Désillusions.
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Désillusions.
[Septembre 28]
Mademoiselle Grivelles… je vous en prie, entrez…..
L’homme qui venait de parler d’un ton cordial mais sec, n’était pas impressionnant de par la taille mais empreint d’une autorité telle que peu osaient la défier. Mademoiselle Grivelles, jeune femme d’une vingtaine d’années, rousse et gracieuse, s’assit donc en face de lui , sans marquer aucune gêne ni crainte, le regardant même dans les yeux, sans aucune provocation, naturelle.
….. J’ai là une note vous concernant et…
Elle hocha la tête, attendit sereinement la suite, puis voyant qu’il en avait fini, se lança, d’un ton neutre, sans colère ni dépit, malgré la situation qui s’annonçait difficile.
Je vois très bien de quoi il s’agit et je vous resitue la scène, si vous le voulez bien. Trois hommes, ivres, sont à l’Abracadabar, je les ai déjà vus à l’Académie, ils ne sont pas de la même section, mais ce sont des professeurs et moi une étudiante, et ils m’ont déjà apostrophée dans les couloirs. L’auberge est bondée, moi je suis seule, fatiguée, je veux juste me reposer l’esprit en observant les clients de l’auberge, comme j’aime le faire.
L’homme hocha la tête, la regarda quelques secondes puis nota trois ou quatre mots sur un registre. De vrais talents d’observation, une raison de plus pour ne pas la laisser partir.
J’ai commandé un thé . Je n’ai pas l’intention de m’attarder, juste boire ce thé, tranquillement, avant d’aller me changer, et dormir. L’un des hommes se lève et m’apostrophe, en me nommant, et me demande de venir à leur table. Je refuse, poliment. Il repart, je les entends rire et le même homme revient. Il me redemande de venir en ajoutant « C’est une demande du Professeur Rabolt et je ne pense pas que vous puissiez refuser».
L’homme note encore quelques mots.
… Rabolt, en effet… continuez….
Que vous dire de plus. Je me suis levée, j’ai essayé de discuter, il n’a rien voulu comprendre, rien écouté, a commencé à me parler d’un « dossier d’intégration », je me suis énervée, l’ai traité de « sale con de prof’ de mes deux », il s’est levé, m’a prise par le poignet en essayant de me forcer à m’asseoir, et là je l’ai giflé… très violemment, à l’en faire lâcher prise, puis je m’en suis allée sans attendre mon reste.
Elle le regarda à nouveau calmement. Son ton était aimable mais froid, avec une pointe de sarcasme.
Vous conviendrez qu’il n’y a pas là de quoi fouetter un chat.
Le Directeur baissa la tête, un très léger sourire en coin venant contrecarrer la mine austère qu’il affectait en permanence.
Certes…. Mais c’est Rabolt… devant deux de ses collègues… et ça…
Elle ferma les yeux un court instant, soupirant de lassitude.
Certes.
Il tournait et retournait un crayon entre ses doigts, mal à l’aise. Grivelles était un bon élément, un peu hautaine parfois, pas facile à manier, mais fine, motivée, appelée à réussir au sein de l’équipe pédagogique, à condition que son dossier « passe ». S’en séparer définitivement lui coûterait, il préférait de loin la renvoyer quelques temps chez ses parents plutôt que de lui imposer une éviction de l’Académie pour « ça ». Son ton se radoucit.
Nelsie, je n’ai pas envie de me retrouver face à Rabolt pour une histoire aussi… puérile… or vous le savez comme moi, votre dossier est à l’étude pour le poste de…
Tout à coup elle se leva, volontaire. Son était devenu sans appel.
C’est bon. Inutile de sortir les mouchoirs. Je quitte l’Académie, vous aurez les clés de ma chambre sur votre bureau dans moins d’une heure, ensuite je file prendre un vol pour le Fjord et je vais me présenter pour intégrer l’armée sur place… ça bouge là bas, ils ont besoin de toutes sortes de talents, je trouverai certainement de quoi m’occuper.
Le Directeur fronça les sourcils, désarçonné, comme toujours, devant une jolie femme qu’il admirait. Le visage de Nelsie se radoucit d’un très léger sourire et à nouveau le regard planté dans celui du Directeur.
Ce fut un plaisir d’étudier à vos côtés. Et… ne soyez pas désolé, je n’aurais pas fait un bon Professeur, en tout cas pas encore. Je vais aller me frotter aux hommes, puisqu’ils aiment ça… et … je suis certaine d’en apprendre bien plus sur la psychologie masculine là-bas qu’içi. Qui sait, je vous reviendrai peut-être un jour, prête à prendre une place au sein de votre équipe. Portez vous bien, et remerciez Rabolt pour moi !
Mademoiselle Grivelles… je vous en prie, entrez…..
L’homme qui venait de parler d’un ton cordial mais sec, n’était pas impressionnant de par la taille mais empreint d’une autorité telle que peu osaient la défier. Mademoiselle Grivelles, jeune femme d’une vingtaine d’années, rousse et gracieuse, s’assit donc en face de lui , sans marquer aucune gêne ni crainte, le regardant même dans les yeux, sans aucune provocation, naturelle.
