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Mémoire - Racines

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Mémoire - Racines Empty Mémoire - Racines

Message par Saig Segondell Jeu 24 Juin 2010 - 13:24

~ Atlantis OST - Muria ~


" Car, comprends-le, notre Foi est la plus difficile de toutes. Elle prend tout ; elle ne donne rien. Ni toi, ni moi, ni aucun de ses autres enfants n'avons le droit de Lui réclamer quoi que ce soit. Nous sommes à Elle. Nous servons. Du plus profond de notre âme, nous servons. Dans le moindre de nos gestes, nous servons. Laisse le faste et l'éclat aux fils de la Lumière ou de l'Ombre, qui ne connaissent pas nos nuances ; à nous, le secret et la tradition, à nous, la crainte et les demi-mots, à nous, la véritable Ferveur, celle qui se vit et ne se voit pas, celle qui se sent et ne se dit pas.

La principale différence entre les croyants du Jour - ou de la Nuit, qui n'en est qu'une autre facette - et nous ? Leur Foi est au-dessus d'eux ; la nôtre est autour. Eux voudront des réponses à leurs prières et réclameront des faveurs. Nous, de notre côté, craignons Sa colère et ployons le genou pour qu'Elle ait l'infinie grâce de nous laisser vivre encore. Exister est une faveur suffisante. Mais exister en ayant conscience d'Elle est le plus précieux des cadeaux. "


**


" Quel est ton plus vieux souvenir ?

Mon plus vieux souvenir est une tape sur la main. "



Une chiquenaude, assez rude, suivie d'une autre sur la nuque. C'est son père qui le morigène en silence. Ils sont sur la plage, à réparer les filets de pêche, ces grands filets noirs qu'il est bien incapable de manier encore, tant ils pèsent lourd. Il est si jeune, très, très jeune. Ses mains sont toutes petites sur l'aiguille à ramender. Son père le guide, ses grandes paumes abîmées fermées sur ses poignets, il lui montre le jeu des mailles, et comment glisser la navette entre les fils épais. Ils parlent très peu. Lui parce que la plupart des mots lui sont encore étrangers, mal maîtrisés, son père parce qu'il a appris à s'en passer. Ils travaillent, tous les deux, à mesure que le soir tombe doucement, près du ressac grondant sur le rivage et cependant assez proches du marais pour entendre les coassements incessants qui s'en élèvent.

Il regarde son père. Il l'admire. Il l'aime beaucoup, son père. C'est un homme grand et large d'épaules, au visage buriné, le nez un peu cassé. Des cheveux noirs, courts, et des yeux gris comme la mer quand elle s'agite sous le reflux. Son nom, c'est Derek. Il l'appelle 'Rek, ou 'Pa. Il a remarqué que les deux noms illuminent de même manière le visage du grand homme, et atténuent son expression généralement bourrue pour faire naître mille petits plis au coin de ses yeux. Son père sourit avec les yeux, rarement avec les lèvres. Mais ce sourire-là, ce regard-là, ils ne peuvent pas tromper.

Quand il n'y a plus assez de lumière pour travailler, ils rentrent. Derek ramène les filets sur la barque renversée, dos de bois face au ciel, et lui, il court un peu dans le sable, maladroit, chahute les vaguelettes qui lui lèchent mollement les chevilles. Il partira en mer lui aussi, un jour. Il ramènera du poisson lui aussi, un jour. Il le fera, quand il aura les mots pour demander. Quand il aura les mots.

Hors de la toute petite cahute de bric et de broc qui leur tient lieu de demeure, à la lisière du marécage, sa mère les attend. Elle l'appelle. Sa voix est claire, vibrante de tendresse sous une pointe d'inquiétude. Qu'il ne s'éloigne pas. C'est dangereux. Il sait, bien sûr. Il sait pour les murlocs, pour les crocilisques et pour les bêtes du marais. Il est raisonnable, il n'ira pas.

Un second appel. Cette fois il délaisse son jeu avec l'eau et le sable et rentre en courant, riant un peu. Sa mère lui ébouriffe les cheveux, mais ne le regarde pas. Ses yeux sont tournés vers l'océan. Non. Plus loin que l'océan encore, vers Ailleurs. Il reconnaît ce regard-là car elle le lance souvent depuis le seuil de la maison ; ce n'est pas tout à fait le même lorsque son père part pêcher. Ce n'est pas l'appréhension mêlée d'attente qu'il devine quand elle lui parle des périls que Derek court tous les jours pour leur ramener à manger. C'est quelque chose de tellement plus triste. C'est de l'espoir, et c'est du regret. C'est du chagrin, et c'est une supplique.

