La Fille de Stromgarde
Page 1 sur 1
Re: La Fille de Stromgarde
Prologue - Le déclin de StromgardeChapitre I - La Deuxième Guerre
Dans cette plaine interminable où l'on peut très facilement distinguer des hauts sommets naturels comme les montagnes d'Alterac ou des reliefs bâtis par la main de l'Homme comme le mur de Thoradin. Cette plaine interminable où l'on peut observer sur la mer des lever et des coucher de soleil ; où l'on peut sentir ses rayons réchauffer tendrement notre peau fatiguée par le froid nocturne ; où l'on peut, encore, sentir la douce brise qui accompagne l'étoile de nos jours ; douce brise venant taquiner l'herbe haute et définitivement reine en ce lieu si paisible. Ce lieu si paisible aujourd'hui menacé. Les rumeurs sont fondées, une Horde a marché sur le Royaume d'Azeroth, n'a fait une bouchée de Khaz'Modan et fait maintenant voile vers les terres du nord des Royaumes de l'Est. Lordaeron est menacé. La Guerre est proche et avec elle viendra la fin de la vie comme ils la connaissaient.
"Serrez les rangs Soldats, tenez vous droitement, vous êtes la fierté de Stromgarde montrez vous en digne. "
Sa voix rauque et très masculine se fit entendre par tout les soldats qui exécutèrent immédiatement l'ordre. L'autorité était respectée si bien que l'officier n'avait pas besoin de forcer de la voix pour être entendu. Il n'y avait rien à redire dans leur loyauté, elle était aussi parfaite que leurs pièces d'armures rouges et argents, nettoyées avec soins si bien que le ciel se reflétait aisément dans celles-ci. On ne pouvait entrevoir que les yeux et la bouche du corps de ces soldats mais les yeux demeuraient bien plus expressif que le reste du bas du visage. Tous déterminés. Aucun de ne faisait part d'une quelconque forme de faiblesse d'esprit. Les lignes parfaites étaient semblables aux murailles de la ville de Strom qui trônait fièrement derrière eux. L'Officier les toisa longuement du regard puis souffla du nez dégageant une certaine satisfaction. Il avançait lentement, d'un pas sûr, balayant du regard la troupe d'une cinquantaine de soldat merveilleusement bien formé et ayant de l'énergie à revendre. Puis une fois la chose faite il s'en revint lentement à un point qui lui semblait être le milieu et recula d'un pas, mains croisés dans son dos.
Là il dévoila de manière inerte tout les détails physiques dont il était doté. Petit mais se tenant fièrement, il bombait en avant son torse aussi svelte que le reste de son corps avec dans l'idée peut-être de tromper sur sa musculature. Elle n'avait néanmoins rien à prouver et il s'était toujours débrouiller pour ne jamais récupérer de cicatrice, ce qu'il avait merveilleusement bien fait jusque là. Son visage fermé était une preuve d'autorité qu'il souhaitait instiguer par l'image qu'il renvoyait, et ce considérablement renforcé par sa mâchoire aux lignes cassantes. Sur ce bas de visage avait élu domicile sa pilosité faciale assez courte et qui se faisait de plus en plus rare au fur et à mesure que le regard se rapprochait des oreilles du bonhomme. Ce qui se démarquait le plus c'était probablement sa moustache légèrement garnie ainsi que sa barbiche qui lançait la conquête impossible contre la base de la mâchoire. Ses cheveux eux, étaient si abondant qu'ils venaient scinder ses oreilles en deux parties : l'invisible et le visible, cette dernière partie étant composée du lobe de l'oreille jusqu'à la moitié de celle-ci. Toutefois ils n'avaient pas la prétention d'atteindre la base du coup et les épaules du guerrier, s'arrêtant en chemin. Sa pilosité faciale et capillaire n'était qu'une immense arène où se battait des nuances de noir et de gris si foncé qu'on l'aurait presque confondu avec du noir. Les nuances étaient chaotiques à un point que les esprits les plus imaginatif aurait vu du bleu marine ce qui est formellement impossible. Il était fort heureux que ces yeux n’eussent choisis le même chemin. En étant d'un marron commun, on ne pouvait que se battre sur la véritable couleur de ses cheveux. Son nez aussi strict que sa mâchoire, traçant lui aussi sa propre voie, aboutissait sur une bouche assez épaisse mais celle-ci était avantageusement éclipsée par sa moustache. C'est cette bouche qu'il ouvrit pour, d'une voix posée, relancer les hostilités.
- Ils sont à vous Capitaine-Chevalier Donovan.
- Bien, merci Thorben.
Il s'avança alors, doublant son cadet hiérarchique d'une simple enjambée. C'était un homme doté de traits sympathiques donnant à son visage un air ouvert à tout malgré sa forme rectangulaire grossière. Ses cheveux clairsemés, aux nuances grises et brunes se battaient sur le haut de son crâne pour savoir qui prendra la suite. Pareillement pour les poiles de sa moustache formée à la cire et de sa barbe longue au niveau du menton. Son teint, frais et coloré, contribuait très franchement à son air sympathique. Grand et mince, sa carrure élancée. Son corps ne faisait douter personne sur ses capacités de combattant. Il en gardait d'ailleurs certaines marques pour la plupart cachées des regards curieux, mais elles étaient bien là et il faisait avec au jour le jour. Ce qu'il montrait de son corps n'était qu'un amas d'élégance et de charisme que personne ne pouvait contester. La seule chose ayant été capable de briser ce tout homogène n'était que le marque du temps car l'homme approchait à grand pas de la soixantaine et les rides commençaient seulement à s'installer progressivement. Cependant, les cheveux gris ne venait pas inquiéter le moins du monde l'aura qu'il dégageait. La cicatrice bien net venant tracer doucement sa route sur sa joue droite ayant épargné son œil de peu, et se prenant presque pour une ride, ne venait l'inquiéter non plus. Il ne se fit pas tarder et c'est une voix au timbre net qu'il s'ouvrit à la troupe de soldat.
- La guerre approche, et les ennemis que nous allons affronter sont d'après les rumeurs à ne pas sous-estimer. C'est pourquoi notre Roi a réagit vite. Avec le concours de Lordaeron, des autres royaumes humains, et du royaumes elfe pour former une alliance, avec comme unique mission de défendre les terres du nord face à cette vermine. Stromgarde s'est toujours tenue fière et a toujours triomphée de ses agresseurs, voyez comment les trolls finissent dans les contes que vous racontaient vos grands-mères lorsque vous étiez enfant. Ce ne sont pas que des simples contes. C'est par les compétences et la détermination des soldats de Stromgarde que c'est arrivé. Mais surtout, par l'attachement et le dévouement personnel à sa patrie que nos ancêtres les ont vaincus. Nous pouvons le refaire. Nos ancêtres ont bâti un mur de pierre pour les empêcher de passer. Au viaduc de Thandol, nous bâtirons un mur de chair pour les empêcher de le franchir.
Ils scandèrent en cœur des cris de ralliement avec ferveur en écho au discours de leur Capitaine. En aucun cas ils se permirent de briser l'harmonie des lignes formées, on n'entendit uniquement le bruit des plaques, mais cela restait timide. Le lieutenant-chevalier ferma ses yeux avec lenteur, savourant le répondant de ses soldats ce qui se remarqua par un petit sourire discret. Lorsque leurs cris s'estompèrent progressivement, prenant la voie tracée par le vent d'hiver qui balayait les hautes terres, il reprit avec la même ardeur qui l'avait accompagné dès le début de son discours.
