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Réminiscences.

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Réminiscences. Empty Réminiscences.

Message par Khadija Dim 6 Juin 2010 - 13:10

Khadija a perdu un peu de sa gaîté habituelle. Hier soir, deux gardes ont voulu jouer un drôle de jeu pour « l’aider » et « lui montrer comment faire », soi-disant. L’un d’entre eux lui a même pris les bras en arrière et lui a tiré les poignets pour y passer des menottes. Ils lui ont fait peur mais ne s’en sont pas rendu compte. Elle n’a pas du tout aimé. Cela lui a rappelé de très mauvais souvenirs, de ce genre de souvenirs qu’on voudrait pouvoir effacer de sa mémoire, à jamais.

Elle a quitté la caserne sans un mot, elle voulait repartir ailleurs, loin. Si le soldat Bromar ne l’avait pas retrouvée dans la forêt, sans doute ne l’aurait-on jamais revue.

Avant de se coucher, Khadija a griffonné rageusement sur son carnet, rangé dans son casier, à la caserne. Pendant la nuit, elle a rêvé.

**********

Le sol est jonché d’éclats d’assiettes et de chopes en terre cuite, collant de ragoût et de miettes de pain mélangés à un liquide sombre, épais, dont le fumet âcre de mauvais vin prend à la gorge.

Dans un coin une femme gît sur le dos, ses cheveux bruns étalés autour d’un visage encore jeune mais marqué et bleui de coups, les yeux fermés, tuméfiés, la bouche entrouverte, d’où dégouline un filet de bave, ou d’autre chose. Rien dans son attitude ne permet de penser qu’elle soit vivante, sinon une minuscule bulle qui prend forme et disparaît au coin de sa bouche toutes les minutes.

Sa chemise est ouverte, ou plutôt déchirée, et ses seins, lourds d’avoir été trop pressés, s’étalent et débordent du lin bleu clair. Sa jupe est soulevée, ramenée sur la taille, dévoilant deux jambes écartées sur une chair meurtrie, humide et collante.

Dans l’autre coin une table, ou en tout cas un meuble aux pieds suffisamment hauts pour pouvoir y glisser un corps de petite taille.

Sous cette table, une petite fille est pelotonnée. Ses yeux bleu écarquillés tranchent sur son visage sombre terrorisé, sa bouche est fermée sur un cri qui ne veut pas, qui ne doit pas sortir, ses deux bras maigrichons de gamine d’à peine 10 ans enserrent des jambes fines et dorées d’avoir couru dans le sable de la côte de Tanaris.

Deux jambes larges d’homme, enveloppées d’un pantalon grossier de toile de coton sale approchent lourdement de la table, titubant, glissant, se rattrapant, tandis qu’une grosse voix d’homme, rocailleuse et pâteuse, jure en marmonnant.

Esh’ !!! Sp’èce de traînée !!! sors d’d’là t’d’suite !!!

Une des deux bottes de cuir pousse violemment un éclat d’assiette vers le mur où se terre Eshaïna. Le morceau de terre cuite vient frapper le devant du mollet gauche de la petite fille et y trace une longue estafilade de sang avant de ricocher sur le sol.

La lourde table de bois se met à trembler sous la force des bras de l’homme qui maintenant hurle de rage.

Les deux yeux bleu s’écarquillent un peu plus en regardant le corps de la femme qui n’a toujours pas bougé. Les bras serrent un peu plus les jambes et le visage de la petite fille s’enfouit entre ses jambes serrées tandis que sa bouche murmure « Pitié, pitié, je vais me réveiller, je vais me réveiller, c’est un rêve, un mauvais rêve . Tout ça n’est pas vrai, c’est dans ma tête, pas en vrai, dans ma tête, pas en vrai, dans ma tête, pas en vrai…. ».

Tout d’un coup, dans un éclat de lumière qui vient fouetter le visage de l’enfant, la pièce s’emplit d’un râle victorieux. « Rhaaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!! ».

**********
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Message par Khadija Mar 8 Juin 2010 - 10:12

****************
Deux jeunes enfants courent sur la plage, prenant garde aux tortues qui vont et viennent entre l’eau et le sable, inlassablement. Un garçonnet d’une dizaine d’années aux cheveux dorés, presque blanchis par le soleil, court en fouettant l’eau de ses pieds.

T’es même pas cap’ de sauter par dessus la tortue qui est là bas !

La fillette , une brune aux yeux bleu, éclate de rire, ses cheveux retenus en queue de cheval caressant ses épaules. Elle attrape le garçon et le tire vers l’eau jusqu’à ce qu’il tombe. Elle s’assoit sur lui, enserrant sa taille de ses cuisses et pousse la tête hilare du garçon dans l’eau.

Pas cap’ toi même ! … Et tu paries quoi ?...

Le garçon se débat, gigotant ravi sous la fille et essayant de la faire lâcher prise en lui chatouillant les côtes.

Sûr que j’suis cap’ ! Et… j’te parie…. Une pierre comme t’en as jamais vue !... Une pierre secrète ! magique même !!! … Allez Esh’ ! lâche moi !

La fillette resserre son étreinte, fronçant les sourcils, le visage dur.

Ne m’appelles pas comme ça, j’t’ai déjà dit… c’est pas moi…. J’veux plus que ça soit moi… c’est… c’est quelqu’un d’autre…

Elle se relève brusquement, lâchant la tête du garçon, puis elle reprend sa marche, boudeuse. Le soleil est haut dans le ciel, il fait chaud, il doit être près de midi, elle doit rentrer si elle ne veut pas encore…

Elle se retourne en soupirant, son regard glissant sur l’horizon. Le garçon s’est relevé et son visage maintenant fermé trahit son inquiétude.

Esh… Khad… t’es fâchée ?.. .

La petite fille hausse les épaules, un sourire triste venant éclairer un bref instant son visage bronzé.

Non, laisse… faut qu’j’y aille….

Elle fait mine de prendre le départ, prête à courir, mais se tourne vers le garçon.

Cette pierre… tu me la montreras ? …. Parce que….

Sans attendre de réponse ou de commentaire, elle se met alors à courir, vive et décidée, puis saute souplement par dessus la tortue sans freiner sa course. Le garçon entend un éclat de rire enfantin tandis que la silhouette de son amie court vers le village.

****************

La même plage, les mêmes tortues qui vont et viennent entre la mer et le sable, les mêmes palmiers qui ploient sous le vent qui vient de l’est. La lumière est différente, basse, rasante. La petite fille est toujours brune mais elle a grandi, de deux ou trois ans. Elle est assise, recroquevillée, près d’un rocher, cachée pour ceux qui viendraient de la terre.

