Justice
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Justice
Le bruit de la lame sur la pierre me sort de ma rêverie. Autour de moi, les murs de la cellule exigüe semblent me narguer, chaque rocher encastré se tord comme un masque grimaçant. Je tente de rester debout, mes jambes manquent de se dérober sous moi, ne soutenant plus le poids de mon armure.
Au sol, mon arme gît dans la poussière, mes doigts tremblants l’ont laissée tomber sans que je ne m’en rende compte. Chaque inspiration vient à m’arracher un râle étouffé, ma gorge sèche rend l’air ambiant brûlant ; ma langue semble avoir doublé de volume, obstruant ma bouche. Je dois me faire violence pour me forcer à avaler de grandes goulées d’oxygène, manne salvatrice à l’écrasement qui m’enserre. De tous côtés, les crânes hurlants encastrés dans la terre et la roche fixent de leurs orbites vides mes traits émaciés.
Je fléchis finalement le genou droit, les odeurs de sang et de charogne emplissant mon environnement olfactif, alors que les hauts le cœur se succèdent sous fond de malaise. Quand mes paumes touchent le sol, la douleur à mon thorax me lance violement ; l’impression qu’un tison ardent s’enfonce dans mon plexus solaire, coupant net ma respiration. Ma main gauche se porte à l’origine du mal, les doigts gantés griffant en vain la cuirasse intacte.
En cet instant, je ressens chaque année pesant sur mes épaules, le fardeau de chaque choix et de chaque conséquence, les grincements des verrous et le crépitement des flammes. Surgissent depuis les profondeurs de mon esprit les claquements des fouets ; accompagnés de la douleur dans mon dos, les morsures du cuir marquent ma chair à jamais.
La sueur coule le long de mon échine, naissant à la base de ma nuque telle une tumeur rampante, glissant sur les plaies à vif de mon dos, venant se répandre au creux de mes reins ; dessinant d’invisibles arabesques écarlates.
Je tente de récupérer ma lame, mais la poussière m’aveugle, me privant de repères, et me voilà me trainant comme je peux, je ne parviens plus à savoir où je me trouve, les ricanements résonnants tout autour de moi ; concert assourdissant, symphonie de mâchoires claquants dans le vide.
Je finis par appeler au secours, hurler à m’en vider les poumons, ma gorge me brûle. Je m’égosille, je crie encore et encore. Ma voix tonne et gronde, rejoignant la cacophonie qui règne dans la cellule, me vrillant les tympans. Un filet de sang coule de mes oreilles, alors que le bruit s’estompe sans que je cesse pourtant me vociférer, et c’est sourd, aveugle et muet que je rampe en vain à la recherche d’une main tendue.
Je tends une main que je ne vois pas en avant, et malgré le gantelet de plaque, je ressens parfaitement la pierre rugueuse frotter la pulpe de mes doigts. Sous ma paume se dessine la forme d’un crâne brisé, difforme, qui frémit au contact. Je tente de m’y accrocher, alors que des mains squelettiques se saisissent de mes chevilles et de ma cape en lambeaux ; cherchant à me trainer en arrière.
Je hurle de plus belle, non de peur, mais de terreur, seul l’odorat et le toucher me guidant encore dans ma quête d’échapper à ce lieu. L’odeur de cadavre se mêle à celle du souffre, et celle plus exotique que je reconnais pourtant entre mille, les sueurs des orcs, tourbillonnant dans mon esprit qui se noie.
Je sens mon cœur ralentir, les battements s’espaçant alors que je me sens trainé comme une vulgaire carcasse, mes geôliers mâchonnant mes bottes d’acier et mes jambières. Ma main agrippe ce crâne qui s’agite et convulse, avant de mordre ma main. Ses crocs se referment et broient sans peine la plaque, déchirent la chaire et écrasent les os. Le poignet cède si facilement qu’il me faut quelques instants pour que le déferlement de douleur ne m’envahissent, foudroyant mes muscles.
Je m’écroule complètement dans la poussière, alors que la horde s’agglutine autour de moi, arrachant mon armure comme s’il s’agissait de lambeaux de tissu grossiers. Les doigts crochus écorchent la peau, les dents mordent et extirpent de grand morceau de viandes sanguinolentes.
