent en route. Chez les Ferrith, on ne renonce jamais, on ne discute jamais un ordre.