Une nuit en Comté-du-Nord

Le jour avait décliné depuis plusieurs heures déjà, laissant l’astre nocturne dispenser une lumière feutrée et argentée sur la forêt d’Elwynn. Quelques averses de pluie, l’air encore frais d’un début de printemps, une soirée ordinaire et banale, contrastant avec l’hystérie citadine.

Tout près de la cascade de Comté-du-Nord, pareille à un flot de métal liquide, deux femmes croisaient le fer. La plus grande et robuste des deux tentait de faire reculer son adversaire, plus frêle, brune, armée d’une longue et fine épée. Quelques grognements de douleur lorsque l’acier écorchait la chair vinrent rompre le silence et la quiétude du lieu, accompagnés de crissements métalliques caractéristiques lorsque les armes se rencontraient.

L’entrainement resta amical malgré l’antagonisme des deux humaines. Il n’y eut pas de coups fourrés, pas d’éclats. Aucun éclair de Lumière ou d’Ombre ne zébra l’air pour terrasser l’une ou l’autre.

Elles se frôlèrent. Le but n’étant pas - plus - de se détruire ou de prouver une quelconque ascendance. L’heure était bien à la trêve et aux concessions et elles s’entrainaient ce soir en alliées même si aucune des deux n’oubliait la véhémence des affrontements disputés par le passé.

Aloyse poussa un peu l’offensive pour harceler Céralynde de coups rapides et précis, la forçant à se défendre et à concéder, du sang et du terrain. Le Major se blessa profondément la main en stoppant une attaque et fêla une cote du Légat en y envoyant le plat de la lame. De coups d’estoc en coups de poing, elles s’épuisèrent rapidement, les respirations rapides et sifflantes. L’une peu habituée aux entrainements de ce type, l’autre affaiblie par une grossesse avancée.

La brune Céralynde, acculée contre le tronc d’un arbre centenaire dévia encore la trajectoire d’un coup visant son poignet et repoussa la blonde Anna à quelques mètres d’elle. Les deux prirent le temps de réguler leur respiration et c’est le Major de la Garde qui passa à l’offensive, s’élançant vers le Paladin.
Elle s’effondra dans la terre humide en pleine course, atteinte à la cuisse par un projectile silencieux venu des ténèbres alentour. Un regard sur la fléchette plantée dans sa cuisse, elle agrippa la main tendue de son adversaire et sombra dans les bras de celle-ci. Anna eut à peine le temps de poser la démoniste à terre, d’évaluer l’étendue et la gravité de ses blessures qu’un autre projectile vint se loger dans son fessier. Elle tourna rapidement la tête vers la rive, crispant sa main sur la garde de son épée, et sombra à son tour dans un sommeil lourd.

Des mains rudes et brutales agrippèrent les deux femmes pour les traîner jusqu’à la berge. Quelques sons gutturaux furent échangés à voix basse et la rivière fut traversée, laissant le silence et la nuit reprendre leurs droits sur le versant Ouest de Comté-du-Nord.

Les premiers rayons de l’astre diurne révélèrent, au petit matin, une terre piétinée et maculée de sang séché, sang versé en abondance par endroits. De profonds sillons ravinaient la terre jusqu’à la berge. Aucune trace du Major de la Garde, ni du Légat de la Cathédrale