….. J’ai là une note vous concernant et…
Elle hocha la tête, attendit sereinement la suite, puis voyant qu’il en avait fini, se lança, d’un ton neutre, sans colère ni dépit, malgré la situation qui s’annonçait difficile.
Je vois très bien de quoi il s’agit et je vous resitue la scène, si vous le voulez bien. Trois hommes, ivres, sont à l’Abracadabar, je les ai déjà vus à l’Académie, ils ne sont pas de la même section, mais ce sont des professeurs et moi une étudiante, et ils m’ont déjà apostrophée dans les couloirs. L’auberge est bondée, moi je suis seule, fatiguée, je veux juste me reposer l’esprit en observant les clients de l’auberge, comme j’aime le faire.
L’homme hocha la tête, la regarda quelques secondes puis nota trois ou quatre mots sur un registre. De vrais talents d’observation, une raison de plus pour ne pas la laisser partir.
J’ai commandé un thé . Je n’ai pas l’intention de m’attarder, juste boire ce thé, tranquillement, avant d’aller me changer, et dormir. L’un des hommes se lève et m’apostrophe, en me nommant, et me demande de venir à leur table. Je refuse, poliment. Il repart, je les entends rire et le même homme revient. Il me redemande de venir en ajoutant « C’est une demande du Professeur Rabolt et je ne pense pas que vous puissiez refuser».
L’homme note encore quelques mots.
… Rabolt, en effet… continuez….
Que vous dire de plus. Je me suis levée, j’ai essayé de discuter, il n’a rien voulu comprendre, rien écouté, a commencé à me parler d’un « dossier d’intégration », je me suis énervée, l’ai traité de « sale con de prof’ de mes deux », il s’est levé, m’a prise par le poignet en essayant de me forcer à m’asseoir, et là je l’ai giflé… très violemment, à l’en faire lâcher prise, puis je m’en suis allée sans attendre mon reste.
Elle le regarda à nouveau calmement. Son ton était aimable mais froid, avec une pointe de sarcasme.
Vous conviendrez qu’il n’y a pas là de quoi fouetter un chat.
Le Directeur baissa la tête, un très léger sourire en coin venant contrecarrer la mine austère qu’il affectait en permanence.
Certes…. Mais c’est Rabolt… devant deux de ses collègues… et ça…
Elle ferma les yeux un court instant, soupirant de lassitude.
Certes.
Il tournait et retournait un crayon entre ses doigts, mal à l’aise. Grivelles était un bon élément, un peu hautaine parfois, pas facile à manier, mais fine, motivée, appelée à réussir au sein de l’équipe pédagogique, à condition que son dossier « passe ». S’en séparer définitivement lui coûterait, il préférait de loin la renvoyer quelques temps chez ses parents plutôt que de lui imposer une éviction de l’Académie pour « ça ». Son ton se radoucit.
Nelsie, je n’ai pas envie de me retrouver face à Rabolt pour une histoire aussi… puérile… or vous le savez comme moi, votre dossier est à l’étude pour le poste de…
Tout à coup elle se leva, volontaire. Son était devenu sans appel.
C’est bon. Inutile de sortir les mouchoirs. Je quitte l’Académie, vous aurez les clés de ma chambre sur votre bureau dans moins d’une heure, ensuite je file prendre un vol pour le Fjord et je vais me présenter pour intégrer l’armée sur place… ça bouge là bas, ils ont besoin de toutes sortes de talents, je trouverai certainement de quoi m’occuper.
Le Directeur fronça les sourcils, désarçonné, comme toujours, devant une jolie femme qu’il admirait. Le visage de Nelsie se radoucit d’un très léger sourire et à nouveau le regard planté dans celui du Directeur.
Ce fut un plaisir d’étudier à vos côtés. Et… ne soyez pas désolé, je n’aurais pas fait un bon Professeur, en tout cas pas encore. Je vais aller me frotter aux hommes, puisqu’ils aiment ça… et … je suis certaine d’en apprendre bien plus sur la psychologie masculine là-bas qu’içi. Qui sait, je vous reviendrai peut-être un jour, prête à prendre une place au sein de votre équipe. Portez vous bien, et remerciez Rabolt pour moi !
Invité- Invité
Re: Désillusions.
[Mars 29]
Depuis des heures ils luttaient, soudés, hommes et femmes épuisés, crottés, ensanglantés, tous unis contre les goules qui déboulaient dans le fond de la vallée du Front brisé. Grivelles, passée Caporal suite à son engagement dans une mission de rapprochement avec des autochtones récalcitrants, courait devant ses hommes, hurlant, les exhortant à la suivre, à foncer dans le tas, à se battre, pour la victoire, pour le Roy, pour leur Général. Et sans doute aussi pour elle. Car la voir aussi vaillante, vibrante d’énergie, se dépensant sans compter, incandescente, les cheveux roux éclatant de lumière, virevoltant comme un drapeau à suivre dans cette brume sombre et poussiéreuse, leur donnait des ailes, les emportait à sa suite, soudés derrière elle comme un seul homme, fier, vigoureux et vibrant du désir d’en découdre.
