Le ventre de la bête
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Le ventre de la bête
alors il avise le miroir : le grand reflet d'homme sanglé dans l'armure ; l'acier rutilant, l'éclat grenat, la flamme du tabard ; le regard aigu et l'oeil gris fusil ; la mâchoire franche aux joues déliées ; la bouche svelte, s'ourlant bientôt sur les dents... tout à fait blanches les dents, crayeuses -- larges et ordonnées, faîtes pour broyer.
Il plonge les mains dans la bassine d'eau aux pétales de bergamote : frictionne la peau tiède, se coiffe avec les doigts.
Finit par hocher la tête, à peine. Il a vu ce qu'il voulait voir. Détend les lèvres sur la moue habituelle.
Sans se détacher du reflet l'œil accroche la forme timide dans l'encadrement de la porte.
L'enfant en robe beige, tablier et poussiéreuses dentelles. Figure ronde pudiquement enfouie sous les mèches aile-de-corbeau.
Il la fixe pendant un long moment.
céralynde.
Gardant la nuque ployée elle approche avec lenteur. Tend vers lui la main craintive du dévot qui porte offrande.
Il l'observe toujours dans le miroir.
Les doigts agiles papillonnent dans son dos : elle a commencé à défaire les sangles de l'armure. Force de l'habitude. Il connaît bien.
Il l'aide.
En chausses et tunique de feutre noir il la repousse pour lacer ses bottes par lui-même... rajuste le col rigide sous le menton et place sur ses épaules l'étole de loup cendré.
Elle vient délicatement brosser la fourrure.
Ils n'ont pas échangé un mot depuis qu'elle est entrée dans l'ombre diffuse du manoir.
Elle l'a suivi. Elle le suit depuis l'aube. Il l'a vue au matin, dos au muret du portail : blottie contre le lierre, joue humide d'aiguail ; flanquée d'un chiot au poil sable qu'il a reconnu avant elle.
Ce soir l'animal est resté sur le porche. Il ne sait pas pourquoi, rentrant du devoir, il a tenu la porte à l'enfant.
Il se dit qu'elle suivra toujours s'il l'empêche. Alors il lui montre le grand vide.
Et il n'arrive pas à capturer son regard ; qu'elle coule sur la fresque de papillons séchés, près du vitrail.
Contrarié, il se redresse.
Dans un murmure d'étoffe il a tourné le dos. Elle s'élance à sa suite.
Leurs pas charrient des nuées de poussière. Le plancher se fend comme des brindilles sous le pied. Elle est déjà venue ici, elle connaît sa route.
« on » l'invitait souvent. « On » lui parlait beaucoup de Céralynde. Il l'a déjà croisée trois fois.
La fille s'attarde sur les toiles d'araignée, les chandeliers tordus aux bougies manquantes, les tentures tachées. Il ralentit la foulée pour la laisser voir, puis s'engage dans la salle à manger.
Sur la table un chaos d'assiettes empilées, les couverts en croix par-dessus les restes figés et la nappe froissée au milieu. C'est ainsi depuis qu'« on » ne s'en occupe plus.
Il a congédié les domestiques aux mines affolées -- à ciller furieusement, ils lui donnaient l'impression de s'être mal lavé les mains.
L'enfant ne retient pas un hoquet de surprise. Il sourit.
L'effluve de repas froid, de moisissure est une chape. Il fait signe de prendre place, se dirige vers le buffet d'où il tire une bouteille ; un Chianti tirasien à l'étiquette terreuse.
Et il prend des assiettes de la pile, qu'il dispose devant eux avec la fourchette d'argent et son couteau. Puis, deux verres en cristal que la suie a presque rendu opaque.
Alors il soulève le couvercle du plat -- ça sent le bœuf crevé, c'est âcre, informe sous une sauce pétrifiée comme une croûte. Il sert deux louches à la fille, autant pour lui-même.
Il s'assoit, ils se font face ; Céralynde qui baisse le nez sur la pitance, qui pince les lèvres.
