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Vivre, c'est ma seule espérance

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Message par Laniey Dim 2 Mai 2010 - 13:25

Une sorte de libram dont les premières pages contiennent des sortilèges d'ombre et de lumières. L'écriture est appliquée digne d'un copiste de la cathédrale. Les descriptions des sorts de lumière sont détaillées en profondeur comme pour en saisir le fonctionnement.

Puis vient un récit sans date, écrit d'une plume plus lourde comme un testament.

Elle s’appelait Lise et elle était exquise. De cette première étreinte, je garde le souvenir de ses cheveux blonds et des petits seins ronds coincés dans son corsage. Je me rappelle de sa peau sous mes doigts, douce comme de la soie. Ses lèvres sur la mienne et ses petites dents blanches plantées dans mon épaule. Je me rappelle aussi son odeur, une odeur de savon parfumé à la rose. Basique, l’odeur qu’ont toutes les jeunes filles de petites noblesses pour les orphelins crasseux, mais elle, je pouvais la humer pendant des heures sans m’en lasser.
Je me rappelle aussi que j’étais furieux. Furieux parce que j’avais compris que je n’étais qu’un jeu… voire une bonne œuvre pour elle. Je n’étais pas le premier, mais je comptais bien être le dernier. Elle voulait jouer ? J’allais lui donner du jeu. La petite bourge qui s’encanaille allait voir à quels points les gamins des rues pouvaient être … Furieux oui. Tellement furieux.

Et tellement amoureux. Je voulais lui faire du mal, je voulais que son cœur saigne comme saignait le mien. La seule chose que j’ai réussi à faire c’est bégayer des excuses à chaque geste trop empressé, à chaque baiser trop rapide laissant des traces sur sa peau claire, au moment où je suis devenu un homme.

Elle ne s’est pas défendue, jamais. A chacune de mes hésitations, elle refermait un peu plus l’étreinte de ses cuisses sur mes hanches. Elle m’appelait, me dévorait de baisers et de tendresse.

Parce qu’elle m’aimait.

Les semaines qui suivirent furent dans les plus heureuses de ma vie. Moi qui voulais lui prendre ce qu’elle avait de plus précieux pour la punir des mots que j’avais entendu ce soir-là… oui, je fus récompensé. A l’abbaye, elle venait me voir prétextant des copies de textes à faire. J’avais beau essayé de paraître distant, froid, quand elle me prenait dans ses bras… je sentais que ces mots étaient des mensonges. Je finis par lui en parler. Pour toutes réponses, elle me sera plus fort contre elle, me murmura des je t’aime. Alors j’oubliai.

Nous nous aimions.

Nous avions seize ans. Nos entrevues pleines de rire se terminaient invariablement dans une étreinte. Elle finit par tomber enceinte. Quand elle me l’annonça, j’étais heureux, vraiment heureux. Je rassemblai mes économies, lui trouvai une bague, une petite alliance en or, et lui demandai de m’épouser. Elle accepta.

Puis tout s’écroula.

Un matin de décembre, on m’extirpa de mon lit violemment. Trois gardes étaient venus me chercher. Je ne comprenais pas. Je n’avais rien fait. On m’emmenait sous le regard du Père Francis en me traitant de divers noms. Dans le bureau du Capitaine, il était là. Son père. Vêtu d’étoffes riches chatoyantes il me toisait, me montrait du doigt.

Violeur.

Les marques de nos baisers furent pris à témoin, elle me frappait, se défendait. Je l’avais forcé. Utiliser l’ombre pour arriver à mes fins. Leur extorquer de l’argent, salir leur réputation. Je l’avais contrôlé. Il réclamait le supplice de violeur et ma mort. Le bureau du capitaine semblait plus grand. Enorme. Il écoutait avec son regard sévère, prenait note et demanda qu’on m’amène en geôles.

J’y passai deux mois.

Deux longs mois. Je ne comprenais toujours pas. Le Capitaine venait me voir, chaque soir. Le Père Francis aussi souvent qu’il était en ville. Ils savaient. Je n’avais pas pu faire ça. Mais ils ne pouvaient rien faire. Les seules larmes jamais versées furent celles pour elle et notre amour perdu, notre enfant.

L’affaire fut jugée. Elle était là. Toute menue dans ses robes de soie et elle témoigna. En ma faveur. Je fus acquitté et je gagnai mon premier vrai ennemi. Mais je m’en foutais. Je courus vers elle, la serrai dans mes bras. Elle n’avait plus l’odeur du savon. Elle sentait le sel. Son père s’interposa vite, tentant encore une fois de me charger, il hurlait à l’injustice. Mais je m’en foutais, je la tenais contre moi. Nous pleurions.

Contre toute attente, ce fut le Capitaine qui nous sépara. Il m’emmena amorphe.

Dans une taverne de Menethil, le Père Francis et lui m’expliquèrent que j’allais me rendre à Theramore devenir médecin, respectable. Ils me conseillèrent d’oublier. Je ne pouvais pas oublier, j’étais vide. Le Capitaine fit la traversée avec moi. Nous passions la plupart du temps avec les marins, à les écouter raconter leur histoire, boire du rhum. Le Capitaine m’encourageait à boire. Oublier…

J’obéis.
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Message par Laniey Dim 2 Mai 2010 - 13:27

J’obéis même avec zèle, proche de la manie. Mes premiers temps à Theramore, une fois le capitaine parti, furent dédiés à la consommation exclusive d’un maximum d’alcool. Pendant un mois, je ne fis que cela. Boire, copuler avec les catins à portée de ma bourse ou la première donzelle un peu trop naïve, vomir ma peine et le mauvais vin puis dormir dans le caniveau.

Je crois que je cherchais à mourir à ce moment-là. Heureusement pour moi, ça ne fut pas le cas. Oh bien évidemment, je fus menacé, roué de coup, volé, blessé. Mais je ne sentais rien. J’étais vide… ou plutôt plein d’alcool à ne plus en savoir mon nom. Je trainais mes guêtres, hagard, passai du temps dans les geôles de la cité, fus jeté dehors du moindre tripot de la ville, mais je suis tenace et j’y revenais inlassablement chaque nuit. Souvent avec le vague espoir que ça serait enfin la dernière.

Puis vint le moment où boire et faire n’importe quoi ne suffisait plus. Le mauvais vin ne me mettait plus la tête à l’envers et je repensais à elle, à nous. J’avais envie de rentrer, de l’enlever. Mais voilà… après des semaines de consommation à outrance, de vols réguliers de mes affaires, j’étais à sec. Même mon précieux symbole de la Lumière était passé au revendeur. Un bon prix, ça m’avait permis de tenir une semaine rien qu’avec lui. Me fallait un ticket de retour, fallait que je reprenne le dessus, fallait que je la vois. Mais surtout, soyons honnête, me fallait du fric.

Trouver de l’argent ne fut pas si compliqué. Je n’ai même pas eu besoin de voler. Il suffisait d’embobiner le chaland avec quelques mots, une fine insistance teintée d’ombre et le tour était joué. C’était encore plus simple avec les jeunes bourgeoises. Je leur déballais mon numéro habituel du pauvre jeune prêtre volé à son arrivée en ville, un petit tour dans leur esprit pour savoir ce qu’elles désiraient entendre et le dire tout haut en enrobant ça de miel. Mais le plat de résistance, le plat de choix, c’était les veuves. Ne nous leurrons pas, ça l’est toujours.

La veuve, c’est la proie par excellence. Difficiles à ferrer mais pour un bénéfice maximum. Indépendantes, elles font ce qu’elles veulent de leur or. Elles ne demandent pas le mariage, trop heureuses d’être libre. Elles ne jouent pas aux prudes une fois dans l’intimité… Mais par contre, faut les convaincre. Le numéro du petit charmeur ne marche pas. Les beaux mots non plus. La première que j’ai tenté de séduire, elle s’appelle Francine. Lire ces quelques lignes la ferait sans doute rire.

Francine est ce qu’on appelle vulgairement une parvenue. Elle s’est mariée sur le tard avec un marchand de vin fortuné. Le pauvre homme est mort lors d’un voyage d’affaire laissant sa femme à la tête d’une petite fortune et d’une entreprise florissante. Elle m’a confié plus tard sur l’oreiller qu’elle avait un peu forcé la mort de son époux. Au vu des tableaux de lui dans la demeure nuptiale, je dois avouer que je comprends pourquoi. C’était un type de la cinquantaine que même l’artiste n’avait pas cherché à rendre séduisant ou sympathique. Il avait le nez rouge, le crâne dégarni et la mine antipathique. Je ne vois d’ailleurs toujours pas comment il arrivait à trouver des clients et surtout comment il a réussi à se marier avec une femme comme Francine.
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Message par Laniey Lun 3 Mai 2010 - 2:28

Dans un élan de fanfaronnerie, je dirais bien que j’ai réussi à attirer son attention grâce à mon corps d’athlète ou mon esprit fin, mais les semaines d’orgies pesaient aussi sûrement sur mon corps que mon esprit. Pour enjoliver l’histoire, je pourrais étaler quelques lignes d’un acte héroïque, mais la réalité est plus crue. Notre rencontre est du fait du plus grand des hasards. Mon estomac courroucé d’avoir été torturé par l’alcool se révulsait à mon grand désarroi... sur son palier. Attiré par les bruits charmants, elle me jeta un seau d’eau en pleine figure. Cette douche froide, est-il besoin de préciser la première douche depuis quelques semaines, clôtura ma période de débauche.

Toujours brumeux, mais un peu plus conscient, j’offris de nettoyer mes souillures en dédommagement. Tout naturellement, elle accepta et m’offrit même le gîte. Dans la petite écurie adjacente à sa demeure. En compagnie des chevaux, de la paille chaude, je passais ma vraie première nuit depuis des lustres.

Je dormis deux jours d’affilé. Elle ne me réveilla que pour me faire manger. Par charité ? En bonne adepte de la Lumière ? Je pense que c’est plutôt par envie de compagnie. Ou du moins, j’essaie de me consoler en pensant que je n’étais pas réduit à l’état d’œuvre caritative. Un bouillon de soupe. Je crois que j’ai rarement mangé quelques choses d’aussi bon. C’était chaud et ça me tenait au corps. Je sentais tellement qu’elle ne me fit même pas entrer en cuisine. J’ai mangé dans la cour, presque en lapant mon bol comme un chien. Une fois un peu restauré, elle me désigna l’abreuvoir des chevaux en me jetant des habits en coton et une serviette.

- Lave-toi

Je ne sais pas si c’est son coté maternelle ou simplement parce que mes sinus se sont enfin révolter contre mon odeur pour le moins… faisandé, mais j’obéis sans réfléchir. Peut-être ai-je trouvé dans des ordres simples un certain réconfort routinier.


Dernière édition par Laniey le Lun 3 Mai 2010 - 16:41, édité 1 fois
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Message par Laniey Lun 3 Mai 2010 - 16:40

Parce que ce fut cela, une routine. Elle avait besoin d’un homme pour des menus travaux, j’avais besoin d’un but. Les cinq premiers jours furent une véritable catastrophe. Entre les bouffées de chaleur, les aigreurs d’estomac (dans le meilleur des cas), la faiblesse, je n’étais pas très utile. Couper du bois, le transporter jusqu’à la cheminée principale suffisait à me couvrir d’une pellicule de transpiration et me couper le souffle. Je me levais et je me couchais avec les poules. A peine j’arrivais en position horizontale que je laissais échapper un ronflement sonore. Contrairement à ce que dit Saig, je ne ronfle pas vraiment. Non, non, je ne fais pas trembler les murs. Mais à l’époque, j’avais pris du gras et c’était effectivement un peu violent.