Comme lui avait dit l’un de ses hommes, quelques semaines plus tôt, sous le coup de l’émotion alors qu’on lui coupait la jambe pour éviter l’infection. « Je ne regrette pas Caporal ! Car se battre à vos côtés, c’est comme plonger dans le cœur du volcan. Avoir connu ça… ça vaut bien une jambe, j’vous assure ! ».
Pauvre gars, il était mort dans la nuit, emporté par la fièvre. Elle l’avait enterré elle-même, ne laissant personne creuser la terre, personne glisser le corps au fond de la tombe de fortune, personne planter le morceau de bois qui rappellerait qu’içi gisait un brave, qui s’était battu pour le Roy, pour le bien, et pour elle, aussi, un peu. Les hommes l’avaient regardée s’épuiser une bonne partie de la nuit, silencieux, respectueux, touchés par la grâce. « Sûr, les gars, on n’est pas à plaindre avec not’ Caporal, j’dis pas que j’ai envie d’y laisser mes deux jambes, mais quitte à mourir, autant mourir heureux. »
La nuit tombait, enfin, l’accalmie semblait devoir durer jusqu’au matin, Grivelles passait dans les rangs, à l’arrière, réconfortant un blessé, soignant un autre, apposant sa main sur une plaie pour apaiser, promettant d’écrire à l’épouse pour rassurer, prenant note des demandes des uns et des autres, souriante, ne laissant rien paraître de sa fatigue, trop contente de les voir tous en vie.
Mon Caporal ?
Oui Estafette ?
Le Lieutenant me fait demander si vous allez pouvoir vous joindre à lui, en soirée.
Elle hocha la tête, se relevant, essayant de ne pas montrer qu’elle attendait cette invitation depuis son retour au campement.
Oui, dites lui que j’arrive. Deux trois choses à faire ici, je passe à ma tente pour me changer, et j’arrive. Dites lui que je serais là dans une demie heure.
L’estafette du Lieutenant de Bannes salua et repartit en trottinant vers le campement des Officiers, plus loin vers l’arrière. L’homme qui gisait à terre la regarda un court instant, ne pouvant éviter de sourire. Tout le monde le savait, même s’ils essayaient de ne pas le montrer. Le Caporal Grivelles et le Lieutenant de Bannes se retrouvaient de plus en plus souvent seuls, le soir, dans la tente du Lieutenant et l’étude des cartes et stratégies de bataille ne devaient tout de même pas leur prendre toute la nuit…
Elle le regarda en fronçant les sourcils, vaguement amusée.
Ne dites rien ! Vous n’avez d’ailleurs rien à en dire, cela ne vous regarde pas ! Ne vous avisez même pas d’en penser quoi que ce soit ! Soignez moi cette main ! Je veux vous voir demain matin, 7 heures tapantes, en parfait état de marche !
Le soldat hocha la tête, afficha un visage neutre que trahissait un regard amusé, et salua de sa main blessée.
Caporal ! Oui, Caporal ! A vos ordres ! Demain 7 heures, prêt à combattre sous vos ordres ! Et passez donc voir le cuistot, on ne se soigne pas bien le ventre creux. Double ration de ragoût et de vin, ce soir, pour tout le monde. Faites passer le mot. A demain.
Le Caporal Grivelles le gratifia d’une pichenette sur le nez qui fit éclater de rire le soldat. Nelsie Grivelles s'en alla, chantonnant. La vie était dure, mais belle. En tout cas, elle valait la peine d'être vécue, sans aucun doute.
Depuis des heures ils luttaient, soudés, hommes et femmes épuisés, crottés, ensanglantés, tous unis contre les goules qui déboulaient dans le fond de la vallée du Front brisé. Grivelles, passée Caporal suite à son engagement dans une mission de rapprochement avec des autochtones récalcitrants, courait devant ses hommes, hurlant, les exhortant à la suivre, à foncer dans le tas, à se battre, pour la victoire, pour le Roy, pour leur Général. Et sans doute aussi pour elle. Car la voir aussi vaillante, vibrante d’énergie, se dépensant sans compter, incandescente, les cheveux roux éclatant de lumière, virevoltant comme un drapeau à suivre dans cette brume sombre et poussiéreuse, leur donnait des ailes, les emportait à sa suite, soudés derrière elle comme un seul homme, fier, vigoureux et vibrant du désir d’en découdre.
Comme lui avait dit l’un de ses hommes, quelques semaines plus tôt, sous le coup de l’émotion alors qu’on lui coupait la jambe pour éviter l’infection. « Je ne regrette pas Caporal ! Car se battre à vos côtés, c’est comme plonger dans le cœur du volcan. Avoir connu ça… ça vaut bien une jambe, j’vous assure ! ».