Il remplit son verre puis le sien.
Il la détaille, fourchette en suspens près de l'assiette.
« Tu ne manges pas, petite dame ? »
Elle rougit derrière le rideau de cheveux, prend une bouchée. Mais la voilà bientôt qui grimace et qui tousse, et porte la serviette à sa bouche pour recracher la viande gâtée.
« Alors bois. »
Elle boit, urgente, voudrait essuyer le relent de cadavre. Il l'imite, déglutit. Gangrène d'écorce, pourriture sucrée, feuilles mortes. Bouchonné.
Il claque de la langue, déçu ; repose le verre vide sur la table.
Se ressert, et encore, tandis qu'elle sirote avec application. Il s'émerveille de sa bonne volonté, oui ; mais « on » l'avait prévenu : une élève admirable.
« Regarde-moi. »
Ce n'est pas immédiat. Elle finit pourtant par relever la tête, l'œil à peine voilé par l'alcool est porté droit devant, sur lui ou à travers lui.
Et il lit enfin dans les yeux gris pers... toutes les questions et les suppliques et la peine que lui-même ne saurait ressentir, n'est-ce pas ?
Il lui semble qu'ils se dévisagent pendant des heures.
Cette douleur sincère le fascine autant que le sang qui lui bat aux oreilles.
Finalement :
« Que cherches-tu ? »
Elle parle comme si un éclat de voix pouvait faire trembler le monde :
« Lauriel. »
Il étouffe un rire sur une gorgée de vin. Il se sent dissipé, fiévreux.
« Elle est partie. »
Elle chuchote le terrible secret :
« Elle ne voulait pas partir. Elle voulait rester avec nous. »
Il grince, nasille.
« Quelle importance ? »
Et l'enfant secoue la tête, persuadée, voulant l'en persuader aussi :
« Mais elle est encore là. »
Elle sursaute. Il s'est relevé et fait face au mur nu avant d'avoir pu s'en rendre compte ; il décroche le mousquet et revient à elle, arme au poing, phalanges blêmes crochées sur la crosse.
Elle n'est pas aussi terrorisée qu'elle le devrait. Il la tire rudement par le coude -- elle n'a pas pu déposer la fourchette -- et ainsi jusqu'au hall tandis qu'elle trébuche pour tenir la cadence de sa foulée immense.
Alors il déploie la porte d'un geste sec ; le corridor diffuse son halo pâle sur le perron. Il lâche enfin l'enfant qui s'écorche le genou sur la pierre, la repousse plus loin d'un revers de bras.
Le chiot qu'« on » a offert à Céralynde est là, tapi contre une marche ; il dresse les oreilles, et son œil vif... le chiot de Lauriel, qu'il a vu naître ici.
Il arme le mousquet et le doigt écrase la détente sans une hésitation.
Est-ce l'animal ou la fille qui gémit ? Le sang afflue sous ses bottes, et l'enfant court et titube et s'écroule et se relève le long du sentier bordé de peupliers.
Le pelage sable s'auréole de pourpre ; le petit corps agite une dernière fois la patte.
Il reste là longtemps à écouter les aboiements brisés des chiens derrière l'écurie, à contempler le balancement morne des chevaux toqués.
Il plonge les mains dans la bassine d'eau aux pétales de bergamote : frictionne la peau tiède, se coiffe avec les doigts.
Finit par hocher la tête, à peine. Il a vu ce qu'il voulait voir. Détend les lèvres sur la moue habituelle.
Sans se détacher du reflet l'œil accroche la forme timide dans l'encadrement de la porte.
L'enfant en robe beige, tablier et poussiéreuses dentelles. Figure ronde pudiquement enfouie sous les mèches aile-de-corbeau.
Il la fixe pendant un long moment.
céralynde.
Gardant la nuque ployée elle approche avec lenteur. Tend vers lui la main craintive du dévot qui porte offrande.
Il l'observe toujours dans le miroir.