Elle porte une longue jupe qui couvre ses jambes qu’elle a enlacées de ses bras, la tête posée de côté sur ses genoux. Son visage sombre est dur, ravagé de larmes, ses yeux bleu fixent un point invisible, ou loin, à l’intérieur d’elle même. Ils n’ont pas vu le garçon blond aux cheveux blanchis par le soleil qui arrivait à la hauteur de son amie.

Khad ?

Elle sursaute et s’écarte de la main qui voulait sans doute juste effleurer ses cheveux. Elle détourne la tête et essuie rapidement les larmes qui trahissent.

Ne me touche pas ! …. je t’ai dit, je suis…. sale.

Le garçon hoche doucement la tête, sans rien dire. Il sait, il s’en doutait, de la voir là, assise, cachée derrière ce rocher, les bras serrant ses jambes comme s’ils pouvaient à jamais les empêcher de se détacher l’une de l’autre et…

Ce qui l’attriste, le garçon, c’est que Khadija se trompe. Elle ne le dégoûte pas. Bien au contraire, il aimerait la prendre dans ses bras et la bercer, la consoler, rien d’autre. Mais quand c’est comme ça, il n’y a rien à faire, sinon elle s’enfuit en hurlant qu’on ne doit plus jamais la toucher, lui parler même. Il le sait, il a déjà essayé.

Il n’y rien à faire, juste essayer de lui redonner envie d’être. Cela le rend fou, de savoir que son père à elle se permet ce genre de choses. S’il pouvait, s’il osait, il le tuerait. Mais il ne peut pas, il n’est rien, juste un adolescent qui doit obéir aux anciens.

Il regarde la mer, les vagues qui viennent mourir sur le rivage dans un doux clapotis, les tortues qui vont et viennent. Un regard vers son amie, puis il commence à ôter ses vêtements, gardant juste le pantalon. Un regard coulant et un léger sourire.

J’te parie que je s’rai sur le rocher immergé avant toi.

Khadija relève la tête et le regarde, un léger pétillement au fond des yeux. Quelques secondes de silence, ils se jaugent, se parlent sans rien dire, des années de rire et de jeux ne s’effacent pas si vite.

Elle se relève souplement et entreprend d’ôter ses vêtements, à son tour. Dans un geste de défi, elle enlève tout et se retrouve entièrement nue, les deux jambes plantées droites dans le sable. Autour de son cou une cordelette noire sur laquelle est enfilée une pierre oblongue, lisse, d’un noir pur et brillant avec des striures vertes, qu’elle caresse l’espace d’un instant, son regard planté dans celui du garçon. Son corps sombre de jeune fille du Sud est musclé finement, et strié de marques diverses de coups.

Un jour j’vais partir… bientôt même…. tu viendras avec moi ?

Gêné le garçon détourne la tête, acquiesçant vaguement, sans conviction, et regarde vers le rocher immergé. Khadija l'observe quelques instants sans rien dire, porte la pierre à ses lèvres, l’embrasse, la lâche, puis s’élance dans la mer, écartant les bras comme pour communier avec les éléments. Hurlant un cri de rage elle plonge, bras en avant, son corps sautant hors de l’eau puis disparaissant dans une petite gerbe bouillonnante.

****************
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Message par Khadija Jeu 10 Juin 2010 - 9:53

"Une pièce sombre. Une fenêtre sans carreaux, avec des barreaux qui interdisent tout passage, et devant laquelle flotte mollement un rideau de lin très léger. Une paillasse aménagée dans un coin. Une planche sur laquelle on a disposé des couvertures de feutre et un grand drap de coton par dessus.

Dans le lit, une très jeune fille, qui ne dort pas, ses yeux bleu grand ouverts sur le plafond indiquent qu’elle est terrorisée, à l’affût, tendue dans l’écoute. Sa respiration est saccadée, difficile.

Dans la pièce à côté des cris, des hurlements, des bruits de vaisselle cassée, des râles. Chaque fois qu’un cri de femme surgit du bruit assourdissant des objets jetés à travers la pièce, Eshaïna sursaute, puis déglutit.

Tout à coup, plus rien. Aucun bruit, aucun mot, rien, que le bruit du rideau qui frotte sur le sol de la chambre.

La jeune fille se redresse dans le lit, se calant contre le mur et ramenant le drap sur elle. Elle est habillée, d’une chemise claire et d’un pantalon marron court. Un regard vers la fenêtre, si elle pouvait, elle se faufilerait entre les barreaux, mais elle ne peut pas, ils sont trop serrés. Elle soupire, la fuite n’est pas possible.

Son regard est rivé sur la porte où filtre de la lumière. Il va apparaître, c’est certain et elle craint ce moment plus que tout au monde. Même si la porte est fermée, même si elle a fait glisser une chaise sous la poignée pour coincer la porte, elle va s’ouvrir et il va apparaître dans l’encoignure. Depuis le temps, elle s’est fait une raison, il finit toujours par arriver à ses fins. Mais si elle le sait, elle espère toujours qu’il sera trop saôul pour insister et s’endormir avant de venir la voir.

Un hurlement se fait à nouveau entendre, il vient de l’autre côté de la porte. Il a essayé d’entrer et n’a pas pu. La poignée se met à tourner avec violence, la porte tremble sous les coups.

Esh !!! Ouvre moi !!!... Toud’suite !!!!... ‘spèce de p’tite garce !!!... tu m’cherches hein !!!...

Un rire gras et pâteux emplit la pièce de l’autre côté. Il exulte.

Aaaaaaah ! … t’aimes ça hein !!!.. t’faire prier !!!... t’es bien comme ta mère tiens … toutes des garçes !!!! … ahahahha… s’pèce de femelle… viens Esh’…. Viens ici…

Sa voix s’est radoucie mais il n’y a aucune tendresse dans le ton, aucune mansuétude, que du mépris et la haine. Il lui parle comme à un chien que l’on va battre et que l’on espère attirer avec une gamelle.

Eshaïna se cale encore plus contre le mur, tentant de s’y fondre ou d’y disparaître, le drap ramené à sa bouche, elle le mordille.

De l’autre côté l’homme, en rage, secoue la porte qui finit par littéralement exploser. Son corps massif apparaît en ombre sur la lumière de la salle derrière. Ses bras ballants le long du corps, un sourire mauvais, qui se voudrait gentil, se forme sur un visage buriné, aviné, marqué.