Un soir, cela commençait déjà à aller mieux et ma tête réfléchissait déjà à comment tirer profit de la situation pour retrouver Lise et l’enlever sur mon cheval blanc. Je suis un grand romantique, n’est-ce pas ? Enfin soit, mon état s’améliorant, je recouvrais peu à peu quelques facultés cognitives et j’avais sué l’alcool de chaque pore de ma peau. Je restais faible, mais de plus en plus clair. Elle me confia alors de nouvelles tâches.

Outre le bois, le chauffage, le jardinage, le fourrage des chevaux, j’écopai de la gestion domestique de la demeure dans son ensemble. Par gestion domestique, j’entends bien évidemment les corvées de ménage. Donner des noms importants aux tâches ingrates fait parti de prérogatives masculines pour se donner de l’importance. En langage commun et sans le fard, je suis devenu sa bonne. Si l’équipage apprend cela un jour, je suis certain de me voir offrir une tenue de soubrette.

Je n’en conçois pas réellement de honte, mais cela fait parti des détails que je préfère taire. En soi, ça n’était pas réellement différent de ce que j’avais déjà fait pour l’abbaye ou l’orphelinat. Le plus dérangeant était de se faire diriger par une femme. Non pas parce que je suis de ceux qui croient qu’elles sont de moindre valeur, mais simplement parce qu’elle… elle ne foutait strictement rien.

Mais vraiment rien.

Même les gestes les plus élémentaires, comme éviter de laisser ses vêtements trainer dans les escaliers, trier le propre du sale, essuyer ses chaussures boueuses avant d’entrer, … strictement rien. Autant dire que je n’arrêtais pas, j’étais collé à ses basques pour ranger derrière elle et Francine est du genre à avoir la bougeotte. En échange, j’avais à manger, un toit et l’esprit vide chaque soir.

Jusque là, rien de bien méchant.

Le revirement de situation est venu quand Madame a décrété que je devais aussi l’aider à s’habiller et à se laver. Malgré mon discours et les faits, je suis plutôt un type gentil. Forcément, je me suis exécuté. D’autant plus que du haut de mes 17 ans, la perspective de voir une femme dévêtue me réjouissait toujours.
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Message par Laniey Mar 4 Mai 2010 - 14:37

Le lendemain, au petit matin, je fus tiré de mon sommeil par une clochette. D’une humeur de chien par le réveil un peu brutal, je me hissai vers la chambre de ma patronne. Elle m’attendait ses cheveux défaits en longs boucles brunes et en chemise de nuit de coton blanc. Rien qu’à ce genre de choses, un jeune homme en pleine santé a des réactions, surtout au réveil. Je me rappelle clairement d’avoir souffler plusieurs fois après m’être retourné. Francine tapotait de son pied nu sur le parquet, m’expliquant que pour l’aider à passer son corsage, il faudrait peut-être que j’arrive à la regarder de face.

Faire une réflexion aussi logique est sans doute inutile en temps normal, mais en bon empoté, j’ai quand même tenté de l’aider sans la regarder. Il lui a fallu deux heures pour que j’arrive à simplement rester à distance, sans la toucher sans avoir envie de fuir. Non, pas qu’elle ne soit pas désirable, mais plutôt que je concevais une certaine gène à habiller une femme. Alors qu’en déshabiller, ça ne m’a jamais posé le moindre souci. Étrange en y repensant, j’imagine que c’était de peur d’y laisser ma virilité. La première étape franchie, la seconde me semblait encore plus insurmontable. Francine, en bonne sadique, laissa lentement glisser l’étoffe sur sa peau. A chaque centimètre de chaire découverte, il était de plus en plus difficile de ne pas montrer un désir trop évident. Une fois entièrement nue, elle me demanda le plus naturellement du monde si je la trouvais désirable.

Certains diraient sans doute que j’ai été peu dégourdi à ce moment-là, enfin, peut-importe. Au lieu de répondre oui comme je le pensais bien évidemment, j’ai répondu non. Je me suis rapproché et j’ai pris sa chemise, je lui ai passé et j’ai commencé à désangler son corset pour le lui enfiler. Dans ma petite tête, je m’efforçais de me visualiser les pires horreurs que je pouvais alors concevoir pour reprendre un peu le contrôle physiquement. C’est une chose de dire non avec la tête et une autre de le faire avec le corps. Je suis certain d’avoir vu un sourire victorieux sur son visage à ce moment-là.

Certain.

La première semaine de m’occuper d’elle sans lui sauter dessus confinait à la torture. Sans compter que les toilettes d’une dame sont souvent remplies de sous-couches, de couches, de nœuds et d’agrafes auxquels un homme ne comprend jamais rien. A force de pratique, j’ai appris à maitriser mes pulsions et mes désirs et à manier l’habillement d’une femme d’une main de maître.

Effrayant !

J’ai pensé un temps que l’alcool m’avait castré ! A ce moment-là, j’avais une furieuse envie de me barrer et de faire sa fête au premier jupon qui se dandinerait sous mon nez pour me prouver que j’étais bien un homme et pas un eunuque. Je cogitais là-dessus dans la cuisine en préparant le repas du soir, un petit rôti au miel, quand j’ai senti son souffle sur ma nuque.


Dernière édition par Laniey le Jeu 6 Mai 2010 - 13:23, édité 1 fois
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Message par Laniey Mer 5 Mai 2010 - 1:26

Électrisant. Juste la chaleur de ses lèvres, le frisson de son souffle sur la naissance de mes cheveux, je plongeais lentement dans un instant de douceur. Elle m’enserra dans ses bras, sans me toucher, juste de chaque coté de ma taille, refermant ses mains sur mon ventre.

J’avais beau être un empoté, il y a des signaux qui ne trompent pas.

Je me suis retourné, je l’ai regardé dans les yeux, redécouvrant avec émerveillement combien elle était belle. Du regard, je l’ai caressé, la flattant longuement. Mes lèvres ont ensuite goûtés aux siennes. Elle sentait un mélange d’épices anciennes et de vin de grand crû. Je l’ai soulevé, pour l’allonger sur la table, relevant lentement ses jupes en la dévorant de tendresse. Le but était évident. Elle se déroba, se redressant à nouveau.

« Déshabille-moi »

J’obéis. Lentement, lui prenant des baisers à chaque parcelle de peau dévoilée, je desserrais la prison d’étoffes dans laquelle, chaque matin, je l’enfermais. Je devais prendre mon temps. Les fanfreluches de sa toilette entravaient mes gestes. Je ne voulais pas briser les agrafes de crainte de devoir les repriser moi-même. Et puis, je prenais goût à cette découverte en douceur. Tellement que je ne me suis pas aperçu que je continuais à la découvrir alors qu’elle était dévêtue depuis longtemps, que je n’utilisais plus que mes mains. Elle haletait sous mes baisers. Elle me réclamait.

Notre première étreinte fut la plus courte. Des mois sans toucher de femme eurent raison assez vite de moi. Je me targuais à l’époque d’être un amant formidable, j’en étais bien loin. C’est ce que j’appris entre ses bras, faire abstraction de moi, devenir attentif aux désirs des autres. Et j’appris à aimer une femme correctement et moins égoïstement. Le meilleur coup de reins ne suffisait pas. La taille non plus.

J’ai de la chance, je ne suis dépourvu d’aucun des deux. Pas de vantardise là-dedans, j’ai vraiment de la chance. Généralement, ça me valait une petite exclamation de surprise heureuse de mes partenaires d’une nuit, Francine n’en fit pas vraiment cas. Je comprends mieux pourquoi à présent. Qu’importe les outils si on est un mauvais artisan.

J’ai passé encore des longs mois en sa compagnie, apprenant de nombreuses choses sur les femmes et leurs désirs. Apprenant aussi à me gérer moi-même. J’arrive grâce à elle à faire la part des choses entre mes devoirs et mes désirs. Je connais bien mon corps et celui des autres. Cela m’a été utile quand elle m’a finalement envoyé faire mes études de médecines.

A chaque fois que j’ai du temps libre à Theramore, je le passe avec elle. Elle n’est pas jalouse, ni exclusive. Elle a d’autres amants, un autre « apprenti » comme elle aime à nous nommer pour nous taquiner. Mais sa présence m’est juste agréable. Sa conversation est intéressante, elle a toujours milles histoires à raconter. Elle est ma « régulière » comme disent les autres sur le navire.
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Message par Laniey Mer 5 Mai 2010 - 17:22

Après cette incartade d’orgies, l’apprentissage auprès de Francine, il était temps que je reprenne mes études. J’avais toujours voulu soigner les autres sur le terrain. C’était ce que je pensais alors être ma vocation. J’en parlai à Francine lors d’une de nos discussions sur l’oreiller et elle me paya mes études. Oh, je sais, ce n’est pas glorieux d’être entretenu par une femme, mais elle ne le voit pas comme ça et moi non plus. C’était un prêt avant tout, elle pariait sur mon avenir et du fait de sa confiance, je m’y donnais entièrement.

A mon entrée à l’hôpital militaire, replonger dans un univers viril n’a pas été complètement sans heurt. Mes soucis avec l’autorité ont vite refait surface. En fait, je ne suis capable d’obéir réellement qu’à une femme. Que ça soit Francine ou une femme au sens plus général, Hurlevent, Theramore, la mer… Parce qu’Hurlevent et Theramore sont deux femmes oui. Theramore correspondrait à la vieille putain, toujours les cuisses ouvertes à attendre un potentiel client. Hurlevent, c’est la lavandière volubile qui joue au effarouchée mais accueille tout aussi volontiers son amant quand il se montre assez malin pour la séduire.

Tsah, je suis au seuil de la mort mais je me prends toujours à parler de luxure et à me perdre dans mes frasques. Preuve que je ne changerai jamais réellement.

J’eus donc des soucis d’autorité. Refus de me plier aux ordres du crétin responsable de l’infirmerie, incapable de fermer ma grande gueule quand on me mettait de corvée, j’évite de compter le nombre de jours que j’ai passé au trou ou les coups de fouets reçus en punition. Je ne trouvais de réconfort que dans l’amitié tissé avec un autre étudiant. Gérald.

Gérald, c’était le type tranquille par excellence. Un peu timide, un peu lourdeau, il n’élevait jamais la voix même quand on le rabrouait. Il laissait dire. Je l’ai surpris à sourire en coin. Sourire comme le gars qui sait qu’il est supérieur à ceux qui le rabaisse. Il cachait bien son jeu, le petit salaud. Plus intelligent qu’il ne voulait bien le laisser croire, son niveau dépassait la moyenne. La compétition s’est directement installée entre nous. Une joute amicale pour savoir de nous, qui serait le premier médecin de corps diplômé.

J’ai gagné.

La victoire est amère ceci dit. Il aurait dû être le vainqueur. Là où mon esprit vagabondait, il étudiait assidûment. Toujours prêt à rendre service, il a passé des heures à m’expliquer certaines techniques de lumière qui demeuraient obscures pour moi. Les soins coulaient naturellement hors de lui, sans effort. Un vrai être de Lumière.

Mais je l’ai tué.

Entendons-nous, je ne lui ai pas planté une dague dans le cœur. Je ne lui ai pas non plus administré de poison. Je l’ai laissé mourir par mon incompétence. Le pire manipulateur de lumière qu’on puisse imaginer. Jamais un soin n’a coulé hors de moi. Jamais un sort de lumière n’a illuminé une vie de mes mains. Je n’irradie pas de lumière. Je suis un disciple de l’ombre. Je répands ruine et catastrophe. Mais voilà, je voulais être un être de lumière moi aussi et Gérald l’a payé de sa vie.