L’un d’eux me frappe au visage, plusieurs fois, et le craquement sinistre de mon nez qui se brise me coupe de l’odorat, je lutte pour ne pas me noyer dans mon propre sang. Retourné sur le dos comme un vulgaire morceau de viande, je ne ressens plus de douleur, juste ces mains et bouches avides me dépiautant méthodiquement, me dévorant avec un appétit frisant la frénésie.
Quand ma cage thoracique se brise, je me rends compte que malgré mon aveuglement, je reconnais certains d’entre eux. Je reconnais ces mains calleuses, et cette chevelure de suie. Je me souviens de ce regard dur, et de ses traits taillés à la serpe. Et par-dessus tout, je reconnais ce regard de citrine, opalescent.
C'est quand deux mains épaisses se saisissent de mon cœur et l’arrache violement que m’apparait enfin ce que je me refusais à voir. Je cesse de lutter, l’ai-je simplement fait un seul instant, alors que ceux que je n’ai pas sauvé me mettent en pièce.
Rendant Justice.
Angron Manus- Citoyen
- Nombre de messages : 1189
Lieu de naissance : Carmines
Age : Quarantaine
Date d'inscription : 13/05/2011
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Re: Justice
J’ai si froid.
La neige crisse sous mes pas, gorgée de sang, prenant une teinte rosé et carmin, scintillant sous la lueur de la lune. A mes pieds, le cadavre d’un homme, je ne vois pas son visage, il gît sur le ventre, l’empennage d’une flèche noire figée dans son dos. Tué alors qu’il tentait de fuir, ou par une volée, je ne saurais le dire, mais qu’importe le moyen, la fin est là, impassible, évidente. Une mort traitresse, possessive, fauchant sans différences et sans raison.
Mais la mort est de leur côté, tout comme ils sont du siens.
Les morts qui marchent ne ressentent pas le froid. Ils ne sont pas sensibles aux rafales qui fouettent leurs corps décharnés, exposant sous leurs lambeaux de peau putréfiés leurs os miteux. Les morts-qui-marchent n’ont pas la pitié des mortels, ou leur aversion pour la souffrance. Les morts-qui-marchent ne craignent ni la morsure de l’acier, ni la brulure des ombres. Ils sont implacables et tenaces, rongeant mètre par mètre la terre des hommes, brisent nos lames rouillés par le temps, et assistent à notre décadence depuis leurs tours élancés.
La poignée de mon arme glisse de mes doigts poisseux de sang, et tombe lourdement dans la neige, aux côtés de mon bouclier. Je tente vainement de la saisir à nouveau, mais quelque chose me frappe, je ne vois que le ciel, puis la neige à nouveau, quand je m’écroule face contre terre. J’ai si froid, mon armure est trempée, je ne sens plus mes pieds et mes mains, et les bruits autours de moi se font plus épars. J’aimerai tant me redresser, retrouver mes appuis, voir mes frères d’arme, mais en vain. Mes forces ne sont plus qu’un souvenir éteintes, mort avant d’avoir pleinement vécu.
Je sens des mains qui m’empoignent, me mettent à genoux, alors que je lève le visage sur un visage émacié auquel manque la partie gauche. Le réprouvé qui me fait face ne semble ni blessé, ni fatigué, simplement là, présent, aussi serein que la mort devant les jeux mortels.
J’attends qu’il parle, qu’il me dise quelque chose, peut-être qu’il savoure sa victoire ou qu’il m’interroge. Mais rien. Un simple regard, neutre, ne me donnant aucun indice sur mon propre état, qui doit être pitoyable à en juger par le sang chaud qui goute le long de mes membres brisés.
Je vais pour parler, le forcer à sortir de cet état flegmatique qui me met hors de moi tant il semble peu naturel. Mais un étau écrase mon cœur, une main gantée de fer le broie d’un seul geste, alors que mon souffle s’évapore, disparaissant dans une dernière volute de buée.
Le néant. Ni douleur, ni souffrance, ni ouïe, ni odorat, ni vue, ni gout, ni toucher.