Les doigts agiles papillonnent dans son dos : elle a commencé à défaire les sangles de l'armure. Force de l'habitude. Il connaît bien.
Il l'aide.
En chausses et tunique de feutre noir il la repousse pour lacer ses bottes par lui-même... rajuste le col rigide sous le menton et place sur ses épaules l'étole de loup cendré.
Elle vient délicatement brosser la fourrure.
Ils n'ont pas échangé un mot depuis qu'elle est entrée dans l'ombre diffuse du manoir.
Elle l'a suivi. Elle le suit depuis l'aube. Il l'a vue au matin, dos au muret du portail : blottie contre le lierre, joue humide d'aiguail ; flanquée d'un chiot au poil sable qu'il a reconnu avant elle.
Ce soir l'animal est resté sur le porche. Il ne sait pas pourquoi, rentrant du devoir, il a tenu la porte à l'enfant.
Il se dit qu'elle suivra toujours s'il l'empêche. Alors il lui montre le grand vide.
Et il n'arrive pas à capturer son regard ; qu'elle coule sur la fresque de papillons séchés, près du vitrail.
Contrarié, il se redresse.
Dans un murmure d'étoffe il a tourné le dos. Elle s'élance à sa suite.
Leurs pas charrient des nuées de poussière. Le plancher se fend comme des brindilles sous le pied. Elle est déjà venue ici, elle connaît sa route.
« on » l'invitait souvent. « On » lui parlait beaucoup de Céralynde. Il l'a déjà croisée trois fois.
La fille s'attarde sur les toiles d'araignée, les chandeliers tordus aux bougies manquantes, les tentures tachées. Il ralentit la foulée pour la laisser voir, puis s'engage dans la salle à manger.
Sur la table un chaos d'assiettes empilées, les couverts en croix par-dessus les restes figés et la nappe froissée au milieu. C'est ainsi depuis qu'« on » ne s'en occupe plus.
Il a congédié les domestiques aux mines affolées -- à ciller furieusement, ils lui donnaient l'impression de s'être mal lavé les mains.
L'enfant ne retient pas un hoquet de surprise. Il sourit.
L'effluve de repas froid, de moisissure est une chape. Il fait signe de prendre place, se dirige vers le buffet d'où il tire une bouteille ; un Chianti tirasien à l'étiquette terreuse.
Et il prend des assiettes de la pile, qu'il dispose devant eux avec la fourchette d'argent et son couteau. Puis, deux verres en cristal que la suie a presque rendu opaque.
Alors il soulève le couvercle du plat -- ça sent le bœuf crevé, c'est âcre, informe sous une sauce pétrifiée comme une croûte. Il sert deux louches à la fille, autant pour lui-même.
Il s'assoit, ils se font face ; Céralynde qui baisse le nez sur la pitance, qui pince les lèvres.
Il remplit son verre puis le sien.
Il la détaille, fourchette en suspens près de l'assiette.
« Tu ne manges pas, petite dame ? »
Elle rougit derrière le rideau de cheveux, prend une bouchée. Mais la voilà bientôt qui grimace et qui tousse, et porte la serviette à sa bouche pour recracher la viande gâtée.
« Alors bois. »
Elle boit, urgente, voudrait essuyer le relent de cadavre. Il l'imite, déglutit. Gangrène d'écorce, pourriture sucrée, feuilles mortes. Bouchonné.
Il claque de la langue, déçu ; repose le verre vide sur la table.
Se ressert, et encore, tandis qu'elle sirote avec application. Il s'émerveille de sa bonne volonté, oui ; mais « on » l'avait prévenu : une élève admirable.
« Regarde-moi. »
Ce n'est pas immédiat. Elle finit pourtant par relever la tête, l'œil à peine voilé par l'alcool est porté droit devant, sur lui ou à travers lui.
Et il lit enfin dans les yeux gris pers... toutes les questions et les suppliques et la peine que lui-même ne saurait ressentir, n'est-ce pas ?