- Vous l'aurez donc compris, nous devons impérativement défendre le viaduc de Thandol. C'est le seul passage terrestre vers Lordaeron, c'est une pièce clé de l'échiquier. Celui qui la remportera n'aura pas plus de mal à remporter la guerre. Si le Viaduc tombe, ce n'est pas seulement Stromgarde qui risque de tomber avec lui, c'est également Lordaeron. Soyez en pleinement conscient soldats. Je ne cesserais de le répéter jusqu'à la fin. J'ai confiance en les capacités de notre troupe, depuis longtemps maintenant, je sais qu'avec nos frères et sœurs d'armes nous arriverons à renverser la tendance. Mais enfin, nous n'avons pas de temps à perdre. Nous partons dans une dizaine de minutes, nous verrons les préparatifs sur place. Apportez la protection à ceux qui se tiennent derrière vous, le respect à ceux qui combattent à vos côtés et n'offrez aucune pitié à ceux qui se tiendront devant vous. Pour Stromgarde !
Les cris des Stromgardiens résonnèrent de plus belles, si fort qu'ils auraient presque fait vaciller les murs de la ville. Le Lieutenant-Chevalier Thorben alors aux côtés de son Capitaine, gagna expressément la compagnie venant alors la compléter; lui rendant son nombre rond. La centaine de soldat firent un quart de tour parfaitement bien orchestré ; faisant entrechoquer leur différents morceaux de plaques dans un bruit métallique sonore du même ton, étouffé cependant par les restes du tumulte de leur passion commune. Ils gagnèrent un à un leur monture respective stationnées non-loin de là, en attente d'une mise en marche qu'elles virent finalement arriver. Et c'est sans demander leur reste qu'ils commencèrent à une allure modérée à emprunter le chemin de la guerre. Ils fonctionnaient en rythme, même dans leur manière de se déplacer. Ils ne faisaient qu'un, il n'y avait pas plus soudé. Donovan n'en fût que plus satisfait. De par l'expérience, il savait qu'un groupe homogène était un redoutable adversaire, et était donc pleinement confiant dans la guerre qui allait se mener dans les mois, voir les années à venir. Personne ne le savait vraiment, mais lui, il avait cette petite intuition qu'ils arriveraient à venir à bout de ces monstres ne venant de leur monde.
Cela ne se basait sur rien et il n'avait d'ailleurs aucune raison d'être optimiste. Il ne savait où ils étaient à l'heure actuelle, combien ils étaient, quelle force ils avaient. Les gens du sud parlaient d'un nombre si important que cette armée formait une masse informe qui poussait le moral des soldats si bas qu'ils en étaient pétrifiés de peur. Il aurait même entendu les plus pessimistes dire que l'humanité était tout simplement condamnée, car ces monstres les dépassaient sur tout les points. Donovan n'avait que faire de tout cela. Il fût toujours aux côtés des plus optimistes. Il ne savait pas comment ils allaient gagner, il savait tout simplement comment ils n'allaient pas perdre.
Du haut de son cheval il s'engagea sur la voie qui menait directement au seul isthme qu'il était important de défendre. Les Hautes-terres d'Arathi, calme comme à l'habitude, étaient en proie à l'hiver du premier mois. C'était un hiver plutôt doux ; le vent était froid mais n'avait pas vocation à geler les corps chauds. Cette année fût d'ailleurs particulièrement clémente. En ce lieu la neige se faisait rare, mais il y avait parfois des périodes de gèle assez intense, qui semblait ralentir le temps. Et lorsque la neige daignait se montrer, les Hautes-terres se couvraient d'une parure blanche qui semblait le figer, le temps. Mais la neige préférait rester aux sommets des montagnes qui enclavaient Stromgarde, prenant probablement plaisir à les narguer de haut et à se faire désirer. C'était non réciproque. Donovan passa son regard sur les sommets puis retroussa ses narines avant de balayer l'horizon de ses prunelles. A chaque hiver, la grande perdante demeurait l'herbe sauvage qui recouvrait bien une grande partie de la région. Elle se voyait elle même recouverte lorsque la neige tombait, privée de soleil jusqu'à ce que ce-dernier parvient à venir à bout de la poudre blanche. Elle se voyait gelée lorsque les températures se montraient drastiquement basses, au point de paraitre si fragile que chaque brin se briserait dès que l'on oserait essayer de s'en saisir. C'est pourquoi, l'entier bénéfice de ce doux hiver revenait aux herbes des Hautes-terres d'Arathi, mais elles n'en avaient pas conscience. Lorsque les soldats passèrent, l'herbe sembla si peureuse qu'elle se plia avec l'aide du vent.
Les Stromgardiens avancèrent à tel point qu'ils finirent par deviner au loin les fumées d'un campement en activité. Derrière eux s'effaçait progressivement leur ville natale pour la plupart mais les remparts de Strom semblaient encore être devinable sur l'horizon, pour qui avait une bonne vue. La place du campement avait été choisie stratégiquement. Placé au bord d'un lac bordé de quelques arbres qui lui offrait une couverture idéale. Les reliefs situés autour du lac et un peu plus en retrait n'était pas négligeable pour la défense de la place. Une rivière prenait source non-loin de là, et se séparait non loin du lit en trois bras dont un seul poursuivait jusqu'au lac pour alimenter le plan d'eau. De par sa simple présence, il garantissait au campement un statut difficilement atteignable.
Le deuxième se jetait corps et âme dans le précipice anormalement formé, comme si la mer avait cherché à s'enfoncer un peu plus dans les Hautes-terres. Malgré cela, le précipice était de bon augure pour les soldats car les troupes d'invasions seraient alors obligées de passer par le chemin. Le terrain semblait être à leur profit. La troupe quitta la voie tracée sans aucun problème et joignit le campement. Celui là était bien vaste. Il fuyait le viaduc le plus possible, et longeait les montagnes marquant la frontière de la région en prenant soin de ne pas s'enfoncer dans les terres. De ce fait le nombre de tente étant très nombreux, le campement ne pouvait que s'étaler assez loin vers l'est de la région.
Le cheval blanc de Donovan marqua son dernier pas devant une tente assez imposante. Le Capitaine-Chevalier glissa de selle de manière appliquée. Avec les années le geste lui semblait de plus en plus simple à effectuer. En silence il rentra dans la tente, sans se retourner. La compagnie attendit alors, les soldats parlèrent entre eux à voix basse, si bien qu'avec les bruits de vie du campement il devait être difficile de se faire entendre. Néanmoins, une voix se fit plus imposante que les autres, on pouvait l'entendre sans tendre l'oreille à la manière du tonnerre.
- La place me semble parfaite. On va pouvoir leur montrer de quel bois on se chauffe sans être inquiéter par nos arrières, stratégiquement parlant. De toute façon, nous portons la flamme de Stromgarde, cela suffit à faire gagner une bataille, mhm ?
La naïveté empestait dans cette voix comme dans la voix d'un enfant malgré son timbre guttural qui aurait fait peur à plus d'un bambin. Sa fermeté également. Sa voix grave le rendait très masculin derrière son armure et il n'y avait nul doute que s'il se mettait à crier ; d'un cri mêlant rage et ferveur du combat, qu'il ferait preuve d'une puissance de démoralisation non négligeable. Il regardait fixement la tente, il en avait d'ailleurs une vue privilégiée. C'était le bénéfice de la première ligne, dont seul les gradés avaient le droit. Il s'était donc de lui même ouvert à la discussion. Sans diriger son regard sur un interlocuteur précis il insinuait que tout le monde était bienvenue à répondre. Une voix calme, posée, au timbre assez rude tout de même ; s'exprimant avec une aisance telle que cela rendait son élocution très nette, s'est alors saisie de l'occasion et usant des qualités de sa voix, ne se fit prier.
- Nous avons Strom derrière nous, de ce fait, aucun soucis à nous faire.
- A bon entendeur. Ils n'ont qu'à bien se tenir.
