Rumeurs de la ville et ses alentours.

par Shilandra Lun 9 Mai 2022 - 16:14

Tout dévoués, reconnaissants ou corrompus qu’ils étaient, les indigents évitaient le plus possible d’avoir à croiser leur patronne. Sa présence les mettaient instinctivement mal à l’aise. Son aura, sa silhouette provoquait chez eux l’inquiétude. Seule la fillette semblait sincèrement apprécier la compagnie de sa «bienfaitrice» - ou de son monstre, si vous préférez. Ce soir là, à la tombée de la nuit, l’incarnation d’un cauchemar était descendue de son perchoir pour rendre visite à la famille de déshérités.
Sans entrer dans leur misérable baraque d’une pièce, préférant leur parler derrière le drap mité qui faisait office de porte, la gargouille s’adressait à eux avec une bienveillance qui sonnait comme un chantage. Avaient-ils d’ailleurs vraiment le choix de refuser le service qu’elle leur demandait ? ... probablement que non.

Avant de disparaître tout comme elle s’était invitée, l’ombre cornue avait laissé en gage de reconnaissance et de paiement une pièce d’argent et un masque pour enfant sur la planche boueuse du pas de porte.

Rumeurs de la ville et ses alentours. Fillem10

Le lendemain matin, alors que la vie reprenait sur les quais et que la brise du large dissipait partiellement la puanteur des bas quartiers, mère et fille étaient sorties de l’impasse. La première, un pichet d’eau à la main et un sac de jute en bandoulière ; la seconde coiffée d’un masque rudimentaire en papier mâché orné de petites cornes. La femme avait abordé aimablement les membres de la «secte» qui s’étaient installés à l’entrée de leur taudis. Curieuse et intriguée par leur ferveur, elle les écoutait attentivement et se montrait sensible à leur message. La gamine masquée, elle, rôdait dans les ruelles alentour, épiant de loin le manège des interlocuteurs de sa mère.

par Phèdre Ambervale Lun 9 Mai 2022 - 20:01

Depuis plusieurs semaines, un ballet de capuches sombres aux pourpres couleurs peut se faire voir en la cité Blanche.
Jamais par plus de trois, les hommes qui composent cette danse marchent dans les rues, pamphlets au bras et propagande aux lèvres.
Ils offrent une retraite en la Marche de l’Ouest, là où la terre maintenant stérile rencontre le Bois de la Pénombre. Un lieu de repos, de méditation et de contemplation sur soi-même. Gratuit et “tellement bon pour l’esprit et le coeur.”

Ils n’hésitent pas à tisser les plus beaux mensonges, à user de toutes les images présentes dans leur répertoire pour convaincre, pour donner l’envie, pour planter la graine dans l’esprit et le cœur de ceux qui seraient réceptifs à leurs murmures et propositions.

Ils ont besoin de vous, ils le font savoir. Vous êtes désirés, vous êtes voulus. Enfin, on vous donne votre chance.

Quelques murmures du Quartier Nain parlent de ceux-là en des termes guère élogieux. Il y a quelques jours, une semaine, peut-être deux, ces capuches violacées auraient visiblement tiré sur une femme blonde, dans le but très clair de la tuer.
Les témoins, arrivés après le coup de feu, auraient retrouvé la jeune femme l’épaule en sang, et une de ces capuches en main, refusant de délivrer quelque information à la populace, répondant simplement qu’il s’agit d’un “Incident Isolé.”

Depuis, il n’est pas rare de l'apercevoir sur les toits, où elle attend sans rêver.

Eux-mêmes semblent sur le qui-vive, perdus dans leurs songes, planifiant, attendant leur heure.

par Hélyo Lun 9 Mai 2022 - 20:54

Le calme semblait de mise en ce moment au sein de la grande cité. La sélection naturelle avait-elle finalement commencé à s'inviter pour purger les pavés de Hurlevent ?
Plus de beuglards ivres criant à l'exclusion des ''étrangers'' de la cité. Absence totale de grands guerriers à l'armure démesurée au milieu de la place Faol. Même les démonistes et ''grands'' mages noirs semblaient se tenir à carreaux depuis plusieurs mois.
Les événements étranges qui avaient conduit les rues à être envahies par les morts-vivants avaient peut-être fait du bien à la capitale de l'Alliance.

La fossoyeuse, simple travailleuse et qui n'était pas la seule à ce poste, se reposait davantage et profitait du silence du cimetière enfin revenu. Il n'avait plus été aussi reposant depuis les événements concernant les ''siffleurs'' et les ''masques''.
Véritable théâtre pour les rencontres peu recommandables, elle avait appris à se tenir à l'écart de ce genre de personne, souhaitant vivre le plus longtemps possible. Il n'y avait rien de pire que la curiosité maladive.
Mais après tant de mois de calme, à constater une violente baisse des effectifs de la garde ou bien la désertion des rues de la cité, c'était peut-être l'ennui qui allait pousser la femme à rejoindre au plus vite les morts qu'elle enterrait !