Pauvre gars, il était mort dans la nuit, emporté par la fièvre. Elle l’avait enterré elle-même, ne laissant personne creuser la terre, personne glisser le corps au fond de la tombe de fortune, personne planter le morceau de bois qui rappellerait qu’içi gisait un brave, qui s’était battu pour le Roy, pour le bien, et pour elle, aussi, un peu. Les hommes l’avaient regardée s’épuiser une bonne partie de la nuit, silencieux, respectueux, touchés par la grâce. « Sûr, les gars, on n’est pas à plaindre avec not’ Caporal, j’dis pas que j’ai envie d’y laisser mes deux jambes, mais quitte à mourir, autant mourir heureux. »
La nuit tombait, enfin, l’accalmie semblait devoir durer jusqu’au matin, Grivelles passait dans les rangs, à l’arrière, réconfortant un blessé, soignant un autre, apposant sa main sur une plaie pour apaiser, promettant d’écrire à l’épouse pour rassurer, prenant note des demandes des uns et des autres, souriante, ne laissant rien paraître de sa fatigue, trop contente de les voir tous en vie.
Mon Caporal ?
Oui Estafette ?
Le Lieutenant me fait demander si vous allez pouvoir vous joindre à lui, en soirée.
Elle hocha la tête, se relevant, essayant de ne pas montrer qu’elle attendait cette invitation depuis son retour au campement.
Oui, dites lui que j’arrive. Deux trois choses à faire ici, je passe à ma tente pour me changer, et j’arrive. Dites lui que je serais là dans une demie heure.
L’estafette du Lieutenant de Bannes salua et repartit en trottinant vers le campement des Officiers, plus loin vers l’arrière. L’homme qui gisait à terre la regarda un court instant, ne pouvant éviter de sourire. Tout le monde le savait, même s’ils essayaient de ne pas le montrer. Le Caporal Grivelles et le Lieutenant de Bannes se retrouvaient de plus en plus souvent seuls, le soir, dans la tente du Lieutenant et l’étude des cartes et stratégies de bataille ne devaient tout de même pas leur prendre toute la nuit…
Elle le regarda en fronçant les sourcils, vaguement amusée.
Ne dites rien ! Vous n’avez d’ailleurs rien à en dire, cela ne vous regarde pas ! Ne vous avisez même pas d’en penser quoi que ce soit ! Soignez moi cette main ! Je veux vous voir demain matin, 7 heures tapantes, en parfait état de marche !
Le soldat hocha la tête, afficha un visage neutre que trahissait un regard amusé, et salua de sa main blessée.
Caporal ! Oui, Caporal ! A vos ordres ! Demain 7 heures, prêt à combattre sous vos ordres ! Et passez donc voir le cuistot, on ne se soigne pas bien le ventre creux. Double ration de ragoût et de vin, ce soir, pour tout le monde. Faites passer le mot. A demain.
Le Caporal Grivelles le gratifia d’une pichenette sur le nez qui fit éclater de rire le soldat. Nelsie Grivelles s'en alla, chantonnant. La vie était dure, mais belle. En tout cas, elle valait la peine d'être vécue, sans aucun doute.
Invité- Invité
Re: Désillusions.
[Octobre 29]
Des hommes en armes, désœuvrés, allaient et venaient sur les quais. Pour certains, le retour n’était pas envisageable, trop dépendants de la guerre, des poussées d’adrénaline que procurent les combats, des tripes qui se tordent de trouille à la vue des abominations qui déboulent du fond des entrailles de la terre. Ceux-là trompaient leur ennui dans l’alcool et les femmes faciles, incapables d’imaginer pouvoir faire autre chose de leur vie.
Nelsie, ex Caporal Grivelles de la Deuxième section des armées du Roi en Norfendre, les observait sans bouger, assise sur une bite d’amarrage, son sac posé à ses pieds. Il y avait là un petit groupe d’hommes qui refaisaient le monde, une bouteille d’eau de vie passant de mains en mains.
« Et si… tu rappelles quand on a les pris à r’vers et… ouais, j’me souviens… putain c’qu’on leur a mis les gars… faudrait qu’on y r’tourne un jour… »
Habillée d’un simple pantalon de coton noir et d’un gilet à peine décoré, ses cheveux roux virevoltant au vent, fière, les yeux fixés sur le goulet où devait apparaître le bateau qui l’emmènerait, Nelsie attirait tous les regards masculins mais, comme à l’accoutumée, ne s’en souciait pas. D’autant plus qu’elle réfléchissait.
Avait-t-elle eu raison ? Oui. Si elle n’avait pas démissionné de l’armée, pour « raisons personnelles », elle aurait finie par être mise à pied pour insubordination, à cause de lui et, pour elle, comme pour n’importe quel gradé, une mise à pied était une faute de goût.
En avait-elle envie ? Oui. 3 ans d’études à Dalaran et 11 mois de combats, cela suffisait.
Regrettait-elle son geste ? Un peu. Elle ne se voyait pas vivre aux côtés d’un homme qui l’avait trompée, et ce même « dans un moment de folie », mais elle sentait qu’elle allait le regretter un jour. Le sentiment amoureux l’avait quittée, certes, de cela elle était certaine. Mais ne l’aimait-elle pas encore ? Elle n’en était pas sûre.