Il lui semble qu'ils se dévisagent pendant des heures.
Cette douleur sincère le fascine autant que le sang qui lui bat aux oreilles.
Finalement :
« Que cherches-tu ? »
Elle parle comme si un éclat de voix pouvait faire trembler le monde :
« Lauriel. »
Il étouffe un rire sur une gorgée de vin. Il se sent dissipé, fiévreux.
« Elle est partie. »
Elle chuchote le terrible secret :
« Elle ne voulait pas partir. Elle voulait rester avec nous. »
Il grince, nasille.
« Quelle importance ? »
Et l'enfant secoue la tête, persuadée, voulant l'en persuader aussi :
« Mais elle est encore là. »
Elle sursaute. Il s'est relevé et fait face au mur nu avant d'avoir pu s'en rendre compte ; il décroche le mousquet et revient à elle, arme au poing, phalanges blêmes crochées sur la crosse.
Elle n'est pas aussi terrorisée qu'elle le devrait. Il la tire rudement par le coude -- elle n'a pas pu déposer la fourchette -- et ainsi jusqu'au hall tandis qu'elle trébuche pour tenir la cadence de sa foulée immense.
Alors il déploie la porte d'un geste sec ; le corridor diffuse son halo pâle sur le perron. Il lâche enfin l'enfant qui s'écorche le genou sur la pierre, la repousse plus loin d'un revers de bras.
Le chiot qu'« on » a offert à Céralynde est là, tapi contre une marche ; il dresse les oreilles, et son œil vif... le chiot de Lauriel, qu'il a vu naître ici.
Il arme le mousquet et le doigt écrase la détente sans une hésitation.
Est-ce l'animal ou la fille qui gémit ? Le sang afflue sous ses bottes, et l'enfant court et titube et s'écroule et se relève le long du sentier bordé de peupliers.
Le pelage sable s'auréole de pourpre ; le petit corps agite une dernière fois la patte.
Il reste là longtemps à écouter les aboiements brisés des chiens derrière l'écurie, à contempler le balancement morne des chevaux toqués.
Fendrel- Citoyen
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Lieu de naissance : Lordaeron
Age : Cinquantaine
Date d'inscription : 15/04/2011
Feuille de personnage
Nom de famille: Haganon
Re: Le ventre de la bête
Les jours se suivent et se ressemblent.
Elle avait l'habitude d'être accompagnée par ses parents à ses cours. Une nécessité pour une jeune fille se refusant à parler commun, se refusant à parler d'une manière générale d'ailleurs. Elle n'aimait pas parler, cela lui attirait des ennuis à chaque fois, alors elle avait appris à se taire, à ne parler que pour répondre à une question. Mais avec "elle" c'était différent.
Céralynde était encore jeune, grandissait dans l'ombre de son père, soldat de la croisade écarlate, rustre, arrogant et perverti par l'ambition et de sa mère, inquisitrice... Ou "confesseur" comme elle se plaisait à le dire à sa fille. Tandis que son père était totalement acquis à la cause, sa mère, elle, bien qu'occupant un poste à responsabilité, était plus tolérante, comme si le pouvoir ne l'affectait pas réellement. Elle était ce qu'on pouvait appeler une femme de bien, marchant dans la Lumière.
"Elle" était semblable à sa mère, armée de patience et de compassion, elle enseignait aux jeunes ce qu'il fallait savoir sur le monde, dans de nombreux domaines. Céralynde faisait parti de ces jeunes. Buvant ses paroles avec une curiosité infantile, elle n'en restait pas moins discrète, en retrait par rapport aux autres. C'est sans doute cela qui avait rapproché la maîtresse et l'élève. Plusieurs fois elle l'avait invité, plusieurs fois elle avait refusé. Elle mit un certain temps avant de céder, avec la bénédiction de sa propre famille.