Récemment, quelques individus suspects semblaient propager de douces promesses à quiconque saurait les entendre. Y aurait-il enfin un peu d'action ?
Hélas, elle ne pu que constater en questionnant les rares témoins qu'il ne s'agissait encore que d'un centième regroupement étrange et dont le motifs était encore si flou. Hélyo soupira. Pourquoi fallait-il toujours autant de mystères ? A force de vouloir trop faire dans l'originalité, on finit par devenir commun. Et c'est ce que chaque criminel, chaque personne qui essaye de sortir du lot fait depuis six ans dans la cité de Hurlevent.
Tous se conforment à la normalité de l'absurde et du démesurément '' trop sombre'' pour finalement ne devenir plus qu'un parmi tant d'autres. D'ici deux ou trois mois, le silence reviendra et quatre mois plus tard, tous auront oublié.
On en regretterait presque le grand Vanzetti !
Quelle vie de merde.

par **Thilius** Mer 11 Mai 2022 - 17:30

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeure, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur le toit, ses rideaux brodés toujours tirés au second étage et sa porte de chêne...

D'abord, un grand fracas. Puis, la demi seconde de silence qui suit une catastrophe : ce moment où l'esprit hébété se cristallise, ne réalise pas encore. Et enfin, les cris. Des appels effrayés, alarmés, mais étouffés par une voix qui les domine tous -- une voix aigue et rouge, trémulante, déchirée de douleur.

Le plancher du second a cédé. Des ouvriers qui étaient en train de hisser leur matériel dans le but de travailler sur la charpente du toit, la plupart s'en sont sortis sans dommages, ou avec quelques égratignures. Sauf un. Celui sous les pieds duquel le sol s'est effondré, et qui s'est retrouvé coincé à mi-torse entre les lattes et les moellons, la jambe lacérée sur toute sa longueur, le flanc percé d'énormes échardes.

Ils ont mis du temps à le dégager, aidés en cela, peut-être, par quelques volontaires extérieurs à leur équipe ; le blessé a perdu connaissance mais il est en vie, oui. On s'est hâté de le transporter jusqu'à l'aumônerie de la cathédrale où il restera pour des soins approfondis, et une convalescence nécessaire. Le reste des ouvriers a précocement plié bagage, clôturant leur journée de travail sur cet affreux accident.

On dit que le maître des lieux lui-même est passé, un peu plus tard. En coup de vent, pour constater les dégâts. Il n'aura pas rendu visite à la victime, mais de petites affiches ont fleuri ici et là dans le quartier, succinctes :

Recherche ouvriers qualifiés pour travaux de rénovation.
Expérience en charpenterie et maçonnerie demandée.
Laissez un message au Camp des Bûcherons, en Elwynn.
Sérieux exigé.

Le crépuscule tombe sur le manoir déserté. Au second, les vieux rideaux volent mollement dans leur absence de fenêtres, et les chats du quartier, peut-être attirés par l'odeur du sang dans la poussière et le bois, entrent en liberté. Leurs pattes légères ne font s'effondrer aucun appui ; leurs langues rêches fouillent les planches et les gravats, et dans la tiédeur du soir, leurs miaulements résonnent comme des plaintes.

par **Elana Milloin** Mer 11 Mai 2022 - 21:52

par **Mei-Lin** Jeu 12 Mai 2022 - 12:03

par **Siobhan Mornebrise** Jeu 12 Mai 2022 - 21:38

5 bis, Quai des Condamnés.

Comme toutes les autres nuits, elle épie. Son pupitre a disparu sous une dizaine de parchemins griffonnés de notes et de croquis dont certains élus, les plus pertinents, ont eu le privilège d’être accrochés sur l’illustre et très respecté tableau de liège, enfin, sur son revers du moins. Au coin du pupitre, à l’opposé de la chandelle, un échantillon de verdure chipé discrètement aux voisins continue de dépérir au fond d’un ballon de cristal. Arsène est persuadé que tout cela est lié aux deux pupilles luisant d’un vert discret ayant franchi, sans jamais en revenir, le pas de la porte la veille de l’infection.

— Après cette mise en garde odeur de mort, un incident manque de tuer un ouvrier. A chaque fois une visite a précédé les faits…Corneille ? Émeraudes ? Non, le seul facteur commun est.. Le Bijou.

Beaufort la regarde avec incompréhension. Quoi, le Bijou ? qu’il se dit en remuant le bout du museau. Ce petit Bijou, sans doute moitié moins vieille qu’elle, a été la seule à plonger son regard dans le miroir, instinctivement, à chaque passage. Puis, il y eut cet index, ce message muet, cette injonction à ne pas aller plus loin. Était-ce une menace où plutôt une supplication ? Devait-elle abandonner ou risquer de mettre en danger le cabinet et son comparse ?

par Tristan. Jeu 12 Mai 2022 - 22:04

Il rentre fourbu de sa virée dans une mine d’Elwynn qui déversait des kobolds trop près des fermes. Il a progressé dans les tunnels abandonnés, suivant les traînées de cire chaude et l’odeur fauve des créatures.
Il ne les a pas tués tous. Il a compté les derniers survivants, tapis tremblants contre la pierre brute d’une galerie inachevée, avant de rengainer son arme. Une mine abandonnée trouvera toujours son monstre — mieux vaut peut-être ceux-ci qu’un autre.

Il passe le porche de la Cathédrale avec une prière silencieuse, traversant la nef vers sa cellule. Les murmures effervescents qui parviennent de l’aumônerie l’interrompent.
Il entre par la porte entrebâillée.
Les prêtres s’agitent autour d’un homme mutilé, étendu sur une table drapée par un linge blanc. Sous la croûte de sang et de poussière, il reconnaît le visage d’un homme à qui il a offert de l’eau et du clou de girofle odorant, quelques jours plus tôt.
Il pince les lèvres et s’éloigne vite pour faire place.

