Le troisième artefact

par Aspée Lun 22 Juil 2013 - 14:48

Annatar combattait son adversaire à la peau verte depuis plusieurs heures déjà. Tous deux étaient depuis longtemps épuisés mais le destin ne voulait toujours pas choisir le vainqueur. La cause ? Orneval, encore et toujours. Le jeune Kaldorei munit d'une épée courte parvenait à l'aide d'agilité et de volonté à rendre les coups de l'orc qui lui faisait face, brandissant son labris. Sur la plaine, aucun bruit hormis les respirations haletantes des deux combattants. L'elfe perdait du terrain, forcé de reculer jusqu'à cette falaise, un coup de vent et tout fut fini, la chute dura de longues secondes qui pour lui parurent interminables, ses frères étaient morts, rien ne le retenait désormais. Un lit de mousse et de feuilles aux couleurs iréelles, c'est sûrement là qu'il allait rendre son dernier souffle, le regard droit vers le ciel. Ses cheveux bleutés s'imbibaient du liquide de la vie, prenant peu à peu cette teinte écarlate qui recouvre les champs de bataille. L'obscurité, puis plus rien.

"Allez mon grand, on se réveille, tu as dormi une semaine entière tu sais ?"

Sa vision était encore embrumée, le moindre mouvement était douloureux, entravé par les bandages qui le recouvraient de long en large, mais il vivait. Annatar parvint à s'asseoir sur son lit de feuilles. En face de lui se tenait un jeune enfant humain aux longs cheveux blonds, huit ans tout au plus, assit sur un rondin de bois, un sourire malicieux sur les lèvres. Le kaldorei n'avait jamais apprécié les humains, non seulement ils vivaient moins longtemps, mais ils se proliféraient tellement que leur culture venait parasiter celle des elfes depuis plusieurs années déjà. Il n'imaginait pas que l'un des leurs lui vienne en aide, et encore moins qu'il puisse s'agir d'un enfant. Cette situation n'avait selon lui aucune logique.

"Qui es tu ? Pourquoi m'as tu sauvé ?
- On s'en fiche. Y a-t-il besoin d'une raison pour venir en aide à quelqu'un ?
- Nous ne nous connaissons pas.
- Mais encore ?
- Je devrais être mort !
- Je ne te demande pas de m'être redevable. Pour tout te dire, j'ai même un présent pour toi."

Puis plus rien, comme si l'enfant n'avait été que le fruit de son imagination. Pourtant Annatar n'avait par rêvé. Un coffre se tenait désormais sur le rondin, recouvert d'une fine feuille argentée, étrangement humidifiée. L'elfe eu l'espace d'un instant l'impression que le conteneur irradiait d'une lumière similaire. Cette lueur de manqua pas de lui faire penser à la déesse lunaire. Etait-ce un cadeau offert par la divinité qui avait pris la forme d'un enfant ? Un signe tout du moins, il était certain de devoir ouvrir ce coffre. Sa main s'en approchait, lentement, venant doucement soulever le couvercle. Un casque ailé constitué d'un métal semblable à un diamant pris dans l'obscurité. Frôlant la surface de sa trouvaille, il entendit une voix, un murmure. Il ne s'agissait pas là d'un démon enfermé ou d'une quelconque atrocité des temps anciens. Son interlocuteur semblait plus que jamais apeuré.

"Ne me laisse pas seul, je veux.. je dois rester avec toi, c'était notre promesse"