Ils s'arrêtèrent là tout les deux, la discussion était vide et de fait n'avait de leur point de vu respectif, que peu de raison d'exister. Même si ils l'avaient voulu, ils n'auraient pu la poursuivre car le Capitaine-Chevalier sorti de la tente avec son éternel sourire au lèvre. C'est avec un simple papier qu'il les guida vers le maigre nombre de tente qui leur étaient attribuées. De vaste tentes. Leur forme rectangulaire et leurs lignes strictes ne laissaient pas douter sur leur aptitude à tenir bien droit, contre vent et marées. De plus, lorsqu'on les regardait de face, on pouvait facilement avoir l'impression d'être absorbé par celle-ci. Très mal alimentées par la lumière naturelle, le fond était très difficilement distinguable. A se demander si il y avait vraiment un fond. On pouvait par-contre déceler des masses noires sur le sol qui n'étaient autre que des lits de piètre qualité, mais qui tentaient tout de même de s'affirmer. Les tentes d'un rouge semblable à un vin de bonne qualité n'étaient pas trop explosives à l’œil mais avait ce défaut qui les trahissaient : on les voyait de loin. Il faut croire qu'ils n'avaient voulu changer la couleur et que l'esthétique de la patrie prônait sur le reste. Après tout, ils étaient sécurisés par l'environnement et étaient bien trop confiant dans leur capacité : il ne pouvait pas leur arriver grand chose. Donovan, d'une voix forte et distincte, appela ses soldats section par section, facilitant la répartition de ces derniers dans tentes qu'ils possédaient temporairement.
- Lieutenant-Chevalier Asran Thorben... Lieutenant-Chevalier Kéraunos Antigone...Sergent-Chevalier Kimereus Aithria... Caporal Asran Alexandre... Caporal Phèdre Aithria... Vous aurez avec moi, la tente qui se trouve derrière. Ne perdez pas de temps.
Alors qu'il continua son appel qui semblait dès le début interminable -car il fallait attribuer aux quatre sections de la compagnie les tentes qui leur étaient réservées- ils prirent tous leurs affaires et ne tardèrent, conformément aux ordres, à prendre leurs quartiers dans la tente indiquée. Ils ne communiquèrent pas, ils n'en avaient pas besoin pour choisir leur couche. Le premier entré allait dans le fond, le second également. Ils répétèrent la chose jusqu'à ce que, de manière logique, tout les lits soient remplis jusqu'à ce qu'il n'y en ai plus qu'un pour le Capitaine-Chevalier. Alexandre Asran se posa lourdement sur le lit, dans un fracas sonore, si bien que ses compères eurent peur qu'il l'ai détruit. Mais il était précautionneux, et considérant sa masse, il avait su le faire de manière à ne pas porter plus de préjudice à ce pauvre meuble qui procure tant de bonheur à l'humain.
C'était un homme si grand et massif qu'on l'eut pris plusieurs fois pour une montagne. Sa stature colossal couplée à sa démarche constamment affirmée et déterminée fit peur à plus d'un guerrier, lui donnant une arme de dissuasion plutôt efficace. D'un geste lent et appliqué, il retira son heaume et le déposa lentement à ses côtés. Il dévoila alors aux yeux des autres un visage dont l'expression est un mélange de sérieux, de gaîté et de joie de vivre. Sa figure était toujours garnie d'une barbe parfaitement taillée allant de paire avec une moustache que l'on ne pouvait distinguer que par ses pointes car le reste était mêlé aux poils de sa barbe. Cette barbe -qui ellipsait au passage sa bouche- donnait du relief à cette forme générale, alliée à un teint pâle sans être pour autant inquiétant. Ses yeux légèrement bridés, marron, possédait un éclat brillant qui était obligatoirement alimenté par l'ardeur brûlante de son coeur. Son regard était vif. Enfin, ses cheveux brun, bien peignés, ont toujours été rejetés en arrière. Il sortit d'ailleurs un petit peigne de son attirail, pour corriger les imperfections qu'il pensait sentir par le biais du bout de ses doigts gantés. La voix féminine, calme et posée pris soudain les devant à la grande surprise d'Alexandre qui ne s'attendait pas à ce qu'elle lui adresse la parole.
- Vous aviez vraiment besoin de ce peigne, Asran ?
- Bien sûr. Je trouve ça important de soigner mon apparence, quelle image je donnerais des soldats de Stromgarde si j'étais négligent ?
- La chevelure ne fait pas le guerrier, Asran. Seul les compétences priment sur le reste.
- Vous pensez ? J'ai toujours trouvé que combattre avec du style rajoute quelque chose en plus...
- Asran, vous portez un heaume au combat. On ne voit pas vos cheveux.
Il ne répondit pas, ayant oublié ce détail il fût pris au dépourvu. Il n'arrivait pas à s'y faire, elle lui était beaucoup trop intimidante et il semblait perdre ses moyens à chaque fois qu'elle lui parlait. Son physique jouait beaucoup, ce n'était qu'un homme après tout. Devant cette femme grande et mince, son allure svelte et guerrière qui lui donnait un caractère élégant, cette montagne ne pouvait que s'effriter devenant alors colline pour enfin se changer en plaine et s'incliner sous ses pas. Il n'éprouvait aucun sentiment désagréable à se laisser marcher dessus par une femme à la démarche constamment vive, constamment déterminée, constamment volontaire. Au contraire, au fond de lui il aimait cela. La peau mât de la guerrière était éclatante et adorable à regarder. Elle se dressa élégamment à son niveau, il ne la quitta pas des yeux. Profondément absorbé par son visage impénétrable et impassible qui lui offrait un caractère légèrement passif-agressif. Il restait à la porte de ce visage, il ne pouvait pénétrer ses pensées. Ses yeux en amande, d'un bleu semblable à un ciel vide de nuage qui se montre très souvent au dessus des Hautes-terres d'Arathi ; dont l'éclat étincelant faisait indubitablement penser aux éclats du soleil traçant sa voie sur ce fond ; lui barrait la route. Son visage d'une forme finement triangulaire couplé à sa peau rendait le tout éclatant, surtout par l'aide de ses cheveux longs et fin, à la couleur châtains. Ces même cheveux étaient la seul marque de négligence, ils ne mettaient pas en valeur cette aura empestant l'égo car continuellement mal coiffés. Néanmoins, Alexandre ne percevait aucune trace d'égo. Il voyait en elle une femme comparable à un joyaux qui était impossible à atteindre, impossible à toucher, brûlant comme le magma du Mont Rochenoire. Il était subjugué par son physique, et par son prénom. Antigone.
- Donnez moi cela, vous le faites mal, en plus.
Il lui donna le petit objet d'une main tremblant et si celle ci n'était pas ganté, sa main rugueuse par l'effort du soldat aurait rencontré une main cornée elle aussi par les entrainements quotidiens mais douce en son dos. Il était difficile de retrouver cette douceur ailleurs, peut-être qu'un manteau de neige fraichement tombé serait comparable. Il ne parla pas, c'était inutile, elle venait de lui donner un ordre. C'est sous l’œil amusé de Thorben qui s'était depuis trouvé un tabouret pour contempler la scène, qu'elle se mit à le coiffer. Elle n'était pas la meilleure exemple en terme de capillarité étant donné qu'elle négligeait elle même la sienne. Néanmoins, Thorben trouvait cela plus intéressant à regarder que de regarder le Caporal Aithria et son épouse, le soldat Aithria, s'embrasser à tire-larigot et se dire des mots d'amours propres aux nouveaux époux. Plus il sentait le peigne replacer les cheveux rebelle, plus il se sentit rougir. Il trouvait cela gênant mais appréciait tout de même le moment. Quel était ce sentiment ambiguë qui s'emparait petit à petit de son cœur et de son esprit ?