Son pas hâtif fait claquer le pan de son manteau plein de suie. Il marche jusqu’au 5 bis, Quai des Condamnés. Il s’apprête à arracher une affiche mais se ravise.
La nuit, il veille au chevet du blessé.
Le lendemain, il quitte sa cellule sans sangler son armure et sans épée. Il ôte l’emblème de l’Aube d’Argent du col de son manteau.
Il se présente au Camp des Bûcherons, en Elwynn, pour y déposer un morceau de parchemin grossier sur lequel il a écrit :

Charpenterie et maçonnerie depuis dix ans.
Plusieurs ouvrages de rénovation.
Sérieux et ponctuel. Disponible de suite.
Adresser une réponse à Tristan, à la ferme des Stonefield en Elwynn.

par **Salem d'Iregrise** Sam 14 Mai 2022 - 23:49

C’est lors d’une nuit sans lunes, rares et mystérieuses, enclines aux complots, messes noires et mauvais augures que le petit camp de bûcheron à l’est de la forêt d’Elwynn aura vu son calme et son silence perturbé. D’abord un cavalier, en fin d’après-midi, puis deux autres dans le début de la soirée, guidés dans les ténèbres par une chandelle posée sur le pas de la porte d’une maison aux volets fermés.

Nul ne sait ce qui s’est passé dans cette dernière mais cette rencontre, qui se voulait discrète, aura été remarquée par les quelques locaux qui ne sauront quoi en penser. C’est finalement la vingt-troisième heure passée que l’un d’entre eux quittera la demeure, suivi par les deux autres une vingtaine de minutes plus tard.

par **Thilius** Dim 15 Mai 2022 - 10:26

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeure, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur le toit, ses rideaux brodés toujours tirés au second étag et sa porte de chêne...

Depuis l'accident, le chantier n'a pas repris. On aperçoit encore, par les bonnes fenêtres et avec le bon angle, l'effondrement du plancher, et ces lattes qui pendent misérablement dans le vide au-dessus de l'antique boudoir. Des chats faméliques se frottent à l'embrasure des fenêtres, raclant des flancs et des joues le cadre rongé de termites. Tout est paisible.

Aucune lumière dans la nuit, aucune odeur trouble, aucun cri. Contre la façade dégagée, un lierre sauvage s'est remis à ramper. Ses feuilles ont éclos et marbrent les pierres grises d'un vert presque jaune. Chose curieuse, malgré tout : la nature n'a pas tardé à reprendre ses droits ; elle foisonne, envahit l'arrière-cour, monte à l'assaut des moellons d'où elle a précédemment été arrachée. Comme s'il lui fallait rattraper le temps perdu, réaffirmer, sur le chantier et la masure assoupie, son entière domination.

Hélas, cette félicité de vieille ruine n'est pas faite pour durer. Il semble que l'offre en charpenterie ait trouvé preneur ; et on a vu des hommes passer, s'arrêter devant la demeure, jauger et pointer toit et fenêtres, en connaisseurs. A l'étage, les rideaux ont frémi, gonflés par le vent comme des voiles de navire ; et le manoir tout entier, à force de craquements et de grincements de bois fatigué, a paru soupirer. Laissera-t-on, un jour, ce cadavre d'échardes et de vieilles pierres tranquille ?

par Claudia Moretti Lun 16 Mai 2022 - 17:04

Quiètes nuits qu'étaient les premières d'un printemps longuement espéré, au coeur du quartier central de la Cité blanche. Où les tuiles d'ocres dorées & les façades immaculées emmagasinaient la chaleur le jour durant et la restituaient le soir venu, pour bercer les rêves de leurs occupants éreintés. Où sous les toitures, les poutres travaillaient ; se dilataient à leur propre rythme dans l'ignorance candide et bien naturelle de la population, comme il en avait été depuis leur pose, saisons après saisons, jours après jours, et nuits après nuits...

Des nuits sans heurts ni vagues.

Et au matin, après que les réveilleurs eurent accompli leurs offices, certains pieusement graviraient les marches de la Cathédrale sculptées une à une dans autant de blocs de pierre du Chateau-Landon, excavées au courage d'anonymes & de parangons sans fortune. Trouveront une fraîcheur que trop vigoureuse à pareilles heures entre ses épais murs. Le réconfort au travers de ses vitraux aux splendeurs de quelque cobalt profond et vif - de vermeil puissant et de toutes ces nuances dont seul le concours d'artisans passionnés travaillant ensemble aura su faire naître, et dont les secrets ne sauraient se trouver autre part que dans cet amour là. Dans l'oralité de ces traditions jalousement gardées. Seront dominés par ses arches aux poutres apparentes que jadis la sueur & la dévotion auront amenées à s'agencer sans meilleure harmonie, de la nef au coeur et du transept au clocher : pour mille ans et plus encore.

Autant de routines bien huilées et d'habitudes que les années auront endurcies, à ne plus présenter aux yeux que la normalité de ce qui a toujours été, au fond.

Jours après jours, nuits après nuits...