Dernière édition par Laniey le Jeu 6 Mai 2010 - 4:51, édité 1 fois
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Message par Laniey Jeu 6 Mai 2010 - 4:46

Nous arrivions au terme de notre cursus. C’était une journée de juillet caniculaire. L’air fétide des marais emplissait nos narines. La mer s’invitait sur la terre ferme rendant nos vêtements poisseux d’humidité à peine sorti de l’armoire. Suite à une altercation contre des dragons noirs en vadrouille et une escouade de garde, Gérald et moi avions été envoyés en plein milieu des marais pour leur porter secours. Pas vraiment une mission de routine, mais pas vraiment une mission périlleuse non plus.

Sans problème.

Voilà ce qu’on avait répondu au responsable des médecins de campagne. Qu’est-ce qu’on était plein de certitude sur nos capacités ! Qu’est-ce qu’on était des jeunes cons ! Rien ne nous avait préparés à un tel carnage. Ce que le chef de section ignorait, c’est que l’escouade de garde, il ne restait personne ! Entre temps, ils avaient eu la grandiose idée de se lancer à l’assaut d’un gros dragon noir. Onyxia parait-il. Je n’avais jamais vu autant de cadavres de ma vie. Jamais senti une telle odeur. Cette odeur pénétrait même l’esprit, une odeur de mort, de charnier, de corps calcinés.

Sur les bûchers improvisés, non pas par la troupe pour rendre hommage aux défunts, mais par les dragons fouettés par l’arrivée de leur maitresse, gisait une escouade entière. Ils s’étaient amusés ces saletés de Noirs. Empalés, transpercés, carbonisés, rien, il ne restait rien. Dans un réflexe de survie commun, Gérald et moi, on a pris nos jambes à notre cou.
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Message par Laniey Ven 7 Mai 2010 - 1:08

Pas assez vite ! Ça vole ces saletés. Et ça vole vite ! Et deux battements d’ailes, ils nous avaient rattrapés. Ils nous cernaient de toutes parts, une dizaine de jeunes draconiens. Deux médecins aussi efficaces au combat que des pucelles dans un bordel, voilà comment mettre du piment à un affrontement !

Pas de possibilités de fuite, nous savions que nous allions mourir. Gérald a attrapé sa masse. J’ai pris ma rapière. On s’est mis dos à dos. On s’est promis de vendre chèrement nos vies en emportant un des jeunes avec nous. Cliché et banal n’est-ce pas ? On devient basique quand on est sûr de mourir. Je n’avais jamais vu Gérald se battre, je ne fus pas déçu. Un paladin. Je pensais que c’était un prêtre comme moi et ce connard était un paladin. Il a consacré le sol marécageux et s’est élancé en beuglant. Pour ne pas faire pâle figure, je me suis mis à crier aussi. Je ne sais pas bien ce que je criais. Mais j’ai hurlé de toutes mes forces. Je voulais voir Lise. Je voulais encore faire la bonne pour Francine. Je voulais passer encore des heures sur des théories de Lumière dont je savais pertinemment que je ne serais jamais capable d’être un digne serviteur. Je voulais que le Capitaine soit fier de moi. Je voulais voir grandir mon gosse. Je voulais vivre.

Vivre, c’était ma seule vraie espérance.

Alors on s’est élancé à la barbare et on a frappé dans le tas. La masse de Gérald fauchait les pattes, écrasait les flancs des engeances draconiennes. Il maitrisait son affaire à la perfection. Je me suis surpris à penser que sans moi, il s’en sortirait. Il fallait que je fasse aussi bien que lui. Des vieux réflexes me sont revenus. J’ai sorti ma dague de ma botte et je me suis jeté dans la bataille avec plus d'ardeur.
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Message par Laniey Mer 12 Mai 2010 - 8:07

Ma bonne vieille dague. Lame effilée, parfaite pour mon style de boucher. Je ne sais pas pourquoi on décrit les combats comme des danses ou avec des centaines de jolies phrases. Pour se donner un air héroïque sans doute. Quand je me bats, c’est sale, brutal et violent. Il n’y a pas de danse, je ne pirouette pas. Je vise, je frappe, je tue. Je n’y prends pas vraiment de plaisir, mais ça ne m’est pas désagréable non plus. Je ne laisse pas de cicatrices pour que mes ennemis puissent parader ensuite. Non. Je ne laisse jamais mes adversaires en vie. Je les vide. Je répands leurs trippes, leur sang, leurs larmes, leur vie et leur âme.

Avec le sourire.

Non pas que ça me procure du plaisir comme je l’ai dit, juste parce que je suis content de ne pas être à leur place.

Je m’élançais donc dans la bataille avec une ardeur décuplée. Gérald se battait comme un paladin, à la loyale. Cela aussi ça m’a toujours fait sourire. Il n’y a rien de loyal dans ce genre de combat. Soit on tue, soit on se fait tuer. Aussi j’applique toujours la même méthode : Faire trinquer les autres avec les gardiens des âmes. J’avais beau être un empoté en amour, pour tuer, ça, j’avais été formé vite. Et d’une main de maitre.

Mon premier réflexe, c’est d’effleurer les esprits de mes adversaires, chercher celui qui est le plus friable pour le plier à ma volonté. Une fois trouvé, je l’envoie au casse-pipe contre ses alliés et j’en profite pour égorger tout ce qui ne me fait pas face. Je me balade dans les ombres, je surgis, je tranche, je retourne dans l’ombre.

Enfin, c’était l’intention première.

Je ne sais pas si vous avez déjà tenté d’effleurer l’esprit d’un dragon noir, mais rien que d’y penser, vous pouvez avoir mal au crâne. Ce qui se passe ensuite reste assez confus. Cela m’était déjà arrivé bien quelques fois. Mais pour analyser le phénomène, il faudrait que je puisse le regarder de face et pas à travers un voile.

Après le contact mental avec un des dragons, je me suis à moitié effondré. Gérald gueulait encore plus fort persuadé que j’étais en train de crever. Enfin, je pense finalement que c’était plutôt parce qu’il se faisait déborder sans ma présence. A ce moment-là, quelques choses dans mon esprit a cédé. Avec un grand bruit de déchirure comme quand on ouvre trop rapidement le corsage d’une dame.

Une fois les limbes dissipés, il faisait nuit. Je tâtonnais dans les viscères à la recherche de Gérald. A force de rendre mes trippes dans le caniveau, je suis assez insensible au visqueux et au putride. Je cherchais Gérald parmi le tas de cadavre. Je fus rassuré de ne pas le trouver. Cela a dû me prendre environ une heure pour soigner les écorchures que j’avais sur moi. J’avais mal à en crever de me soigner, mais valait mieux refermer mes plaies sous peine de chopper d’autres cochonneries. Quand j’y pense, heureusement que nous étions la nuit. Vu les râles que me tiraient la faible lueur de ma magie curative, le soleil m’aurait achevé.

Une fois debout, je scrutais chaque recoin pour découvrir la cachette de mon ami, en regagnant lentement Theramore. Mes jambes s’enfonçaient dans les eaux boueuses du marais, je fouillais du pied chaque mare alentour. Pas de Gérald.

Derrière un arbre quelques kilomètres plus loin, je le trouvais affalé. Plutôt en bonne état, à part l’énorme griffure sur son torse. Le plus étrange fut de le voir pâlir quand je me suis approché.

- Arrière Démon !

Woaw ! V’là autre chose que je me suis dit. Vu la tête de Gérald, je ne doutais pas un instant qu’il le croyait vraiment. A dire vrai, je l’ai crû moi-même le temps de quelques jours. Sur le moment, je n’avais pas le temps de tergiverser. J’ai manipulé son esprit pour qu’il se remette debout histoire qu’on rentre. Je n’en menais pas large, mais je voulais sauver mon pote.

Piteusement, on s’est effondré sous le porche de la ville. Je n’en pouvais plus, j’ai sombré dans les bras de Morphée aussitôt l’alerte donnée.
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Message par Laniey Mer 12 Mai 2010 - 9:19

Je me suis réveillé attaché à un lit avec des bougies consacrées en cercle autour de moi. Apparemment, Gérald était déjà sur pied. J’en tirais un rapide sourire. Un prêtre trônait non loin de moi, me jaugeant. Les yeux poisseux de sommeil, je ne l’ai pas reconnu de suite, la voix parvint vite à me fixer quant à son identité.

Père Francis !

Il riait. C’est dingue d’ailleurs à quel point mon rire ressemble au sien.

- Alors tu as fait peur à ton petit camarade, vilain démon ?

Je ne rêvais pas ! Ce con se fichait bien de ma gueule ! Toujours aussi piteux et vaguement convaincu de mon état démoniaque, je risquais la question « Vous êtes là pour m’exorciser ? ». Bien évidemment, son rire redoubla de puissance. Fichu connard. Il répondit oui.

L’exorcisme eut lieu. Des bougies à la pelle et de l’encens, la fumée me prenait tellement à la gorge que j’en chialais. Deux paladins fraîchement arrivés de Hurlevent officiaient, disposant des symboles sanctifiés un peu partout sur moi. Rien que leurs tenues d’or et de sang suffisaient à me mettre la pression. Je gambergeais au milieu de l’agitation calme qui régnait dans ma cellule. Je me demandais si un démon allait surgir de moi et bouffer tout ce petit monde. Et le Père Francis continuait à me sourire. Fichu prêtre !

Évidemment, le rituel ne donna rien. Désolé de gâcher l’effet de surprise. Je ne suis pas un démon. A la limite, j’ai le diable au corps, je veux bien. Mais rien de bien dangereux. On chercha évidemment ce qui s’était passé et on finit par mettre les craintes de Gérald et les miennes sur le compte de la fatigue et du stress du combat.

Une fois que je fus sur pied et réconcilié avec lui, Gérald et moi sommes allés fêter notre victoire dignement. Avec des femmes et de l’alcool. En grande quantité !

Il tomba malade suite à cela

Une banale infection comme on en attrape souvent en fréquentant trop de dames de petites vertus. Cela l’emporta en quelques jours. J’ai fait tout ce que j’ai pu. Aucun soin, aucune lumière n’a irradié de mes mains pour le sauver. Il est mort comme le dernier des bourgeois au fond de son lit d’avoir trop profiter de la vie.

Quel être de lumière je fais, n’est-ce pas ? Incapable de soigner une infection sur son meilleur ami. Incapable de le garder près de moi. Je l’ai tué. C’est la seule personne que je considère avoir réellement tuée. Et ça fait un mal de chien.

Après ça, je décidai de me rendre à l’évidence. Je ne ferais jamais un grand soigneur lumineux. Je me suis plongé dans mes études avec sérieux, délaissant même Francine. J’ai eu mon diplôme de médecine avec mention d’excellence. Je suis un bon médecin. Quand il n’y a pas de Lumineux dans le coin.
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Message par Laniey Jeu 13 Mai 2010 - 15:54

Je suis rentré à Hurlevent une fois diplôme en poche.

Paradant fièrement dans ma belle tenue achetée pour l’occasion, je frappais à nouveau le pavé de ma cité de mes pas. Je retrouvais des sensations familières : l’odeur étrange du quartier commerçant entre le savon à la rose des bourgeoises et la crasse des mendiants, les toits violets du quartier des mages scintillant de la rosée du matin, la fumée qui piquent les yeux du quartier nain, la sérénité de la cathédrale et surtout… les rires de la vieille ville. Mes pieds m’ont mené directement là-bas, devant la caserne. Je toquais à la porte.

- J’viens voir l’Capitaine Lann Smith !