…. Aaaah… Eshaïna… ma belle…..Te v’la… tu vois bien c’qu’ça sert à rien… d’t’te façon, je t’aurais… viens…. viens ma belle… viens…

A le voir s’avancer en titubant, Eshaïna comprend qu’il est encore plus saoul qu’elle l’imaginait, elle a peut-être une chance d’y échapper. En quelques secondes, elle jauge la situation. La porte est derrière lui, mais pas si loin. Il est totalement ivre, ses réflexes sont mauvais. Il est à un mètre cinquante, la porte à 3 mètres, elle a 10 secondes, guère plus.

Elle bondit hors du lit et saute sur la droite, du côté de la fenêtre. Tel un chat, un deuxième bond la propulse de l’autre côté de la fenêtre, un peu derrière l’homme qui, croit-elle, n’a pas eu le temps de capter qu’elle n’était plus dans le lit.

Elle pense pouvoir profiter de la différence de luminosité entre la chambre et la pièce commune, et s’apprête à se faufiler derrière l’homme pour s’enfuir quand il se retourne en hurlant.

Rhaaaaaaa ! Qu’esss tu crois ?!? … qu’une pauv’gamine d’à peine 12 ans va tromper un vieux renard comme moi ?!? … saleté de femelle ! …. Viens par içi j’te dis !!!! …

Il la prend par le poignet et l’attire à lui, sa deuxième main venant fourrager sous la chemise dans un râle de victoire.

Eshaïna se débat, tente de dégager son poignet en mordant la main de l’homme et réussit à le repousser, prenant la fuite d’un bond. Mais si l’homme est saoul, il en a l’habitude, ses réflexes ne sont pas totalement évanouis. La voyant s’échapper il sort de sa botte une dague et saute sur elle sans réfléchir, la serrant à nouveau entre ses bras, la dague posée sur le cou gracile de la jeune fille.

Terrorisée, Eshaïna ne bouge plus. L’haleine avinée de son père emplit son air, elle tourne la tête, dégoûtée. Il se marre tandis que le couteau dessine sur le cou de fines traces blanches.

T’fais moins la maline là, hein….

Dans la tête de Eshaïna, tout se bouscule. Supporter encore « ça » ou tenter l’impossible, au risque de mourir…. Va pour mourir. Elle se dégage d’un coup de rein et s’apprête à bondir hors de la chambre.

L’homme ne s’y attendait pas, elle réussit à se dégager mais la dague vient effleurer son visage, une longue traînée de sang rouge vif apparaissant immédiatement en travers de sa joue. L’homme exulte à nouveau.

Tiens !!!! Prends ça dans ta tronche, pauv’conne !!! … t’vlà défigurée maint’nant !!!... plus personne voudra d’toi… sauf ton vieux père !!!!

Un hurlement de rire emplit les oreilles de Eshaïna qui s’enfuit de la maison, sautant par dessus le corps de sa mère, encore une fois allongée par terre dans des débris de vaisselle.

Tout en se demandant combien de temps cela peut encore durer, elle court sans s’arrêter, traversant le désert, les villages, contournant les puits, pour arriver à la plage où, en larmes, en sueur et ensanglantée, Khadija plonge rageusement son visage dans l’eau de mer, sans prendre garde à la douleur piquante du sel."
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Message par Khadija Sam 12 Juin 2010 - 11:32

[Musique associée]


« Le son du sablier géant emplit l’air de ses tintements. Des vestales draenei vont et viennent, guidant les visiteurs qui s’aventurent dans cette immense grotte souterraine. Des troupes de cavaliers passent en trombe, en criant victoire ou geignant d’avoir perdu une bataille, filant voir un marchand réparateur avant de s’enfoncer à nouveau dans un couloir sombre d’où ils réapparaîtront peut-être dans quelques heures ou quelques jours.

Dans un coin reculé de la salle principale, cachés dans un fourré à l’abri des regards, assis sur le sable où ils ont creusé, non loin d’une tour penchée, deux enfants sont en plein conciliabule, leurs corps collés l’un à l’autre comme pour se tenir chaud, ou faire barrage à toute intervention extérieure.

La fillette a le visage barré d’une longue estafilade qui cicatrise. Régulièrement elle passe sa langue sur le bout de cette coupure, fine mais profonde, qui démarre sur le côté gauche de l’arcade sourcilière et meurt au bord de la lèvre qu’elle a entamée sur quelques pouces.

Le garçon, un blondinet de 10 ou 11 ans, penché en avant sur ses genoux repliés, tient dans ses mains une bourse de coton encore recouverte de sable, qu’il époussète doucement. Il jette de temps à autre des regards craintifs vers les immenses gardes qui, eux, ne font aucun cas des deux enfants.

T’inquiète ! ils nous ont pas vu passer derrière la tour…. Allez ! Grouille ! Montre !.

La fillette s'impatiente, ce qui fait sourire le garçon. Il la regarde puis défait le nœud et tire sur la cordelette qui ferme la bourse, puis il en sort un tissu de coton grossier qu’il étale sur le sable tandis que Khadija écarquille les yeux, s’attendant peut-être à voir sortir quelque bête. Dans le tissu, une pierre oblongue, lisse, brille d’un noir intense et strié de rainures vertes.

… Ben… Elle est magique ? vraiment ?...

Le garçon hoche la tête et prend la pierre pour l’amener à hauteur de leurs deux visages, puis il l’entoure de ses deux mains en corolle, se replie encore un peu pour placer ses mains dans l’ombre de leurs corps et fait signe à la fillette de venir coller son œil à la petite ouverture qu’il vient de dégager.

Regarde…… elle vient d’un marécage noir pas loin d’ici… un marécage magique… j’ai vu des dragons dedans… même que mon frère il en a tué un… et c’est dans son ventre qu’il a trouvé la pierre… et… elle brille dans le noir… et... regarde... quelque chose se passe dedans…

Khadija place son œil entre les mains du garçon et voit en effet les striures s’illuminer intérieurement, comme si les fêlures de la pierre laissaient apparaître dans le noir une ouverture vers un autre monde. Un long sifflement sort de ses lèvres et lui arrache une grimace de douleur.

… c’que c’est beau… on dirait que la lumière, elle sort de la pierre…

Le garçon hoche la tête, sourit, puis replace la pierre dans le tissu, sous les yeux encore rêveurs de la fille. Redressant la tête elle le regarde, soupçonneuse.

T’es allé d’dans ? dans le marécage ? le noir ?!?… toi ?!? ... mais t’as pas le droit !!! C’est l’vieux Liank qui m’l’a dit !!! Sinon t’es envoyé de l’autre côté !!!... chais pas où, mais loin…

Le garçon éclate de rire et replace la bourse dans le trou de sable qu’il rebouche consciencieusement, essayant d’effacer toute trace de cache.