Jusqu'à ce qu'un beau matin la cité ne se réveille changée. Que de la pierre n'ait surgi dans l'ignorance candide de la population la mémoire d'un nom buriné ici, et d'un autre là. Comme si elle avait craqué sous le poids de l'érosion & du passé conjoints qu'On ne pouvait plus ignorer, sous la forme d'une conjuration de ce damnatio memoriae voulu sanglant.

Et on découvrirait un un autre nom, et un autre nom encore que la saleté feront remonter à quelques semaines. Une multitude de signatures post-mortem disséminées au travers du quartier de façon qui n'avait d'aléatoire que l'impression. Tantôt sur l'encadrement d'une maison, tantôt sur une fontaine d'arrière cour. Parfois deux lieux côte à côte, et parfois séparés de plusieurs rues. Un, quatre ou bien une dizaines de noms. Des connaissances d'un lointain passé pour les uns, des amis pour d'autres. Mais pour tous, les artisans de leur confort.

par Delnysil Dewblade Mar 17 Mai 2022 - 22:17

Une nouvelle affiche se fera ça place parmi les nombreuses autres présentes ..

Rumeurs de la ville et ses alentours. Affich10

par **Thilius** Mer 18 Mai 2022 - 19:28

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeure, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur le toit, ses rideaux brodés toujours tirés au second étag et sa porte de chêne...

L'accalmie n'aura été que de courte durée : le chantier a repris de plus belle. Une nouvelle tête -- cheveux sombres, teint de poussière -- s'est jointe aux habitués, et celui-là aussi lève le marteau, et celui-là aussi fait chanter scie et ciseaux, et celui-là non plus ne se plaint pas malgré des journées de travail harassantes.

Près des murs grillés de lumière, l'air ondoie de chaleur ; même l'humidité stagnante des canaux tout proches ne permet pas de se rafraîchir. Tout est plein d'odeurs lourdes. Vernis, résines, sciures fraîches, moisissures sèches. Sueur et labeur, pain sec et herbes mortes. Au prix de nombreux efforts et malgré certains contretemps, l'ouvrage avance. La brisure au plancher, au second étage, est toute entière colmatée de nouvelles planches, solides et fortes comme le dos de ceux qui les ont portées. Il sera bientôt temps de s'occuper du reste, et notamment du toit. Bientôt, peut-être. Bientôt.

Avec la tombée du soir, tous les ouvriers se replient. Ils entreposent sacs et outils, se hèlent une dernière fois de voix éraillées par l'effort. Un seul d'entre eux, cependant, reviendra sur ses pas.

C'est un homme entre deux âges. Des cernes marqués et des joues creusées lui donnent l'air hagard de ceux qui n'ont pas dormi depuis longtemps, ou de ceux qui sont perdus, ou qui ont perdu quelque chose d'ancien, de secret, de chéri. Il fait face à la demeure rendue au silence jusqu'au prochain matin, et reste un moment planté là, le nez levé, avant de se détourner, pour marcher jusqu'au bord du canal. Là, ce sont les eaux qu'il contemple. Longtemps. Longtemps. Quand, sur un tressaillement, il revient à lui, les ombres sont déjà bleues et les lumières de Hurlevent palpitent comme des ventres de lucioles sous les porches et sur les ponts. Il recule d'un pas, effrayé, égaré ; ébauche un geste de dévotion ; puis enfin s'éloigne, d'une démarche de somnambule.

par Tristan. Jeu 19 Mai 2022 - 7:09

Depuis quelques jours il dort sur une natte de jonc, posée à même l’herbe humide. Seule une toile étanche le sépare du ciel.

Penché sur la poussière, il repense à ce ciel. La sciure et l’ombre de la demeure imprègnent tout, comme un encens. Parfois le chantier prend des tournures de mauvais rituel, et Tristan repense au ciel.
Les grincements du bois sont des cris mutilés ou des grincements d’os. Le mortier suppure sur les plaies béantes du mur.
Il mesure une planche pour le nouveau plancher et soudain son coeur bat la chamade et sa vision se brouille. Il attend un instant.
Rien ne vient — c’est encore tôt.

Herald sonne la pause.

Tristan ne se fait pas prier ; il suit le groupe dans la cour, humant les mauvaises herbes qui sèchent sous le soleil et le relent trouble des canaux.
Il mange et parle peu, rit de temps en temps, et contemple la façade.
Depuis quelques jours, il a rangé son armure, son épée, sa cellule étroite de la Cathédrale, son honnêteté.
Il est devenu un charpentier sans histoire et sans quête.
Il évite les lieux qu’il commençait à fréquenter ; il se détourne des quelques visages familiers. De toute façon, on le reconnaît peu : sans l’armure et sans la quête, il est un grand corps étroit et courbé, une face et un caractère assez ternes.

L’équipe le traite bien. On l’assure qu’il finira par s’habituer à l’arrière-goût de cendres, aux soubresauts hostiles de la demeure qui se rebiffe contre l’ouvrage.
En vérité, il ne veut pas s’habituer.
Le flacon de son médicament est resté au fond du sac depuis la reprise du chantier — “Deux gouttes par jour”, dit Dame Marthe, “une par jour si tu dois rationner.”
Il sent qu’il s’approche de la brèche : ses émotions se font plus vives, ses intuitions se fracturent et ses pupilles se contractent sur des ombres mouvantes, au coin de sa vision.
C’est l’affaire de quelques jours.
Alors le monde éclatera sous ses pieds, et les visions lui présenteront peut-être le monstre qui dort sous la surface de la demeure.
Sinon… il faudra compter sur l’autre équipe, à laquelle il a adressé une première lettre décrivant sa rencontre avec Monsieur Linessa, et les quelques informations dont il en a tiré avec son jeu d’acteur morose.

par **Salem d'Iregrise** Ven 20 Mai 2022 - 23:08

Alors que le soleil se dissimule peu à peu derrière l’horizon et qu’un ciel tant crépusculaire qu’étoilé le remplace, quatre personnes se faufileront dans les entrailles de la triste et sordide taverne du quartier des mages, L’Agneau Assassiné. Elles en sortiront après deux heures, la nuit désormais installée, sans tituber et l’esprit visiblement aussi acéré qu’à leur entrée.