Les rayons du soleil se firent un peu plus puissant en l'espace d'un instant. Le Capitaine-Chevalier Donovan entrait dans la tente. Il regarda tout le monde, et arqua un sourcil d'étonnement lorsqu'il posa son regard sur Alexandre et Antigone. Elle se figea et se replia rapidement, laissant tomber le peigne qu'Alexandre rattrapa, sortant de sa rêverie passagère. Le lieutenant laissa échapper un petit rire, puis avança un peu plus dans la tente pour déposer sur sa couche, ses effets.
- Eh bien, je ne vous connaissais pas des talents de coiffeuses, Kéraunos.
-Eh... Eh... Bien justement, je n'en ai pas, j'ai voulu lui rendre service car il faisait tout de travers comme à son habitude.
- Ce n'es-...
Elle lui jeta un regard noir qui le foudroya, l'arrêtant net dans sa réplique. Il n'avait pas besoin d'en rajouter une couche, c'était déjà assez humiliant pour elle de faire cela devant leur supérieur, et il l'avait compris. Donovan balaya l'air de sa main, il ne semblait pas plus dérangé par cela.
- Va, va... Pas besoin de se justifier, partagez des moments avant l'orage. En revanche... Sergent-Chevalier Aithria, je vous ai permis de séjourner avec votre femme je vous demanderais de faire preuve de mesure, ce n'est pas un lieu propice au batifolage.
Ce fût au tour du couple de se figer net. Ils répondirent à peu près en même temps, mais le Caporal Aithria fût plus rapide que son mari. Il demeura à la traine, balbutiant par son échec, pris la main dans le sac.
- Oui, Capitaine !
- Dernier avertissement. La prochaine fois que je vous prends, Caporal Aithria, vous dormirez avec votre section.
Ils ne répondirent pas et se séparèrent simplement. Le Capitaine termina son office d'installation puis se tourna vers ses Hommes de commandement. Tous étaient debout désormais et formait une ligne digne de ce nom car ils avaient bien compris qu'ils leur fallait l'écouter, il avait sûrement beaucoup de chose à leur dire. Mais il n'en était rien, à vrai dire, le tumulte des stratèges n'avaient pas encore commencé. Ils le regardaient tous, en l'attente d'un discours comme il savait les faire. Ils avaient lancé le silence qui s'était maintenant installé dans toute la tente et le Capitaine se garda bien de le briser. Il marqua un long moment à la manière d'un homme ayant une absence puis il rompit sa posture solennelle et immobile pour se diriger vers l'entrée de la tente.
- Tout les bataillons et leurs compagnies sont arrivés, nous fûmes les derniers du notre sur ce coup là. J'ai donc une réunion de commandement quand à ce que nous allons faire. Ce sera long, vous vous en doutez. Je ne vous donnerais qu'un ordre, préparez la compagnie afin qu'elle soit première la prochaine fois et reposez vous bien. Vous en aurez besoin. Nous parlerons ce soir de ce qu'il en est.
Il sortit de la tente sans attendre de réponse, tout était clair. Il n'entendit dans sa fuite que le salut de la ligne. Elle resta en place pourtant, seul le Lieutenant-Chevalier Thorben la quitta pour s'enraciner devant elle. Il les observa longuement puis brisa le silence de manière nette et concise.
- Vous vous connaissez la mélodie. Vous vous occupez chacun de vos sections. Assurez vous que les chevaux aient assez de nourriture pour ne pas être inquiété de la faim, assurez vous que nos soldats aient assez mangé pour ne pas être inquiété de la fin. Je veux que les armes et les armures soient impeccables, aussi propre qu'un beau miroir et sans aucun défaut technique. Travaillez de manière rapide et efficace, ne négligez rien. J'épaulerais le Sergent-chevalier, Kéraunos vous aiderez Asran et surveillerez Aithria. C'est clair ?
- Oui, clair.
Ils répondirent tous en cœur puis brisèrent à l'unissons la ligne. Conformément aux ordres de Thorben, ils sortirent par deux à l’exception du Caporal Aithria qui de son plain gré, disparue rapidement retrouver sa section afin de s'occuper des préparatifs. Elle était très fortement avantagée par sa petite taille et sa finesse déconcertante qui lui permettait d'être furtive lorsqu'elle le voulait. Cette femme, contrairement à son mari, était une brindille qui menaçait de se fendre au moindre piétinement. Le Lieutenant-Chevalier Kéraunos et le Caporal Asran furent les derniers à quitter la tente même si le laps de temps entre chaque sorties demeuraient très court. Ils marchèrent vite et en silence pour parvenir rapidement à trouver la section de vingt-cinq Hommes du Caporal Asran. Antigone jongla rapidement sur les tentes si bien que son regard fût comparable à un caillou effectuant ses derniers rebonds sur l'eau, avant de sombrer définitivement par le fond. Elle regarda en coin la tour humaine qui était à ses côtés, furtivement.
- Asran, vous vous chargez de la nourriture. Nous inspecterons l'armement ensemble. Je m'occupe des chevaux.
Et, sans attendre de réponse, elle le distança. Il erra pendant un long moment, cherchant du regard la terre où il se devait d'accoster pour mener à bien sa tâche. Il ne savait pas vraiment comment s'y prendre, sa promotion étant si fraiche qu'il n'avait pas vraiment eu la chance de connaitre une grande guerre comme celle-ci, qui apportait son lot d'organisation. Il eût fini par tomber, au bout d'un moment, sur l'intendant aux cuisines de son bataillon. Il lui fût expliqué le déroulement de la chose en détail, après avoir lui même expliqué sa situation. On le rassura car il semblait s'en vouloir, comme un enfant pris par la peur de se voir faire des remontrances. Il repartit les mains vides mais l'esprit léger. L'intendance du bataillon se chargeait de tout, il eut juste à signaler la présence de sa section. Lorsqu'il s'en revint à son point de départ, Antigone l'attendait de pied ferme et de loin, il remarqua qu'elle l'attendait depuis longtemps. Du moins, cela devait faire longtemps pour elle. Il sourit à l'envers de manière instantanée. Il ne voyait son visage, mais se doutait par sa posture que cela n'annonçait rien de bon pour lui. Il avait trop trainé, beaucoup trop trainé. Il le pensait fortement et ce verbe très subjectif se répétait en écho dans sa tête comme si il le criait dans une grotte. Il arriva à son niveau. Les yeux fermés il avait décidé de faire les derniers pas à l'aveugle. Elle le regarda longuement, interloquée. Sa mine était neutre et ne dégageait rien d'anormale, elle était pareille à elle même, renfermée, froide...
- A quoi vous jouez Asran ? Ce n'est pas le moment de fermer les yeux, nous avons un panel d'armure et d'arme à inspecter.
-Gn... Je... Vous attendez depuis longtemps...?
- J'ai terminé ma tâche depuis maintenant cinq minutes passées.
- Oh, ça va. Allons-y, dans ce cas.
Elle hocha rapidement à ses dires puis, se dirigea vers les lignes. Quatre ligne de six soldats qui, si on les voyait du ciel, formaient un bloc probablement parfait pour un œil non expert. Il n'y avait pas de mot assez fort pour décrire leur assiduité et une phrase ne suffisait pas à cela. Antigone se chargea d'inspecter les deux lignes pairs, Asran lui, enquêta sur les lignes impaires. Asran jetait parfois quelques coups d’œils curieux sur le Lieutenant-chevalier, non pas dans le but de voir comment elle procédait mais plutôt dans l'optique de se caler sur son rythme. Elle était minutieuse, faisait attention à chaque détails, et n'hésitait pas à envoyer un soldat nettoyer son armure une deuxième fois parce qu'elle l'avait jugé pas assez propre. Elle s'arrêta devant un soldat, le regarda longuement et petit à petit, se mit à froncer les sourcils. Son ciel s'assombrissait rapidement. Le soldat garda le silence, ne voulant prendre la parole sous peine de voir la foudre tomber de manière précoce. Il fit bien. C'est d'une voix empestant l'autorité qu'elle lança l'hostilité non-réciproque.
