Rumeurs de la ville et ses alentours.

L'atmosphère était électrique. Le ciel sembla trembler puis, soudain, la réalité elle-même se déchira. Deux étincelles, immenses sur la voûte, s'étiraient en zigzagant le long d'un découpage approximatif. Sur l'instant, on pouvait croire qu'une main gigantesque s'apprêtait à ouvrir un sac pour le fouiller. Puis une faille immense s'ouvrit au milieu du bleu du ciel. Ses bords rougeoyant s'élargissaient à n'en plus s'arrêter, pareil à un feu qui troue et consume un parchemin.

Tout à coup, au milieu de ce chaos infernal, la faille vomit une... planète. Pytt n'en croyait pas ses yeux. Une planète. Comme tous les habitants de Hurlevent, et peut être même d'Azeroth toute entière, son regard était resté fixé sur ce spectacle terrifiant. Ce n'était pas la naissance d'un corps céleste éblouissant à laquelle ils venaient d'assister, mais l'apparition d'un astre déformé et chaotique, éclaté de toute part et bourdonnant de felmagie. Le cœur de la Légion Ardente.

Pytt était sans voix. Le temps semblait suspendu, comme si Azeroth toute entière retenait son souffle. Puis ce fut le chaos. Un humain le bouscula dans son armure, puis un autre, un nain, puis un gnome... Les citoyens s'agitaient et couraient dans tous les sens, horrifiés par cette funeste apparition. Le jeune homme se laissait percuter par les badauds en fuites, sous le choc. Les cris et les hurlements lui parvenaient étouffés, comme si quelqu'un avait profité de sa stupeur pour lui glisser du coton dans les oreilles. De distinct, il n'entendait plus que son souffle. Sa respiration, d'abord lente, mais qui se faisait de plus en plus rapide à mesure que la panique le gagnait à son tour.

Une goutte de sueur perla le long de son front et se glissa dans son œil. Il grimaça et cligna plusieurs fois des yeux, aussi bien pour chasser la douleur que pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Soudain, un cheval le percuta et il s'écrasa brusquement comme un pantin contre une pile de caisses.

Une poigne puissante l'attrapa par le tabard et le força à se relever. Pytt discerna le regard acéré du sergent Garten à travers la visière de son casque. D'autres gardes essayaient de gérer les citoyens alarmés. Certains hurlaient des ordres, mais leur ton ne laissait aucun doute quant à leur inquiétude.

Le sergent secoua Pytt et donna une tape sur son casque. Le jeune homme leva les yeux vers elle et déglutit. Il hocha la tête fébrilement tandis qu'elle lui parlait puis lui emboîta le pas lorsqu'elle commença à se frayer un chemin à travers la foule. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Est-ce qu'ils étaient sur le point de se faire anéantir ? Est-ce que les démons étaient liés à cette apparition ? Est-ce que... Le fil de ses pensées fut interrompu lorsqu'il se cogna contre l'épaulière du sergent qui venait de s'arrêter. Elle vociféra une série d'ordres d'une voix forte et claire et, comme sous le coup d'un choc électrique, les gardes se ressaisirent. Face à pareille menace, il valait mieux obéir sans se poser de questions.

Pytt replaça correctement la visière de son casque, un peu trop grand pour sa tête, devant ses yeux. Il rengaina son épée, qu'il avait sorti de son fourreau sans s'en rendre compte, et se précipita auprès de deux autres gardes qui aidaient un nain à relever sa charrette renversée au milieu de la rue. Le visage en sueur et le cœur battant la chamade, il bougeait ses lèvres en silence tout en essayant de réciter une à une les lois du royaume.

La nuit promettait d'être longue, et la jeune recrue n'était pas au bout de ses peines.