Songe d'une nuit de cauchemar.

Le garde et son nouveau camarade devisaient sur la nécessaire probité qu'il convient d'avoir pour exercer leur métier. Tard dans la nuit, la jeune recrue signala son intention de se retirer dormir tout en mentionnant qu'elle n'avait pas vraiment d'habitation qui lui était propre. Le garde lui proposa de l'héberger et lui donne un double de ses clefs tout en lui montrant un point sur une carte, entre les faubourgs et le Quartier des Nains. Une heure passa et il signala sa fin de service, juste après avoir procédé à l'entretien minimum requis de son armure. Enfin il allait goûter à un repos plus ou moins mérité...

Une fois arrivé chez lui, il vit donc son collègue affalé sur le côté du lit. Il décida de s'allonger sur le bout de lit qui restait. Et ne tarda pas s'en aller dans un profond sommeil....

Un sommeil qui peu à peu laissait place à des images, des formes en mouvements, des couleurs diverses et même des bouts de mots. Quelque chose dans sa tête se mettait en place. Peu à peu, à la manière d'un puzzle dont les pièces étaient sans réelle forme et éthérées, une scène se mettait en place. Cette scène laissait la part belles aux couleurs sombres. Des nuages oscillants entre le gris fer et le gris anthracite catapultaient des grondements blancs opalins et albâtres sur un sol allant du noiraud au marron Senois. Des relents funestes se faisaient sentir sentir et la maigre végétation aux alentours semblait à elle seule incarner l'idée que l'on peut se faire de la décrépitude.

Comme un vautour survolant un charnier, une vue se fit plongeante, du ciel vers un groupe d'hommes, de nains et d'elfes. Ils étaient quatre. Un homme, un kaldorei, un gnome et une naine. Chacun était vêtu d'atours aux couleurs discrètes, s'adaptant aux décors lugubres qui les entouraient. Chacun avait le visage masqué par une capuche et un masque. Chacun avec sa spécialité. La naine s'y connaissait en tactique, le gnome était un tireur hors-pair doté d'un fusil trafiqué, l'elfe surpassait tout le monde en ce qui concernait la discrétion, et l'homme se contentait de suivre le groupe, assimilant les spécialités de chacun avec plus où moins de réussite.

Le groupe avait pour mission de récupérer une sorte de formule élaborée par les savants fous des Réprouvés, ces aberrations abhorrées par toute personne un tant soit peu équilibrée. Au besoin l'ordre de mission stipulait qu'ils pouvaient se contenter de détruire les locaux à l'explosif. Le local en question était une petit manoir décrépi, aux façades sombres et aux fenêtres brisée. Bien qu'il sembla à l'abandon, une fumée d'un vert maladif sortait d'une cheminée à moitié détruite. L'air aux alentours y était empuanti par le miasme en question. Le groupe pu s'approcher en silence et discrètement, aidés en cela par la végétation poussive et malingre. Deux gardes réprouvés gardaient l'entrée du manoir.

Le gnome s'appliqua à faire éclater les crânes jaunis des deux gardes grâce à son fusil doté d'un silencieux. Il lui fut demandé de couvrir le reste du groupe et d'attendre son retour. L'elfe, le nain et l'homme entrèrent dans le manoir sans difficulté. L'intérieur était couvert de détritus en tous genres: des restes séchés de liquides chimiques et alchimiques, du sang coagulé, des membres d'humanoïdes pourrissants dont les tonalités de couleurs variaient entre le violacé et le marronâtre. Des larves y avaient élues domicile et l'odeur de décomposition imprégnait fortement les lieux. Deux battants en bois vermoulus à même le sol étaient visibles sur l'un des côtés de la salle principale. Et c'est là que commencèrent les problèmes.

Bien que le groupe pris soin de s'assurer qu'aucun piège était relié à la porte, l'elfe fût surpris par un son aigu d'une série de cinq flèches rouillées et barbelées. L'une lui déchira une ses bourses et s'enfonça vers la vessie, la seconde l'atteignit au foie, alors que la dernière lui perça la gorge. Ainsi mourut le kaldorei, son corps s'affaissant dans une flaque d'urine, de bile et de sang, ce dernier fluide étouffant les derniers mots qui tentaient de sortir de sa bouche. Les deux dernières se plantèrent au plafond.