- Soldat, détachez votre épaulière droite.
Il s’exécuta en silence. L'épaulière en main, il baissa lentement le membre qui la tenait et ne vit pas venir le mouvement du lieutenant motivé par l'idée de s'en emparer. Il se la fit dérober sous ses yeux. Elle le fixait dans les yeux, puis passa lentement son index sur une douce colline qui s'était installée, pointant vers l'extérieur de la pièce et qui de fait, traduisait d'un mauvais entretient de celle-ci. Chose qui pouvait s'avérer désastreuse pour son porteur. Elle reprit la discussion sans le quitter d'une semelle du regard. Il faisait front, sans bégayer, sans trahir une quelconque peur ou autre sensation qui ferait preuve de couardise face à la confrontation, face à son erreur.
- Que voyez vous ici, soldat ?
- Une bosse mon Lieutenant-Chevalier.
- Mais encore ? Regardez mieux.
En l'espace d'un instant, il perdit le contrôle des muscles de son visage et tailla dans ses traits la forme de la surprise. Il fit ce qu'elle lui dit et regarda le défaut avec attention. Il plissa même les yeux en espérant percevoir quelque chose de plus mais sans succès, il demeurait un borgne qui n'avait vu que la partie qui se présentait à lui. De cette façon, il ne pouvait répondre aux attentes de son supérieur. Il parvint au moins à reprendre son air neutre et à effacer cette surprise aussi vite qu'elle était apparue. Un léger moment de silence se déroula mais il fût très vite tué par la Kéraunos qui ne voulait s'attarder davantage.
- C'est un défaut soldat. Vous avez été trop négligent, vous avez donc échoué dans votre tâche d’entretien. Vous allez aller voir les intendants, maintenant. Au pas de course même. Vous me montrerez la pièce par la suite. Puis, j'inspecterais vos armes et votre bouclier lorsque j'aurais contrôlé le reste de vos frères et sœurs d'armes. Ils n'ont pas intérêt à présenter un quelconque défaut, sinon vous serez de corvée de fourrage pour la soirée. C'est compris ?
- Compris Lieutenant-Chevalier Kéraunos.
- Bien. Vous avez au moins le mérite de faire face, c'est honorable.
Il salua alors, pour le bon et le mauvais. Asran n'avait pas perdu une goutte de la remontrance et tâcha de ne rien montrer. Il pensa même que cela allait lui retomber dessus, c'était sa section après tout, c'était donc de sa faute si ses Hommes n'étaient pas irréprochables. Antigone continua la tâche, mais n'envoya guère plus de soldat à l'intendance. Elle n'assigna d'ailleurs aucune corvée à l'issue de cela. Tout était rentré dans l'ordre après tout. Ce n'était qu'une étourderie mineur qui aura été très vite réparée. Lorsque l'ordre du Capitaine fût totalement accompli, ils s'autorisèrent avec sa bénédiction comme il leur avait également ordonné, un moment de repos. Le soleil se couchait et le ciel, par dessus les montagnes, se teignit d'un bleu qui lui était propre, mêlé d'un rose dont on ne savait pas d'où il provenait. Les différentes nuances de bleu et les éclats de rose se mariaient parfaitement bien. Le rose se manifestait par des trainées chaotiques, comme si le peintre orchestrateur de tout cela s'était soudainement donné de tout son corps et de tout son cœur à une pulsion uniquement guidée par de la colère et de l'incertitude. Une pulsion qui n'en demeurait pas moins créative et qui résultait d'un tout harmonieux, simplement par le rendu des couleurs du ciel. Les nuages faisaient preuve d'un retrait absolue, ils n'étaient en aucun cas imposant et demeuraient très solitaires. L'un par ci, l'autre par là. Pas plus gros qu'une barque naviguant à son rythme sur une mer d'huile. Le soleil se couchait lui aussi à son rythme. Tout était bel et bien voué à s'adonner au noir. La terre l'avait déjà embrassé et il était difficilement possible de voir au loin l'horizon. On distinguait des formes, que l'on attribuait facilement aux reliefs collés sur les Hautes-terres, ou aux montagnes qui les enclavaient.
Antigone regardait le ciel avec attention, elle le trouvait magnifique. Asran vint s'asseoir à côté d'elle, un morceau de cuissot à la main. Les cuisiniers avaient apportés la nourriture et il était sûr qu'il dévorait là le fruit de son travail. Elle s'écarta légèrement mais ne quitta pas le ciel des yeux. Le corps officier de la compagnie, capitaine exclue, forma un cercle autour d'un feu de bois. Thorben et le couple Aithria parlaient entre eux, Antigone et Alexandre restèrent muet. Il ne voulait la couper dans sa réflexion qui s'avérait être passionnante. Elle était nul sa réflexion. Elle ne faisait que regarder le ciel et écoutait avec attention ce que disaient les autres. Ils ne se doutèrent tous de rien. Le trio éclata de rire en chœur, et laissa un petit blanc s'installer le temps pour chacun de se remettre de ce court moment de joie. Thorben, une fois qu'il jugea la chose faites, relança la conversation plus posément, comme il savait bien le faire. Le Sergent-Chevalier resta le nez planté dans son assiette, à chercher les plus petits morceaux de nourriture tandis que sa femme regardait leur interlocuteur avec attention, attendant les paroles qui s'apprêtaient à sortir.
- Et votre fils, comment va t-il ?
- Eh bien... Il va très bien, du moins, c'est ce qu'il nous a laissé croire au moment du départ.
- Quel âge a t-il ?
- Deux ans, il va sur ses trois ans.
- Achille, c'est cela ?
- Oui c'est ça, vous avez bonne mémoire.
La jeune caporale parlait avec beaucoup d'admiration dans la voix et beaucoup d'amour surtout. Elle semblait aimer sa progéniture de tout son cœur et sur ces courtes phrases, cela se ressentaient. Le Sergent-Chevalier tapa violemment sur ses genoux, avec un grand sourire au lèvre. Une ardeur soudainement alimentée par les pensées heureuses que lui procurait son enfant venait de naitre dans son corps. Par sa grande voix alimentée de ce sentiment, il rebondit avec aisance sur la phrase de son épouse.
- Il ne parle pas encore ! Mais, il marche déjà ! Enfin, difficilement, mais c'est très prometteur. C'est un vrai Stromgardien, il sait que les actes sont plus important que les mots ! A ce rythme là, je vous le dis moi, il brandira une lame à quatre ans et nous fera tous mordre la poussière à huit ! Notre enfant a en lui la ferveur de Stromgarde ! C'est la relève, Stromgarde a de beau jour devant elle !
Thorben laissa sortir un autre rire qui lui vint du fond de la gorge. Il se vit obligé de se désaltérer d'une bonne lampée d'eau, puis il regarda les deux parents en hochant de la tête de manière répété.
- Je gage qu'il sera un grand guerrier, peut-être même qu'il prendra le trône. Puissiez vous le revoir à l'issue de cette guerre, je vous le souhaite de tout mon cœur.