… même pas vrai… la preuve, chuis là..… bon… tu dis rien, hein… j’la laisse là, comme ça j’suis sûr que personne m’la piquera… mais maintenant, tu sais aussi. C’est notre secret à tous les deux…

Le sable est tapoté, lissé, et la main du garçon passe plusieurs fois pour effacer toute trace. Tout en le regardant faire Khadija passe et repasse sa langue sur la lèvre coupée, hochant la tête, les yeux perdus dans le vague.

... c'qui s'rait bien, c'est d'pouvoir aller d'dans.... dans la pierre... pis dans la lumière... hein ? ... "
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Message par Khadija Mar 15 Juin 2010 - 9:38

« Une plage, des palmiers qui ondulent, des enfants qui courent dans l’eau. Ils sont une bonne douzaine, de 5 à 12 ans, bronzés, riant, s’éclaboussant et criant. Ils sont habillés en chemises et pantalons de toile légère, de ces vêtements que les familles rapiècent sans cesse pour les passer d’un enfant à l’autre.

Garçons et filles ont tous un air de ressemblance, peau sombre et cheveux de jais, sauf un garçon de 6 ou 7 ans qui tente visiblement de se fondre dans le groupe sans trop y parvenir.

L’un des plus grands s’arrange pour le faire tomber dans l’eau, tête la première. Il glisse, s’affale et coule dans un fracas de gerbes d’eau salée. Tous éclatent de rire, et se remettent à courir sans l’attendre, sauf une petite fille, qui doit avoir le même âge ou peut-être un an de plus, qui regarde les autres s’éloigner en fronçant les sourcils.

Pffff… C’est malin…

Elle se rapproche du garçon et l’aide à se relever. Ses yeux bleu expriment gentillesse et empathie. Elle sourit, engageante.

Fais pas attention… ils sont bêtes…. c’est des grands …

Le garçon hoche la tête, penaud, des larmes aux yeux qu’il tente de cacher en se frottant le visage comme si l’eau de mer le gênait.

J’vais retourner là-bas... de toute façon, mon père doit m’attendre … il va me montrer son travail…

La petite fille détourne son visage et regarde l’horizon.

Ah oui… c’est vrai… t’es le fils du nouveau puisatier… et… il va aussi aller… à la chasse, ton père ?

Le garçon écarquille les yeux, étonné.

A la chasse ? La chasse à quoi ? aux scorpides ? aux hyènes ?

Elle hausse les épaules et soupire, passant un peu d’eau dans ses cheveux pour refaire sa queue de cheval.

Laisse... c’est bon… sûrement que oui, sinon jamais ils vous auraient laissé vous installer chez la vieille Bilam… T’as un grand frère aussi, c’est ça ? … sûre que lui aussi, il va pas tarder à y aller…

Mais la chasse à quoi ?!?

Elle prend le garçon par le bras et l’entraîne à sa suite.

Laisse, j’te dis… tu l’sauras bien assez tôt va... Pis... t'es un garçon, tu crains rien.... allez viens… j’te parie que j’arrive au village avant toi !!"
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Message par Khadija Mer 16 Juin 2010 - 10:07

Un village dans la nuit....


« Sur la côte de grands feux brûlent encore depuis la fin de l’après-midi, et sur la plage en contrebas un navire fracassé et béant s’étale comme une bête morte grouillante de bestioles qui la vident de toutes ses entrailles. Les naufrageurs n’en ont pas terminé avec lui, le soleil pointe à l’horizon, ils doivent s’activer.

Depuis la côte, une troupe d’hommes marche dans la nuit, en silence. Il fait froid dans le désert de Tanaris aux premières heures du matin. Parmi les prisonniers qui sont tirés par des cordes, quelques femmes tremblent en traînant les pieds dans le sable.

L’un des hommes se tourne et fait claquer son fouet. Une des femmes, jeune et bien habillée, sans doute une femme du Nord, blonde et le teint clair, hurle, hystérique.

Je veux voir votre chef !!! Je veux voir votre chef !!!

Le fouet claque à nouveau dans la nuit en même temps qu’un rire gras qui vient du début de la colonne.

T’vas l’voir !!! T’inquiète donc pas !!! Ca pour le voir, t’vas le voir !!! Et d’près même !!!

Les hommes qui entourent la colonne et surveillent le déplacement des « richesses » récoltées dans le bateau naufragé hurlent de rire comme un seul homme.

Brinquebalant sous les coups de fouet, à la vitesse des mules qui portent les caisses, la colonne arrive enfin près d’un village qui, malgré la nuit, est en pleine activité. Toutes les maisons sont illuminées, des femmes vont et viennent entre les maisons, des enfants courent en tous sens et dans un coin retiré des hommes attendent devant des cages en osier, fumant nonchalamment.

Voyant les mules avancer vers eux les hommes jettent leur cigarette dans le sable terreux et viennent jauger la marchandise, appréciant la prise des femmes.

L’un d’entre eux s’approche de la blonde et vient lui caresser le menton.

J’suis sûr que tu s’rais pas contre m’offrir tes charmes pour éviter la cage…

Celui qui menait la colonne depuis la côte le frappe du pommeau de son fouet en cuir.

Pas touche ! Réserve personnelle du chef !... Trop…. Sophistiquée pour toi… t’saurais même pas t’en servir…

Les autres se marrent. L’ homme presse le menton de la belle et plante ses yeux dans les siens. Il approche sa bouche et aspire ses lèvres rageusement.

Quand tu lui serviras plus à rien… pense à moi… j’peux t’éviter de dormir dans une cage… si t’es mignonne…

Dans un coin, deux enfants observent la scène. Une brunette aux yeux bleu et un blondinet aux yeux noisette. Le garçon a l’air tout à la fois émerveillé et terrorisé. Il glisse sa main dans celle de la fille et la regarde.

C’est ça… la chasse ?

La fillette hoche la tête, le regard sombre."
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Message par Khadija Jeu 17 Juin 2010 - 21:42

[Se sauver tant qu’il est encore temps… mais à quel prix…]


De grands troncs d’arbres mis en épis les uns contre les autres brûlent dans le ciel noir, formant une grande hutte de flammes rougeoyantes et crépitantes. Des hommes assis autour du feu, rient fort et s’interpellent d’un bout à l’autre du cercle qu’ils forment, périmètre de corps massifs collés les uns aux autres dans une sorte de communion virile de fin de combat.

