Le Garnement - Huitième numéro !

Peu de choses retiennent l'intérêt de la tavernière, et certainement pas des affiches ... Sauf quand il y à des runes vrykules ou que le mot "littéraire" est écrit dessus. Elle écarquille les yeux et arrache une affiche pour elle, continuant de la lire sur son chemin.

- Hm'bon, ben au boulot.

Le forgeron du Quartier des Nains ne ratait pas un seul numéro du Garnement. Comme à son habitude, il aimait à le lire assis sur son tonneau, adossé à un rondin de bois soutenant la toiture de sa forge.
Il n'y connaissait pas grand chose en matière de religion, mais il était citoyen de Hurlevent, et aux premières loges pour apprécier qui se bougeait réellement les miches pour le peuple.

La bonhommie et l'altruisme du Père Bugli ne cessaient de le surprendre. Sans conteste, c'était le meilleur candidat, à ses yeux, pour un poste d'envergure. Il faisait tant pour les nécessiteux avec si peu de moyens, qu'il aimait à rêver à ce qu'il pourrait faire, une fois évêque de la ville.

Cette Archipiade en revanche lui semblait avoir bien trop de casseroles au cul. Des affinités avec les Écarlates, son absence inexpliquée, et l'aveu de son propre ordre qu'une femme ne pouvait occuper ce poste...cela prenait un bien trop mauvais départ à son goût. Et puis il avait du mal avec les mots compliqués. Ça voulait dire quoi, irréfragable...?

Enfin, ce Eudes sortait un peu de nul part. Un curé sur un âne, dont on avait jamais entendu parler, mais dont le programme se résumait à être une alternative, et qui ne manquait pas d'être très agressif envers ses confrères. Le Synode n'avait, selon lui, pas existé ? Eh beh. Bientôt on prétendrait que les camps d'internements Orcs étaient un détail de l'histoire...

Dragonash plia soigneusement le journal sous le bras. Comme les autres, il le conserverait précieusement. Pas de doutes, Mairi savait poser les vraies questions.

Grimli Barbe-Antique aura lu le journal avec intérêt, s'intéressant particulièrement à la nouvelle concernant les Feux de l'espoir, ravi de voir que lui et ses collègues furent cités dans cette dernière.

Il s'attarda quelque instant sur les différents entretiens des candidats pour le poste d'évêque. Il apprécia tout particulièrement les propos du père Bugli, non pas par ce qu'il était un nain, mais par ce qu'il touchait des point sensibles et que son approche était différente de ce qu'il avait pu voir jusque là de la part de l'église de la lumière.

Il s'attarda brièvement sur les deux autres candidats, mais il s'assoupit très rapidement, à cause de la chaleur produite par le feu crépitant de sa cheminée, probablement.

Doriand entendu un gamin crié sur le parvis de la banque, il en profita pour aller voir ce qui se passe, quand il aperçut le petit bonhomme distribué le journal...

Il en profita ainsi pour lui acheter un exemplaire et découvrit les dernières nouvelles sur l’élection d’un nouvel Évêque, pour lui une personne parmi les trois se différencient plus que les autres.

Eldreith lu l'article de Bugli, puis celui de Bonefoy. Elle s'affairait à sa lecture, du haut d'un promontoire, laissant échapper un long soupir. Comment Hurlevent avait-elle pu penser à autre personne que cette dévouée Archipiade. Par quel hasard, cet opportuniste tout fraîchement débarqué sur le sol humain pouvait-il faire encore figure de candidat du peuple. Où était-il, son peuple à lui? Bien loin, c'est certain, laissé à son sort, après l'arrivée de la légion, qui frappa aussi bien les terres naines que celles de la marche de l'Ouest. Pourquoi ne s'occupait-il pas des morts dont elle même s'était entaché à guérir l'année passée? Des familles meurtries par la guerre. Forgefer n'était peut-être pas assez grande pour ce nain aux motivations douteuses...

Oh, oui, certes Valdelmar avait ses fautes, son passé. Mais combien étaient venus la voir pour pleurer sur son épaule ces dernières années? Combien étaient venus quérir l'aide d'une foi inébranlable capable de faire revivre n'importe quelle conviction?Qui vient-on voir pour les mariages, les baptêmes, les messes ? Qui donc, avait pris le temps d'inculquer à tous ces enfants perdus la philosophie des Trois Vertus ? Pas ce marteau-hardi, ni même ce Bonefoy.

Oui, Eldreith se demanda, qui d'un nain qui abuse de sa verve pour insulter ses comparses ou de l'inconnu dont nul visage n'aurait su reconnaître le sien, ploierait en premier face à la superbe de cette femme forte. Car il n'était pour l'ancienne aumônière de la garde, aucun autre évêque auquel elle ne se dévouerait un jour. Ce serait Archipiade Valdelmar, ou personne d'autre.

La directrice récupéra le journal sur la table de son salon, au milieu de tout un tas d'autre papiers et lettres sans importances que sa compagne avait certainement du laisser traîner.

Elle parcourue les grandes lignes puis esquissa un sourire, c'était toujours un plaisir pour elle de lire ce journal, elle aimait la façon qu'il avait de dire les choses.
Bien installée dans son énorme fauteuil qu'elle affectionnait tant elle consacra donc une partie de sa matinée à décortiquer chaque mot de chaque "prétendant", non pas que cela l'intéresse, elle ne connaissait aucun d'entre eux, si ce n'est de nom rapidement, et puis elle et la lumière de toute façon...
Mais tout ce remue ménage, ces faux semblant, ces sourires de circonstances et ces discours mielleux et remplie de "bonne volonté", oui, tout cela l'amusait beaucoup.