Antigone laissa son regard se mêler d'une légère jalousie logiquement couplée à une envie certaine. Elle ne resta pas insensible aux dires du paternel, ils trouvèrent dans ses pensées une place qui semblait avoir de l'importance. Elle n'avait jamais vraiment réfléchit sur l'impact que pouvait avoir un enfant sur la patrie qu'elle adorait. Il était clair que la descendance prendrait la relève sur ce qu'ils faisaient mais l'enfant le voudrait-il vraiment ? Ils étaient militaire, et la société Stromgardienne donnait une place particulièrement privilégiée aux enfants de militaire. Pour eux, l'avenir était tout tracé. Par la place qu'avait leurs parents, ils étaient sûr de pouvoir accomplir ce qu'ils voulaient accomplir. Elle se leva lentement, plaça ses mains dans le bas de son dos et quitta le cercle. D'un pas déterminée, elle se traçait un chemin qui était semé d'obstacle physique par les tentes et les multiples caisses empilés à la manière d'un jeu enfantin mais aussi par des obstacles immatérielles en la chose de ses pensées qui s'affairaient à trouver une solution pour revoir le calme s'épanouir en son être. Elle était pétrie de ces petits orages temporaires qui survenaient lorsque l'on parlait de chose qu'elle tardait à mettre en place, de manière officieuse. Elle s'écarta du camps à son rythme et gagna petit à petit le plan d'eau qui voisinait le campement. Le ciel avait désormais succombé au noir et l'Hiver ne lui simplifiait pas la chose. Les éclats lunaires encore timide ne pouvaient que partiellement se refléter sur la surface de l'eau car l'Hiver demeurait parasite et tentait tant bien que mal de geler la totalité de sa surface. Par endroit, on devinait des fines couches de glace qui rivalisaient avec l'eau mais cette dernière n'avait que peu d'inquiétude, il ne faisait pas assez froid pour les voir devenir importante et elles restaient de fait, insignifiantes.
Avec la fin du jour la température était donc bien basse, mais elle ne tremblait pas. Sa respiration lente et appliquée rejetaient la preuve de sa chaleur interne en une fine vapeur d'eau qui se faisait intense à sa sortie pour finalement s'évanouir dans l'air. Elle rangea quelque cheveux qui la dérangeait derrière son oreille, et pencha la tête sur la gauche. Le bruit de plaque venait de trahir un poursuivant qui n'était autre qu'Alexandre, curieux de savoir la raison de cette petite promenade. Sa voix transperça le calme de plein fouet et le laissa agoniser lentement, mais nul doute que la tranquillité nocturne des Hautes-terres d'Arathi s'en remettrait.
- Je vous dérange probablement, mais vous avez eu l'air bien seule et bien pensive. Si vous avez besoin de parler, j'ai deux oreilles pour écouter.
Elle soupira longuement et se remit à regarder droit devant elle.
-Vous pouvez rester, il serait impoli de vous renvoyer alors que vous venez avec une bonne intention.
Il se hissa alors à son niveau, regarda son visage neutre mais tout de même magnifique à l'éclairage nocturne. Il tenta adroitement de suivre son regard pour en conclure qu'elle ne regardait rien de bien précis si ce n'est que l'horizon. Il resta silencieux, il avait peur d'engager avec elle la conversation et de ce fait ne voulait pas le montrer en se risquant à prendre l'initiative. C'était un homme patient qui n'avait aucun mal à attendre lorsqu'il était certain que cela en valait la peine. Il avait également la petite intuition, le petit instinct qui lui susurrait à l'oreille qu'attendre, avec elle, cela en valait toujours la peine. Cette petite voix venue de son cœur se montra encore une fois, comme par le passé, de bon conseil. Elle prit l'initiative de la discussion et avec cela, les rênes de celle-ci.
- Asran, que pensez vous de la famille ?
- Cette question fait suite à la discussion qu'à eu Thorben avec nos deux mariés ?
Elle opina de manière nette et concise mais en aucun cas ne posa son regard sur celui-ci.
- Eh bien. Ce que j'en pense, c'est que c'est un moyen de construire avec quelqu'un qu'on aime de tout son cœur quelque chose qui dura dans le temps, pour le bien de sois mais pour le bien des autres aussi. Elle apporte l'éducation et est le berceau d'une solidarité qui plus tard, sera étendue aux autres.
- Elle est bien rose votre vision.
- Peut-être qu'elle est naïve, mais il n'y a pas de famille sans amour.
Lentement, il déroulait sa vision de la chose et ce de manière détendue. Sa peur s'était progressivement évanouie au fil de sa démarche. Elle, impassible, enregistrait ses réponses pour son compte avec un certain intérêt.
- Et vous pensez qu'une famille peut s'épanouir là où il n'y a pas d'amour ?
- Oui, parce qu'ils s'aiment mutuellement. Ils se donnent chacun la force de passer outre leur environnement aussi morose soit-il. Ils l'apportent, l'amour.
- C'est très restreint sur les membres de la famille et pas sur les autres. A un moment, il faut faire un choix entre la famille et la patrie. L'amour de ses proches, l'attachement que l'on éprouve envers eux fera toujours que la patrie sera laissée sur le côté au bénéfice de la famille. On veut préserver son foyer, son couple et inévitablement, on détruit le reste.
Il se gratta la tempe de manière machinale, quelque chose clochait dans ce discours mais il n'arriva pas à mettre le doigt dessus et Antigone le perçu bien car c'est à ce moment là qu'elle le regarda. Il semblait décontenancé. Il était loin d'être convaincu, il cherchait plutôt à la convaincre que ce qu'elle disait n'était pas véridique. La réponse semblait pourtant aisée et il était loin d'être idiot. Il avait ce petit défaut qui faisait qu'il n'arrivait pas à s'adapter à la conversation, qu'il n'arrivait pas à placer au bon moment les bons arguments et ces arguments venaient toujours à la fin du sujet dont ils parlaient. Il décida alors de tourner la page, cela n'était pas catastrophique.
- Qu'est ce qui vous tiraille, Lieutenant Kéraunos ?
- Rien, rien du tout. Rentrons.
Elle fit volte face d'un demi-tour parfait. Mains jointes dans son dos elle reprit le chemin inverse sans attendre le Caporal. Elle venait de fuir ses problèmes face à cet homme. Elle était tiraillée, tiraillée par cette envie qui la tenait au tripe depuis sa promotion au grade de Lieutenant-Chevalier. Mais elle ne voulait pas le dire, elle gardait pour elle ce problème qui venait la consumer de l'intérieur. Non pas par intimidation, elle était loin d'être intimidée par qui que ce soit et encore moins par le Caporal Asran qui, aussi imposant soit-il, avait un cœur de guimauve. Elle avait plutôt honte, honte de ressentir un sentiment aussi humain alors que son devoir lui interdisait de le faire, parce que ses sentiments n'avaient pas leur place dans le paquetage qui l'accompagnait sur les sentiers de la guerre. Elle avait ressentie cependant quelque chose, avec le bon homme. Elle s'était assez bien sentie pour engager ne serait-ce qu'un début de discussion qui la mènerait sans conteste à une résolution de son problème, mais à sa manière. Elle avait eu la présence d'esprit de le notifier et de s'en emparer pour s'en servir comme arme. C'est cela qui réussi à dissiper les nuages en son sein, et qui permit à sa tranquillité de revenir accompagnée de la tranquillité nocturne.
Ils distinguèrent autour du feu de camp, le Capitaine-Chevalier qui semblait être revenu. Ils se figèrent devant lui, saluèrent proprement. Ce dernier se leva et salua lui aussi, les autres firent de même sans saluer cependant. Le Capitaine vêtit son visage de son éternelle sourire de satisfaction en les regardant, content de les voir revenir. Il s'adressa à tous. Les deux arrivants étaient donc les pièces manquantes au début de sa besogne.
- Bien, nous vous attendions. Nous avons du travail. Je dois vous parler de la stratégie de défense.