Ils se concertèrent sur leur communicateur, me laissant attendre. Je regardais la porte qui avait encore été soufflée dans une explosion, m’autorisant un sourire. Il a pris sa retraite m’a-t’on dit. J’imaginais mal le capitaine prendre sa retraite. L’homme qui préférait mourir que d’abandonner le service à la retraite ! Je m’arrangeais rapidement afin d’avoir l’adresse. Enfin… rapidement. Je contactais quelques vieilles connaissances en ville, savoir à qui graisser la patte pour avoir des informations. Cela me prit bien une journée pour avoir son domicile.

On avait vite oublié mon affaire. Avec l’arrivée des elfes, des nains, des gnomes en nombre dans la cité, le mélange avait enseveli le passé sous une couche épaisse d’événements plus croustillants. Enfin tranquille ! Je me demandais déjà où j’allais m’établir en tant que médecin, scrutant la moindre maison à la recherche du petit panneau « A louer ». Je me réjouissais des retrouvailles avec Lise, comptant bien l’épouser et élever notre enfant. Après avoir remonter la filière, l’adresse en poche et la bourse soulagée de quelques deniers, je me rendis chez le capitaine.

Il m’ouvrit la porte, mis quelques secondes à me reconnaître avant de m’étreindre. Il me souleva du sol d’un bras comme si j’étais toujours un gamin, déposa deux bises sonores sur mes joues et m’ébouriffa les cheveux. Je l’avais dépassé en taille, je lui fis la remarque et éclata de son grand rire tempête en me faisant entrer.

Quand j’y pensais, je ne l’avais jamais vu alors ailleurs qu’à la caserne ou dans la rue. Un regard entrainé, je compris vite pourquoi on l’avait mis à la retraite. Son bras gauche pendait inerte de son épaule. Il me tapota la tête en me demandant si je voulais un verre.
Puis du verre, il décida que nous devions faire bombance. Un jeune homme comme moi se devait d’avoir le ventre plein ! Il prit place derrière les fourneaux tout en me contant tout ce qui s’était passé depuis notre dernière rencontre. Depuis mon grand fauteuil de velours sombre, j’avais le loisir de l’observer.

On m’avait longtemps pris pour son bâtard, je comprenais enfin mieux pourquoi. Les mêmes cheveux sombres en pagaille, le même teint hâlé par la vie au grand air, les mêmes gestes. Je souriais... je souris encore. J’aurais été fier d’être son fils. C’est le seul homme que j’ai toujours eu envie d’appeler papa. En perdant l’usage de son bras, il a gagné en joie de vivre. La rigueur militaire lui a laissé les tempes et la barbe tissées d’argent, un sourire canaille ou charmeur. Oui, j’aurais aimé qu’il soit mon père.

Non, au-delà de toute notion de lien de sang, de toute notion légale, il l’est. C’est lui qui a toujours veillé sur moi. C’est lui qui m’a élevé. C’est mon père.

J’espère que ce carnet sera trouvé et qu’on le lui donnera. Saig, vieux, donne-le-lui. Je veux qu’il le sache. Je veux qu’il sache. Il faut qu’il sache.

*Une adresse est ensuite griffonnée*
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Message par Laniey Jeu 13 Mai 2010 - 23:43

On a discuté toute la nuit. Je lui ai tout raconté au sujet de Gérald et mes errances. Patiemment il écoutait sans jugement, à part quelques rires et grognements selon les événements. Il me rassura, m’expliqua que je ne pouvais sauver tout le monde. Je le savais, évidemment qu’il avait raison, je ne suis pas un surhomme. L’entendre d’une autre bouche calma ma tristesse. Déverser ma peine, la partager avec lui éclaircit mon ciel de pluie. Puis, j’ai abordé le sujet épineux, il se renfrogna.

Lise.

Après mon départ, elle avait subi des brimades, l’humiliation d’être une enceinte d’un bâtard, des insultes. Son père l’a reniée. Déshéritée. Elle s’est retrouvée seule pendant que je me cherchais. A la rue, elle a erré. Je me rappelle avoir été en colère à en cogner la cheminée de mes poings. Tellement furieux.

Contre moi-même.

Encore une fois, j’avais blessé une personne qui m’était chère. Ruine et Destruction. Décidément, je n’étais capable que de cela. Le Capitaine m’a alors mis une claque. Je l’ai regardé sans comprendre, puis j’ai tilté. Je ne pleurais pas vraiment pour elle. Je chialais sur mon sort comme un gamin égoïste. Je me suis calmé, j’ai repris ma place sur le fauteuil, sonné par cette révélation sur moi-même. Il reprit son récit.

Lise avait traversé les épreuves mis sur son chemin la tête haute, toujours vertueuse. Elle défendait à quiconque de me blâmer. Elle répliquait sans cesse qu’elle était enceinte d’amour et non pour avoir succombé à la chair. De la petite bourgeoise, elle était devenue une femme forte, maîtresse d’elle et son destin. Le Capitaine l’avait recueilli quelques semaines, le temps qu’elle trouve un emploi et un toit.

Elle s’était installée aux Carmines, à Comté-du-Lac. D’abord dans une chambre de bonne, elle avait servi à l’auberge jusqu’à ce qu’elle mette au monde mon fils. Un beau gamin m’avait dit le Capitaine : les cheveux déjà noirs comme les miens et toujours à chaparder les doigts des adultes pour les serrer dans sa petite main. Elle l’avait appelé Lann, autant pour moi que pour le Capitaine qui fut présent à ses cotés. Je souriais comme un crétin. Je suis Papa, je suis Papa, je riais, je commençais à faire des plans sur ce que nous pourrions faire Lise, le petit et moi. Le Capitaine m’arrêta dans mon élan.

- Elle s’est mariée et elle est heureuse.

La nouvelle m’abrutit. Je me laissai tomber sur le fauteuil à nouveau. Hagard, je fixais le capitaine. Il continua l’histoire. Elle l’avait rencontré à son arrivée là-bas. Un chevalier de passage, plus âgé qu’elle. Un grand gaillard blond toujours avec le sourire, poli, courtois, réfléchi, tout ce que je ne serais jamais. Bien assorti avec elle, ils formaient un couple idéal. Il s’en foutait qu’elle soit enceinte d’un autre. Il l’aimait. Elle l’aimait. Ils ont convolé en juste noce après la naissance de mon enfant.

Mon fils porte son nom.

Mon avenir se dérobait encore une fois sous mes yeux. J’avais tellement imaginé ce que nous ferions à mon retour que, pas une fois, je n'avais envisagé qu’elle aussi continuait à vivre. Les hommes sont idiots. Ils croient que les femmes les attendront sagement alors qu’ils sont eux-mêmes en train de culbuter une autre et s’aventurent sur de nouveaux chemins. Je suis un crétin. A ce moment-là, stupéfié d’incompréhension, je passais la fin de la nuit prostré dans mon silence.
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Message par Laniey Ven 14 Mai 2010 - 19:36

J’ai cogité, tourné la nouvelle dans tous les sens dans ma petite caboche. Aucune solution. Rien ne me venait et pourtant je ne suis pas du genre à abandonner au premier obstacle. Je frottai mes mains sur mes joues rugueuses, pressant fort comme pour me sortir tout ça de la tête. Le jour pointa le bout de son nez et avec lui ma résolution.

Je réveillai le capitaine et lui demandai l’adresse de Lise. Il refusa pendant bien quelques temps. Il m’a fallu batailler avec lui, geindre, supplier, argumenter, mais pas une fois je n’ai tenté l’ombre pour lui soutirer l’information. Je suis peut-être un connard, mais je ne ferais jamais ça à un ami, un père.

Il a fini par céder devant mon insistance, m’ordonnant de ne pas y aller, tout en me tendant un petit papier. Il soupira. Il tenta encore une fois de me raisonner.

« Tout ce que tu vas faire, c’est vous écorcher un peu plus »

Au point où j’en étais, je n’en avais rien à foutre. Je devais les voir. Je sortis de chez lui en claquant la porte, d’un pas résolu. Pas de retour possible sur ce coup-ci. J’empruntai sa jument et la chevauchai au grand galop vers les Carmines.

Dans les maisons rouges, j’ai trouvé la demeure. J’ai frappé à la porte comme un sourd pendant de longues minutes. La voisine finit par me jeter un seau d’eau que j’évitai d’un mouvement rapide. L’esquive, je suis doué. A force me prendre des pantoufles, au mieux, quand j’étais dans la rue, j’ai développé des réflexes de « survie » importants. Je finis par me rendre à l’évidence, ils n’étaient pas là. J’ai grimpé dans un arbre face à la maison et ma veille commença.

Faisait froid, je grappillai de la chaleur en frottant mes mains sur mes bras et changeant souvent de position. Bonjour la discrétion. Je regrettais d’avoir garder ma tenue de ville et rêvai d’un bon pourpoint en cuir rembourré. Malgré mon agitation, personne ne m’a capté. Faut dire que la bourgade était en effervescence ce jour-là. Apparemment, on préparait une fête : L’illumination du plus haut arbre de la ville pour le Voile d’hiver.

Parmi la foule, je les ai aperçu. Lise, toute de rouge vêtue, son grand gaillard blond en tenue assorti se tenaient fièrement, riant à gorge déployées des facéties d’un petit bout de chou de presque deux ans. Il trottinait autour de l’arbre, fuyant sa maman pour se jeter dans les bras de son papa. Qu’est-ce qu’il est beau mon fils ! Une tignasse sombre toute bouclée et des grands yeux verts dans sa petite tenue du Père Hiver, il paradait comme je le faisais moi-aussi.

Du haut de ma branche, j’épiais. Non pas Lise par jalousie, mais mon fils par fierté. Bien entouré, il grandirait heureux et sereinement. Avec un père, une mère qui s’aimaient. Je notais vaguement que Lise était à nouveau enceinte, il aurait donc des frères et des sœurs. J’étais heureux et tellement triste à la fois. Je venais de me rendre compte que je n’aurais jamais ma place dans cette vie-là mais que c’était ce qu’il y avait de mieux pour lui. Je me rendais compte également que je n’aimais Lise plus que pour un souvenir.

Lestement, je me laissais tomber au sol. Sans bruit, je me suis approché d’eux. Je me suis incliné devant Lise et son époux, j’ai baisé la main de la femme que j’avais tant aimée. Elle m’a regardé, pris dans ses bras, plus de savon de rose, elle sentait le bonheur, elle sentait un autre homme, elle sentait mon fils. Lui m’a regardé, d’un coup d’œil, il avait compris. Il a souri, m’a secoué l’épaule. Le petit Lann lui a sauté dans les bras, il m’a pointé du doigt.

- ‘est qui ?

Alors j’ai ri devant sa petite question, presque autoritaire, sa minuscule main qu’il tendait comme une accusation. Non, vraiment, je n’avais rien à faire dans leur vie. Ils étaient les parents de mon bonheur et ils en feraient un homme bien. Qui étais-je pour m’interposer ? Qu’aurais-je pu lui apporter ? Alors j’ai glissé un baiser sur sa petite joue potelée et j’ai tourné les talons.

- Revenez-nous voir. Il est votre fils autant que le mien.

J’ai dit oui et je me suis enfui.

Mes jambes me lançaient de ma fuite effrénée. Mon souffle court s’égarait en volute dans l’air frais de la nuit. Perdu au milieu des bois, j’ai crié, hurlé, j’ai pleuré. Jusqu’à être vide. A ce moment-là, j’ai repris ma route. La tête haute, j’ai frappé à la porte du Capitaine.

- Tu avais raison.