A l’intérieur de l’établissement, il n’y a rien à déplorer. Pas de suspicions quelconques, pas d’infamies, pas d’incidents. Le propriétaire, Jarel Moor, se tient prêt à répondre aux commandes demandées de quiconque s’échouerait dans sa taverne, peu importe ce qui l’amène ici. Et pour peu que son client ait la langue bien pendue et lui livre quelques secrets interdits sous les effets de l’alcool alors on lui chuchotera à l’oreille qu’une offre d’emploi est apparue récemment pour les hérésiarques de triste compagnie cherchant à acquérir plus de puissance. Si l’on succombe à la tentation, alors monsieur Moor se ferait un plaisir de communiquer votre intérêt à la personne concernée au plus vite avec toute la discrétion possible.

Spoiler:

par **Thilius** Dim 22 Mai 2022 - 9:11

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeure, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur le toit, ses rideaux brod s toujours tirés au second étag et sa porte de chêne...

Il fait chaud. Il fait si chaud... Les crépuscules sont troubles de vapeurs et enfantent de nuits moites et agitées.
Les chats chantent dans le soir bleu.
Tous les chats chantent.
Leurs plaintes montent lentement, en vagues hypnotiques. Appels, sifflements, cris s'entremêlent. Une houle d'amour féroce -- d'abord les grondements, roulant bas comme des menaces, et le ton qui grimpe cran à cran -- crescendo -- jusqu'à parfois éclater en imprécations suraigues, insupportables comme le hurlement soudain d'un nourrisson ou le fracas d'une vaisselle cassée. Puis tout s'apaise. Et tout recommence.

Puis, peu après la totale tombée du soir, une rupture dans le vacarme. Une dissonance. Un cri trop brutal, trop agressif et trop douloureux pour la saison. Une fine odeur de chair brûlée. Et un félin qui jaillit comme une comète d'un recoin obscur de la maison -- puis qui s'enfuit au hasard en braillant sa souffrance, le poil entier léché de flammes.

Il n'ira pas vers l'eau du canal, hélas.
Il n'ira pas dans les buissons et les taillis secs qui auraient pu, à leur tour, s'embraser à la moindre étincelle -- il fait si chaud.
Il n'ira pas loin. Il mourra dans un coin quelques instants plus tard.

Au 5 bis, les chats ne chantent plus.

par **Thilius** Mer 25 Mai 2022 - 18:22

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeure, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur le toit, ses rideaux brod s toujours tirés au second étag et sa porte de chêne...

Depuis son lancement, le chantier a été émaillé de petits incidents -- désagréments de moyenne importance ou étranges faits de malchance ; et malgré cela, et malgré tout, les travaux avancent à bonne allure. Le squelette du toit, exposé à toutes les pluies et soufflé par tous les vents, a été purgé de ses éléments les plus abîmés, puis renforcé de nouvelles poutres. Au soleil, elles puent le vernis frais ; et c'est là, cependant, une odeur de propre, de neuf, de sain.

Les ardoises brillent et s'entrechoquent, posées une à une par des mains patientes. En vérité, on commence à entrevoir ce que cette demeure fut à l'apogée de sa splendeur -- ce qu'elle sera de nouveau, si les ouvriers ne relâchent pas leurs efforts et si les astres le veulent bien. En fin de journée, le propriétaire lui-même est venu, un court instant, admirer l'ouvrage, accompagné de sa soldate à l'air fermé. Il est reparti satisfait, avec un sourire et plus d'un encouragement.

Autre très bon signe : l'ouvrier blessé est enfin sorti de sa convalescence à l'aumônerie. Boiteux, affaibli, il ne reprendra pas le travail avec les autres. Il rentrera au camp que les siens ont dressé quelque part en Elwynn pour y lécher le reste de ses plaies. Il y sera fêté, choyé, réconforté. Protégé.

On en oublierait presque le visage tiraillé d'angoisse d'un autre travailleur, et les regards que ses collègues lui portent parfois, lourds de non-dits ; la relative absence de vie animalière dans les taillis bordant la demeure ; et celle, absolue, de miaulements la nuit venue.

par **Doubhée Beckris** Ven 27 Mai 2022 - 20:24

De nombreuses petites mains engagées par la patronne de la Chope Sucrée ont posées de nombreuses affiches annonçant enfin l'ouverture des inscriptions pour Madame Hurlevent de l'an quarante deux !