par Aspée Mer 31 Juil 2013 - 18:38

Annatar foulait pour la première fois les dalles d'Hurlevent du pied. Les cheveux en bataille, le regard vide, dénué de chemise, il se laissait guider par la voix provenant de son sac. Au départ simple murmure, elle avait su modeler l'esprit du Kaldorei, le transformant ni plus ni moins en pantin de chair. Il ignorait pourquoi il avait emprunté ce bateau et parcourait désormais les ruelles de la cité en spectre vaporeux. Il faisait un pas, puis un autre. A son passage, les citoyens troublés s'écartaient. A quoi bon errer ainsi ? Cette promenade pris tout son sens lorsque l'elfe de la nuit l'aperçut. Un jeune demi-elfe ressortait de la bibliothèque du quartier des mages, une pile de grimoires contre lui, souriant. Annatar ne pouvait l'expliquer, mais il en avait la certitude : C'était sa cible, la voix l'avait guidé jusqu'à lui. Il n'eut cependant pas le temps de sortir du couloir urbain, un singulier personnage en costard lavande et au haut-de-forme se planta devant lui, un rictus malsain sur les lèvres en adéquation avec son regard fou couleur sang. Pourquoi se dressait-il comme un mur pour l'empêcher d'atteindre son objectif ?

« Je ne pensais pas tomber sur une perle dans ton genre en espionnant mon p'tit Roro. Tu sais que de loin, tu as un air de famille avec les runiques ? Tu dois avoir froid dans cette tenue. Dis, tu pourrais réagir un peu quand même, sinon je vais bouder. C'est vrai que tu n'as pas l'air de beaucoup dormir. Ca te dérange si je t'appelle monsieur Zombie ? Qu'est-ce que tu penses de mon nouveau smoking ? Dis, dis ! »

Non seulement ce moulin à paroles venait l'entraver dans sa quête, mais sa voix suraiguë était réellement insupportable, son dieu devait sûrement le mettre à l'épreuve, il se devait de surmonter cet obstacle, ce démon, le détruire même. De sa main droite, Annatar agrippa sa lame courte et fit un pas en avant, menaçant le gilnéen. Celui-ci ne bougeait pas d'un iota, l'air moqueur ou tout simplement ahuri, tant-pis pour lui. Il s'avança à nouveau, visant le torse, l'épée elfique se dirigeant dangereusement vers sa cible, dix centimètres, deux, un, puis plus rien. Comme s'il avait s'agit d'un fantôme, l'elfe lui passa au travers. Il aurait sans doute été possible de lire une incompréhension totale dans les yeux d'Annatar si son état actuel lui avait permis d'être un temps soit peu expressif.

« Hey mais.. ça va pas ? Tu aurais pu me faire très mal avec ton truc, tu sais ? Et moi qui te trouvait marrant, mais où va le monde ? Tu m'as l'air d'être un sacré rabat-joie, je vais te faire rire moi, tu vas voir. Tu aimes le parfum à l'orange, hm ? Eh ! Tu vas où ? Reviens l'ami, je ne t'en veux pas, je t'assuuuure ! Tssh.. pas drôle. »

Le temps que Sorrente saisisse son flacon de parfum hilarant à vaporisateur, le Kaldorei s'était précipité dans la direction opposée de la ruelle, n'étant déjà plus visible. Un vent matinal vint rafraîchir le dos du gilnéen qui frissonna de déception; son jouet s'était envolé, pour cette fois tout du moins.

par Aspée Dim 4 Aoû 2013 - 19:59

Dans le noir total, une ombre avançait, ses mouvements tortueux venant troubler l'harmonie du néant. Il ne s'agissait pas là du néant distordu mais des abysses, un lieu des plus obscurs, si noir que son existence ne pouvait être que fictive. Deux cornes enroulées, une queue venant fouetter le vide complet, deux grands yeux jaunes, identiques à ceux des plus cruels traqueurs nocturnes. J'allais enfin le voir lorsque je me réveillais chaque fois en sueur, face à ma bibliothèque, dans mon lit.
Cela faisait déjà une semaine. En tentant vainement d'identifier la source du mal lors de l'intervention de la colline aux corbeaux, cette vision m'avait été imposée et vint hanter mes nuits jusqu'alors. Toute trace de felmagie aurait du disparaître, mais rien n'y faisait, et ce cauchemar se concrétisait. Au départ simple ombre, chaque nuit venait m'apporter un détail physique chez ce démon. J'étais affaibli alors qu'une présence familière bien que fortement malveillante semblait s'approcher de jour en jour.
Il était tard, ou tôt selon le point de vue. Le soleil n'était pas près de se lever et je n'étais pas près de me rendormir. Peut-être que je ne le désirais pas d'ailleurs. Une paire de bottes, mon bandeau, une robe propre et je retournais à Hurlevent. Je marchais d'un pas lent, longeant les canaux en regardant le sol fixement. Seul le vent frais me maintenait éveillé jusqu'à ce que je me retrouve nez-à-nez avec ce Kaldorei. Une crinière négligée concordant avec ses habits déchirés voire inexistants. Je sentis momentanément une intense douleur au cou, puis plus rien.
Je me suis réveillé dans une ruelle voisine au lieu de mon agression, indemne. J'ai un instant cru avoir rêvé mais ma tête tournait atrocement et je connaissais cette impression. Bien que cela soit exceptionnel, j'avais déjà été mis au contact de la feuillerêve. J'avais été drogué, restait à connaître la raison car non seulement on ne m'avait rien volé, mais je n'avais même pas été déplacé. Qui pouvait bien être cet elfe ?