Des femmes vont et viennent à l’arrière du périmètre, apportant des cruches remplies de vin et reprenant les vides, offrant des plats fumant de ragoûts divers et variés, riant au contact des mains qui se baladent sous les jupes, mais ne restant pas plus longtemps que les quelques secondes nécessaires à leur travail.

En retrait du feu, des tentes installées tout autour pour la nuit, dans un ordonnancement clair et précis, un premier cercle pour les quelques rares tentes des chefs, devant lesquelles sont postés des hommes au visage masqué, un second cercle pour les tentes des hommes de main et leurs femmes, et un troisième cercle pour les vivres, les bêtes et les marchandises qui seront revendues au marché de Gadgetzan, demain ou plus tard.

C’est entre le deuxième et le troisième cercle que sont installés deux enfants, à l’abri des regards derrière une grosse caisse en bois. Ils jouent aux dés, riant et se chamaillant, lorsque des cris venant du feu, au centre du campement, les interpellent.

C’est mon père….

La fillette s’est relevée, aux aguets. Le garçon se relève à son tour et prend la main de son amie, rassurant.

… Viens, on va voir.

Les deux enfants s’avancent doucement vers la lumière du feu, les cris se font entendre avec plus de violence au fur et à mesure qu’ils approchent du centre du campement. A l’abri d’une tente de l’un des chefs, serrés l’un contre l’autre, ils observent sans rien dire l’attroupement qui s’est formé autour du père de la fillette qui fait face à trois autres hommes. Une femme est à terre et deux autres l’aident à se relever puis l’entraînent vers une tente..

Les hommes hurlent entre eux, le père de la fillette est retenu par deux hommes qui semblent vouloir l’empêcher de rattraper sa femme qu’il a dû battre.

Marrick ! Tu fais ce que tu veux chez toi, mais pas dans un campement dont j’assure le commandement !

L’homme qui parle clair et fort est habillé d’un gilet brodé et se tient droit, le regard perçant. Les deux hommes qui se tiennent derrière lui sont prêts à agir, au moindre de ses ordres, la main sur leur dague.

Mais !!! Elle a pas été foutue de m’donner ce que j’lui demandais c’te conne !!! Elle mérite une bonne rouste ! ‘Comprend qu’ça d’tout’façon !

L’homme au gilet brodé hausse un sourcil et esquisse un sourire.

Je n’en doute pas. Mais pas dans un campement que je dirige, pas … chez moi. Rassieds-toi et buvons tranquillement. Laisse les femmes faire leur travail et occupons-nous du nôtre. Demain nous avons une longue journée et une mission délicate. Pas question de se déconcentrer avec des… histoires de ménage.

Marrick hoche la tête, lorgne d’un regard mauvais vers le fond du campement, et retourne s’asseoir avec les deux hommes qui le retenaient. Les conversations reprennent autour du feu, très vite ponctuées de rires.

Un doigt sur les lèvres, la fillette tire son ami vers la tente où sont parties les femmes. A l’intérieur, sa mère, le visage tuméfié –mais quand a-t-il été vierge de coups, elle ne s’en souvient pas - sa mère donc, est soignée par deux femmes qui la sermonnent doucement.

Kalïcha… tu dois partir, ce n’est plus possible… on te trouvera de quoi te loger là-bas… tu pourras refaire ta vie… laisse-le, il finira pas te tuer…

La femme hoche vaguement la tête. Elle semble vraiment sonnée. Elle marmonne deux ou trois phrases inaudibles. Celle qui est en train de lui passer un baume sur le visage sursaute et la regarde durement.

Quoi ?!? Mais tu n’y penses pas !!! Tu la laisses là, sinon, c’est sûr, il remuera ciel et terre pour vous retrouver ! … Laisse là au village, on s’en occupera… et puis… c’est sa fille, il ne lui fera pas de mal tout de même…

La femme gémit doucement en hochant la tête, elle veut parler mais l’autre femme lui pose un mouchoir imbibé de baume sur les lèvres.

Tais toi… c’est décidé, demain on t’emmènera dans les montagnes, au sud… je vais dire à Liank qu’il te faut un peu d’aide… on profitera de leur absence pour t’emmener le plus loin possible avant la nuit. Demain soir, quand il rentrera, il ne pourra pas partir à ta recherche… il sera bien trop occupé par le partage et les prisonniers… et comme ça jusqu’à la fin du campement. D’içi là, tu auras eu le temps de te sauver et de te cacher. Tu seras libre… libre Kalïcha !...

Dans l’ombre, celle que l’on nomme Eshaïna se tourne doucement vers son ami. Ses yeux écarquillés le fixent un long moment, obligeant le garçon à baisser la tête, comme honteux. Brusquement elle se dégage de la main qui serrait toujours la sienne et court s’enfoncer dans la nuit".
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Message par Khadija Lun 21 Juin 2010 - 12:59

Fête au village, sous le soleil de Tanaris.



"Dans un coin du village, des cages en osier. Autour des cages, des essaims de mouches qui tournoient inlassablement. Dans les cages, des femmes, assez jeunes pour la plupart, jolies, blondes, rousses, ou brunes, mais plus très fraiches. Quelques jours passés dans une cage à l’air libre n’aident pas à garantir la fraicheur de la marchandise.

Au centre du village, des rires, des cris, des hommes qui parient, attroupés autour d’un cercle où deux coqs se battent, en sang, des plumes arrachées jonchant le sable terreux. Les pièces passent de mains en mains, les parieurs hurlent leurs surenchères, les rires deviennent lourds de sous-entendus, des paumes s’entrechoquent en signe de connivence, des coups de coude sont donnés aux voisins avec des regards appuyés vers tel ou tel autre parieur. L’ambiance des humains est électrique, vibrante d’énergie vitale, celle des bêtes est tout aussi électrique, mais morbide, les coqs n’ayant plus bientôt d’yeux pour voir, de pattes pour marcher, de plumes pour voler, de crêtes pour survivre .

Pendant que les hommes s’entre-déchirent par projection, les femmes vont et viennent en arrière pour préparer le repas. C’est fête au village, jour de gloire des Naufrageurs du Sud, en souvenir de cette prise mémorable qui permit à leurs ancêtres d’en finir avec le nomadisme pour s’installer dans un village qu’ils firent construire par d’autres hommes, venus du Nord sur une flotte qui sombra, échouée sur les récifs de corail du Sud Est, attirée par les grands feux alimentés toute la nuit par ceux qui se faisaient appelés les « Détrousseurs de côtes ».

Les enfants et les adolescents, eux, sont chargés d’alimenter les grands feux et de faire tourner les broches sur lesquelles ont été empalés des Peaux-De-Verre qui rôtissent doucement. Plus loin des musiciens préparent leurs instruments, cordes, vents, ils s’accordent sans se préoccuper des autres.

