Souvenirs de bataille par Skäli Brave-Tempête
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Souvenirs de bataille par Skäli Brave-Tempête
I
Rencontre au sommet
Une table ronde entourée de grosses huiles, sous une tente militaire dressée sur un sol de terre battue, la pluie martelant la toile épaisse. Ils sont tous là, fixant une croix rouge sur une carte de la région Nord, comme si elle pouvait apporter la réponse. Le silence est lourd comme la pluie qui s’abat sur nous. Soudain l’orage éclate.
— Il a craché le morceau. Il est foutu !
— Et nous avec, s’il a révélé tout ce qu’il sait !
— Mais on ne sait pas exactement ce qu’il a révélé !
— Vous savez comme moi que tout le monde finit par parler ! Dès lors qu’un soldat a craqué, il n’y a plus rien à en espérer !
— Tout de même, ça reste l’un de nos hommes !
— Ceux qui devront risquer sa peau pour lui aussi. Il est perdu, il n’y a rien de plus à décider. Navrée, Obelfer, mais vous connaissez tout aussi bien que moi le protocole. Le protocole doit être respecté. On ne peut pas faire d’exception.
Ils sont quatre, tous des colonels, chefs d’escadron. Celle qui dit non, c'est Enda Mordingard pour les Sombrefers, la prudence c’est Yorin Briséclair pour les Marteaux Hardis, les concessions c’est Tabata Terbantine pour les Gnomes, et enfin le grand silencieux de cette assemblée, qui regarde ses godasses depuis le début, Aard Obelfer pour les Barbes-de-Bronze, notre pacha. Je reste là à les regarder, en me demandant bien ce que je fous ici. Seul Obelfer avait tourné des yeux pleins d’espoir dans ma direction quand j’étais rentrée sous la tente, cinq minutes plus tôt. A peine un salut et j’avais compris que la situation était foireuse.
Mais qu’est-ce que je fous là ? Soudain une apostrophe :
— Mais qu’est-ce que vous foutez là, vous ?
Briséclair a enfin pris conscience de mon existence.
— Commandant en second Skäli Brave-Tempête, 8ème bataillon des Montagnards, colonel.
J’esquisse un salut militaire autant par habitude que par respect, sans y réfléchir. La discipline rentre vite. Comme un seul homme chacun fronce les sourcils dans ma direction à ces mots. Tous sauf un. Le pacha. Je sais à qui je dois cette invitation impromptue. Nouveau silence autour de la table. Maintenant, je ne quitte plus le pacha des yeux. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Quelques toussotements gênés autour de la table.
— Mais on a le droit de faire ça ? s’inquiète soudainement la gnomette.
Le colonel Marteau-Hardi lisse sa barbe d’une main :
— Techniquement, les officiers subalternes n’ont pas à siéger aux assemblées militaires de l’État-Major… Mais je suppose qu’elle a reçu une invitation spéciale.
A ce moment, Aard Obelfer cligne des yeux et se racle la gorge.
— Je l’ai invitée. Initiative personnelle. Second Brave-Tempête. Un de nos tacticiens a été capturé par l’ennemi. Il semblerait…
Sa voix se brise. Je ne l’ai jamais vu faillir, pas une fois en un demi-siècle. Quelque chose me glace l’estomac. On est vraiment dans la merde. A moins que… Les regards qui se posent sur Obelfer sont graves, presque peinés. Mordingard ajoute, en guise de clarification.
— Il s’agit du lieutenant Grond Obelfer, le fils du colonel. Aard, je n’ose imaginer ce que vous endurez. Mais nous ne pouvons pas déroger au plan. Vous devriez vous retirer de l’opération…
Le reste m’échappe, je viens de comprendre pourquoi il m’avait fait traverser la moitié du royaume en catastrophe, séparée de mes hommes pour une mission ultra confidentielle alors même que la guerre faisait rage dans les Hinterlands. Briséclair s’exclame :
— Aard, vous n’y pensez pas !
Mais le pacha n’y pense que trop, et j’arrive déjà trop tard. Nos regards se croisent. Ce n’est plus mon colonel, c’est un père dans la détresse qui me supplierait à genoux si son placard de médailles sur le plastron ne l’en empêchait pas. Elles doivent peser bien lourd ces décorations militaires à cet instant précis. Soudain, j’imagine Rynn, ma petite fille devenue grande, aux mains des Réprouvés. Seule, Interrogée, torturée, abandonnée par son bataillon dans une nuit interminable. Mon sang ne fait qu’un tour et mon poing s’abat sur la table de l’État-Major.
— J’irai.