Que s'est-il passé cette nuit là ? Annatar aurait-il abandonné sa cible ainsi ? Changeons donc de point de vue pour avoir une vision d'ensemble.

Ce n'est pas sa vie que Le Seigneur voulait, mais son corps. Tout était parfaitement clair désormais. Faire couler le sang de la cible de la Voix aurait été un péché grave et il s'était mépris. Annatar devait désormais guetter la moindre occasion pour aborder le demi-elfe. Il avait maintes fois tenté sa chance mais le démon aux yeux rouges se dressait immédiatement sur sa route. Cette fois-ci, il dormait et il pourrait, non, il devait en profiter pour agir. Le Kaldorei passait d'un toit à un autre, traversant la cité, conservant une allure spectrale. Cette nuit là, l'objectif était à portée de main, il longeait les canaux, à découvert, il lui suffirait de le cueillir. Comprenant que blesser le demi-elfe était à éviter, Annatar s'était armé d'une seringue contenant une décoction de diverses drogues, feuillerêve en majorité, rien de plus facile pour un elfe de se procurer de tels produits. Il se planta alors devant lui et ne lui laissa pas le temps de répliquer, injectant le mélange sans hésitation au niveau du cou et l'attirant dans la ruelle la plus proche, au calme. Roland était encore conscient mais avait le regard vague. Le mage s'était recroquevillé, apparemment torturé par la culpabilité, des larmes s'écrasaient même sur les dalles de la cité. Il citait des noms, féminins, masculins, d'autres personnes anonymes.

« Tous..morts, par ma faute, je suis un monstre.. Impardonnable.. est-ce que je dois être pardonné ? Est-que je le veux ? Mais, je dois penser à moi aussi, passer à autre chose, oui.. je vis, je dois.. penser à moi, m'amuser un peu ? Oui, je dois, je dois jouer aussi.. Tu veux être mon nouveau copain de jeu ? Uhuhuh, ahah. Allez, je sais que tu en as envie. »

Le Kaldorei était tétanisé. A la lumière de la lune, le rictus malsain qu'arborait sa cible lui faisait de plus en plus ressembler au démon aux yeux rouges, mais la lueur flamboyante de ses yeux et sa peau blanchâtre le rendait plus que jamais effroyable. Il loucha puis repris un air sérieux avant d'éclater d'un fou-rire aux sonorités variant entre l'aigu et le grave. Désormais, une dizaine de centimètres séparait leurs deux visages. Roland s'avança d'un coup et posa ses lèvres contre les siennes, le saisissant par la taille et plongeant ses yeux fous dans ceux de sa « victime ». Annatar tenta de se dégager, en vain, il comptait en venir aux poings mais le mage s'était déjà transféré quelques mètres en arrière, un air partagé entre la démence pure et l'ivresse de la victoire. A nouveau, la retraite était nécessaire. Droguer le demi-elfe était une mauvaise idée.
Le Kaldorei ne se doutait pas que dans les instants qui suivirent sa fuite, Roland s'était écroulé et gisait dès lors au sol, le même sourire lui déformant le visage.

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