Rien.
Puis la Lumière. Celle que je vantais tant, que je vénérais pieusement.
J’avais tort.
Je me relève une nouvelle fois. Mes pensées sont chaotiques, tordues, malsaines. Mais mes jambes me portent, et je vois de nouveau. Je vois mes mains pâles, trop pâles. Mes plaies qui ne saignent pas, mes blessures qui ne me font pas souffrir. Je vois les autres morts-qui-marchent, qui se rassemblent. Certains visages connus, d’autres non. Mais tous pensent la même chose, l’unique chose qui importe, celle qui trône dans mon esprit.
Je regarde vers le sud.
Je n’ai plus froid
La neige crisse sous mes pas, gorgée de sang, prenant une teinte rosé et carmin, scintillant sous la lueur de la lune. A mes pieds, le cadavre d’un homme, je ne vois pas son visage, il gît sur le ventre, l’empennage d’une flèche noire figée dans son dos. Tué alors qu’il tentait de fuir, ou par une volée, je ne saurais le dire, mais qu’importe le moyen, la fin est là, impassible, évidente. Une mort traitresse, possessive, fauchant sans différences et sans raison.
Mais la mort est de leur côté, tout comme ils sont du siens.
Les morts qui marchent ne ressentent pas le froid. Ils ne sont pas sensibles aux rafales qui fouettent leurs corps décharnés, exposant sous leurs lambeaux de peau putréfiés leurs os miteux. Les morts-qui-marchent n’ont pas la pitié des mortels, ou leur aversion pour la souffrance. Les morts-qui-marchent ne craignent ni la morsure de l’acier, ni la brulure des ombres. Ils sont implacables et tenaces, rongeant mètre par mètre la terre des hommes, brisent nos lames rouillés par le temps, et assistent à notre décadence depuis leurs tours élancés.
La poignée de mon arme glisse de mes doigts poisseux de sang, et tombe lourdement dans la neige, aux côtés de mon bouclier. Je tente vainement de la saisir à nouveau, mais quelque chose me frappe, je ne vois que le ciel, puis la neige à nouveau, quand je m’écroule face contre terre. J’ai si froid, mon armure est trempée, je ne sens plus mes pieds et mes mains, et les bruits autours de moi se font plus épars. J’aimerai tant me redresser, retrouver mes appuis, voir mes frères d’arme, mais en vain. Mes forces ne sont plus qu’un souvenir éteintes, mort avant d’avoir pleinement vécu.
Je sens des mains qui m’empoignent, me mettent à genoux, alors que je lève le visage sur un visage émacié auquel manque la partie gauche. Le réprouvé qui me fait face ne semble ni blessé, ni fatigué, simplement là, présent, aussi serein que la mort devant les jeux mortels.
J’attends qu’il parle, qu’il me dise quelque chose, peut-être qu’il savoure sa victoire ou qu’il m’interroge. Mais rien. Un simple regard, neutre, ne me donnant aucun indice sur mon propre état, qui doit être pitoyable à en juger par le sang chaud qui goute le long de mes membres brisés.
Je vais pour parler, le forcer à sortir de cet état flegmatique qui me met hors de moi tant il semble peu naturel. Mais un étau écrase mon cœur, une main gantée de fer le broie d’un seul geste, alors que mon souffle s’évapore, disparaissant dans une dernière volute de buée.
Le néant. Ni douleur, ni souffrance, ni ouïe, ni odorat, ni vue, ni gout, ni toucher.
Rien.
Puis la Lumière. Celle que je vantais tant, que je vénérais pieusement.
J’avais tort.
Je me relève une nouvelle fois. Mes pensées sont chaotiques, tordues, malsaines. Mais mes jambes me portent, et je vois de nouveau. Je vois mes mains pâles, trop pâles. Mes plaies qui ne saignent pas, mes blessures qui ne me font pas souffrir. Je vois les autres morts-qui-marchent, qui se rassemblent. Certains visages connus, d’autres non. Mais tous pensent la même chose, l’unique chose qui importe, celle qui trône dans mon esprit.
Je regarde vers le sud.
Je n’ai plus froid
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