Rumeurs de la ville et ses alentours. Madame14

par Tristan. Sam 28 Mai 2022 - 14:43

Il rêve qu’il passe la porte de la demeure du 5 bis, Quai des Condamnés. La porte s’ouvre sur une autre porte, qui s’ouvre sur une autre porte, qui s’ouvre sur…

Il se réveille avec une rage diffuse, inassouvie, comme un orage qui n’éclate pas. Il a de la fièvre.
Il est étendu sur une couchette de la caravane de l’Ancien et ses mains blessées pulsent contre son flanc.
Les premiers chants d’oiseaux traversent la nuit pâlissante. Il se sent enfermé, captif du toit solide et de la présence endormie de l’autre homme.
La faim et la soif le rongent ; il n’a pas rejoint la Troupe au dîner. Quand on lui a rendu visite, il a fait semblant de dormir.

En vérité, il a honte.
Les visions arrachées à la demeure sont des visions de mort, par la noyade ou par le feu. Des poutres carbonisées, des interdits rompus, une tristesse indicible ; des brasiers extatiques qui deviennent lancinants.
Les visions de mort sont initiatiques, souvent. La poussière efface les mensonges et divulgue de nouveaux symboles. Il s’en relève avec une vigueur renouvelée, comme rajeuni.
Pas ici.
Ici… les visions de la demeure n’accouchent aucune vie. Elles digèrent sa volonté et sa chair et vomissent le reste.
Il n’y arrive pas. Vraiment pas.
Le regard de Dame Marthe pèse sur sa nuque, lourd de critiques.

Il ouvre la porte de la caravane avec le coude.
Le camp est encore assoupi. Il observe le ciel ; les étoiles faiblissantes et le jonc de clarté qui émerge au loin.
Hier après l’avoir sorti évanoui des profondeurs de la demeure, on a lavé ses bras pour préserver les plaies. Mais il reste encore sur sa peau une limaille de terre et de racines moisies, qui lui est soudain insupportable.

Il se dirige vers la tente au baquet pour y faire ses ablutions.
Quand il veut défaire sa chemise il réalise que ses mains — amas de bandages ensanglantés — lui interdisent d’agir. Il reste figé un instant, inspirant expirant profondément.
Il s’imagine arracher le pansement avec les dents, révélant des doigts sans ongles à la pulpe écrasée, aux phalanges griffées. Il se voit plonger ces mains déchirées dans les gants de son armure et serrer le poing et lever son épée. Il voit la lame lui échapper des mains et le sang ruisseler sur ses coudes. Il entend une exclamation ravie et des applaudissements moqueurs. Il voit les pupilles vertes de Monsieur Linessa qui clignent dans l’ombre.
Non.
Il inspire. Expire.

Il se détourne de la tente, et vient s’asseoir près de la caravane d’Herald et Harold.
Il s’entraîne à formuler dans sa tête : “J’ai besoin d’aide pour…”

par **Siobhan Mornebrise** Dim 29 Mai 2022 - 15:26

Elle cauchemarde qu’elle passe la porte de la demeure du 5 bis, Quai des Condamnés.

La porte s’ouvre sur une grande étendue noire, vide, froide. Elle y pénètre et se retrouve privée de toutes ses sensations corporelles comme si des eaux océaniques l'avaient engloutie. Les battements de son petit cœur résonnent dans l'immensité du néant, puis le son tranchant du couperet qui tombe, les rires de deux enfants chahutant et les cris d'une jeune femme retentissent et se répètent en tournoyant autour d'elle comme des esprits facétieux. Le son d'une goutte d'eau. Au loin le vide frémit comme un liquide à peine effleuré. Une main calcinée en surgit et pointe la sortie. Le canal du coin de la rue s'y dessine lentement. Elle s'y dirige, le pas hésitant. A la surface de l'eau flotte le corps bleu et boursoufflé d'une enfant déjà potelée. Sa bouche tordue et béante laisse entrevoir quelques feuilles de vigne pourrissantes et l'odeur nauséabonde ayant pollué le quartier quelques semaines plus tôt encombre à nouveau petit à petit l'air ambiant. Derrière elle retenti un cri étouffé. Elle se retourne pour entrevoir quelques instant le visage torturé et ensanglanté de Tristan pressé contre la fenêtre de l'étage. La lueur de la lampe s'allume dans son dos et disparait aussitôt. Tout comme lui.

Arsène se réveille en sursaut, la peau moite et le cœur fébrile. Elle enfile une chemise de lin, allume un reste de cigarette et descend nu-pieds les marches pleines d'échardes de l'escalier menant au salon où elle a déménagé une partie de son bureau, pour la sécurité de Galbenel. Sous la porte, une lettre humide et terreuse a été glissée.

par **Jonathan Walter** Dim 29 Mai 2022 - 19:34

Enfin, le départ tant attendu des élections est lancé. Suivront à la suite de ce dernier décret la publication et l'envoi aux Grands électeurs du programme des deux candidates.

Avis à la Population : Proclamation des modalités de l'élection du Chancelier des Affaires Urbaines

Sujets de Sa Majesté,

Par le présent décret, les services de la Chancellerie annoncent que la période de campagne électorale pour le prochain mandat de Chancelier aux Affaires Urbaines est ouverte.

De fait les programmes des candidats sont à présent disponible en consultation à la Chancellerie mais aussi envoyé à l'ensemble des Grands Electeurs.