Terbantine sursaute :
— On a vraiment le droit de faire ça ?
Personne ne lui répond. Nouveau malaise parmi les gradés. Le visage d’Aard Obelfer s’est illuminé, ses vieilles rides s’étirant dans une lueur d’espoir. Mordingard me jauge des pieds à la tête :
— Vous êtes sûre de vous, Brave-Tempête ? Je dois vous prévenir que vous serez seule. Officiellement, vous n’êtes jamais entrée sous cette tente. Personne ne vous accompagnera et personne ne viendra vous chercher. Est-ce bien clair ?
Mais je ne lâche pas Obelfer du regard. C’est grâce à lui que je suis entrée dans la 8ème. Et c’est pour lui que je suis ici.
— Limpide. Je le ramènerai, je vous en fais la promesse.
Geillis Jorgensen- Citoyen
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Re: Souvenirs de bataille par Skäli Brave-Tempête
II
Une aiguille dans une botte de foinBoum. Baboum. Boum. Baboum. Le rythme sourd me remplit les oreilles. Les pulsations du cœur de Grondorage résonnent à l’unisson avec la terre sous mes pieds, et un éclair vrille le ciel, irisant les plumes de l’animal sous la pluie. Abritée sous son aile gigantesque, j’endure le froid et l’attente, enveloppée dans une moiteur de bête chaude, vivante, incroyablement réconfortante. J’attends, il attend, nous attendons, silencieux, sous une percée de conifères, immobiles depuis des heures. Tapis au ras du sol pour échapper aux faisceaux ininterrompus de la tour de Gardefange, nous ne faisons qu’un avec la boue et la mousse. Sur ces terres maudites et stériles, la nuit tombe comme une chape de plomb, brutalement, plongeant toute forme de vie dans une angoisse muette. Seul le mugissement de quelque bestiole corrompue errant dans les sous-bois se fait entendre parfois, nous retournant les tripes à chaque bruissement. Grondorage frémit. Ici tout suinte la maladie et la mort. L’odeur de décomposition vous envahit les narines pour ne plus vous quitter. Grondorage avait d’abord soufflé, secouant la tête pour s’en débarrasser puis avait finalement renoncé.
Je passe une main sur son flanc autant pour l’apaiser que pour me calmer. C’est bientôt l’heure. Il est temps d’y voir mieux. A cinq cents mètres devant une légère lueur s’élève dans le camp réprouvé. Même les morts ont besoin de lumière dans la nuit, même si l’odeur qui nous parvient relève plus du charnier que du feu de camp. Je fronce les narines. Ce qui est mort devrait le rester. J’inspire profondément et ôte l’un de mes gantelets détrempés. J’enfonce mes doigts dans le plumage de Grondorage, près du cou, murmurant quelques paroles en kalimag. Des formules ancestrales que nous sommes seuls à comprendre. Quelques secondes passent tandis que je ressens avec de plus en plus d’acuité la présence de l’animal. Sa respiration, son cœur, l’envie de chasser. Mes yeux se révulsent et soudain tout s’éclaire à travers la pluie. Je quitte une partie de mon enveloppe charnelle, ce qui fait de moi ce que je suis, et je deviens lui. L’esprit du griffon me parle en images, en sensations. Griffon, prête-moi tes yeux. Mes yeux contre du sang. Un pacte tacite s’établit. Alors je vois.
Trois jours de traque à voler au-dessus des lignes ennemies. Trois nuits presque sans sommeil, à dormir sur le dos de Grondorage, à ne faire qu’un avec lui. Tous les deux dans le chaos de la guerre, entre un ciel gris et des terres dévastées. Les Réprouvés ont presque remporté la partie, abandonnant des terres contaminées aux vivants. Et au milieu de cet enfer, une étincelle de vie à sauver, comme une lueur vacillante dans l’obscurité. Nous suivions un trajet ténu, aiguillés par la vue perçante de Grondorage, ses instincts de chasseur exacerbés par l’urgence de la situation. Je distingue maintenant l’intérieur du camp comme si j’y étais déjà. Les patrouilles de Réprouvés, les tentes dressées à la hâte pour accueillir les troupes de la Horde toujours plus nombreuses. Nos yeux ratissent tout scrupuleusement, détail par détail, avant de le trouver. Une ombre trapue, bien vivante, dans une petite tente un peu à l’écart, surveillée par deux silhouettes filiformes et décharnées. Espérons qu’il ne soit pas trop tard.