Il ébouriffa mes cheveux et de sa grosse pogne, il m’attira contre son torse. Il a refermé la porte. Il a clos une fenêtre de mon passé.

- Je suis fier de toi, fils.
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Message par Laniey Dim 16 Mai 2010 - 13:31

Trois jours après, je naviguais à nouveau vers Theramore.

Pas une fuite cette fois-ci. J’avançais enfin justement. Sur le quai parmi les marins affairés à remonter les vivres, ceux préparant les voiles, les quelques autres passagers, j’ai trouvé l’endroit où je me sentais bien. Simplement bien. Entre terre et mer commençait une nouvelle page de ma vie. Même avec le temps et l’habitude, j’ai gardé la sensation exquise de cette brise sur mon esprit.

Durant la traversée, sur le pont, je retrouvais mes vieilles certitudes et mes illusions d’alors. Je me voyais presque noyer ma peine dans le rhum, tituber et je me souriais avec bienveillance. J’étais père, il fallait que je me prenne en main. Si je ne pouvais pas être là pour aider le petit à grandir, j’allais le faire indirectement. : Gagner de le l’or, amasser des histoires à lui raconter quand il serait adulte, lui prouver que j’étais un gars bien et pas juste le salaud qui l’avait abandonné. Je contemplais la mer sous les étoiles quand un marin vient frapper sur mon épaule.

- Fais attention à trop la mirer, tu vas en tomber amoureux.

Alors j’ai ri. Il venait de me donner un avenir sans s’en rendre compte. Sous mes yeux, elle s’offrait parfois lascive, d’autres fois capricieuse, celle qui est devenu ma maitresse. Dans ses méandres, je goûtais à une liberté nouvelle, à des rêves neufs. Je l’aimais déjà. Son parfum iodé gonflait mon cœur d’aplomb. Je suis devenu marin.

Enfin pas de suite, il a bien fallu trouver un navire et apprendre le métier.

A destination, j’ai arpenté la ville et me suis renseigné où trouver des équipages cherchant de nouveaux membres. Par un hasard amusant, la taverne n’était autre que celle où j’avais établi mon fief durant ma période d’orgie. J’en passai le seuil le lendemain soir après avoir rendu hommage à Francine.

Bondée, une foule de marin d’équipages variés, des pirates mêmes, une véritable cohue que les quelques serveuses girondes s’empressaient de servir. J’en repérais une ou deux sortant du lot, un vieux réflexe. J’esquivais celles que j’avais déjà entreprises, préférant me concentrer sur mon objectif du soir. Je me frayais un chemin jusqu’au comptoir et pris un rhum bon marché.

En y repensant, ça n’avait rien d’un vrai rhum. Il n’avait pas passé de temps dans la cale d’un navire, il n’avait pas le goût de la mer. Il devait être probablement rallongé à l’eau. La plupart des marins étaient déjà assez ivre en arrivant dans la taverne pour ne pas s’en rendre compte.

Je me suis installé à la première place de libre à coté d’un jeune homme de mon âge.
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Message par Laniey Lun 17 Mai 2010 - 13:33

En fait, à part l’âge, nous n’avions pas grand-chose en commun. Taciturne et à peu près aussi sympathique qu’une geôle, il gardait sa tête plongée dans la contemplation de son rhum. Qui devait être tiède à force. Sacrilège ! Il me fit rapidement comprendre que toute tentative de socialisation se solderait par un échec. Je me suis donc penché sur l’observation de la salle.

L’aubergiste devait se frotter les mains : il faisait salle comble ce soir-là. Malgré la densité de population, tout se déroulait sans anicroche. Les serveuses subissaient les assauts des ivrognes, distribuaient parfois des claques, mais gardaient toujours leur sourire mignon. D’ailleurs, si je peux me permettre un conseil : la main aux fesses directement est d’un vulgaire ! Essayez plutôt de leur sourire, leur glisser un compliment, un bras autour de la taille et pourquoi pas une fine caresse sur la chute des reins. Tellement plus sensuel et inattendu ! Les réactions en sont plus souvent bonnes que mauvaises : un vrai sourire, des joues empourprées, délicieux.

Enfin, je triais mentalement les différents équipages. Je scrutais ceux qui me paraissaient les plus intéressants. J’en découvris un : une tablée cosmopolite respirant la bonne humeur. Je définissais qui en était le capitaine, quand je me suis rendu compte d’un espèce de gouffre sur ma droite.

Il était toujours là. A fixer son verre avec sa petite mine de déprimé, il me plombait sérieusement mon ambiance. Commençait doucement à me faire chier le lascar ! Alors je l’ai cherché et je l’ai bien trouvé.

Un peu trop d’ailleurs !

Il a envoyé sa choppe vers ma tête. J’esquivai. Il se jeta sur moi. Je restais tranquille, assis sur ma chaise, sa main empoignant ma chemise. Je souriais. Il allait m’en coller une. Pas que j’étais spécialement heureux de me faire casser la gueule, mais au moins, il ne m’entraînerait plus dans ses abysses. Là, j’ai vu un truc qui ne m’a pas fait plaisir : un éclat métallique dans sa main. Tsah ! Il allait me planter ce con ! Il m’envoya valdinguer. Je me dispersai, pas envie d’aller aussi loin pour qu’il sorte de ses ténèbres. Je réintégrai un corps plus solide à ses pieds. Je lui en choppai un pour le faire tomber. Peine perdue : aussi agile qu’un singe ! De plus, je me rendis compte qu’il n’attendait que ça : Se battre ! Je ne sais pas bien si c’était la perspective de démonter quelqu’un ou se faire démonter, mais il sortait de sa léthargie.

Pour me faire mousser, je dirais bien que je le laissais totalement faire, mais il se débrouillait vraiment bien. Un chien enragé ! Un peu sonné après une énième chute, je vis son poing se lever dans le but de me casser le nez. J’ai grimacé intérieurement en voyant venir le coup, maudissant cette fichue idée de laisser croire que je ne sais pas me battre.

Mon nez doit son salut à un intervenant inespéré !

Il choppa le poing de mon adversaire, le stoppant net dans son élan. Le ténébreux se tourna lestement, tenta de feinter pour faire choir mon sauveur sur moi. A la place, c’est lui qui valdingua. Ils se battaient ensemble, pendant que je me relevais. Eh ! C’était notre bagarre ! Alors je me lançais aussi à l’assaut de l’elfe-sauveur. On se gênait plus qu’autres choses. Tant et si bien que même s’être vaguement accorder pour mettre à bas notre adversaire, on s’est retrouvé propulser dans la fontaine devant l’auberge.
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Message par Laniey Mar 18 Mai 2010 - 14:03

L’elfe referma la porte de la taverne sur deux pauvres crétins, le cul dans l’eau. Dans la pénombre, j’étouffai en silence une brève montée de rage. Heureusement que l’eau froide me glaçait un peu le sang ! Le coup de pression est définitivement retombé quand j’ai regardé mon camarade d’infortune. Son image piteuse et pestant me ramenait à ma propre condition, aussi, j’éclatai de rire.

Il grognait, crachait comme un chat. Plus il grommelait, plus je me marrais. Il marmonna vaguement un truc au sujet de l’honneur brisé ou je ne sais quoi. Je lui ai donc expliqué qu’on avait déjà eu la chance de n’avoir fait qu’atterrir dans une fontaine. Il continuait de protester, mais je sais que ça l’a fait cogiter.

Généralement une altercation sur le port ne finit pas une simple baignade dans une fontaine. C’était plutôt une longue plongée dans les eaux sombres qui attendent les plus faibles. Pour trouver de la dentelle, n’allez pas voir un marin. Pas de demi-mesure, on paie toujours plein pot avec un homme qui a passé des mois à ne faire que servir l’océan.

On entreprit de se sécher, essorant nos chemises. Mouchés l’un comme l’autre, la remise à niveau de nos ego a aplani nos différends. Comme deux gamins rossés par le même adulte qui fraternisent, on s’est mis à discuter tranquillement.

- J’suis Lann et toi ?
- … Saig

Il a réfléchi, comme pour retrouver son nom. J’esquissai un nouveau sourire. On en est venu à parler de marins : Il faut croire que je n’ai pas du tout le profil de l’emploi, tant l’idée que je le sois, ou devienne alors, peint la même expression sur le visage des gens. Bon, il est vrai qu’à coté des autres membres de l’équipage, j’ai l’air d’une grande brindille. Mais de là à croire que je ne sais rien faire de mes dix doigts, c’est presque vexant à force !

Il embarquerait le lendemain. Il ne savait pas où ni avec qui, mais il partirait. J’ai cru noté un début de sourire ou de plaisir dans le ton de sa voix. Je lui enviais alors cette spontanéité. J’avais besoin de choisir avec qui et en même temps, je doutais que cela soit vraiment le plus important.

- Peu importe l’équipage, la mer te prendra tout ton temps.

Bon, il n’avait pas entièrement tord, mais pas entièrement raison non plus. Il se foutait de moi, me disant que je ferais moins mon crâneur quand je rendrais mes tripes à la première tempête. Pas besoin de me révéler un tel détail, j’imaginais bien que ça ne se passerait pas toujours comme dans du beurre. On s’est séparé. Il m’a souhaité bonne chance. Je n’ai pas osé répliquer que la chance avait oublié de se pencher sur mon berceau. Il s’est enfoncé dans le dédale de ruelle menant au dock et j’ai ravalé le début de fierté qui me torturait la gorge pour pousser la porte de la taverne.
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Message par Laniey Mer 19 Mai 2010 - 15:56

Bien évidemment, je fus accueilli par une avalanche de rires moqueurs. Aussi, je me donnai en spectacle. Je m’inclinai théâtralement dans ma chemise de soie blanche trempée, jusqu’à effleurer le parquet du bout de mes doigts. Je paradais un peu, grimpant sur les tables, autant pour chaparder un peu de rhum pour réchauffer ma carcasse que pour taquiner encore l’assemblée. Je localisai l’elfe m’ayant foutu une rouste. Le hasard aime me brutaliser.

L’elfe en question, je l’ai vite reconnu. A la table de l’équipage précédemment choisi, il dardait son regard sur moi, amusé, fort heureusement pour ma peau. Pour ne pas faire les choses à moitié, ma chance légendaire l’avait nommé capitaine. Pas marrant sinon.

Je me sentais vraiment comme un couillon. J’ai dégluti ma honte, me suis avancé vers eux. Restant dans mon personnage de trublion, je l’ai salué, j’ai mis un genou à terre devant lui, une main sur le cœur.

- Je suis votre dévoué.

Il a ri. Presque un rire de demoiselle, clair et spontané comme celui d’un gamin.

- Montre-moi tes mains.

Pas contrariant, j’ai obéi. Avec mes longs doigts fins, je n’ai pas le profil de l’emploi. Il les souleva vers lui, obligeant mon genou à quitter le sol dans une position inconfortable. Il les ausculta longuement. Aujourd’hui encore, je ne sais pas ce qu’il y vit. J’ai essayé de l’interroger pourtant. La réponse est invariablement un sourire en coin, un doigt sur les lèvres. Il m’a fait signe de le suivre.

Nous sommes sortis de la taverne, avons serpenté à travers les ruelles. La nuit était douce, il marchait d’un pas lent, presque rigide, trop rigide au vu de la souplesse prouvée auparavant. Je gambergeais : qu’est-ce qu’il allait encore m’arriver ? Je chassai vite ce genre de pensées de ma tête et profitais de la balade pour cerner l’elfe.