Période de campagne électorale :

Jusqu'au 28/08, soit quelques jours en amont du vote finale, les candidats pourront mettre en œuvre les moyens nécessaires et légaux pour mettre en valeur leur candidature. L'affichage publique sera ponctuellement autorisé, dans les limites du cadre légale existant, un rappel à loi pourra être fait notamment concernant :
- Art. DE-3 Trouble à l'ordre public
- Art. DE-4.1 Calomnie & propagation de calomnie
Ce genre de pratique pouvant entacher la moralité d'un futur représentant du Roi, la Chancellerie se réservera le droit de rendre nulle toute candidature qu'elle juge trop agressive. Allant jusqu'à retirer le droit de vote du Grand Electeur, invalider la candidature d'un candidat et peut engager des poursuites judiciaire. Il est de la volonté de la cité de briller par sa civilisation exemple pour les autres royaumes, il ne s'agit pas d'un sauvage Mak'gora. Comme vu en entretien, une certaine retenue est imposé notamment aux Grands électeurs.

Un unique débat officiel sera organisé et arbitré par la Chancellerie avec pour spectateur l'ensemble du collège de Grand Electeur. Toutefois les autres initiatives privées de tels ordres ne seront pas interdites pour autant tant qu'elles respectent l'équité de l'élection. Nul article ne pourra être publié sur un candidat sans un droit de réponse ou mention des autres participants, nul débat ne pourra être organisé sans la promesse d'y voir l'ensemble des candidats à terme d'une manière ou d'une autre. En cas de non respect de l'équité, les organisateurs de telles initiatives devront justifier avoir mis tous les moyens en œuvre pour respecter cette équité.

Le débat aura lieu en milieu de campagne, entre fin juin et fin juillet. La date officielle du débat sera publié par décret ultérieurement ainsi que ces modalités en détail.

Une fois la date de clôture de la campagne atteinte, plus aucune action politique ne sera autorisée sur la place publique et ce pour laisser le temps de la réflexion sereine aux Grands Electeurs. Soit dès le 28/08 à midi.

Vote final :

Il se fera de manière anonyme par les Grands Electeurs, la Chancellerie et sa magistrature faisant office d'assesseur. Sous le contrôle de sécurité et des entrées de la Garde de Hurlevent. Seuls ces membres officiels de l'appareil d'état, les Grands électeurs et les Candidats au mandat de Chancelier des Affaires Urbaines seront autorisés à entrer au donjon et assister au vote ce soir là.
Le Candidat ayant rassemblé le plus de bulletin à l'issu du vote final sera désigné comme prochain Chancelier des Affaires Urbaines. Le second sera officiellement désigné comme suppléant, et s'engage à répondre à l'appel du devoir en cas de défaillance ou abandon de poste du vainqueur.

En cas d'indisponibilité du Grand électeur à la date du vote, des procurations pourront être émise. Elle devront être reçu impérativement 48h avant le vote finale et devront impérativement être nominative avec le nom complet de leur remplaçant.

La date officielle du vote finale sera publié par décret ultérieurement.

La Chancellerie et ses services demeurent à disposition pour répondre aux questions des Citoyens, Candidats, et Grands Electeurs.

Honneur au Roi,

Pour l'Alliance.

par **Thilius** Dim 29 Mai 2022 - 21:06

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeu e, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur le toit, ses rideaux brod s toujours tirés au second étag et sa porte de chêne...

Comme à leur habitude, tous les six, ils sont arrivés ce matin.
Les deux colosses chauves ; le grand gaillard aux oreilles percées et à la voix de meneur ; le vieux bossu à l'air sagace ; le jeune homme aux joues maigres et aux yeux cernés ; et la pièce rapportée, l'homme aux cheveux noirs et au teint de poussière. Comme à l'ordinaire, ils ont installé leur charrette de matériel à l'arrière. La charrette était bâchée : il pleuvait, un peu.

Comme à leur habitude, ils sont arrivés ce matin. La demeure était paisible ; la ville était paisible. La lumière du jour dansait gentiment sur les canaux. Derrière les murs du Quartier des Mages, on devinait le murmure feutré d'une activité intellectuelle et foisonnante. Tout était tranquille ; et pourtant, ces ouvriers-là avaient le visage grave et tendu de soldats se préparant avant une bataille.

Contrairement à leur habitude, ils ont quitté le chantier bien plus tôt, aujourd'hui.
Ils se sont précipités hors de la demeure. Ils ont chargé leur charrette à l'arrière ; l'ont bâchée, bien qu'il ne pleuve plus. Se sont groupés tous ensemble pour quitter l'enceinte, et le quartier, et la ville ; en abandonnant leur matériel derrière eux.
Dans leurs yeux, un éclat d'urgence et d'horreur absolue.
Parmi eux, aucune trace de l'homme au teint de poussière et aux cheveux noirs.

Peu après leur départ, la demeure aura semblé trembler, grincer, craquer toute entière comme l'épave d'un navire heurtant l'estoc d'un récif. Elle sera cependant, malgré ce phénomène -- heureusement, ou trois fois hélas -- restée entière et sur pied.

par **Thilius** Jeu 2 Juin 2022 - 1:38

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeu e, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur le toit, ses rideaux brod s toujours tirés au second étag et sa porte de chêne...

Les outils gisent abandonnés sur le sol.

Un lierre sauvage serpente autour des manches des truelles et des marteaux. Lourd et lent, il glisse au pied de la demeure, embrasse amoureusement les moellons usés, déploie des feuilles tremblantes et mouillées. Entre les pierres, un jeune lézard palpite puis s'enfuit.
Les enduits, vernis et mortiers ont séché dans leurs pots. L'arrière-cour est en friche.
Sur le toit, les chiens-assis toisent la rue de leurs yeux creux.