La jeune fille brune est assise sur le sable, à l’écart, une longue jupe sur les jambes, ses bras repliés par dessus, la tête posée sur les genoux, son regard bleu balayant la scène, passant des feux au combat, du combat aux cages, pour revenir aux feux où un jeune garçon s’affaire avec les autres, se tournant de temps à autre pour la regarder, guettant un sourire qu’elle ne veut pas lui donner.

Elle relève la tête, son visage est légèrement tuméfié, pas suffisamment pour la marquer à jamais, mais assez pour montrer qu’elle a été frappée durement, ou plutôt qu’elle est « tombée en descendant de cheval », comme elle a appris à mentir.

De toute façon, comme elle le lui a encore répété ce matin, « tout le monde s’en fout, de ce qui m’arrive ou pas, de ce qu’il me fait ou pas, de ce que je pense ou pas », alors à quoi bon essayer de parler, essayer de raconter, essayer même de trouver un mensonge plausible. La vie est ainsi faite. Il y en a qui crachent du bout des lèvres trois mots que tout le monde écoute religieusement et d’autres qui pourraient en offrir mille dont personne ne veut même entendre le souffle.

Elle regarde le garçon, le voit faire des tours avec la tête pour l’observer sans en avoir l’air et sourit doucement, tendrement amusée. Il essaye, lui, c’est déjà ça.

Elle se lève et se dirige vers les cages, un regard vers l’attroupement où tous les hommes, même ceux qui montent normalement la garde près des cages, sont allés parier. Elle s’approche doucement, timide, honteuse. Voir ces femmes en cage, prostrées, pleurant ou criant, la plupart du temps abîmées par un passage chez le chef ou un de ses lieutenants la remplit de dégoût. Pourtant ces femmes ne sont pas abîmées comme elle, non, surtout pas. Pas question de gâcher la marchandise, leur peau est indemne de coups, de traces voyantes, de marques. La douleur se lit dans leur regard.

La jeune fille les observe, de loin, avant de s’approcher un peu plus. Elle connaît ce sentiment de souillure qui se lit sur ces visages d’inconnues. Ces femmes sont ses sœurs, même si elles n’en ont ni la couleur de peau, ni le timbre de la voix, ni parfois même la langue. Sœurs de douleur, sœurs de calvaire, sœurs de rage.

Elle s’approche des cages, prend une écuelle et la remplit d’eau fraîche à un tonneau posé plus loin. Elle tend l’écuelle à la jeune femme blonde qui l’observe un moment sans bouger. Le regard de la prisonnière trahit une sorte de compassion, ou de connivence. Elle tend alors la main, un hochement de tête accompagne son geste, elle porte l’écuelle à sa bouche et boit doucement tout en parcourant le visage de la jeune fille qui détourne la tête, mal à l’aise. L’autre a compris, pas besoin de lui mentir, elle sait ce que signifient ces marques. La jeune femme blonde tend en retour l’écuelle, murmurant un mot dans une langue inconnue, mais compréhensible, c’est un remerciement, sans nul doute. La brune regarde la blonde et tente un sourire. L’autre lui répond de la même façon. Elles se jaugent un instant. Sans doute l’une imagine qu’elle pourrait peut-être sauver l’autre, qui elle, se demande si la première ne pourrait pas l’aider à s’enfuir. La brune hoche la tête, sans un mot. La blonde sourit, de même.

Dans un geste très rapide, la brune montre le soleil, le ciel, l’attroupement d’hommes puis fait mine de boire, met ensuite ses deux mains jointes sur sa joue puis ferme les yeux, mimant le sommeil. Ensuite elle montre la cage, le verrou, mime une clé poussée et indique que la clé devra être prise sur une ceinture, sans doute celle d’un des hommes endormis. Puis elle questionne du regard la blonde en soulevant légèrement la tête. L’autre sourit doucement et montre qu’elle a compris. Cette nuit, quand les hommes auront bu et qu’ils dormiront, la brune viendra aider la blonde à s’échapper. Si elle peut.

Plus loin, du côté du feu, le jeune homme observe son amie. De la voir parler avec une prisonnière lui fait horreur. En parlant avec ces femmes, elle tente le diable, et risque encore pire qu’elles, être marquée à vie, battue à mort, disparaître même, qui sait…. Alors il la regarde, le cœur battant, la peur au ventre, espérant être le seul à comprendre ce qui se trame, le seul à savoir qu’elle n’est pas juste la douce Eshaïna qui ne dit jamais rien , mais aussi, et de plus en plus, la fougueuse Khadija qui, un jour, s’en ira loin et le laissera là.»
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Message par Khadija Jeu 24 Juin 2010 - 10:55

Quelque part, un chemin…

Ils sont assis tous les deux sur la plage, collés l’un à l’autre, comme tant de fois, sa tête à elle posée sur son épaule à lui, le bras du jeune homme enserrant la taille de la jeune fille. Ils sont silencieux depuis un moment, le regard vague sur l’horizon, tous les deux. Elle a encore des traces de coups sur le visage, violacées et jaunies, et surtout une mine chiffonnée et terne, le teint vaguement nauséeux, des larmes perlant au bord des yeux.

Je vais devoir y aller, elle doit m’attendre …

… Tu vas voir, ça sera vite fini…

Tu es sûr que…

Oui, tu dois le faire... ce soir, ou demain, tu n’y penseras plus…


Il la serre un peu plus fort dans ses bras, essayant de se faire rassurant. Il dit les mots entendus au village, en fait, il n’en sait rien, de ce qui se passe vraiment. Elle est enceinte et ne devrait pas l’être. Elle est abîmée et il ne peut rien faire. Elle a mal et il ne sait pas la soulager. C’est tout ce qu’il sait, et c’est déjà beaucoup trop.

Il pose ses lèvres sur ses cheveux et murmure qu’il l’aime, le cœur triste. Elle soupire, ferme les yeux et vient poser ses lèvres sur le torse nu et imberbe du jeune homme.

Oui… je sais bien, mais…

Elle pose ses lèvres sur les siennes. Le baiser est doux, tendre, plus tout à fait chaste mais pas encore abouti. Il aurait tant souhaité l’aimer, vraiment. Mais pour l‘instant il n’a pas osé, de la voir si souvent abimée et rageuse, il n’a pas encore su comment faire, comment lui dire qu’il la veut, comme un homme veut une femme, mais sans ce désir de la soumettre pour l’humilier. Aimer, posséder, prendre… est-ce impossible sans meurtrir ?