Elle n'avait pas l'esprit critique assez développé pour décrire la demeure dans laquelle on l'accueillait. Elle observait au travers de ses cheveux, timide et curieuse à la fois. Elle fut invité à s'installer et à discuter. Encore une fois, il fallut du temps avant de la faire parler. Mais au fil des entretiens, elle s'ouvrait un peu plus à chaque fois, racontant ce qu'elle faisait de ses journées, l'entretiens d'armes et d'armures, la cuisine, la pêche également. "Elle" lui parla en retour de ses activités à elle, l'enseignement, la chasse et lui, un peu aussi.
"Elle" voulu lui faire plaisir, la réconforter un peu en lui offrant un de ses chiots, afin qu'elle ne soit jamais seule. Un tel cadeau, elle n'était pas habituée, aussi, elle répondit en faisant offrande à son tour de quelque chose qui lui tenait à cœur. Ce n'était pas aussi personnel, mais elle lui offrit le fruit de ses entraînements solitaires, démontrant par la même occasion son talent pour la magie qui semblait déjà assez prononcé. Une magnifique sculpture de glace représentant un chiot et sa mère. "Elle" ne sut comment appréhender la nouvelle, la jeune enfant n'ayant jamais parlé de ses talents avec l'arcane jusque là. Finalement, "elle" sourit et accepta
Les jours avaient passés, elle n'était plus là, elle était partie. Personne ne savait, personne n'en était rendu compte, tous agissaient comme d'habitude... Mais "lui" devait savoir. Elle l'avait vu avec, chez "elle". Il devait savoir, alors elle le suivi. Silencieusement, obéissante, mais déterminée. Il lui faisait peur, un peu. Il était grand, il avait l'air si dur, loin de "sa" douceur. Il l'invita à sa table. Ce n'était pas bon sans "elle", elle voulu chasser le goût de cette viande en buvant sa drôle de boisson. Elle se sentait toute chose, comme si quelqu'un avait subitement augmenté la température de son corps, sans réaliser les effets de ce qu'elle buvait sur son organisme encore jeune.
Il lui fallu boire un verre plein avant de commencer à répondre, laissant sa timidité de coté. Malheureusement pour elle, elle apprit à ses dépends qu'il valait mieux savoir se taire. L'homme prit son arme et la traîna dehors. Elle voulu se retourner vers lui et se figea en entendant le coup de feu. Il lui fallu un moment avant de réaliser ce qu'il s'était passé. Son compagnon, le cadeau qu'on lui avait fait, il était au sol, agonisant. Elle releva le visage vers le croisé qui avait gardé son arme en main.
"fuis... Retourne toi et cours..."
Elle se le répétait, à moins que ce ne soit autre chose, puis se mit à courir le plus vite qu'elle put, manquant de tomber plusieurs fois. Elle s'arrêta lorsque la pluie commença à tomber. Céralynde aimait la pluie, car, grâce à elle, elle pouvait s'autoriser un peu de répit et mêler ses larmes à l'eau qui ruisselle sur son visage.
"Shorel'aran, Lauriel"
Elle avait l'habitude d'être accompagnée par ses parents à ses cours. Une nécessité pour une jeune fille se refusant à parler commun, se refusant à parler d'une manière générale d'ailleurs. Elle n'aimait pas parler, cela lui attirait des ennuis à chaque fois, alors elle avait appris à se taire, à ne parler que pour répondre à une question. Mais avec "elle" c'était différent.
Céralynde était encore jeune, grandissait dans l'ombre de son père, soldat de la croisade écarlate, rustre, arrogant et perverti par l'ambition et de sa mère, inquisitrice... Ou "confesseur" comme elle se plaisait à le dire à sa fille. Tandis que son père était totalement acquis à la cause, sa mère, elle, bien qu'occupant un poste à responsabilité, était plus tolérante, comme si le pouvoir ne l'affectait pas réellement. Elle était ce qu'on pouvait appeler une femme de bien, marchant dans la Lumière.