Où irait-elle ? Nulle envie de s’attacher à un lieu, ou une personne. Voyager, rencontrer, goûter, découvrir, parcourir le vaste monde. Seule.
Quand partirait-elle ? Dès que le bateau arriverait.
Un long signal sonore parvint de la mer. Le bateau à vapeur qui faisait le trajet entre les deux continents entrait dans le port. Elle se leva, prit son sac et d’un coup sec, le ramena sur ses épaules, replaçant de l’autre main une mèche rebelle. Tout dans son attitude montrait d’où elle venait, la caste de ceux qui emmènent, d’une manière ou d’une autre.
Le groupe d’hommes se tut un instant, la jaugeant du regard, tous perdus dans leur souvenir. La guerre, c’était ça aussi, de sacrées bonnes femmes qui les menaient au combat et savaient les magnifier, rendre noble leur difficile tâche de soldat, les rendre meilleurs.Quand elle s’avança sur la passerelle qui menait au pont, de longs soupirs émaillèrent la conversation du groupe et la bouteille d’eau de vie repassa rapidement de mains en mains.
***********
[Juin 30]
La traversée avait pourtant bien débuté. Le Capitaine était charmant, l’équipage courtois, le temps agréable et les passagers, rares, mais de bonne compagnie. Le navire marchand qui faisait route vers Hurlevent depuis Pennelune devait faire escale à Cabestan en passant non loin de la côte de Tanaris. Le Capitaine avait bien conseillé de garder les cabines le temps de passer la pointe, mais c’était à cause des vents contraires qui entrainaient des perturbations violentes.
Aussi, lorsque, bien calée dans sa cabine, occupée à relire un grimoire sur les légendes des Kaluak , Nelsie entendit le mousse hurler au mat de misaine, elle sursauta mais ne bougea pas, comme l’avait ordonné le Capitaine peu avant. La nuit tombait, elle serait bientôt endormie.
Lorsqu’elle entendit la coque du navire se déchirer dans un fracas épouvantable sur des rochers, elle se prit à songer à désobéir. Et quand l’eau fit irruption avec violence dans sa cabine, elle comprit alors qu’elle n’avait même plus le temps de se préparer, qu’elle devait tenter de quitter le bateau avant qu’il ne coule et l’emporte au fond. Quelques secondes plus tard elle nageait tant bien que mal vers une plage où des hommes semblaient vouloir aider les naufragés à prendre pied sur le sable.
En s’échouant , robe et jupon trempés empêchant toute fuite, elle comprit immédiatement que ce n’était pas le cas : des naufrageurs avaient attiré le navire et s’apprêtaient à piller l’ensemble des biens du bateau. Peu en rechaperaient, c’était la loi du genre. En quelques heures, tout fut vidé, découpé, dépiauté. Les femmes furent emmenées dans un camp où des cages en osier les attendaient. Nelsie comprit alors que les histoires entendues dans les ports sur les jeunes femmes qui disparaissent parfois n’étaient pas fausses : elle allait probablement finir sa vie dans le harem d’un riche marchand du Sud, ou d’ailleurs.
Des hommes en armes, désœuvrés, allaient et venaient sur les quais. Pour certains, le retour n’était pas envisageable, trop dépendants de la guerre, des poussées d’adrénaline que procurent les combats, des tripes qui se tordent de trouille à la vue des abominations qui déboulent du fond des entrailles de la terre. Ceux-là trompaient leur ennui dans l’alcool et les femmes faciles, incapables d’imaginer pouvoir faire autre chose de leur vie.
Nelsie, ex Caporal Grivelles de la Deuxième section des armées du Roi en Norfendre, les observait sans bouger, assise sur une bite d’amarrage, son sac posé à ses pieds. Il y avait là un petit groupe d’hommes qui refaisaient le monde, une bouteille d’eau de vie passant de mains en mains.
« Et si… tu rappelles quand on a les pris à r’vers et… ouais, j’me souviens… putain c’qu’on leur a mis les gars… faudrait qu’on y r’tourne un jour… »
Habillée d’un simple pantalon de coton noir et d’un gilet à peine décoré, ses cheveux roux virevoltant au vent, fière, les yeux fixés sur le goulet où devait apparaître le bateau qui l’emmènerait, Nelsie attirait tous les regards masculins mais, comme à l’accoutumée, ne s’en souciait pas. D’autant plus qu’elle réfléchissait.
Avait-t-elle eu raison ? Oui. Si elle n’avait pas démissionné de l’armée, pour « raisons personnelles », elle aurait finie par être mise à pied pour insubordination, à cause de lui et, pour elle, comme pour n’importe quel gradé, une mise à pied était une faute de goût.
En avait-elle envie ? Oui. 3 ans d’études à Dalaran et 11 mois de combats, cela suffisait.