- Bettie, dit simplement son père en passant le seuil à son tour, ça ira. "

Là elle se détourne enfin, leur sourit à tous les deux et tourne le dos à l'océan. Il se tient un moment à sa place, regardant au loin le moutonnement des vagues et se demande, un court moment, ce qu'elle espère voir l'eau lui apporter pour qu'elle puisse le désirer avec tant de détresse et de force.

Quand il aura les mots, il demandera. Oui. Quand il aura les mots.
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Message par Saig Segondell Sam 26 Juin 2010 - 11:41

~ Loituma - Kun Mun Kultani Tulisi ~

**

A Celle qui règne sur nous, à celui qui se fait Son héraut ;
Je vous salue.
Glorieux sont les chemins que vous ouvrez dans l'écume.

Moi votre enfant, j'appelle votre regard ;
Qu'il soit bienveillant.
Soyez la vague, mais ne broyez pas.
Soyez la foudre, mais ne frappez pas.
Soyez la houle, mais ne noyez pas.

Vos voix sont celles de l'eau,
Qu'elles me préservent du naufrage :
Car mon âme, elle,
A déjà sombré ;
Car mon âme, elle,
Vous appartient déjà.


**



S'hi'g.

C'est son nom. S'hi'g. C'est un chuintement léger, propice aux murmures et aux sourires volés. Propice au secret. L'attaque sifflante d'abord, puis cette petite expiration légère, pointe de la langue contre le palais, qu'omettent si souvent les gens de la terre ferme - quand ils ne font pas l'inverse, c'est-à-dire l'appuyer de trop et souffler comme des boeufs sous le carcan. Le "i" ensuite, un peu allongé, puis la dernière note gutturale, si ténue, à peine prononcée. S'hi'g. C'est un son de ressac. Le cri d'une vague contre le sable ou les rochers. Il aime son nom. Il ressemble à tout ce qu'il admire.

Devant la maison, quand il y a assez de soleil, sa mère essaie de le lui faire écrire. Avec le liquide récupéré sur les glandes de certaines bêtes sous-marines, mêlé au suc des ajoncs, en guise d'encre, et une plume ramassée pour tout matériel. Il écrit sur un parchemin délavé et détrempé qui a servi maintes fois et qui, trop écorché ou trop buvard, réduit ses tentatives à de misérables pâtés. Mais sa mère sourit. Parce qu'il persévère. Elle dit qu'il sera aussi entêté que son père, et elle rit. Un peu. Car ses yeux glissent aussitôt sur l'océan et son rire se tait, comme à chaque fois, comme toujours.

Elle se ressaisit vite toutefois. Et comme toujours, elle va chercher un livre, le Livre, l'unique en leur possession. L'un de ces livres naïfs qu'on offre aux enfants pour les instruire sur les Vertus de la Lumière. Il aime bien le Livre, car il y a des images et beaucoup de couleurs, et ce n'est pas grave si certaines ont bavé. Sa mère l'installe sur ses genoux, et commence doucement à lire. Dans ses histoires, il y a beaucoup d'animaux qui parlent comme des hommes. Dans les histoires, il est souvent question de fraternité, d'harmonie avec son prochain, d'empathie, de solidarité. Bien sûr, il comprend, et il sait que c'est bien. Il apprend Respect, Ténacité, Compassion. Pourtant, une question lui brûle toujours les lèvres.

- Dis, maman... Si l'oie a sauvé la souris, c'est bien par Compassion ?
- Oui, Saig.
Elle sourit, heureuse. Par Compassion.
- Mais la Lumière alors, qu'est-ce qu'elle fait, elle ? "


Il voit battre les cils de sa mère, embarrassée par la question, ne sachant que dire. Elle ferme lentement le Livre et le pose dans le sable, à côté, avec délicatesse, pour bercer son fils contre elle.

- La Lumière, Saig, et bien... La Lumière... Elle est les Trois Vertus à la fois, et... Et tellement plus que cela. La Lumière... Tu comprendras. Elle fait des miracles.
- Des miracles ?
" Il écarquille les yeux, intéressé. Les miracles, c'est comme les Merveilles que lui raconte son père. Des choses étranges, belles et fabuleuses, si dangereuses parfois.