La naine rencontra son funeste et tragique destin en sautant par-dessus un des quelques pièges visibles qu'elle et l'homme croisaient dans le couloir éclairé par des torches mourantes, s'enfonçant dans les profondeurs du manoir. Seulement le vrai piège consistait à les faire s'habituer à détecter des pièges facile à voir. Le vrai piège se trouvant juste après un fil visible pour qui était un minimum attentif; il s'agissait classiquement d'une dalle qui, sous le pas de la naine s'enfonçait prestement dans le sol. plusieurs nuages de gaz sortirent d'orifices trouant le plafond et les murs pour atteindre le visage et le torse de la naine. Pendant un moment tout allait bien, peut être le gaz avait-il perdu de sa nocivité? Cependant après une dizaine de mètres, la naine senti sa peau la démanger. Un peu. Un peu plus. Toujours plus. Et encore plus... La douleur se fit insupportable, des bubons jaunâtres gonflaient à vue d’œil, laissant suinter un mélange de pus et de sang. Puis des morceaux de peau se détachèrent. Ils tombaient chacun leur tour, finissant par laisser apparaître les os de la pauvre naine. Son cerveau fini par se liquéfier, ce qui la enfin passer de vivante à défunte. Il ne restait plus que sur le sol une moitié de corps baignant dans une mare de chair fondue.

L'humain, posté à quelques mètres en arrière, commençait à perdre ses moyens, et vomit dans son masque. Il enleva le tissus souillé et avança. La sueur perlait sur son front. Mais il avait atteint son but! Une salle se faisait voir juste après un virage, mieux éclairée que le couloir. Il pris peu à peu conscience de son environnement. Des tables où étaient attachés des cadavres, quelques tomes moisis posés sur des étagères et des notes écrites sur de parchemins en peau humaine posées sur d'autres tables, plus petites. Ce qui fini par attirer son attention était un bruit qui se faisait de plus en plus présent. Un bruit de pas. Des pas qui claquaient sur un sol de pierre. Ce bruit se rapprochait à grande vitesse. L'étagère tomba sans crier gare poussée par des squelettes armées de poignards et d'épées rouillés. S'en était trop. Il s'enfuit par là où il était rentré, parvenant la Lumière sait comment, à esquiver les pièges.

Il avait pu fuir. Fuir comme jamais il n'avait pu fuir. Il retrouva son collègue gnome toujours en position. Il s'approcha de lui, allant lui dire qu'il fallait absolument déguerpir d'ici et que la mission était loupée. Il s'approcha donc. Le gnome ne bougeait toujours pas, alors que les squelettes commençaient à gagner du terrain. Enfin il vit l'horreur de la situation. Le gnome avait été empalé, un pieu clouté sur son long et corrodé le traversant du fondement et sortant du sommet de son crâne. Des matières fécales, des fluides divers et de la matière grise étaient sortis par les espaces laissés entre la chair et les os, et les orifices nouvellement créés.

L'humain perdit la raison et couru comme un dément vers des cieux n'étant pas maudits par les Réprouvés. Ces derniers savaient que l'Etat-Major de l'Alliance était au courant des recherches menés par les savants maudits. Ils s'en étaient tout simplement allés vers des zones plus sûres, mais avaient conçu ces pièges par amusement. Pour le plaisir malsain d'infliger des souffrances et montrer à leurs ennemis que même en se repliant ils pouvaient les tenir en échec, préserver leurs secret et faire disparaître leurs meilleurs agents.

Le garde fini par se réveiller en sursaut. Suant abondamment, la boule au ventre. Ce n'était qu'un cauchemar se dit-il d'abord. Puis il se rappela des noms de chacun. Flega la naine. Piglox le gnome. Meleanoth l'elfe. Oui c'était un cauchemar. Un cauchemar qu'il avait vécu dans une vie passée. Réel. Passé mais qui a été.

Des larmes coulèrent le long de ses joues, salées. Après quelques minutes il se leva et s'aspergea le visage d'eau fraîche puis bu un verre de jus de baies lunaires. avant de tenter de se rendormir dans les ténèbres de la nuit...