J’avais troqué mon uniforme rouge pour un vert, une fois n’est pas coutume. Dans cette étendue grise et verdâtre, se fondre dans le paysage est un défi. J’avance à plat ventre dans la boue, mètre par mètre jusqu’à la tente. Ma progression est lente, ponctuée d’arrêts subis pour échapper à la vigilance des patrouilles. Grondorage plane comme une ombre au-dessus des pins, m’indiquant le mouvement des sentinelles comme autant de lueurs menaçantes qui clignotent dans mon esprit, traçant une carte mentale du camp. J’arrive enfin, et tire mon couteau de chasse, découpant d’un geste net le pan de tente qui me sépare encore de Grond Obelfer. Je secoue la tête, me coupant de la vision de mon fidèle compagnon.
Désormais, je suis seule. Grond est bien là, et je retiens un hoquet à la vue de son corps massacré. Je me secoue. Il ne me voit pas, mais je tends une main près de son cou. Il respire encore, faiblement, mais il est en vie. A cet instant, il ouvre un œil et sursaute, le regard paniqué. Comment pourrait-il me reconnaître ? Je plaque ma main sur sa bouche, et de l’autre atténue la lueur de la lampe à huile qui éclaire faiblement l’intérieur de la tente. Des ombres ténues se dessinent en négatif sur la toile, indiquant le passage des nécrogardes. Mes yeux plantés dans ceux du fils d’Obelfer, je souffle quelques mots et ses joues s’inondent de larmes. Le cauchemar va prendre fin.
Dernière édition par Geillis Jorgensen le Ven 2 Nov 2018 - 15:44, édité 1 fois
Geillis Jorgensen- Citoyen
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III
Dernière livraisonIl n’est plus temps de tergiverser, ou nous finirons tous les deux au fond d’une fosse. J’empoigne le fils du pacha et le jette en travers de mon épaule, lui intimant de rester silencieux. Grond Obelfer serre les dents, il sait que notre survie ne tient qu’à un fil. Je slalome entre les tentes, nous jetant dans la boue à chaque bruit. Le trajet semble interminable jusqu’à notre salut. Rangée de tentes après rangée de tentes, nous avançons péniblement. Soudain, on distingue enfin la sortie du camp. J’accélère un peu le pas, le visage en sueur, des crampes dans les bras. Une conversation s’élève dans la semi-obscurité et je me fige, les poumons brûlants. Grond étouffe un gémissement de douleur alors que je l’appuie sans ménagement contre une caisse de ravitaillement. Deux silhouettes se découpent devant un feu qui n’en réchauffe qu’une. Si nous traversons maintenant et qu’ils se retournent, c’en est fini pour nous deux.
— Où en êtes-vous dans les Hinterlands, Troll ?
La silhouette penchée d’un Troll se réchauffe les mains à la lueur du feu tandis que l’autre, plus courte et plus fine se tient droite, les mains dans le dos, jaugeant son interlocuteur avec défiance. Le Troll prend la parole, d’une voix grave et chaude.
— Les Marteaux Hardis, ils ont reçu des renforts de l’Alliance. Mais les Vilebranches, eux, ils avancent bien avec le loa. Ce sera bientôt prêt. Et ça, même les hommes de l’Alliance, ils s’y attendront pas.
A ces mots, le Troll sourit finement derrière ses défenses et incline le menton avec respect du côté de son vis-à-vis avant de plonger de nouveau son regard dans les flammes. Le non-mort n’exprime aucune réaction et marque une pause avant de reprendre.
— Bien. Faites-en sorte que ces sauvages acceptent l’association avec la Horde. Assez longtemps pour faire tomber le fort de Nid-de-l’Aigle et nous récupérerons Jintha’alor.
Le Troll tique un peu, ses épaules se raidissant insensiblement au mot « sauvages ». Le Réprouvé esquisse un sourire à glacer le sang.
— N’oubliez pas que vous avez tout à y gagner, Mumbasaï, articule-t-il d’une voix douce. Une fois que la guerre sera gagnée, sachez que la reine Banshee récompensera à sa juste valeur ses lieutenants les plus méritants.
Mumbasaï le coupe un peu sèchement :
— Et le prisonnier, il a parlé ?
— Sa participation s’est avérée plus que fructueuse. L’Alliance nous réserve une surprise des plus flamboyantes dans les Hautes Terres Arathies. Une machine de guerre gonflée à l’azérite, censée permettre le succès d’une opération de grande envergure contre nos troupes, et remporter une victoire décisive contre la Horde. Mais grâce aux informations fournies par notre ami nain, nous serons prêts à les accueillir comme il se doit le moment venu. Nous allons déployer nos meilleurs nécrogardes venus d’Andorhal en Arathi. Nous aurons besoin d’une escorte pour traverser vos terres via le ravin de Pestebrume.