"Elle" était semblable à sa mère, armée de patience et de compassion, elle enseignait aux jeunes ce qu'il fallait savoir sur le monde, dans de nombreux domaines. Céralynde faisait parti de ces jeunes. Buvant ses paroles avec une curiosité infantile, elle n'en restait pas moins discrète, en retrait par rapport aux autres. C'est sans doute cela qui avait rapproché la maîtresse et l'élève. Plusieurs fois elle l'avait invité, plusieurs fois elle avait refusé. Elle mit un certain temps avant de céder, avec la bénédiction de sa propre famille.
Elle n'avait pas l'esprit critique assez développé pour décrire la demeure dans laquelle on l'accueillait. Elle observait au travers de ses cheveux, timide et curieuse à la fois. Elle fut invité à s'installer et à discuter. Encore une fois, il fallut du temps avant de la faire parler. Mais au fil des entretiens, elle s'ouvrait un peu plus à chaque fois, racontant ce qu'elle faisait de ses journées, l'entretiens d'armes et d'armures, la cuisine, la pêche également. "Elle" lui parla en retour de ses activités à elle, l'enseignement, la chasse et lui, un peu aussi.
"Elle" voulu lui faire plaisir, la réconforter un peu en lui offrant un de ses chiots, afin qu'elle ne soit jamais seule. Un tel cadeau, elle n'était pas habituée, aussi, elle répondit en faisant offrande à son tour de quelque chose qui lui tenait à cœur. Ce n'était pas aussi personnel, mais elle lui offrit le fruit de ses entraînements solitaires, démontrant par la même occasion son talent pour la magie qui semblait déjà assez prononcé. Une magnifique sculpture de glace représentant un chiot et sa mère. "Elle" ne sut comment appréhender la nouvelle, la jeune enfant n'ayant jamais parlé de ses talents avec l'arcane jusque là. Finalement, "elle" sourit et accepta
Les jours avaient passés, elle n'était plus là, elle était partie. Personne ne savait, personne n'en était rendu compte, tous agissaient comme d'habitude... Mais "lui" devait savoir. Elle l'avait vu avec, chez "elle". Il devait savoir, alors elle le suivi. Silencieusement, obéissante, mais déterminée. Il lui faisait peur, un peu. Il était grand, il avait l'air si dur, loin de "sa" douceur. Il l'invita à sa table. Ce n'était pas bon sans "elle", elle voulu chasser le goût de cette viande en buvant sa drôle de boisson. Elle se sentait toute chose, comme si quelqu'un avait subitement augmenté la température de son corps, sans réaliser les effets de ce qu'elle buvait sur son organisme encore jeune.
Il lui fallu boire un verre plein avant de commencer à répondre, laissant sa timidité de coté. Malheureusement pour elle, elle apprit à ses dépends qu'il valait mieux savoir se taire. L'homme prit son arme et la traîna dehors. Elle voulu se retourner vers lui et se figea en entendant le coup de feu. Il lui fallu un moment avant de réaliser ce qu'il s'était passé. Son compagnon, le cadeau qu'on lui avait fait, il était au sol, agonisant. Elle releva le visage vers le croisé qui avait gardé son arme en main.
"fuis... Retourne toi et cours..."
Elle se le répétait, à moins que ce ne soit autre chose, puis se mit à courir le plus vite qu'elle put, manquant de tomber plusieurs fois. Elle s'arrêta lorsque la pluie commença à tomber. Céralynde aimait la pluie, car, grâce à elle, elle pouvait s'autoriser un peu de répit et mêler ses larmes à l'eau qui ruisselle sur son visage.
"Shorel'aran, Lauriel"
Nihel Narendir- Citoyen
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Age : 36
Lieu de naissance : Hurlevent
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Date d'inscription : 24/12/2008
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Nom de famille: Narendir
Re: Le ventre de la bête
La nuit tombait. Bien qu'il soit difficile de distinguer la nuit du jour dans cette région. Le couvre-feu se mettait doucement en place. Les soldats se pressaient, engoncé dans leurs armures flamboyantes, les derniers vestiges des royaumes Lordaeronnais. Accompagnant la patrouille nocturne, une femme, grande, l'air autoritaire, vêtue d'une longue robe rougeoyante qui virevoltaient à la façon de flammes à chacun de ses pas. Symbole même de cette Croisade du dernier espoir, le flambeau Ecarlate brillait à travers elle.