Il quitta le cercle et prit la direction de la tente de commandement de leur compagnie. Ils l'imitèrent tous, les deux Aithria furent les premiers à le suivre, suivit de Thorben puis d'Alexandre. Antigone tarda à le faire, ce qui automatiquement la plaça en dernière position. Une fois rentrée dans la tente, elle la referma soigneusement et leur offrit une petite bulle de calme dans le vacarme d'une soirée de détente.
Invité- Invité
Re: La Fille de Stromgarde
Chapitre 2 - Sacrifier ses états d'âmesLa réunion commença aussitôt, Donovan avait tout préparé pour pouvoir enchainer rapidement. Il avait fait installé une table et avait réussi à obtenir une carte agrandie du théâtre des opérations. Il passa rapidement derrière cette table et leur fit signe de se placer autour tout en restant à peu près harmonieux. Ils allumèrent assez de bougie pour pouvoir avoir de la lumière en conséquence de ce qui allait se dérouler par la suite. Tous restèrent silencieux, attendant qu'il engage la chose et il ne voulait pas s'attarder davantage si bien qu'il leva ce petit silence préparatoire.
- Ce fût long et laborieux mais nous avons tous réussi à trouver un terrain d'entente, une approche commune qui nous permettra, je le crois, de tenir le viaduc sans éprouver trop de difficulté. Nous avons donc choisi une stratégie défensive. Le viaduc est un espace assez restreint, c'est pourquoi vous vous en doutez, qu'il sera plus aisé de le tenir par une formation en quatre par huit, soit quatre en largeur et huit en longueur, soit une Enomotrie. Les éclaireurs sont allés voir hier, nous avons la place pour en caser deux en largeur. Cinquante soldats pourront donc combattre sur le viaduc, donc deux pelotons. Nous avons l'avantage du terrain, parce que nos manières de faire nous donnent cet avantage, il n'y a donc pas de soucis à se faire pour ses cinquante soldats. Néanmoins nous ne pouvons pas nous reposer sur cela. Il y aura deux autres sections qui emboiteront le pas des deux premières dans le cas où le peloton chargé de les retenir se ferait laminer. Cela fera donc cent soldats pour tenir le viaduc.
Il marqua un temps, tout en regardant chacun. Il les consultait du regard et ne semblait pas vraiment sûr de lui quand à cette façon de faire. Antigone perçut ce petit manque de confiance mais elle ne dit rien et attendit la fin de la chose pour parler. Pour lui parler seul à seul. Il alliait ses mots à des gestes sur sa carte, plaçait des pions qui représentaient les deux pelotons de cinquante soldats ou les quatre sections de vingt-cinq têtes, en fonction du point de vu. Après les avoir tous observé avec attention, leur visage respectif finement sublimé par l'éclairage de la bougie, il poursuivit.
- La stratégie est risquée je ne vous le cache pas. C'est un pari sur les forces ennemis que le commandant a voulu faire. J'ai insisté pour avoir des solutions qui ne nous conduirons, je l'espère, pas à la catastrophe. Les chefs de sections seront chacun équipé de fumigène de deux couleurs. L'un sera noir et l'autre blanc. Le blanc annoncera une réussite, le noir un échec. Si le noir est allumé alors la compagnie des Thanatokheiros, nous, rappliquerons rapidement et pousserons ces monstres vers le viaduc, voir le précipice. Au final, nous allons expérimenter cet outil que nous utilisions à l'entrainement en temps réel. A ce moment là, les pelotons devront reculer et laisser place à la cavalerie, qui évoluera elle aussi en Enomotie. Si toutefois les orcs ont trop avancés, au point d'atteindre la plaine, elle devra opérer en phalange par trois mais nous verrons en tant voulu.
Il plaça alors les pions représentant la cavalerie sur le terrains puis dessina brièvement une flèche en direction des précipices qui bordaient la zone. Il s'arrêta alors un moment de parler le temps de faire cela, et les regarda une nouvelle fois à unique but de consultation. Ils hochèrent du chef. Alors, il s'en revint à la chose.
- Comme vous l'aurez compris... La première ligne sera de l'infanterie, naturellement. Chaque bataillon devra fournir une de leur section issue de leur meilleure compagnie pour constituer la première ligne. Sauf nous, nous devrons en fournir deux, étant donné qu'il y a plus de sections assignées à l'affaire que de bataillon. Je me suis porté volontaire pour en fournir deux. Sergent-Chevalier Aithria, vous prendrez une de vos deux sections et irez là bas avec le Caporal Aithria et sa section. Je passe la deuxième section du Sergent-Chevalier au Caporal Asran qui je gage, saura la couvrir le temps que cela se passe. Nul besoin de vous inquiéter, le commandant Onchos prendra lui même la direction de la petite compagnie. Vous êtes donc mobilisés dès demain, afin de surveiller l'activité sur la zone et être prêt à toute arrivée ennemie. Le terrain permet de s'établir là bas de manière temporaire.
Un bras se leva timidement. Son allure fébrile suggérait qu'il appartenait au Caporal Aithria. En bon élève elle levait le bras pour demander la parole par respect, pour ne pas la lui couper. Elle attendit très peu, cette parole lui fût donné dans les secondes qui suivirent le geste par un simple regard affirmatif.
- J'ai quelques interrogations sur le fond de la chose, je me demande pourquoi est ce qu'on choisit cette stratégie plutôt limitée et qui me semble bien dangereuse. Pourquoi ne pas traverser le viaduc, et les attendre de l'autre côté ?
- Les dernières nouvelles disent que Khaz'Modan est tombée. Nous ne savons pas exactement où est l'ennemi, si nous traversons, nous évoluerons en terrain inconnu. Nous serons donc une proie facile, les embuscades seront probablement nombreuses et ce sera encore plus dangereux. Il sera également plus difficile de se replier car nous perdrons notre avantage du terrain par l'acte de retraite. De plus, la région des Paluns est plus compliquée à apprivoiser pour la cavalerie.
Elle opina convaincue par cette possibilité qui, après réflexion, lui semblait désastreuse. Or elle restait moyennement convaincue par le tout donc elle posa une autre question dans la foulée. Elle cherchait à avoir la confirmation qu'il n'y avait pas d'autre moyen de défense que ce qui était déjà mis en place.
- Pourquoi ne pas les laisser traverser alors ? De cette manière, ils vivront la même chose que nous pourrions vivre si nous traversions. Leur retraite serait plus compliquée, et nous pourrons les anéantir en limitant les pertes humaines...
- C'est juste. Néanmoins, si nous faisons cela, nous risquons de mettre le campement en danger. Mais pire encore, nous ouvrons la porte à Stromgarde et aux villages environnants, donc nous mettons la vie de civils en jeu. Nous ne pouvons pas donner la possibilité à l'ennemi de vagabonder sur les terres, de tout piller sans pouvoir rien faire parce que notre mission est le viaduc de Thandol. Si nous faisons cela, nous nous risquons à créer deux menaces, leur bloc principale et les autres qui, si ils se rassemblent, pourront nous prendre à revers. Là, la tache sera compliquée voir impossible. Nous serions obligés de quitter la zone du viaduc et d'emporter avec nous la honte de notre échec.
Antigone regarda longuement Aithria en fronçant les sourcils. Elle voyait là le doute du soldat qui pourrait être ravageur dans les rangs de la compagnie. Alors, dès que le Capitaine-Chevalier eu fini sa phrase, elle se permit de s'insurger dans la discussion.
- Aithria, en tant que soldat vous le savez. A la guerre, il y a des pertes, il y a des sacrifices. Nous devons construire une muraille humaine pour les empêcher de passer et c'est là tout l'intérêt de la stratégie choisie. Ils ne doivent pas passer le viaduc. Si on refuse de subir la perte d'homme, on se conduit inévitablement à la défaite.
- Je ne parle pas de refuser la perte d'homme, je parle de la limiter ! C'est tout simplement humain...