Regrettait-elle son geste ? Un peu. Elle ne se voyait pas vivre aux côtés d’un homme qui l’avait trompée, et ce même « dans un moment de folie », mais elle sentait qu’elle allait le regretter un jour. Le sentiment amoureux l’avait quittée, certes, de cela elle était certaine. Mais ne l’aimait-elle pas encore ? Elle n’en était pas sûre.
Où irait-elle ? Nulle envie de s’attacher à un lieu, ou une personne. Voyager, rencontrer, goûter, découvrir, parcourir le vaste monde. Seule.
Quand partirait-elle ? Dès que le bateau arriverait.
Un long signal sonore parvint de la mer. Le bateau à vapeur qui faisait le trajet entre les deux continents entrait dans le port. Elle se leva, prit son sac et d’un coup sec, le ramena sur ses épaules, replaçant de l’autre main une mèche rebelle. Tout dans son attitude montrait d’où elle venait, la caste de ceux qui emmènent, d’une manière ou d’une autre.
Le groupe d’hommes se tut un instant, la jaugeant du regard, tous perdus dans leur souvenir. La guerre, c’était ça aussi, de sacrées bonnes femmes qui les menaient au combat et savaient les magnifier, rendre noble leur difficile tâche de soldat, les rendre meilleurs.Quand elle s’avança sur la passerelle qui menait au pont, de longs soupirs émaillèrent la conversation du groupe et la bouteille d’eau de vie repassa rapidement de mains en mains.
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[Juin 30]
La traversée avait pourtant bien débuté. Le Capitaine était charmant, l’équipage courtois, le temps agréable et les passagers, rares, mais de bonne compagnie. Le navire marchand qui faisait route vers Hurlevent depuis Pennelune devait faire escale à Cabestan en passant non loin de la côte de Tanaris. Le Capitaine avait bien conseillé de garder les cabines le temps de passer la pointe, mais c’était à cause des vents contraires qui entrainaient des perturbations violentes.
Aussi, lorsque, bien calée dans sa cabine, occupée à relire un grimoire sur les légendes des Kaluak , Nelsie entendit le mousse hurler au mat de misaine, elle sursauta mais ne bougea pas, comme l’avait ordonné le Capitaine peu avant. La nuit tombait, elle serait bientôt endormie.
Lorsqu’elle entendit la coque du navire se déchirer dans un fracas épouvantable sur des rochers, elle se prit à songer à désobéir. Et quand l’eau fit irruption avec violence dans sa cabine, elle comprit alors qu’elle n’avait même plus le temps de se préparer, qu’elle devait tenter de quitter le bateau avant qu’il ne coule et l’emporte au fond. Quelques secondes plus tard elle nageait tant bien que mal vers une plage où des hommes semblaient vouloir aider les naufragés à prendre pied sur le sable.
En s’échouant , robe et jupon trempés empêchant toute fuite, elle comprit immédiatement que ce n’était pas le cas : des naufrageurs avaient attiré le navire et s’apprêtaient à piller l’ensemble des biens du bateau. Peu en rechaperaient, c’était la loi du genre. En quelques heures, tout fut vidé, découpé, dépiauté. Les femmes furent emmenées dans un camp où des cages en osier les attendaient. Nelsie comprit alors que les histoires entendues dans les ports sur les jeunes femmes qui disparaissent parfois n’étaient pas fausses : elle allait probablement finir sa vie dans le harem d’un riche marchand du Sud, ou d’ailleurs.
Invité- Invité
Re: Désillusions.
[Septembre 30]
La traversée avec la jeune Tanaride fût longue mais agréable, même si la jeune Khadija souffrait d’attendre une réponse d’un fiancé qui l’avait apparemment oubliée. Lorsqu’elle arriva en ville, Nelsie suivit les conseils de sa jeune amie et se présenta immédiatement à la Garde pour un entretien d’intégration où elle fût acceptée.
Très vite, elle découvrit avec amusement les vicissitudes de la vie dans une caserne de ville, ce qui n’avait réellement rien à voir avec la vie dans un campement de guerre . Elle alla d’étonnements en étonnements, le plus étonnant de tous étant bien évidemment le colosse qui ne cessait de chercher à capter son attention, se donnant bien du mal pour l’attirer à l’infirmerie et profiter de ses soins et pansements.
Il fût trop tard lorsqu’elle comprit que quelque chose ne collait pas chez cet homme, « son » homme, comme elle aimait à le penser.
Etait ce l’empressement, la maladresse, le besoin qu’il avait de tout exagérer, son égocentrisme, son absence d’empathie, ses absences puis ses écarts de langage, ses appels incessants à la vertu et ses demandes de soutien « devant cette femme qui le regardait bizarrement » mais autour de laquelle il ne cessait de tourner, inlassablement, inexorablement attiré par son arrogance et ses regards de prédateur … Nelsie sentait qu’elle n’aurait pas dû céder, accepter, croire, faire confiance, pas si vite.
Pourtant elle ne sût pas dire non. Brutal dans sa demande, menaçant de se tuer, implorant, exigeant, il l’avait poussée à se marier, sans prendre le temps de la réflexion, comme on décide de prendre un bain, ou de… prendre une femme sur un coin de table. Ils ne se connaissaient que depuis trois ou quatre semaines, lourde et funeste erreur.