Pas grand-chose ne filtrait de lui. Rien n’indiquait un quelconque statut. A dire vrai, il n’en avait pas besoin. Le charisme naturel d’un meneur, pas d’artifice. Les perles bleus dans ses cheveux blancs me subjuguaient, me terrifiaient. Elles ne tintaient pas, ne s’entrechoquaient pas à chacun de ses pas. J’en clignais des yeux et contrôlai vaguement mon taux d’alcoolémie. On est arrivé au port, il a grimpé sur un grand navire, m’a invité à le suivre.

Dans sa cabine à la poupe du bâtiment, il a prononcé un mot à voix basse, illuminant la pièce. Le foutoir offusquait mon sens du rangement méthodique : Cartes maritimes ou terrestres pêle-mêle, des tentures bleues, les étoffes chatoyantes des vêtements au sol, des bouquins ouverts ou fermés, des bouteilles de rhum à moitié pleines. La pièce méprisait toutes les règles élémentaires du savoir recevoir. Sur le grand lit aux draps défaits, il s’est posé, un genou sous le menton.

- Pourquoi je devrais te prendre ? T’es pas un marin, t’y connais rien. Tu gâches ma quiétude en te battant et tu viens ensuite me faire chier alors que je picole.

Je n’en menais pas large. Je triturais mon cerveau, déjà pour trouver une raison et ensuite pour savoir pourquoi il m’avait emmené ici. Il aurait très bien pu m’envoyer valser directement dans la fontaine comme tout à l’heure. Il souriait légèrement. J’allai lui déballer mon discours pré-mâché sur ma motivation, mes capacités, quand il leva la main.

- J’ai besoin d’un médecin de bord. Le nôtre nous a fait faux bond. Y aura du travail, des batailles contre des ennemis que t’imagines même pas…Tu penses que tu feras l’affaire ?

Je hochai la tête quand il bondit sur moi. D’un geste rapide, sans brutalité étrangement, il a planté sa dague dans mon ventre. Précision millimétrée, la blessure ne me tuerait pas. Pas de suite en tout cas. Elle me ferait un mal de chien. Il a retiré sa dague. Je suis tombé sur mes genoux sous le choc. J’ai écarquillé les yeux plusieurs fois, le dévisageant sans trop y croire.

- Alors soigne-toi. Demain, tu dois être capable de faire l’travail sur le navire comme tout le monde.

Putain ! J’avais tellement mal que j’en avais les larmes aux yeux. Je lâchai une bordée d’insultes et il m’indiqua calmement une trousse de secours dans un coin. Il nettoya négligemment sa dague au premier tissu qui lui passa sous le nez, puis il s’installa pénard sur le lit. Une bouteille de rhum dans une main et un livre dans l’autre, il ne me jeta plus un regard.

Je me suis mordu les lèvres au sang. J’ai rampé vers le matériel médical. J’ai fait mon boulot sans broncher ou presque. Sérieusement, ce connard avait vissé son attaque juste pour déchirer un peu plus ma chaire et la faire chanter une douleur lancinante. J’avais de la peine à me concentrer sur ma tâche, tant la rage et la douleur me vriller les tempes et le ventre. Je nettoyais la plaie, vérifiai qu’elle était propre, désinfectai et me recousis à vif. Je crois que j’ai crié. Je crois même que je me suis évanoui. Je ne sais plus vraiment. Une bonne demi-heure plus tard, je pensais enfin à me servir de la lumière. Je plaquai ma main sur mon abdomen récitant les formules d’usage. Ma chair se refermait doucement. La lueur m’infligeait d’autres affres. A force d’utiliser l’ombre, la lumière me brûle un peu. Simple contrecoup, rien de démoniaque, ni mauvais là-dedans, ça se régule avec le temps.

Je me suis redressé, je l’ai toisé. Il a souri, fermé son livre dans un claquement

- Parfait ! On part dans cinq heures pour six mois ! Sois le premier arrivé ou je te jette hors du bateau à coup de pied au derche ! Casse-toi maintenant, j’attends des dames !

Je ne me suis pas fait prier. Sur le moment, je n’avais pas vraiment l’intention de revenir. Merde, il m’avait planté quoi ! Je me suis rendu chez Francine, sans doute avec l’intention de me plaindre. Mais quand je l’ai vu en chemise de nuit, je me suis simplement jeté dessus. Rendu un peu agressif, j’ai commis quelques actes qui ne seront pas conté ici. Laissons libre court à votre imagination. Toujours est-il, que ma vigueur brutale a dû dépasser des bornes. Elle me hurlait dessus, me jetait tout ce qui lui passait sous la main à la figure.

Recadrons.

Deux heures avant le rendez-vous, à poil devant la porte de ma maitresse, je ramassais mes affaires éparpillées sur la pelouse de son jardin. Je bandais rapidement ma main en sang à cause d’un éclat de vase qu’elle m’avait jeté à la figure. Cet autoportrait me déclencha une crise de rire. Mon baluchon sur l’épaule, j’ai embarqué en avance.
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Message par Laniey Ven 21 Mai 2010 - 16:50

La sensation ressentie lorsque j’ai mis le pied sur le navire confinait à l’extase. Pas de rhétorique débile, je ne me sentais ni plus libre, ni plus heureux, ni plus à ma place ou que ce soit. L'extase oui, mais tout connement parce que je suis tombé sur quelques membres de l’équipage en train de boire une boisson chaude. Très naturellement on m’en a offert une tasse et ma bouche pâteuse en trouva une seconde vie. J’ai lié contact, me suis fait chambrer. On s’est raconté quelques blagues dans la fraicheur du petit matin puis on m’a mené au Capitaine.

Vêtu de frais, rapide et concentré, il noircissait des pages et des pages de parchemin, se levant parfois brusquement pour aller chercher une carte, la jetant ensuite avec dédain. Il lui fallut un peu de temps pour se rendre compte de ma présence, ou plutôt il me fallut un peu de temps pour obtenir son attention. Pas de long discours, il m’a juste demandé mes mains à nouveau. Il m’a donné un prix ensuite. Beaucoup de gens jouent aux vierges effarouchées dès qu’il s’agit de fric. Initialement, je ne partais par que pour moi, mais aussi pour constituer un pécule pour mon gosse. L’or revêtait une importance accrue. Une fois la somme convenue, pas de pacte ridicule, pas de serment, juste une poignée de main. Il m’a ordonné de vérifier le matériel à ma disposition dans la sorte d’armoire qui me servait de cabinet médical.

Le mot cabinet s’adaptait parfaitement à l’endroit. Une porte, un lit étroit, une armoire. Rien d’autre. Enfin si, une odeur à rendre malade n’importe qui. Je savais d’avance que le dernier client était mort ici. Non, son âme ne hantait pas la pièce. Ça sentait juste le macchabé. Les draps portaient encore des traces de souillures. Le pauvre bougre avait dû en chier avant de passer l’arme à gauche, au figuré comme au premier sens.

Dans l’air fétide, j’ai rapidement constitué un inventaire. Peut-être n’avaient-ils pas nettoyé la pièce, mais il y avait de quoi tenir un siège d’un an avec le matériel. Je fis signe que j’avais tout ce qu’il me fallait, attendais vaguement qu’on me donne un ordre. Rien ne vint, alors j’ai retroussé mes manches et j’ai fait un des trucs que je maitrise le mieux : le ménage. Je ne suis pas spécialement maniaque, vivre dans le bordel ne me dérange pas. Un environnement propre et dépourvu de germe à son maximum garantit, par contre, une chance de survie supplémentaire pour un patient. Dans le cas présent, mon nez n’est peut-être pas délicat, mais il y a des fragrances tenaces qu’il vaut mieux éliminer rapidement. Après trois heures de récurage en règle, une bonne aération, l’endroit respirait. Absorbé par ma tâche, j’avais loupé le départ.

Accoudé à la poupe, j’ai miré Theramore dans les brumes matinales. La putain avait des airs de jouvencelles alanguies. J’ai sombré dans mes limbes peu à peu en la regardant s’éloigner avec un petit pincement au cœur.

On a voulu me ramener à la réalité un peu brutalement. Fort heureusement pour lui, j’avais déjà récupéré assez de conscience pour éviter de le planter ou de l’envoyer par-dessus bord. Je crois que je mis bien deux minutes à réaliser.

- Bien esquivé.

Il avait l’air au moins aussi étonné que moi. Je me suis vaguement demandé si le capitaine avait perdu la tête en nous engageant tous les deux. Bien évidemment, c’était mon adversaire de la veille. Il avait quelque chose de changé. Oui, il avait l’air heureux.

Il a commencé à me charrier, plus détendu, sur mes airs de jouvencelle, de soi-disant puceau. Sa tête de surpris quand je lui ai annoncé que j’étais médecin de bord et prêtre m’a donné des envies de hurler de rire. Pour une fois, je me suis abstenu. Son maintien, ses gestes assurés, son assurance, je les enviais un peu. Je me sentais gauche et inutile dans le remue-ménage, il n’a pas tardé à me la faire remarquer.

- Apprends-moi.

Je l’ai suivi pendant plusieurs jours. Collé à ses basques pour assimiler, je me suis nourri du moindre de ses actes. Les nœuds utiles, grimper aux cordages, entretenir le pont, les voiles, je crois que tout y est passé. Hyperactif, le bonhomme, et silencieux ! Cela ne me dérangeait pas. Je ne suis pas aussi bavard que les gens aiment à le croire. Son coté un peu rustre me plaisait bien. Il m’amusait et il était bon professeur. Patient, appliqué, méthodique. Les bases de la vie sur un navire coulaient vite de source grâce à lui. J’ai trouvé mes marques, mes endroits favoris, tout en haut sur les gréements.
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Message par Laniey Sam 22 Mai 2010 - 14:38

J’ai gambergé pour savoir comment lui rendre la pareille. Tant et si bien que l’idée a fini par me sauter à la tête. Saig était un chat sauvage. Ou un singe, j’hésite encore. Il avait beaucoup du primate à l’époque. Un singe, c’est très intelligent mais il lui manque la parole. Bref. Je me suis mis en tête de l’apprivoiser.

Après deux semaines, une certaine routine paisible s’est installée. Je savais ce que je devais faire, je savais ou aller et si je l’ignorais, j’imitais Saig. Pendant les périodes creuses ou de pauses, je me posais avec quelques autres membres de l’équipage. Je le voyais toujours à rôder discrètement. Il nous observait comme du gibier… ou comme des chasseurs, difficile à dire. Je n’ai chassé qu’une seule fois dans ma vie, pas que je sois mauvais tireur, juste que je n’en vois pas trop l’intérêt. Des gens vivent de ce métier. Je ne vais pas le leur piquer. Soit, il me faisait vaguement penser à la biche que j’avais laissé filer au grand dam du capitaine. Aux abois, à l’affût, mais qui a envie de s’approcher, de se laisser capturer.

Contrairement à l’animal, le pauvre Saig, lui, je ne l’ai pas laissé s’échapper ! Je l’ai attrapé et je l’ai amené un soir. Je l’ai présenté à la petite troupe de joueurs et vis-versa. Je l’ai invité à se joindre à nous. Il a accepté ! Ma première victoire dans la longue bataille pour sa sociabilisation ! Touchant, il posait des questions, savoir comment jouer, observait les dès. Il m’a fait l’effet d’un gosse qui découvre un nouveau jouet.

Petit à petit, il s’est intégré. Pas très bavard, mais au moins pas toujours dans son coin. Il nous étudiait, singeait nos gestes, nos réactions parfois. On grimpait souvent tous les deux près de la vigie pour discuter de tout de rien. Je m’efforçais de lui soutirer des phrases construites, de plus de trois mots. Remarquablement malin, il comprenait vite, s’exprimait très bien lorsqu’il le souhaitait. Un véritable poète dès qu’il s’agissait de la mer. Je me rappelle d’une entrevue en particulier.