Il ne sait pas passer outre leurs craintes à tous les deux, il comprendra peut-être dans quelques mois qu’il devait juste être lui même, puisqu’il est sincère, mais … le pire est arrivé et une fois qu’elle en sera débarrassée, de cette horreur qui n’aurait jamais dû être, elle voudra partir, et ce sera trop tard. Il la serre dans ses bras, perdu, incomplet, avec ce sentiment douloureux que s’il ne fait rien, elle restera en creux dans sa vie, dans son corps, longtemps. Il pose ses lèvres sur son cou et hume son parfum iodé de fille des côtes, goûte de la langue l’arôme de sa peau salée.

Elle frémit et s’abandonne peu à peu. Elle revoit une scène au village, quelques années plus tôt. Ils sont assis, au milieu des autres, attroupés devant le vieux Liank qui raconte des histoires et leur « explique la vie ». Tous collés les uns aux autres sous un arbre autour du vieil homme qui fume la pipe. Il finit l’histoire… « Tout est offrande, si on le décide. Ne donnez que ce qui peut être reçu. Ne prenez que ce qui peut être offert. Sachez attendre, et vous trouverez le chemin ».

« Quel chemin » demande alors la jeune fille, un peu agacée. Le vieux Liank la regarde, son visage édenté se faisant mystérieux. « Celui de ton cœur Eshaïna ». Elle soupire et se lève brusquement. « Ben faudrait déjà que quelqu’un s’en préoccupe… ». Le garçon assis à côté d’elle lui prend la main, mais elle se dégage et quitte le groupe, en colère contre le monde entier, poussant rageusement le sable avec ses pieds nus.

La vision du souvenir se trouble, elle est à nouveau dans les bras du jeune homme, les yeux fermés, le contact de ses lèvres sur sa peau. Elle le repousse doucement et le regarde. Il se laisse sonder, sans rien dire, patient, confiant, ce n’est pas la première fois.

Peu à peu, son visage s’adoucit, elle caresse ses lèvres du pouce, réfléchissant.

… un jour… bientôt… il me faudra trouver ce chemin … tu sais …

Un léger sourire d'acquiescement se dessine sur son visage, il voit très bien de quoi elle parle.

… et nous irons ensemble… tu veux bien ? …
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Message par Khadija Sam 26 Juin 2010 - 11:05

Tout n’est pas si simple…

"Il fait nuit et la côte est aussi éclairée qu’en plein jour. Une demie douzaine de feux brûlent jusqu'au ciel, tournoyant en pluie de braises sur fond bleu nuit.

Il n’y aurait que ces cônes jaunes et rouges sur la crête autour desquels des petites silhouettes vont et viennent, affairées, un spectateur venu de la plage penserait à une cérémonie, un rituel de purification, une ode au dieu de la terre et du ciel.

Mais il y bien autre chose dans ce bouillonnement d’activité, qu’un terrien ne comprendra pas tant qu’il n’aura pas vu sur l’horizon un ou deux vaisseaux virer de bord, louvoyer lentement de part et d’autre d’un chenal imaginaire, vers un phare de pacotille. Un chenal qui les mène inexorablement sur les fonds affleurant qui vont, en quelques minutes à peine, éventrer les navires, déchiqueter les coques, arracher les écoutilles, fracasser les mats, les baumes et les ponts, éjecter hommes et femmes qui hurlent de terreur en voyant la côte se précipiter vers eux comme une femme accourt vers celui qu’elle aime, bras tendus pour l’étreindre.

Comme à chaque grande marée, le peuple des détrousseurs de côtes s’est organisé pour passer quelques jours loin du village, redevenir ces nomades qu’ils ont toujours été, au fond de leur tripes, et pactiser avec la folie des mers du Sud qui leur offre, comme des plateaux de fruits de mer débordant de victuailles frémissantes, marchandises, richesses, monnaies, vivres et esclaves à gogo.

La chasse est bonne cette année. Les hommes sont satisfaits, ils retourneront dans quelques jours au village pour le partage, emportant à dos de mulets de lourdes caisses de soieries et d’or, des armes et du vin en bouteilles. Les hommes et les femmes qui pourront être revendus sont déjà partis en colonne pour être réceptionnés chaque jour au village. Les autres sont entassés, sans vie, dans un coin du campement. Pas de tortures inutiles, soit ils sont morts au moment du naufrage, soit ils se sont bêtement rebellés, soit ils n’ont pas survécu aux premières heures d’emprisonnement. Ils seront enterrés pour ne pas être dévorés, les détrousseurs de côtes ne sont pas des sauvages, ils ont de la morale, elle est juste différente de celle des autres peuples qui vivent dans le désert.

C’est ce que Liank explique aux deux jeunes gens qui viennent de lui faire part de leur honte.

Ne te méprends pas Eshaïna, nous ne tuons pas pour le plaisir, uniquement parce que c’est nécessaire. Nous tendons des filets dans la mer et elle nous offre de quoi vivre. Il se trouve qu’il y a des vivants dans ces filets, et nous les traitons comme n’importe quelle marchandise.

La jeune fille n’est pas convaincue et fait la moue. Il sourit et continue, essayant de la persuader.

… La vie est un combat permanent, Eshaïna, entre les forts et les faibles, les braves et les pleutres, les…

… les hommes et les femmes
, rajoute la jeune fille dans un souffle.

Le vieil homme la regarde un moment, puis passe doucement sa main sur le visage encore marqué de celle qu’il considère comme sa petite fille, depuis qu’il a aidé sa mère à fuir.

… aussi oui, mais… pas forcément comme cela… ça… ça ne devrait pas être…

Dans un accès de rage la jeune fille arrache la main déformée par l’âge qui pourtant montrait de la douceur.

Ah oui !?! alors, si ça ne doit pas être, pourquoi ca l’est ?!?

Elle s’avance vers la crête et suit des yeux une colonne de naufrageurs qui remontent de la plage, les bras chargés d’objets divers. Un homme porte sur son épaule une femme qui hurle en brassant l’air de ses bras. Un autre homme s’approche et curieusement la femme semble se calmer. Khadija observe la scène, se demandant étonnée ce que le deuxième homme a bien pu dire pour la calmer, lorsqu’enfin la colonne arrive à hauteur de ses yeux. La femme est tout bonnement assommée, et c’est la raison de son silence.

La jeune fille se tourne vers le vieil homme et montre du doigt la femme inerte sur l’épaule de l’homme.

Et ça ? Ca doit être comme ça ?! c’est aussi le combat de la vie ? les femmes assommées par les hommes parce que ça leur convient ???