En y resongeant, quelques jours après ce mariage bâclé, Nelsie s’était sentie comme happée par une tempête intérieure, qui lui avait semblée plus dangereuse qu’autre chose mais tellement attirante, comme toutes les passions.
La traversée avec la jeune Tanaride fût longue mais agréable, même si la jeune Khadija souffrait d’attendre une réponse d’un fiancé qui l’avait apparemment oubliée. Lorsqu’elle arriva en ville, Nelsie suivit les conseils de sa jeune amie et se présenta immédiatement à la Garde pour un entretien d’intégration où elle fût acceptée.
Très vite, elle découvrit avec amusement les vicissitudes de la vie dans une caserne de ville, ce qui n’avait réellement rien à voir avec la vie dans un campement de guerre . Elle alla d’étonnements en étonnements, le plus étonnant de tous étant bien évidemment le colosse qui ne cessait de chercher à capter son attention, se donnant bien du mal pour l’attirer à l’infirmerie et profiter de ses soins et pansements.
Il fût trop tard lorsqu’elle comprit que quelque chose ne collait pas chez cet homme, « son » homme, comme elle aimait à le penser.
Etait ce l’empressement, la maladresse, le besoin qu’il avait de tout exagérer, son égocentrisme, son absence d’empathie, ses absences puis ses écarts de langage, ses appels incessants à la vertu et ses demandes de soutien « devant cette femme qui le regardait bizarrement » mais autour de laquelle il ne cessait de tourner, inlassablement, inexorablement attiré par son arrogance et ses regards de prédateur … Nelsie sentait qu’elle n’aurait pas dû céder, accepter, croire, faire confiance, pas si vite.
Pourtant elle ne sût pas dire non. Brutal dans sa demande, menaçant de se tuer, implorant, exigeant, il l’avait poussée à se marier, sans prendre le temps de la réflexion, comme on décide de prendre un bain, ou de… prendre une femme sur un coin de table. Ils ne se connaissaient que depuis trois ou quatre semaines, lourde et funeste erreur.
En y resongeant, quelques jours après ce mariage bâclé, Nelsie s’était sentie comme happée par une tempête intérieure, qui lui avait semblée plus dangereuse qu’autre chose mais tellement attirante, comme toutes les passions.
Invité- Invité
Re: Désillusions.
[Octobre 30]
Tandis qu’elle se voyait confier de plus en plus de responsabilités, ce qui aurait dû la remplir de joie, ce qui se passait dans sa vie personnelle, au contraire, la déprimait chaque jour un peu plus.
Alors que lorsqu’elle l’avait rencontré, il se présentait comme humble et sans ambition, peu à peu le voilà qui se laissait à dire qu’il voulait conquérir la Garde, devenir Gradé pour la transformer, la rendre belle et noble, l’assénant de phrases comme « Ensemble, nous avons un bel avenir », ce qui lui donnait le sentiment qu’elle lui était avant tout utile.
Alors que lorsqu’elle l’avait rencontré, il ne souriait pas, timide et introverti, osant à peine la toucher, doux et presque passif, il devenait exubérant, exigeant dans ses demandes, possessif, d’une volonté de fer en tout, et surtout cyclothymique, susceptible, avec un besoin de reconnaissance, d’admiration, de commandement qu’elle ne lui connaissait pas.
Alors que lorsqu’elle avait accepté sa demande en mariage, il semblait n’avoir d’yeux que pour elle, elle remarquait ses regards sur les autres femmes, toujours en quête de reconnaissance ou d’admiration.
Elle avait beau tout faire pour l’aider, le suivre, l’accompagner, voir son frère, aller à Theramore, partir en voyage… il lui échappait et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle commença à perdre le goût même de la vie à son contact.
En quelques jours, ce fût la dégringolade. Prise de risque insensé, perte du bébé, incompréhension, incapacité de se parler, pleurs, attentes déçues, cris, colères … jusqu’à cette horreur, un dimanche. Le début d’une très longue suite d’actes tous plus écœurants les uns que les autres. Nelsie ne cessait d’être bafouée, humiliée, ridiculisée… jusqu’à ne même plus avoir le droit, le simple droit, d’exprimer sa souffrance.
***********
[Novembre 30]
C’est un soir d’automne que tout bascula.
Elle tentait, encore et toujours, de garder contenance, en répondant à des demandes, en discutant avec des amis, en essayant de penser à autre chose.
Elle avait débarqué sans prévenir derrière son dos pour lui expliquer qu’elle avait dû « évacuer la pression ». Elle ? Cette satanée gamine qui se croyait tout permis à la Garde, le fameux « Capitaine ». Comment ? En allant s’occuper de ce qui ne la regardait et que personne ne lui demandait de faire. Avec qui ? Cette pétasse de noble qui l’avait choisi, lui, comme « favori ». Où ? Dans le donjon . Dans quel but ? Aucune idée, si ce n’est sans doute juste embêter le monde.