Le Troll se raidit.
— Quand ?
Le Réprouvé sourit :
— Lorsqu’on vous sifflera.
Le Troll lâche une imprécation étouffée qui ressemble bien à une injure, avant de défier le Réprouvé qui ne cille pas, imperturbable. Le temps se fige un instant, et le Troll incline finalement la tête.
— Ce sera fait comme vous le voulez, seigneur Vilcreux.
Au moment où il tourne les talons, il laisse échapper un bref sifflement entre ses dents empli de dédain, et je choisis ce moment précis pour traverser.
Quelques mètres, c’est juste ce qu’il nous manque pour atteindre le couvert d’une bordée de pins et rejoindre Grondorage. Alors que je me concentre pour rétablir le lien entre nos deux esprits, une voix s’élève dans mon dos, aussi claire et tranchante qu’une dague plantée dans mes reins.
— Vous nous quittez déjà ? Quel dommage. Nous n’avons pas eu le loisir d’être présentés.
J’hésite à courir, Grond Obelfer en travers de mon épaule, une seconde plus tard, il est déjà trop tard.
Une rangée de nécrogardes nous barre la route et nous tient en joue avec des arbalètes. Des phalanges froides et noueuses m’attrapent par le bras et tentent de nous séparer, moi et mon précieux chargement. Ca ne peut pas se finir ainsi. Alors qu’un amas de chair putride m’enserre et que me débats vainement, un long sifflement aigu s’échappe de ma gorge, presque instinctivement, s’envolant dans la nuit comme un appel de détresse. En un instant, je me retrouve à genoux aux côtés de Grond Obelfer qui semble sur le point de s’évanouir, face au Réprouvé qui servait d’interlocuteur à Mumbasaï quelques minutes plus tôt. Ses yeux rouges me détaillent avec un intérêt de collectionneur de papillons, tout prêt à m’épingler sur sa table de dissection. Alors que je lui retourne un regard de défi, ses yeux s’écarquillent de surprise, mais je n’y suis pour rien.
Un battement d’ailes, accompagné d’un cri strident fend la nuit noire et la rangée de nécrogardes dans mon dos. Brusquement, c’est le chaos. Grondorage est venu réclamer sa part de viande faisandée. Des membres exsangues de Réprouvés volent au milieu de la mêlée et j’attrape mes marteaux, fauchant les non-morts qui me bloquent le passage. Vilcreux recule presque dignement, étonnamment calme, laissant ses hommes se faire massacrer sous les assauts déchainés d’un griffon furieux. Rapidement un cercle se forme autour de Grondorage qui renâcle et siffle les ailes déployées comme un avertissement funeste. Des clameurs s’élèvent partout dans le camp et une masse grouillante et indéfinie s’avance dans notre direction à grande vitesse, menaçant de nous submerger. Il est temps de filer. Profitant du faible périmètre ménagé à coups de griffes et de bec, je charge le fils du pacha sur le dos de ma monture et saute derrière lui sans perdre de temps.
Grondorage pousse un cri perçant et s’élève à regret, emportant quelques Réprouvés dans son sillage. Le vent nous fouette le visage avec un goût de liberté retrouvée, très vite anéanti lorsqu’une nuée de chauve-souris géantes se lance à notre poursuite. Je lance Grondorage entre les pins, zigzaguant pour semer nos poursuivantes en direction du mur de Thoradin, couchée sur l’encolure de mon compagnon, murmurant quelques mots d’encouragement. Mais les chauve-souris nous collent au train, redoutables traqueuses nocturnes. Grondorage peine sous l’effort alors que le mur se rapproche de plus en plus, ombre noire dressée contre l’aube naissante. Grond gémit faiblement, malmené dans cette folle chevauchée. Je regarde avec angoisse le mur qui nous attend, comme un dernier obstacle avant la fin. Quel que soit ce qui nous attend de l’autre côté, les chauve-souris seront bientôt sur nous. Alors que nous franchissons enfin la frontière des Hautes Terres Arathies, une courbe enflammée se dessine dans l’horizon, déchirant l’aube d’un coup de canon, bientôt suivie par d’autres détonations, s’abattant sur nos poursuivantes qui s’effondrent en hurlant, tombant comme autant de voiles noires s’écrasant des mètres plus bas. Un tir de barrage et propre et net comme seuls les Sombrefers savent le faire. J’apprendrai plus tard qu’Enda Mordingard savait recevoir ses invités comme il se doit.
Ce jour-là un père retrouverait enfin son fils.
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