Je les regardait par la fenêtre le défilé de soldat. Malgré leur aspect protecteur, je savais déjà que rien de bon ne se préparait. Je les avais déjà vu, plusieurs fois, la patrouille de nuit. Peu en revenaient. Et cette fois, ma mère partait avec eux...
---
Plus tôt dans la journée, je m'étais installée à un banc, pour observer les novices s'entrainer. J'y allais souvent quand j'en avais l'occasion. Je trouvais un endroit discret, un peu en retrait et je me laissais allait à m'imaginer une nouvelle vie. Aujourd'hui, ils étaient par binômes, l'un était à l'épée et au bouclier et l'autre attaquait à la masse à deux mains. Ils inversaient leurs rôles au son d'une cloche que leur maitre d'arme agitait. Ainsi, chacun aurait plusieurs cordes à son arc. Quand à moi, je fermais les yeux et je m'imaginais à leur place. Protéger ma famille du Fléau, faire que la Lumière me réponde et me permette de repousser ces morts-vivants. Mais ça ne venait jamais. On me refusait l'enseignement. Après tout, j'appartenais en partie à une race de traitre ayant tourné le dos à l'Alliance. Je n'avais le droit qu'aux enseignements de base, de langue et d'histoire, pour ma culture. En sortant de ma rêverie, je me rendis compte que le silence était retombé, l'entrainement était fini. On m'avait appris à rester discrète, à ne pas me montrer, je me suis donc laissée glisser à l'ombre d'un arbre, baissant le regard pour éviter d'attirer l'attention. Ca avait presque marché comme prévu, mais l'un des novices vint me voir.
Dans ces cas là, il fallait que j'aquiesce à ce qu'on me disait sans jamais dévisager la personne, je fis une fois de plus comme on me l'a enseigné, je répondais à toute question, le plus honnêtement du monde, sans jamais dévisager directement mon interlocteur. Je devais être humble. Il voulait mon identité, savoir à quelle corps j'étais rattachée, dans quel quartier je vivais, un contrôle de routine comme j'en avais déjà eu plusieurs. Même sans relever la tête, je pouvais sentir son regard, malgré ma gêne, et la peur que je ressentais, je ne tremblais pas, je restais humble et courageuse, comme il le fallait. A la fin de la conversation, je me suis inclinée, comme il le fallait, trois pas en arrière avant de me détourner et de reprendre ma route, mais je ne l'entendais pas bouger ? Pourquoi je ne l'entendais pas ? Je n'osais pas me retourner, je continuais d'avancer, toujours. J'entendis un bruit d'acier derrière moi, un bruit qui me fit me figer. Surtout, je ne devais pas trembler, je l'entendais s'avancer vers moi, s'arrêtant non loin et... Plus rien, le noir complet. Lorsque j'ai repris mes esprits, le jeune novice était emmenée par quelques soldats, il se débattait en hurlant. Elle était là, elle m'enveloppait dans ses bras, je n'avais pas compris pourquoi. Un autre des novices semblait être là et expliquer la situation à un gradé. Je reconnaissais les gradés : Ils avaient une jolie armure rougeoyante. J'aurai aimé entendre ce qui se racontait, mais je n'en avais plus la force. Mes yeux se fermaient d'eux même et la fatigue me rattrapait.
---
Avant de se préparer, elle m'a raconté l'incident, et pourquoi elle devait effectuer cette patrouille. Il s'agissait d'une épreuve, la Lumière protège le Juste, et elle me promis de revenir. Je la crois, c'est ma mère, les mères ne mentent pas. J'attendrai le temps qu'il faudra mais je l'accueillerai à son retour, je vais même lui cuisiner un encas qu'elle pourrait manger froid à son retour ! Car cette nuit sans lune s'annonçait longue.