Sa mère le regarde longuement et semble réfléchir, les traits tirés, angoissée. Il remarque qu'elle a maigri. Même si elle n'était pas bien épaisse avant, comme eux trois. Il sent les os de ses côtes, un peu, quand il se presse contre elle. En retour, elle le berce plus fort, le serre d'une manière qui le rend mal à l'aise. Trop forte, trop grave.

- Tu sais, Saig... Quand tu étais tout petit, vraiment tout petit... Tu es tombé gravement malade.
- Malade ? Vraiment très malade ? Malade comment ?
- Tu... toussais beaucoup. Tu avais de la fièvre et du mal à respirer. C'était comme si... Comme si tu avais de l'eau dans la poitrine. Ton père et moi... On pensait que tu allais mourir. Même si je sais faire des remèdes avec les plantes, j'avais peur que cela ne suffise pas... Alors... Alors j'ai prié. Je L'ai priée. La Lumière. De toutes mes forces, pendant trois jours. Et... Et... "


Il sent sa voix s'étrangler. Relevant la tête vers elle, il voit sa mère qui lui sourit comme une désespérée, les yeux brillants.

- ... Et au bout du troisième jour, ton état s'est subitement amélioré. Comme ça. Je crois... Non... Je suis sûre que la Lumière a répondu à mes prières. Tu comprends, mon chéri ? Elle t'a sauvé la vie... C'est ça, un miracle. "

Silencieux un moment, il hoche la tête. L'histoire lui semble étrange. Il n'a pas le souvenir d'avoir été malade, mais il ne doute pas de la sincérité de sa mère. Réfléchissant à ce qui a été raconté, il se fait de la Lumière une image floue, désincarnée. Quelque chose de puissant, qui rend la santé à ceux qui sont malades. Il se dit que c'est plutôt pratique, finalement.

Un peu plus tard, il va trouver son père. La pêche a été bonne. Derek chantonne en déchargeant les filets.

- 'Pa. C'est vrai que la Lumière m'a sauvé quand j'étais bébé ? "

Son père s'arrête. Lui lance un drôle de regard, qui lui rappelle celui de sa mère, un peu. Le regard des gens terrifiés à l'idée de perdre ce qu'ils ont failli se voir arracher. Finalement il s'assoit, tapote le sable à ses côtés. L'enfant s'installe en tailleur, à côté.

- C'ta mère qui t'a dit, hein. L'a presqu'raison. T'as été m'lade quand t'étais p'tiot. Yak'. Mais c'pas l'Lumière qu't'a sauvé.
- Quoi alors ? "


L'homme fait un geste du menton, droit devant, muet. Face à eux, l'océan déroule ses anneaux d'écume.

- Quand ça s'vu qu't'allais pas t'en sortir t'seul, j'suis allé La trouver. Just'là. J'ai l'vé ma main gauch' et j'coupé une ph'lange, pour lui offrir. J'ai dit, j'ai qu'mes mains. J'te les offr', mais m'prends pas mon fils. J'te donn'rai tout, mais m'prends pas mon g'min. L'lend'main, pareil. J'ai l'vé la main droit', j'coupé. Et j'priais t'jours, yak'. L'troisièm' jour, pareil. Trois offrandes, p'tit. Et l'soir mêm', t'allais mieux. "

Il baisse les yeux vers les mains de son père. Il fixe les deux auriculaires, dont l'un, plus court encore que l'autre déjà amputé, ne survit que par la racine. Il avait déjà remarqué que ces doigts-là, chez son père, étaient anormalement petits, mais il n'avait encore jamais demandé.

- Et si j'avais pas été bien... T'aurais continué ? "

Derek se contente de lui sourire. La question ne se pose même pas.

Le sacrifice de son père l'impressionne. Plus encore que l'histoire de la Lumière salvatrice, oui, bien plus. Une offrande de chair au grand monstre grondant qu'est l'océan, bien plus concret et présent qu'une Lumière abstraite, cela parle et résonne longtemps dans son esprit d'enfant.

Il se demande s'il sera un jour capable d'autant de révérence que son père, et si l'Eau daignera l'écouter, lui aussi.

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