Alors que Nelsie venait de refuser l’offre adorable d’un ami qui lui proposait de l’accompagner en exploration, elle reçut un courrier d’une des « dames » de la ville. Un courrier ordurier, nauséabond, méprisant et surtout, totalement stupide et sans fondement. Un courrier qui l’accusait, elle, d’être à la source d’une scission à la Garde. Un courrier d’une méchanceté telle que Nelsie avait immédiatement pris la décision de partir.
C’est ainsi que l’on traitait les honnêtes gens à la Garde ? C’est ainsi qu’on choisissait les siens ? Soit… elle en prendrait son parti.
Ce soir là, elle sentit que tout devait se terminer. Elle écrivit au Comte, fit son sac et prit le bateau pour Cabestan. Une nouvelle vie allait peut-être, enfin, pouvoir démarrer. Une nouvelle vie devait, même, démarrer.
Le lendemain, lorsque Enguerrand dût achever son destrier tombé dans une crevasse entre les Tarides du Nord et celles du Sud, elle en ressentit l’évidence et le lui signifia. « Ainsi donc… tout doit changer, vraiment tout… ». Enguerrand avait doucement souri, discret, aimable, différent. L’aventure était là, il suffisait de savoir la saisir.
Tandis qu’elle se voyait confier de plus en plus de responsabilités, ce qui aurait dû la remplir de joie, ce qui se passait dans sa vie personnelle, au contraire, la déprimait chaque jour un peu plus.
Alors que lorsqu’elle l’avait rencontré, il se présentait comme humble et sans ambition, peu à peu le voilà qui se laissait à dire qu’il voulait conquérir la Garde, devenir Gradé pour la transformer, la rendre belle et noble, l’assénant de phrases comme « Ensemble, nous avons un bel avenir », ce qui lui donnait le sentiment qu’elle lui était avant tout utile.
Alors que lorsqu’elle l’avait rencontré, il ne souriait pas, timide et introverti, osant à peine la toucher, doux et presque passif, il devenait exubérant, exigeant dans ses demandes, possessif, d’une volonté de fer en tout, et surtout cyclothymique, susceptible, avec un besoin de reconnaissance, d’admiration, de commandement qu’elle ne lui connaissait pas.
Alors que lorsqu’elle avait accepté sa demande en mariage, il semblait n’avoir d’yeux que pour elle, elle remarquait ses regards sur les autres femmes, toujours en quête de reconnaissance ou d’admiration.
Elle avait beau tout faire pour l’aider, le suivre, l’accompagner, voir son frère, aller à Theramore, partir en voyage… il lui échappait et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle commença à perdre le goût même de la vie à son contact.
En quelques jours, ce fût la dégringolade. Prise de risque insensé, perte du bébé, incompréhension, incapacité de se parler, pleurs, attentes déçues, cris, colères … jusqu’à cette horreur, un dimanche. Le début d’une très longue suite d’actes tous plus écœurants les uns que les autres. Nelsie ne cessait d’être bafouée, humiliée, ridiculisée… jusqu’à ne même plus avoir le droit, le simple droit, d’exprimer sa souffrance.
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[Novembre 30]
C’est un soir d’automne que tout bascula.
Elle tentait, encore et toujours, de garder contenance, en répondant à des demandes, en discutant avec des amis, en essayant de penser à autre chose.
Elle avait débarqué sans prévenir derrière son dos pour lui expliquer qu’elle avait dû « évacuer la pression ». Elle ? Cette satanée gamine qui se croyait tout permis à la Garde, le fameux « Capitaine ». Comment ? En allant s’occuper de ce qui ne la regardait et que personne ne lui demandait de faire. Avec qui ? Cette pétasse de noble qui l’avait choisi, lui, comme « favori ». Où ? Dans le donjon . Dans quel but ? Aucune idée, si ce n’est sans doute juste embêter le monde.
Alors que Nelsie venait de refuser l’offre adorable d’un ami qui lui proposait de l’accompagner en exploration, elle reçut un courrier d’une des « dames » de la ville. Un courrier ordurier, nauséabond, méprisant et surtout, totalement stupide et sans fondement. Un courrier qui l’accusait, elle, d’être à la source d’une scission à la Garde. Un courrier d’une méchanceté telle que Nelsie avait immédiatement pris la décision de partir.
C’est ainsi que l’on traitait les honnêtes gens à la Garde ? C’est ainsi qu’on choisissait les siens ? Soit… elle en prendrait son parti.
Ce soir là, elle sentit que tout devait se terminer. Elle écrivit au Comte, fit son sac et prit le bateau pour Cabestan. Une nouvelle vie allait peut-être, enfin, pouvoir démarrer. Une nouvelle vie devait, même, démarrer.
Le lendemain, lorsque Enguerrand dût achever son destrier tombé dans une crevasse entre les Tarides du Nord et celles du Sud, elle en ressentit l’évidence et le lui signifia. « Ainsi donc… tout doit changer, vraiment tout… ». Enguerrand avait doucement souri, discret, aimable, différent. L’aventure était là, il suffisait de savoir la saisir.
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