Je les regardait par la fenêtre le défilé de soldat. Malgré leur aspect protecteur, je savais déjà que rien de bon ne se préparait. Je les avais déjà vu, plusieurs fois, la patrouille de nuit. Peu en revenaient. Et cette fois, ma mère partait avec eux...
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Plus tôt dans la journée, je m'étais installée à un banc, pour observer les novices s'entrainer. J'y allais souvent quand j'en avais l'occasion. Je trouvais un endroit discret, un peu en retrait et je me laissais allait à m'imaginer une nouvelle vie. Aujourd'hui, ils étaient par binômes, l'un était à l'épée et au bouclier et l'autre attaquait à la masse à deux mains. Ils inversaient leurs rôles au son d'une cloche que leur maitre d'arme agitait. Ainsi, chacun aurait plusieurs cordes à son arc. Quand à moi, je fermais les yeux et je m'imaginais à leur place. Protéger ma famille du Fléau, faire que la Lumière me réponde et me permette de repousser ces morts-vivants. Mais ça ne venait jamais. On me refusait l'enseignement. Après tout, j'appartenais en partie à une race de traitre ayant tourné le dos à l'Alliance. Je n'avais le droit qu'aux enseignements de base, de langue et d'histoire, pour ma culture. En sortant de ma rêverie, je me rendis compte que le silence était retombé, l'entrainement était fini. On m'avait appris à rester discrète, à ne pas me montrer, je me suis donc laissée glisser à l'ombre d'un arbre, baissant le regard pour éviter d'attirer l'attention. Ca avait presque marché comme prévu, mais l'un des novices vint me voir.
Dans ces cas là, il fallait que j'aquiesce à ce qu'on me disait sans jamais dévisager la personne, je fis une fois de plus comme on me l'a enseigné, je répondais à toute question, le plus honnêtement du monde, sans jamais dévisager directement mon interlocteur. Je devais être humble. Il voulait mon identité, savoir à quelle corps j'étais rattachée, dans quel quartier je vivais, un contrôle de routine comme j'en avais déjà eu plusieurs. Même sans relever la tête, je pouvais sentir son regard, malgré ma gêne, et la peur que je ressentais, je ne tremblais pas, je restais humble et courageuse, comme il le fallait. A la fin de la conversation, je me suis inclinée, comme il le fallait, trois pas en arrière avant de me détourner et de reprendre ma route, mais je ne l'entendais pas bouger ? Pourquoi je ne l'entendais pas ? Je n'osais pas me retourner, je continuais d'avancer, toujours. J'entendis un bruit d'acier derrière moi, un bruit qui me fit me figer. Surtout, je ne devais pas trembler, je l'entendais s'avancer vers moi, s'arrêtant non loin et... Plus rien, le noir complet. Lorsque j'ai repris mes esprits, le jeune novice était emmenée par quelques soldats, il se débattait en hurlant. Elle était là, elle m'enveloppait dans ses bras, je n'avais pas compris pourquoi. Un autre des novices semblait être là et expliquer la situation à un gradé. Je reconnaissais les gradés : Ils avaient une jolie armure rougeoyante. J'aurai aimé entendre ce qui se racontait, mais je n'en avais plus la force. Mes yeux se fermaient d'eux même et la fatigue me rattrapait.
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Avant de se préparer, elle m'a raconté l'incident, et pourquoi elle devait effectuer cette patrouille. Il s'agissait d'une épreuve, la Lumière protège le Juste, et elle me promis de revenir. Je la crois, c'est ma mère, les mères ne mentent pas. J'attendrai le temps qu'il faudra mais je l'accueillerai à son retour, je vais même lui cuisiner un encas qu'elle pourrait manger froid à son retour ! Car cette nuit sans lune s'annonçait longue.
Nihel Narendir- Citoyen
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