La femme-soldat passe de temps en temps : de courtes rondes, lors desquelles elle s'assure que personne ne touche au matériel laissé en plan, ni ne cherche à pénétrer la bâtisse désertée. Elle-même n'en passe pas le seuil. Fort heureusement, il n'y a pas grand-monde à repousser.

Le 5 bis est en quarantaine.

Quand la nuit tombe, dans les heures dorées qui précèdent les heures bleues, la lumière frappe le côté de la façade. On y découvre alors, cachée immobile, une profonde fissure, qui court du pied du mur jusqu'au deuxième étage. Une crevasse oblique, semblable par sa couleur, noire et menaçante, à une longue veine de charbon.

par Methodius Sam 4 Juin 2022 - 16:59

Virgyl corrige les parchemins, penché sur son pupitre et soupirant beaucoup. Ses gestes sont calibrés et efficients. Il effleure chaque réponse du bout de la plume avant d'inscrire les points.
Un petit sablier contrôle le temps passé sur chaque page. Il lui jette des coups d'oeil en biais et accélère en conséquence. Il le retourne quand il prend un nouveau parchemin.
Sur certaines copies, la mécanique se grippe : il s'affale, grogne, laisse échapper des "ah" ou un "bien essayé" avant d'annoter la marge avec un crissement rageur. Et le sable s'écoule avant la fin de sa correction. Il soupire.
Le soleil pèse sur la lucarne de sa chambre.
Methodius Burchard, qui devrait être en train de corriger à sa place, est réfugié dans un pan d'ombre près de la porte. Il est assis à même le sol, le dos posé contre le mur. En silence, il trace des symboles géométriques avec le doigt dans les amas de poussière qui s'accumulent sous les meubles. Cela fait quelques heures. Virgyl commence à l'oublier.
Mais la voix lente et un peu rauque se rappelle à lui en détachant chaque syllabe :
— "J'ai envie de frapper quelqu'un."
De stupeur, Virgyl laisse tomber sa plume. Il se retourne et trouve Methodius Burchard debout, la tête penchée dans ses longs cheveux noirs, qui le fixe avec insistance. Qui semble attendre quelque chose. Et qui serre le poing.
Virgyl s'étrangle.
— "Quoi ? Non ! Absolument pas. N'y comptez pas."
L'autre homme renifle, visiblement désappointé, et se rassoit dans l'ombre.
Virgyl se masse les paupières avec les pouces en contemplant sa vie. Quand tous les grains du sablier sont écoulés, il en revient aux corrections.

Deux jours plus tard, pendant que Virgyl prend le thé avec Elisen dans un parc, Methodius Burchard se matérialise près d'eux avec un terrible grincement et l'odeur âcre du métal chauffé à blanc.
Elisen jure et tend le bras pour redresser la carafe de lait qui se déverse sur leur nappe, mais l'autre homme s'empresse déjà vers Virgyl en piétinant tout.
Il lui tend une affiche à moitié arrachée et lui annonce d'un ton plat :
— "Je veux ça. Inscrivez-moi."
Il n'attend ni réaction ni réponse. Il ne doute pas qu'on lui obéira. Dès que Virgyl saisit l'affiche, l'Arcane vibre et grince et Methodius Burchard disparaît, laissant derrière lui une nappe dévastée et un relent acerbe.
Grondant de frustration, Elisen lance sa cuillère là où l'homme se tenait un instant plus tôt.

par **Thilius** Dim 5 Juin 2022 - 18:15

Logée au 5 bis, Quai des Condamnés, la demeu e, avec ses fenêtres à barrea x fins, ses deux chiens-assis sur e toit, ses rideaux brod s toujours tirés au second étag et sa porte de chêne...

DANGER - DEFENSE D'ENTRER

Le panneau, accroché de guingois, oscille au bord de la grille, entre les buissons. Avec son gros lettrage rouge, il attire l'oeil du passant qu'il est censé dissuader. Il n'y a plus d'ouvriers depuis des jours, et les rondes de la femme-soldat se sont espacées ; la pancarte apparaît à la fois comme une mesure de sûreté et un prétexte à son absence.

En journée, le 5 bis, avec son toit fraîchement refait et ses fenêtres vides, renvoie une impression de travail gâché, inachevé. De bête apathique tassée sur elle-même et abandonnée par tous ses maîtres. Le soir, elle récupère un peu de son aura sinistre, et expose à la lumière les multiples fissures enfantées par la première, profonde, qui lui court sur le flanc. L'avertissement du panneau devient alors beaucoup plus concret.

Défense d'entrer.

Les eaux du canal sont un peu plus noires. Les grands étiers qui quadrillent Hurlevent ont pour habitude de charrier leur lot de débris et d'immondices -- ici, c'est une conduite souterraine qui semble avoir lâché, et qui laisse s'écouler une boue sombre dans des eaux déjà troubles. Cet épais lisier, odorant uniquement s'il est remonté en surface, se déposera par le fond, en attendant d'être balayé par les courants et évacué vers la mer.

En silence et dans l'indifférence, le 5 bis saigne. Et ce n'est, hélas, pas une plaie qu'un peu de mortier saurait panser.

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