Pas de repos pour le Sapeur Kenndelc.

Elle entra dans les dortoirs des filles, la bougie à la main. Quelques lits contournés et son hamac s'offrit à elle, tout comme beaucoup de ses affaires en-dessous, dans l'attente de nouveaux locaux. La bougie à terre, récupérant le peu de forces pour retirer ses affaires. Une fois dans son hamac, elle s'apprêta à éteindre la petite lueur incandescente mais elle se trouva nez-à-nez avec le vieux registre des effectifs de la V Compagnie, sa compagnie.. elle demeura pensive devant celui-ci mais quelques gouttes tombèrent du plafond, usé par les tremblements de terre, pour venir s'abattre sur la bougie. Myao sortit de ses pensés et s'affala dans son hamac. Son corps criait de douleurs mais la fatigue était telle que ses yeux se fermèrent inéluctablement.

Les bourrasques de vent vinrent frapper la vitre de la lucarne du dortoir. Les gouttes prirent la suite et ce fut le tour du tocsin de retentir : une nouvelle attaque. Chaque coup de cloche résonna comme une explosion dans sa tête. En dépit de cela, elle se perdit dans les songes. Une secousse berça le hamac, quelques gouttes du plafond chutèrent sur le visage de la gnome. Elle était déjà loin.


"Sapeurs de la Vème Compagnie ! Au rapport quai N°3 !"

Aux mots de ce petit soldat, plusieurs gars dans la foule se dirigèrent vers le quai annoncé. Le Port était encore marqué par les récentes attaques de Wyrm du Roi félon. Le ciel était grisé, la mer légèrement agitée bordait les nombreux Brise-Glace à l'embarquement. Voilà quel spectacle contempla la toute nouvelle recrue Kenndelc en ce mois de Novembre de l'an 28.

"Vème Compagnie ! Quai n°3 ! Dernier appel !"

Sur place, un grand gaillard barbu, le cheveux brun, la trentaine, avait commencé l'appel.

"Kenndelc !" Pas de réponse.

La gnome essaya de se frayer un chemin dans le groupe qui constituait la toute nouvelle Vème Compagnie.

"Kenndelc ! Deux fois !" Toujours pas de réponse.

Poussant majoritairement des nains et des humains, elle finit par arriver devant le Capitaine avec une certaine classe : une glissade dans la boue qu'elle n'avait pas remarquée au sol dans la foule du groupe et au final, une chute aux pieds du Capitaine. Elle leva tout de même la main.

"Recrue Myao Kenndelc, Sapeur de la Vème Compagnie mon Capitaine !"

Le groupe se mit à ricaner. Le Capitaine baissa les yeux sur la nouvelle arrivante. L'air sévère, il semblait attendre quelque-chose. La gnome ne se fit pas désirée et se releva promptement pour saluer l'officier.

"Vous commencez fort Kenndelc. C'est parfait, vous ouvrirez le bal des corvées de latrines dès ce soir, sur notre brise-glace."

Il n'ajouta qu'un soupir et cocha le nom sur sa liste. La recrue fit quelques pas en arrière pour rejoindre le groupe, impassible.

"Bon allez les jeunots ! On embarque, et que ça saute !"

Les différents soldats récupérèrent leur baluchon et se mirent en file indienne pour rejoindre le navire en bout de quai. Elle n'avait qu'une idée : fuir. Que cherchait-elle là-bas ? Oui, de la reconnaissance, une aventure épique. Des caprices d'enfant. Mais à l'heure de passer adulte, elle voulait déjà renoncer.
Perdue dans ses réflexions, une paire de mains fermes l'empoignèrent par le col avec son baluchon.

"D'accord la vedette, si tu ne veux pas te bouger, je vais t'y aider !"

Le Capitaine la ramena en tête de file et la jeta à l'intérieur du navire. Elle se releva sans un mot et traina son baluchon jusqu'aux cales. Le temps du choix était révolu, place à l'épreuve de volonté.

"Rassemblement sur le Pont !"

Tous dans les dortoirs sautèrent de leur lit, enfilèrent leur uniforme et à peine la gnome émergea d'une nuit glaciale que tous étaient coururent vers le pont.

'Kenndelc, allez, debout ma grande ! Tu veux encore que le père Ronckad te tombe dessus ?"

Le nain secoua la gnome et finit par lui mettre une droite bien sentie.

"Désolé, je.. impossible de fermer l'œil avec ce froid.."
"Allez, arrête donc de jacasser et enfile ça."

Il extirpa la gnome de son lit pour l'asseoir et lui jeta son uniforme à la figure. Elle se résolut à le mettre.

"A vos rangs.. fixe !" pouvaient-ils entendre du Pont

Le nain soupira. Ils finirent par rejoindre le Pont en vitesse. Elle s'inséra dans le rang, cherchant à se faire encore plus petite que d'habitude.

"Ah ! Enfin, notre mascotte nous fait l'honneur de sa présence !" s'écria le Capitaine Ronckad. "En ce cas, ce soir, vous tiendrez compagnie à nos nouvelles latrines au Fort de la Bravoure Kenndelc !"
"Bien Capitaine.."

"Parfait mes cailles, les terres sont en vues. Nous arrivons enfin dans le Norfendre. Dans.. < il sortit sa montre à gousset pour la consulter > 30 minutes, je vous veux tous en ordre ici, baluchon à l'épaule, paré à débarquer sur ce continent maudit. Même vous Kenndelc !"

La troupe se mit à ricaner mais elle resta impassible.

"Rompez mes cailles !"

Tous retournèrent dans les dortoirs.
Elle rassembla ses affaires. En tombant sur sa vieille broche, elle sombra dans ses pensées. Une outre bien remplie vint se présenter à elle.

"Tiens, boit un coup." lui dit le nain. Elle détourna son regard vers le sien. Ce nain, c'était un sacré animal : une pilosité effrayante, un nez imposant. Elle prit l'outre et but une gorgée.

"Pas simple d'être la bleusaille du groupe, hein ? T'en fais pas, à l'arrivée, les Compagnie sont redéfinies et leurs effectifs avec pour mélanger les vétérans sur place et les bleues qui débarquent."

Elle lui sourit. "Pourquoi vous n'êtes pas avec les autres ?"
"Les autres sont des bleusailles, tout comme toi. Ils ont juste déjà été formés sur le Continent. Mais toi, non visiblement.. Appelle moi Monrak. Viens, on retourne sur le pont."

Quelques minutes plus tard, toute la troupe était sur le Pont, au Garde-à-vous. Le Donjon de la Bravoure était visiblement au loin. Mais aussi, les drakkars des Vrykuls qui à l'est, attaquaient les Rohars.

"Attention !"

Un groupe de nérubiens volant fonda sur le navire, crachant des flammes sur la troupe. Tous se dispersèrent, quelques-uns périrent, brulés vifs, d'autres en se noyant dans les eaux gelées.
Elle était planquée, derrière trois tonneaux.

"Occupez-vous des blessés, par la Lumière !"

La nuée se replia à l'approche du bastion. Ils finirent enfin par accoster.

Des soldats du bastion arrivèrent dans le brise-glace avec des civières pour extraire ceux pour qui cela en valaient encore la peine. Puis la troupe débarqua. Tous se posèrent près de la statue du Roy, en attendant leur affectation.

"Tu peux encore tenter de remonter dans le Brise-glace, il repart pour le Continent." Elle secoua la tête à la proposition du nain : "J'ai encore une formation à suivre ici, non ?" Elle lui sourit.