Nous parlions d’elle justement. Il s’est illuminé, en parlait avec emphase, vénération. S’il tenait ce discours un jour à une femme, il avait toutes les chances de me surpasser. La discussion allait bon train quand je lui ai demandé s’il s’amusait. Il pensait cela inutile, comme les sourires. Il a ajouté que montrer les dents comme ça pour les animaux, pour les singes justement je crois, signifiait une menace à son adversaire. Je me suis foutu de sa gueule, j’ai alpagué un marin qui passait en-dessous, lui ai fait un grand sourire.

- Hé ! Je te menace !

Forcément le marin et moi, on s’est poilé, mais ça avait foutu Saig en rogne. Il s’est tiré et enfermé en cabine le reste de la soirée.

Deux mois de pleine mer se sont passés. Entre mon apprentissage et le domptage de Saig, je n’avais pas vu le temps s’étirer. Pas d’incident, pas de tempête, la mer nous avait été favorable jusque là. Nous sommes arrivés à notre première escale.
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Message par Laniey Dim 23 Mai 2010 - 16:25

Dans Son écrin azur, l’île s’offrait joyau émeraude. La jungle luxuriante se mouvait sous mes yeux, brillante d’humidité. Depuis la vigie, j’ai eu le loisir de l’admirer avant de l’arpenter. Comme une colline abordée depuis l’ouest, elle me semblait parfaitement ronde. Quelques falaises abruptes et baies protégées du courant la découpaient pourtant ça et là. Nous en avons fait le tour, parade nuptiale, avant de nous engouffrer dans une sorte de canal. Dans son giron, presque au centre de l’île, le port, merveille de couleurs vives, nous attendait. Les ordres fusaient en-dessous. Je lançais mes informations vers le navigateur avec mon collègue me détachant à grand peine de la contemplation de ce bout de terre si attendu.

Tout se passa sans encombre. Nous avons rapidement mis pied à terre. Je suis resté quelques minutes de plus en haut de mon mât, souriant comme un crétin pour une raison plus ou moins idiote. J’aime les hauteurs. Je mirais les toits de chaume, trois toits en tuile rouge et les éclats chatoyants des voiles des petits navires de pêche. Je me laissai glisser le long du mât souplement, silencieusement, pour éviter de me faire rembarrer. J’avais émergé après que les autres eurent fini de décharger notre livraison. L’équipage, presque au complet, avançait conquérant sur le long ponton de bois. A part les locaux, nous étions seuls. Doux présage, plus d’alcool, plus de femmes, moins de bagarres. Je suis resté accoudé à la rambarde tandis que les derniers retardataires se dépêchaient de rejoindre la troupe. J’observai Saig.

Contrairement aux autres pressés de rejoindre la civilisation, il lorgnait sur les côtes. Une fois tous partis, il s’engagea sur la plage de sable fin. A distance, je le suivais. Pas plus silencieux que ça, je m’amusais avec les vagues, rentrais dans les sous-bois à la recherche de quelques plantes, des fruits juteux. J’en goûtais, laissant leur jus frais et sucré noyer mon menton de douceur.

Finalement, je me suis rapproché de lui, surgissant derrière. Armé de son épissoir fétiche, il manqua une nouvelle fois de me planter. Je crois bien que j’ai grogné. On s’est disputé sur son envie apparemment impérieuse de me menacer à chaque fois que je m’approchais de lui. Puis, je lui ai offert un fruit. Miraculeusement, j’ai réussi à le faire asseoir et manger avec moi. Pas une chose aisée. J’ai tenté de le motiver à me suivre dans mon exploration des ruines aperçues vers le sommet de l’île, peine perdue cette fois-ci. Craindre des ruines, des pseudo-spectres ou je ne sais quoi, j’étais dépité.

Les fantômes et autres spectres ne s’accrochent tout de même pas si facilement à un lieu. Il faut des circonstances particulières, des âmes très fortes et rebelles pour refuser de quitter le monde des vivants et s’y enchainer. Il n’existe pas autant de personnes avec un tel esprit. La plupart d’entre nous s’éteindront sans même laisser une présence de quelques jours. Sans même tirer de larmes à qui se soit d’ailleurs. En cas de tâches inaccomplies à la mort, au pire, un esprit commun se plantera quelques mois à un lieu donné sans pouvoir interagir avec d’autres personnes que ses proches ou des prêtres.

Dans le cas des ruines, trolles mais est-il besoin de préciser, aucune crainte à avoir. Elles étaient trop vieilles et trop en vue pour être hantées. J’ai tenté de le rassurer, mais je ne suis pas très doué devant les superstitieux. Cela doit être parce que je peux les sentir les âmes. Je ne sais pas trop, mais généralement les piaillements de craintes à ce sujet ou sur des trucs pouvant possiblement peut-être arrivés me gavent sévère.

On s’est aventuré dans la jungle. Il avançait d’un bon pas en avant. Je flânais et ramassai plantes et fruits. Par-dessous tout, et pour l’emmerder faut l’avouer, je m’arrêtais à la moindre statue ou pierre vestige. J’en faisais le tour lentement, caressai les contours du bout de mes doigts, prenais quelques notes avant de les croquer rapidement. J’aime bien le faire chier, mais je suis vraiment intéressé par les vieilleries, découvrir le passé, les énigmes que personne n’a résolues, j’aime vraiment ça. Il restait à distance, mais me laissai faire. Le soleil a commencé à décliner, on s’est dirigé vers l’unique taverne de la « ville ».
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Message par Laniey Jeu 27 Mai 2010 - 13:56

Enfin ville… Trois bâtiments de pierre pour un amas de baraquements de bois, je ne sais pas si on peut appeler ça « une ville ». Pas de rues pavées, pas de corniches, ni de balcons suspendus, mes velléités de grimpes et de sauts de toit en toit ont vite été reléguées au placard. Seule la taverne s’élevait, avec la capitainerie et le manoir, sur deux étages. L’architecte l’ayant construit devait nourrir les poissons tant le bâtiment ne répondait à aucune norme de sécurité et manquait sans doute de s’effondrer au moindre choc. Malgré tout, à ce moment-là, l’endroit ressemblait à un palace pour moi : Quelques serveuses ou prostituées, elles faisaient sans doute toutes office de l’un et l’autre, le patron et une dizaine de pécheurs. Toute l’ambiance de la taverne venait de notre équipage. Au lieu de rejoindre les autres, Saig s’est niché dans un coin, le plus reculé de tous. J’haussai les épaules et me suis attablé avec les nôtres.

Il commanda à boire, se rinçait l’œil en mort de faim. Il ne devait pas être loin de se jeter sur la pauvre serveuse comme un fauve tant il la dévorait des yeux. Il n’en fit heureusement rien, sachant tout de même se tenir. Lorsqu’elle est partie en dandinant son adorable fessier, je m’approchai.

- Casse-toi !

Quel rabat-joie ! J’ai hélé à nouveau la serveuse et son amie. J’ai proposé un jeu de mon cru. Complètement con, trouver nos prénoms contre une pièce. Je n’aime pas donné des ordres, mais ce jeu m’amusait. Pas spécialement pour les baisers et caresses qu’elles ont échangés, bien que cela y participait grandement, mais surtout pour le luxe de voir la mine choquée et étonnée de Saig. J’ignore si la surprise venait du jeu ou plutôt de ma descente d’alcool, un mélange des deux peut-être. Une fois le denier gagné, les demoiselles sont retournées à leur service.

Toujours surpris par mes actes, il m’a soumis à un véritable interrogatoire. Qui j’étais ? Comment ? Pourquoi ? Je dus sortir l’artillerie lourde pour avoir la paix. J’ai chanté ! Il s’est réfugié dans le giron de sa proie, la délicieuse serveuse rousse. Je ne l’en blâme pas ! Je chante aussi bien qu’une casserole rouillée. Et puis, après deux mois en mer, j’avais autant faim que lui d’un corps doux. Mon regard devait être proche du sien quand il se posait sur un jupon. Un air de grand méchant loup devant une gamine potelée habillée en rouge ! Passons sous silence ce qui s’en est suivi par égard pour l’adorable jeune femme qui m’a suivi sur la plage.

Le lendemain, j’ai attendu Saig près du navire. Je ne me faisais pas trop d’illusions, il ne viendrait pas explorer les ruines avec notre petite équipe. Finalement, résignés, on s’est engagé, sans lui, sur un chemin menant au sommet. Plus léger et ragaillardi par une nuit enflammée, je menais la marche d’un bon pas. Je me retournais régulièrement pour admirer le port dans la verdure et Elle miroitant sous le soleil. Il suivait de loin comme une ombre.

Après plusieurs heures de marches, on est arrivé aux ruines principales. On s’est baladé un peu partout. J’ai noirci des pages et des pages de notes et de croquis. Saig restait à distance raisonnable, mais guettait signe du moindre danger. Je ne pense pas que les autres se soient aperçus de sa présence. Drôlement discret quand il veut le bougre ! Après, on a évidemment chassé le trésor ou quelques choses à vendre. Vu la facilité d’accès des ruines, on aurait du se douter qu’il n’y avait rien.

Bredouille, on a regagné le port, la taverne pour une nouvelle soirée de beuverie. Pas grand-chose de notable et passionnant hormis les bourdes de Saig pour plomber une ambiance en moins de deux.

A croire qu’il en a fait une spécialité.

La grande majorité de l’équipage était regroupée à une table, échangeant blagues et histoires diverses. Saig n’a pas rejoint la table de suite. J’ai attendu qu’il termine son repas. Puis, je lui ai fait signe de nous rejoindre. Sans rechigner, il s’est posé tranquillement et a tenté de s’intégrer. Le sujet du soir : Votre pire soirée dans une taverne. Matt nous a conté sa mésaventure avec une donzelle virile ce qui nous a tous fait hurlé de rire. J’ai pris le partie de narrer ma pire soirée taverne ensuite. Faire un choix n’a pas été des plus aisés : j’en avais connu des soirées de merde !

Je devais avoir quatorze-quinze ans à Hurlevent. La bande s’était réunie dans une taverne, toute fière d’avoir engrangé quelques deniers en travaillant tout l’été. Il fut rapidement décidé de se mettre une murge. La première véritable pour nous tous. Assis dans un coin de la taverne, on braillait pour qu’on nous remplisse nos choppes. Un boucan insupportable, j’en conviens. On n’avait pas prévu de se faire tomber dessus par des « rivaux ». Rivaux, c’est vite dit : simplement une autre bande avec qui on se foutait régulièrement sur la tronche. On s’est assez vite débarrassé de la plupart, sauf un type. Un espèce de mastodonte con comme ses pieds, mais énorme. Avec ma chance légendaire, il en avait après moi. J’ai profité de mon avantage de vitesse et souplesse, le tournant en ridicule dans la salle principale. Je me suis arrêté juste sous la rambarde du balcon, jouant à l’acculé. Il a marché ! J’ai sauté et agrippé le balcon pendant qu’il se fracassait le crâne contre le mur. Nos adversaires au tapis, nous sommes retournés à notre pintage en règle. On a fini la tête dans le caniveau et nos adversaires en ont profité pour nous mettre une raclée. Résultat : hôpital avec plusieurs côtes cassées pour votre serviteur.

En insistant bien sur les combats et la boisson, vous avez de grandes chances de captiver un auditoire composé de marins. Saig est plus doué que moi pour raconter des histoires, mais disons que le contenu des siennes a tendance à mettre les gens mal à l’aise. Ce soir-là, ce fut particulièrement vrai.