Le vieil homme suit le regard et soupire, désolé.

Eshaïna… tu mélanges tout… ça c’est le travail… c’est… normal, elle criait, s’énervait, elle aurait pu se faire mal et….

Mais c’est ça !!!! Mais dis moi donc que c’est pour son bien !!!! Qu’elle devrait même les remercier !!!!! Que sans eux elle serait encore plus mal !!!! Bande de !!!! Bande de !!! Bande de menteurs !!! Bande de baratineurs !!! Vous êtes tous les mêmes !!!

Khadija vibre de rage, s’éloignant dans la nuit tandis que les deux hommes, le très jeune et le plus âgé, la regardent hurler, pétrifiés et vaguement honteux".
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Message par Khadija Mar 29 Juin 2010 - 13:52

Offrandes…

"Les tentes sont arrangées en cercles sous le soleil brûlant de midi, rien ni personne ne bouge, le campement est écrasé de chaleur. Le feu au milieu des cercles concentriques est presque éteint, seules brûlent encore quelques braises sous lesquelles les femmes ont ce matin déposé des tubercules enrobées de feuilles de palmier. Les légumes cuisent lentement répandant une odeur douceâtre qui se mêle au parfum des fleurs de feu qui s’insinue entre les tentes, furetant de ci de là pour égayer les quelques nez restés éveillés.

Ils sont tous les deux allongés sous une tente du troisième cercle, celui des marchandises, à moitié nus, dans les bras l’un de l’autre, la jeune fille brune et le jeune homme blond. Elle passe doucement la main sur son torse, paume puis dos de la main, inlassablement. C’est comme un jeu, une vague qu’elle s’amuse à dessiner. Il frissonne, pressant sa main sur son bras. Elle n’a pas conscience de l’état d’excitation qui commence à le prendre. Elle est là sans être là, presque déjà partie, dans ses préparatifs, ses questionnements, ses rêves de liberté.

Elle va partir, il va la perdre et il hésite, encore. Depuis le temps qu’ils s’aiment comme des enfants, doit-il lui dire ce qu’elle ne voit pas, ou ne veut pas voir. Il la désire, il la veut pour lui, il veut qu’elle soit sienne, mais… même si elle n’en parle jamais, il sait ce qu’elle subit chez elle. Comment être homme sans être comme celui-là, il ne sait pas.

Il soupire doucement et ferme les yeux, il préfère encore rêver d’elle quand elle n’est pas là, trouver seul le répit du corps plutôt que d’afficher son ignorance et d’affronter sa colère, des pleurs ou, pire, son rejet.

La main de la jeune fille s’est arrêtée, elle écoute sa respiration, sent que quelque chose ne va pas et se redresse pour le regarder. Il se tourne légèrement vers elle, ramenant une jambe sur l’autre, espérant cacher le désir qui l’anime et maintenant l’obsède. Puis il tente un sourire, essayant d’avoir l’air neutre.

Son regard le transperce. Elle fronce les sourcils, sondant les pensées, l’éclat différent des yeux, le trouble du regard, le frémissement perceptible du corps. Elle comprend d’un coup et se rassoit, s’écartant vivement de lui.

….. Khad’…...

Le vent s’est levé, soulevant les coins de la toile de coton qui les sépare du reste du monde. De légères particules de bois brûlé glissent sur le sable et viennent se coller sur les parois internes de la tente. Elle ramène ses jambes contre elle, les enferme de ses bras, dans cette jupe qui lui sert de protection imaginaire, et pose sa tête sur ses genoux, l’air désemparé.

… je sais bien… tu n’es pas comme lui, je le sais, c’est juste que…

Il s’assoit à son tour et la prend dans ses bras, il a juste l‘intention de la consoler. Il éprouve alors le besoin de parler, d’abord pour la rassurer, puis, peu à peu, pour se dire, se dévoiler, raconter ses craintes et ses rêves.

Et c’est là, sans qu’il s’y attende, sans geste, sans acte, sans rien de tout ce qu’il avait imaginé devoir faire pour qu’elle s’épanouisse, juste par le souffle doux des mots, la douceur du ton, l’offrande de ce qui l’anime, c’est là que la magie tant espérée opère. Guidée par le son de sa voix, elle s’abandonne petit à petit et s’offre enfin à lui.

Quand ils sortent de la tente, main dans la main, le soleil a largement entamé sa descente, de l’autre côté du campement. Le feu est éteint, les femmes s’affairent à sortir les tubercules fondantes pour les incorporer dans des plats qui seront emportés, les enfants se chamaillent les restes en riant, les hommes préparent les mulets, le campement se prépare pour la nuit, les détrousseurs vont s’en retourner chasser sur la côte.

Rien ne semble avoir changé et pourtant…

Il est autre, homme enfin. Il se tient droit, fier, et la tient fermement par la main, la couvant du regard. Elle aussi est différente, tout à la fois apaisée et étonnée, mais aussi très triste. Elle le regarde sans rien dire, les larmes aux yeux. Son abandon sera leur perte, le savait-il ? Elle détourne le regard, observe les hommes et leurs préparatifs, cherchant des yeux celui qu’elle ne veut plus jamais devoir subir, déterminée.

Il comprend alors et l’attire à lui, désespéré, attirant son dos contre son torse, l’enveloppant de ses bras, espérant l’y conserver à jamais. Il pleure.

… Khad’ … tu ne vas pas…. Dis… pas maintenant…

Elle tourne vers lui son visage encore enfantin inondé de larmes et vient poser ses lèvres sur les siennes. Un souffle les traverse tous deux, le temps s’arrête un instant, elle se détache, parcourt son visage de la main et des yeux puis murmure.

… si, il le faut… mais… tu restes en moi… je reviendrai….

Un volte-face, sa jupe virevolte autour d’elle. Elle suit les mouvements des hommes, évalue le temps qui lui reste avant que la colonne s’ébroue, réfléchit, se tend, hésite, se retourne, le regarde longuement sans un mot, secouant la tête doucement devant son visage affolé, puis, d’un coup de rein s’envole vers une tente, sans se retourner, le laissant sur place, anéanti, incapable du moindre mouvement.

Elle ne lui reviendra pas, il le sait dans son corps, avec certitude. Il se souvient alors des paroles de Liank « Ne donnez que ce qui peut être reçu. Ne prenez que ce qui peut être offert…. Et vous trouverez le chemin ». En l’aidant à devenir autre, il vient de lui offrir la liberté, celle de prendre son envol, enfin. Et cette pensée lui enlève un peu du poids qu’il va encore longtemps porter en son cœur."
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