Mais l'heure n'était plus à la lecture, une journée chargée attendait la directrice, en commençant par sa fille, et puis :

"Qui va vraiment se laisser berner par ce genre de truc dans une ville ou tout n'est que tromperie, bassesse et mensonge?
Le peuple aura beau dire, celui qui sera élue sera celui qui arrangera le plus ceux qui tirent les ficelles, ni plus, ni moins."

Se dit-elle avant d'entrer dans la chambre de sa fille avec un sourire rayonnant.

Passant presque par hasard devant la maison d'édition du Garnement, le jeune homme s'arrêta un moment, pour acheter un exemplaire de la dernière parution.

Parcourant rapidement les programmes des différents candidats, la conclusion parut évidente. Ce serait soit le Père Bugli, soit le Père Bonnefoy. Les nécessiteux et les enfants avant les théories fumeuses et absconses d'on ne sait quel "intellectuel."

Le jeune homme acheta un second exemplaire, avant de diriger ses pas vers le perchoir des griffons, et où se trouvait également le service des pigeons pour le courrier longue distance.

Thony avait récupéré l'exemplaire de sa femme du Grand Marché, jetant un rapide coup-d’œil, il n'a que faire de tous ces entretiens sur une élection où il n'a pas son mot à dire. Bugli était le seul qu'il connaissait des trois. Il serait temps que les deux autres sortent de leur rempart de pierres pour venir mettre un peu les doigts dans la lie du peuple. Si nous sommes tous égaux devant la lumière, ceux censés l'apporter sont bien silencieux.

"Priez pas pour moi, je trouve ça inutile, donnez moi du baume au cœur, c'est plus parlant."

Il aura tiqué une ou deux fois au cours de sa lecture. Il n'a pas un niveau d'éducation très élevé de part son statut, et certains mots étaient bien trop compliqués pour lui.

Rien qui n'entache son plaisir de lecture, la plume des journalistes était de qualité à n'en point douter.

Moraïa profitait d'une pause bien méritée pour lire les derniers entretiens des candidats au poste d'Evêque. Bien évidemment, sa préférence était depuis longtemps fixée sur Bugli, qu'elle avait vu souvent dans le Bois de la Pénombre et qui pas plus tard qu'hier, donnait encore une formation de premiers secours aux Veilleurs. Son dévouement sans faille et son énergie feraient la différence, elle en était certaine, et cela lui donnait quelque espoir pour la capitale humaine.

L'ambiance dans les locaux du Garnement était enfumée, au sens propre comme au figuré.

Au sens propre, car la journaliste avait la fâcheuse tendance à allumer chaque nouvelle cigarette avec le mégot encore luminescent de la précédente, ces derniers temps. Au sens figuré, car la parution du numéro sur le Conclave – et les entretiens des trois candidats – semblait entourer tout un chacun d’un épais brouillard. Pas celui, alléchant, qui annonce les frissons de l’incertain. Non, un brouillard presque nauséabond, qui lui rappelait celui des Bois-de-la-Pénombre, juste avant qu’une goule ou qu’un autre immondice sorte de terre.

Et pourtant, Mairi O’Hara aurait dû être ravie. Elle aimait davantage les débats que les consensus. Et qui plus est, ça vendait bien. Mais de ce qu’elle entendait en ville ou que ses amis lui rapportaient, on ne débattait que des hommes, pas de la fonction. Or, n’était-ce pas à la fonction de définir ce qu’en fait l’homme qui l’occupe, et non l’inverse ?

Deux choses l’agaçaient quelque peu, dans cette affaire.

La première, c’était les quelques râleries qu’elle avait reçu, notamment de clercs, qui lui rappelaient de manière forte condescendante que les élections ne concernaient que les spécialistes – c’est-à-dire – eux-mêmes. Oh, clairement, Mairi savait qu’elle était davantage experte pour pratiquer son foie que de la foi…  Oui, elle ne connaissait pas grand-chose à l’Eglise de la Sainte Lumière. Croyante, oui. Mais d’une manière très personnelle, qui si elle avait été exposée au grand jour apparaitrait sans doute pour les « fins connaisseurs » - si tant est qu’on peut connaître la foi comme certains connaissent les vins - comme au mieux ridicule, au pire comme un blasphème.

Pire, c’était en général les mêmes qui développaient une certaine schizophrénie, ou en tout cas, une bonne dose de mauvaise foi. Pour parler haut et clair de la lumière, visiblement fallait-il être connaisseur. Par contre, eux étaient visiblement dans leur droit de parler au nom de tous les hurleventois – avec un grand H – tous ces profanes qu’on avait réellement tendance à prendre pour de fieffés idiots ou de doux imbéciles.

La seule analyse sommaire  qui semblait ressortir de cette élection, c’était le fossé entre de nombreux Clercs de l’Eglise de la Sainte Lumière et les hurleventois. Si le sort du futur Evèque de Hurlevent était entre les mains des votants, des spécialistes, Mairi aurait mis sa main à couper qu’à lancer un sondage d’opinion auprès de ceux qui ne votent pas, on arriverait à un résultat sans doute bien différent.

Et ça, c’était sacrément intéressant.