Il était tout mioche, mousse sur un rafiot. Ils faisaient escale dans le sud. Leur capitaine était joyeux et tout le monde buvait. Ils ignoraient alors qu’un ennemi du Capitaine avait rameuté ses gars ce soir-là. Beaucoup de bruits, de rires, tout le monde s’amusait. Soudainement un type s’est levé et a crié quelques choses créant le silence. Il a braqué leur capitaine d’un fusil gobelin et a tiré. Le pauvre gars n’a pas eu le temps de virer la demoiselle sur ses genoux qu’il repeignait deux murs de sa cervelle. Puis le massacre a continué. Tout l’équipage de Saig s’est fait décimé, pendant qu’il était caché sous une table au milieu de la tripaille chaude. Il a attendu que ça se calme, puis il est reparti.

Du coup, Saig a créé le silence. Il souriait en plus en le racontant. Une minute s’est écoulée avant qu’on ne reprenne nos discussions et que je lui envoie une latte contre l’arrière du crâne. Je ne suis pas sûr qu’il ait compris réellement en quoi il avait gêné. La soirée a repris son cours, sans noter plus l’incident et nous avons continué à boire.
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Message par Laniey Ven 28 Mai 2010 - 4:51

Nous avons levé l’ancre au petit matin. Une belle journée, le vent favorable nous poussait vers l’ouest. Nous avons été mis au courant de notre prochaine destination. Le Northrend. Nous ferions escale dans un village de pêcheurs après une semaine de mer. Pour une fois, Saig et moi avons réagi exactement de la même manière : On a tiré la gueule.

Au matin du troisième jour, la brume est tombée. Selon les navigateurs, rien de plus normal. Nous arrivions en zone froide, la brume s’expliquait facilement. Saig s’agitait. Il était rarement aussi nerveux. Naviguer dans la brume n’est certes pas une chose aisée. Ceci dit, les connaissances de l’équipage suffisaient amplement à la braver. « Les Esprits des Brumes » Encore une connerie à deux balles. Voilà pourquoi il paniquait. Personnellement pas plus anxieux que la normale, je me couchais bien au chaud, emmitouflé dans mes couvertures.

Au beau milieu de la nuit, je me fis secouer par un imbécile. Encore une fois, la catastrophe fut évitée de justesse, mais j’ai reconnu Saig à temps. En grognant, j’ai demandé pourquoi on me tirait du lit. Là, l’empêcheur-de-dormir a posé un doigt sur ses lèvres m’intimant le silence et l’écoute. Tout l’équipage éveillé se massait dans la cale. Il scrutait la porte menant au pont. Je me levai pour l’ouvrir quand Saig m’a retenu. Je pouvais ni causer, ni sortir. En gros, je devais me faire chier à attendre un truc hypothétique pour que dalle alors que j’aurais pu continuer à ronfler ! Je ne comprendrais jamais la manie qu’ont les gens de vouloir à tout prix me réveiller pour rien. Puis j’ai entendu les cris à l’extérieur. Des sortes de râles inhumains graves ou aigus.

Avec quelques autres, l’attente a commencé à nous chauffer. Sous les soupirs et grognements, on est sorti sur le pont. La brume dense recouvrait tout. A tâtons, on avançait. On ne distinguait pas grand-chose à part nos propres silhouettes. Les bruits alentours étaient étouffés, mais on a tous ouï un grand plouf. J’ai cru un instant qu’un crétin était tombé à l’eau. On s’est rapproché pour voir. On s’est compté. Personne ne manquait à l’appel. J’ai fermé les yeux quelques secondes et, à part nos esprits, je ne distinguais rien d’autres. Quelqu’un a aperçu alors des formes sombres dans l’eau. Le Quartier-maitre, aussi sceptique que moi, en a conclu à des baleines. Je me rangeais à cette idée bien que la thèse des esprits de la brume n’a jamais été totalement rejetée. Une fois certain qu’on était seul sur le navire, on est rentré. Je me suis recouché sans un mot.

Au réveil, la brume s’était dissipée. Nous avions bien gardé le cap et notre escale était en vue. Comme à mon habitude, j’ai grimpé pour aider aux manœuvres. Tout à coup, quelque chose a secoué le bateau. On a heurté un récif sorti dont ne sait ou. Une partie de l’équipage s’est rendu en cale pour écoper. Nous avons accosté en catastrophe.
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Message par Laniey Sam 29 Mai 2010 - 9:14

Après constat des dégâts, il a fallu une semaine pour réparer les dommages. Beaucoup pensait que notre expédition avait été maudite par les esprits de la brume et qu’ils voulaient un membre de notre équipage. Le Capitaine dut intervenir pour les rassurer. Perdu au milieu de nulle part près d’un campement de gobelins et quelques humains, on avait du mal à passer le temps. L’ennui me rend apathique dans le meilleur des cas ou carrément ténébreux dans le pire.

Je me suis réfugié dans mes pensées. Saig était à peu près aussi maussade que moi. Au quatrième jour d’inactivité, en début de soirée, il marchait de long en large sur le rivage. J’étais allongé tranquillement sur mon rocher à contempler le ciel de nuit. Il y a deux choses à ne jamais me faire : me réveiller brusquement et tenter de m’extirper des informations quand je suis dans mes abysses. L’un et l’autre me rendent absolument dingue et agressif. Saig confirmera, la leçon a été faite ce soir-là.

Il ne supportait pas que je sois plongé dans mon monde. Il a grimpé sur mon rocher pour me secouer, râlant du fait que je ne le voyais soi-disant pas, que j’étais ailleurs. Encore maintenant, je comprend mal ce que ça pouvait lui foutre. On s’emmerdait tous, je ne vois pas pourquoi j’aurais du me faire chier en cœur alors que je pouvais rêvasser. Il m’a envoyé plusieurs bourrades, persuadé que les Esprits de la Brume ou que sais-je encore, m’avaient marqué. Complètement blasé, je me suis dit que cet imbécile pensait aussi que j’étais maudit ou démoniaque. Je craignais déjà un foutu exorcisme.

- T’y connais rien aux Esprits !

Hahaha. La bonne blague. Un prêtre ombre qui n’y connaît rien aux esprits. Pas comme si j’étais capable de faire des contrôles mentaux ou des les enfermer dans des sortes de cage. Non , bien évidemment, j’étais qu’un fichu prêtre bon à rien. Un puceau en bure ! Il m’a fait sortir de mes gonds. Avec ma délicatesse du moment, je l’ai agrippé de corps et d’âme. J’ai infiltré son esprit violemment, froidement. Pas bien loin, juste à la lisière. Juste le temps de comprendre que, lui, il avait quelque chose d’extérieur dans sa tête. Cela a cédé. J’ai ouvert une sorte de vanne sans le vouloir. Il m’a bousculé et on a dévalé la pente. Il a pris l’avantage et m’a plaqué au sol arrivé en bas.

Ma tête a heurté la roche sèchement une fois. La seconde allait venir quand j’ai plus ou moins réussi à l’éjecter d’une ruade. Je passai une main dans mes cheveux. Mes doigts ressortirent rougis et poisseux. J’ai titubé vers lui, refroidi et calmé par son assaut. Il m’a saisi à nouveau, tiré vers l’eau. Je tentais de le rassurer, cherchant à le regarder dans les yeux. Il a hurlé.

- Je vais les faire sortir !

Faire sortir quoi du con ?! Je suis bien seul dans ma tête. Personne ne manipule. J’essayais, tant bien que mal, de le faire revenir à la raison quand il a plongé ma tête sous l’eau. Le liquide salé s’infiltrait dans ma bouche et mes narines. L’air me manquait. Mes pensées devinrent plus diffuses. Il me maintenait toujours sous l’eau. Il me noyait ce con. J’ai perdu le contrôle. Je me suis arqué, j’ai enroulé mes jambes autour des siennes et l’ai basculé. Je me suis redressé. Il me fixait, les pupilles dilatées à l’extrême. J’ai concentré de l’ombre dans ma main, jusqu’à en former une pique solide. Je me suis jeté sur lui. Son poing a heurté mon estomac. J’ai manqué de rendre mes tripes sous le choc. Il se tournait pour éviter ma propre charge, dévoilant son flanc. Je l’ai planté sans hésitation.

Mieux valait lui que moi.

D’un revers, il m’a jeté à nouveau à la mer. Je reprenais mon souffle. Des points rouges dansaient devant mes yeux. Ma tête devenait de plus en plus lourde. Il porta la main à sa blessure. Il me regardait sans comprendre et je le dévisageais avec détachement. J’avais visé pour tuer. Il ne tarderait pas à claquer.

J’ai tilté. Il allait mourir. Je ne voulais pas le tuer, je voulais juste qu’il ne me noie pas. Péniblement, je me suis relevé. J’ai avancé vers lui, montrant mes mains vides en signe d’apaisement. Perdu, sur la défensive, il pointait son épissoir vers moi. J’évitais de lui en porter rigueur, après tout, j’étais son assassin. Sa main retomba le long de son corps. J’en profitai pour le saisir et le ramener sur la terre ferme.

J’ai déchiré sa chemise, nettoyé sa plaie des dépôts de sable. J’avais envie de chialer. Je ne voulais pas qu’il crève. Pas lui. Je paniquai. Il bredouilla quelques choses. Je crois que lui non plus n’avait pas voulu. Ma main cajolait son front, ses cheveux mouillés. Je peinais sortir de mon horreur face à mes actes. Je repris contenance peu à peu. J’ai aplati ma main sur la plaie jusqu’à la recouvrir complètement. J’ai prononcé les prières. J’ai rarement été autant fervent. La blessure s’est résorbée lentement. Mes yeux ne voyaient plus que du noir. J’ai sombré.
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Message par Laniey Sam 5 Juin 2010 - 0:58

Juste le temps d’une expiration, j’étais mort. Mes vies défilaient sous mes yeux : Celle que tout le monde connaît et la secrète, la cachée, l’inavouée. Un rideau sombre s’est refermé. Des cris de joie fusaient. Heureux, leur vengeance était enfin assouvie. Je tâtonnais dans des ruines : l’orphelinat, l’abbaye, la caserne, le port. Les meubles brisés gisaient ça et là. On m’épiait. Des mains griffues s’accrochaient à moi, meurtrissant mes chairs. Je courrais. Je fuyais pour leur échapper. Il faisait de plus en plus froid. Puis j’ai vu la Lumière.

Ne suivez pas les lumières, dit-on.

Je me rappelais du conseil, mais je savais que mon salut viendrait d’elle. Vie ou mort, je m’en foutais. Elle m’appelait. Je savais que ma place était là-bas. Alors dans la main pâle qu’on me tendait, j’ai glissé la mienne comme un enfant. Violemment, on m’a tiré. Mon épaule a craqué. J’ai hurlé de douleur. J’ai aperçu un visage ou j’ai cru le voir, mon Capitaine. Un tintement de perle, un éclat bleuté. Je me suis rendormi aussitôt.

Je ne me suis extirpé de mon sommeil de plomb le lendemain. Particulièrement en forme d’ailleurs. Je suis sorti de la cabine. Saig m’attendait. On s’est regardé. Il m’a pris dans ses bras. Je l’ai serré un instant puis j’ai balancé une connerie pour couper court au moment embarrassant.

- Hiii on va nous voir !

J’ai papillonné des cils comme une jouvencelle. Bras dessus, dessous on est parti en chasse de rhum et de donzelles. Je ne lui ai jamais tenu rigueur, je crois que lui non plus. On était quitte et même plus soudé qu’avant. Après une nuit avec deux charmantes blondes, on est reparti de l’ile.
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