- Il n'y pas de place pour les états d'âmes, nos ennemis sont des monstres qui n'en n'ont aucun. Les Hommes dans nos rangs savent pourquoi ils sont là, et savent ce qu'ils doivent accomplir, comme nous. N'oubliez pas d'où nous venons, n'oubliez pas vos racines, nous ne mourrons pas facilement, face à la tempête nous tenons toujours. Et pour tenir face à la tempête, cela demande de ne pas se soucier de la perte.
Elle souffla du nez bruyamment, consternée. Elle faisait preuve de bien plus d'humanité que sa supérieur et préféra se taire que d'essayer de la convaincre. Antigone était probablement une cause perdue. Donovan les regardait toute les deux en silence, la mine neutre mais on pouvait percevoir dans le fond de son regard, une certaine tristesse qu'il se gardait bien de révéler pour la rendre officielle. Il la gardait bien pour lui, pour ne pas la désacraliser. Alexandre croisait les bras, il regardait lui Antigone. Il doutait lui aussi de son opinion sur la chose, cela lui paraissait extrême comme façon de penser et il y avait probablement d'autre voie moins regrettable que le supposé sacrifice. Le Sergent-Chevalier Aithria n'approuvait pas les propos de sa femme, il avait froncé les sourcils face à ses réflexions. Lui, il voyait de l'honneur et de la gloire. Il savait qu'il ne serait pas oublié si il devait s'éteindre pour toujours sur ce viaduc. Thorben quand à lui, restait de marbre. Il était si inerte qu'on pouvait facilement le penser endormi. Il s'ennuyait à mourir mais avait tout de même tout enregistré. Il était naturel pour lui d'écouter les ordres qui avaient été donné, et de ne pas chercher futilement une alternative. Donovan en maitre de cérémonie, reprit la parole.
- Vous êtes la plus galvanisante Aithria, et le Sergent-Chevalier est probablement le meilleur soldat à pied de nous tous ici présent. J'ai grande confiance en vous, je sais que vous participerez à nous mener vers la réussite de la mission. C'est pour cela que je vous ai choisi.
Le regard du Caporal se fit tremblant en l'espace d'un instant. Ces mots lui allaient droit au cœur, on la reconnaissait pour ses qualités. Elle le salua par réflexe et par remerciement, et son doute ne s'épanouit guère davantage.
- Je n'ai plus grand chose à dire sur cela, vous aurez probablement demain un mot du commandant. Je vais vous demander de me laisser la tente encore quelques instants. Je dois m'entretenir avec Kéraunos.
Ils saluèrent et quittèrent la tente, seule la concernée resta. Alexandre jeta un dernier regard derrière lui, puis écarta le tissus qui fermait la tente pour en sortir, dernier. Elle regarda profondément le Capitaine, et il le fit aussi pour enfin laisser sortir un profond soupire.
- Ce fût bien cynique comme intervention Antigone. Tes mots ont cependant une part de vérité, c'est toujours comme cela que nous avons procédé et c'est probablement comme cela que nous procèderons à l'avenir...
- Que pensez vous de la stratégie, Capitaine-Chevalier ?
Il soupira une nouvelle fois. Il n'était pas pris au dépourvu, il savait qu'elle arriverait à déceler quelque chose qui clochait dans son comportement. Si elle était difficile à lire, elle savait parfaitement bien lire dans les gens. Et cette discussion était née dans cette certitude qu'il s'était fait, il avait besoin de son avis. Elle voulait l'entendre parler sur la chose, elle brûlait d'envie de savoir son opinion. Il était pour elle un modèle de conduite et de pensée et elle essayait au jour le jour de suivre son exemple mais elle trainait derrière elle le boulet de ses défauts dont elle n'arrivait pas à se défaire, sa volonté n'était pas assez grande à un travail de remise en question.
- Très honnêtement ? Cette stratégie est une catastrophe. C'est une folie de se battre à même le viaduc de Thandol. C'est l'idée du Commandant et il a été impossible de le convaincre. J'ai cherché d'autres solutions mais rien n'y a fait. J'ai même fait preuve d'un peu d'entêtement, ajoute à cela un soupçon de défiance et il m'a indirectement puni pour cela. Je ne me suis pas porté volontaire à prêter deux sections, c'est lui qui m'a ordonné de le faire. Je signe là un déluge pour notre compagnie et j’anéantis avec cela une famille futilement, pour un excès de zèle qui est propre aux jeunes recrues...
- Ce n'est pas de votre faute, vous connaissez le commandant... C'est un idiot, un raté qui s'est toujours débrouillé pour empocher la gloire au détriment de ses soldats.
- Doucement. J'ai l'impression tout de même d'ignorer les anciens, qui nous disait d'approcher la bataille avec un minimum de logique et de stratégie et de ne pas agir tel que seule la mort en résulterait.
- J'ai entendu ce discours moi aussi. Très sincèrement Donovan, nous avons approché la bataille avec un minimum de logique et de tactique. Simplement, elle nous déplait, nous aurions préféré autre chose. Or, par votre ancienneté vous le savez mieux que moi, les ordres sont les ordres, même si ils proviennent d'une raclure.
Ses incessants soupires se transformèrent un long souffle de lassitude. C'était une jument indomptable, il n'arriverait donc jamais à lui corriger ses écarts de langages. Il avait peut-être été trop laxiste avec elle, si bien qu'elle s'était progressivement installée. Il ne le pensait pas, il savait qu'elle le respectait à un point qu'il ne pouvait percevoir tant il était haut. Elle restait fidèle à elle même. Il se détacha de la table sur laquelle il s'était avéré collé tout le long de la réunion puis passa sa main gantée sur son visage, en espérant pouvoir éliminer la couche de fatigue et de lassitude qui parasitait celui-ci.
- Soit nous verrons bien. Après tout, l'avenir nous donneras peut-être tort. Il ne nous reste que l'espoir, désormais. Merci, Antigone.
Elle ne répondit pas et courba lentement sa tête vers le bas. Elle fit volte-face soigneusement, dans un léger cliquetis aiguë et se dirigea vers la sortie. Alors qu'elle passait sa tête à l'extérieur, elle entendit la voix du Capitaine ajouter quelque chose qu'il n'avait pas eu le temps de lui dire en face à face.
- Dis aux autres que la tente est disponible, si ils veulent faire leur nuit.
- Entendu.
Elle gagna le feu de camps où ils s'étaient réunis. Il n'y avait pas de silence morbide, ils riaient et parlaient de tout et de rien, c'était bon enfant. Les doutes du Caporal Aithria était désormais totalement inexistant, elle semblait les avoir oubliés, évaporés dans la bonne humeur. Elle les regarda longuement, un par un, leur dit ce qu'elle avait à leur dire puis quitta les lieux pour s'en aller dormir. Alexandre entendit la chose malgré le brouhaha sonore mais il ne voulait l'appliquer de suite. Il voulait rester le plus longtemps possible avec le Sergent-Chevalier et le Caporal. Il savait au fond de lui qu'après cette soirée, rien ne serait jamais pareil. La compagnie allait changer de visage, et la routine de l'avant-guerre se briserait en l'espace de quelques heures. Il chérissait le moment de tout son être, de toute les forces qui étaient encore à sa disposition. La page était sur le point de tourner, mais ils étaient encore à cette courte étape qui fait qu'elle tourne. Ils étaient à cet entre-deux, où ils savent qu'elle va tourner mais où ils ne sont pas encore certains du moment où cela se fera. Il était bien le seul à se torturer l'esprit de cette manière. Il était bien le seul à y penser. Le temps changeait progressivement et il se devait de s'adapter, sous peine de se laisser dépasser par la force des choses.
Invité- Invité
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum