Missive en provenance d'Austrivage.

Commandant, Officiers, Gardes,

Voila maintenant plus de trois jours que la bataille en Atrevâl eut lieu.
Les Rédempteurs, qui ne sont d'ailleurs pas une milice de paysans localisée à Hautebrande, ayant répondu aux appels à l'aide catastrophés de la Garde de Sa Majesté le Roi Varian Wrynn d'Hurlevent, sont venus en nombre ce soir là, afin de combattre aux côtés de vous et libérer le Capitaine Naÿie Arbreizhed.

Aussi, c'est blessés et éreintés que nous sommes revenus en Austrivage, mais la mission fut un succès, votre Garde fut libérée.

Cependant, il est triste de noter que les missives de convocations à la caserne sont écrites avec bien plus de célirité que celles visant à remercier des frères d'armes dont le sang a coulé dans la libération de votre Capitaine.

Je gage qu'il ne s'agit là que d'un manque de temps de votre part, espérons pas un oubli.
Le respect des hommes ou des femmes peut parfois être bafoué sous le coup d'une colère, d'un énervement, mais le respect du sang versé, lui, ne saurait être mis de côté.

Nous avons des affaires en commun en cours, nous vous avons fournis gracieusement et sans délai nos nombreux rapports, au sujet d'affaires complexes et dangereuses. Faisons en sorte que cela continue dans de bonnes conditions.

Dans l'attente de vos nouvelles,

Sénéchal Idrid Cathules, Fanélia Cathules
<Sceau d'Austrivage>

- "Merde... m'suis fait griller j'crois."

Comment expliquer à une notabilité que le boulot de remerciement et tout ça était du ressort des officiers, qu'il n'était que simple sergent avec le droit d'écrire des convocations et rien de plus ? Bien sûr il aurait proposé, il y avait bien pensé... Rah la la, ça allait lui retomber sur la tronche, il le sentait venir comme un chien renifle la crotte. La mort dans l'âme, il se rendit dans le bureau d'un officier, en espérant que ce dernier ne le prendrait pas comme une accusation indirecte d'avoir traîné dans son propre devoir.

"Le "milice de paysans localisée à Hautebrande" j'crois qu'c'est parc'qu'un gars d'chez eux a dû m'entendre dans la rue, mais j'leur ai pô manqué d'respect. C'est des frères d'armes et j'sais pô d'où qu'est v'nue l'idée qu'y'z'étaient des paysans. J'ai dit qu'y z'étaient basés à Austrivage, c'tout, et j'me souviens plus c'que j'ai dit après... qu'j'avais bien envie d'aller là-bas pour goûter leur bière j'crois... j'sais plus bien, j'ai pô fait attention sur l'moment."

"J'peux rédiger un message d'remerciement si qu'vous voulez ? Ca f'ra bonne mesure par rapport à la d'mande d'informations que j'voulais leur porter en main propre ?"

- "En fait je m'demande s'y qu'y causait vraiment d'trucs qu'on aurait dit finalement... P't'être qu'y voulait juste dire que d'pas les r'mercier assez vite les ravalait au rang d'pecnauds et qu'en fait personne n'avait mal compris un truc qu'j'aurais pu dire."

Néanmoins un peu ennuyé de cette affaire, le sergent Endherion sollicite de sa supérieure l'autorisation de porter lui-même ce courrier en main propre en y adjoignant la demande de renseignements en relation avec l'histoire des affichettes de loups et de renards signée M. Il espère bien clarifier les deux aspects de cette affaire à la fois, le sentiment d'honneur bafoué autant que l'enquête en cours.

- "J'peux cap'taine ?"

Leizen venait de prendre connaissance de la missive également.
Elle salua Endherion à son entrée, mais se re-pencha très vite sur des rapports, son week-end prolongé lui avait fait accumuler un grand retard..

"Les remerciements seront fait de vive-voix, Sergent, c'était prévu, ils ont juste été retardés par la mise en terre du Capitaine.
De plus nous devons y aller pour une affaire commune, cela aussi, c'était prévu."

Le salut fut immédiatement rendu, assorti d'un sourire aimable. La capitaine était jolie femme, ce qui ne gâchait rien. On a beau être militaire, on n'en reste pas moins un homme. Mais il ne mélangeait pas le boulot et les sentiments, du moins pas souvent et pas sans pas mal de verres dans le nez, toujours en dehors du service sauf raison impérieuse. Une picolade entre collègues n'entrait pas dans ce cadre.

- "J'comprends cap'taine. C'est r'grettable qu'ça fasse un pataquès diplomatique. L'pire c'est qu'ça s'trouve y vont rétorquer qu'eux aussi y'z'ont enterré des p'tits gars d'chez eux à cause d'nous. Sale affaire."

"-N'ayez crainte. Je suis sûre qu'ils accepterons et nos remerciements et nos excuses pour ce retard.
Nous irons aujourd'hui."

Un garde-à-vous, un salut et un sourire un peu rassuré plus tard, le paladin redescend le grand escalier et fait mettre en ordre de marche une petite escorte. Un à un les hommes passent sous le regard inquisiteur du sergent Hanrius - sorti des toilettes pour l'occasion mais qui y retourne bien vite - et se hâtent de rejoindre la fourre pour compléter tel ou tel défaut, qui dans un pli, qui dans la hauteur de couture d'un insigne, qui dans le lustre de ses bottes ou de son fourreau.

Difficile de masquer les stigmates des combats d'il y a quelques jours. Les démarches sont raides, trop pour un oeil avisé. Les mines sont rasées mais les cernes les trahissent encore. Il s'en faut de quelques jours supplémentaires pour qu'enfin les cauchemars s'apaisent et que le quotidien de la vie de caserne soigneusement orchestrée lamine patiemment les névroses de guerre et divers chocs subis à cette occasion, les blessures de l'esprit étant souvent plus longues à réparer que celles des corps.

Un petit quart d'heure plus tard les voici tout prêts et alignés, munis du nécessaire pour le long vol vers la bourgade d'Austrivage afin d'y saluer son maire et les hauts-responsables de l'unité militaire qu'il héberge depuis quelques mois déjà.

- "Repos soldats. On attend les ordres. Restez en alerte."

"Se dépêcher d'aller attendre" : L'essentiel de la vie de soldat du rang, et, plus souvent qu'on ne le pense, le quotidien des autres également.