[A faire vivre] L'Appel

Khadija passa la nuit dans la cathédrale, mais elle ne pria pas, ou si peu. Que pouvait lui apporter la Lumière, qu’elle veuille bien écouter, rien probablement.

Savoir qu’ « il était avec Elle » comme avaient dit ses collègues… elle n’y croyait plus.

Penser qu’elle le rejoindrait en priant ? La rupture définitive du lien avait eu lieu pendant le pèlerinage. Elle avait alors compris que ce lien avait été rompu sans qu’elle l’admette des semaines avant tout ça. Ce qui la faisait espérer, croire, vibrer, n’étaient en fait que des lointains souvenirs auxquels elle se raccrochait désespérément, bêtement, depuis deux mois. Elle devait même en être pathétique, à force. Il avait dit « étouffante »… tout avait été dit à ce moment là. Quelle idiote. Aucune prière ne pouvait combler ce vide entre eux.

Elle n’avait donc pas pleuré, ni prié, mais réfléchi.

La question n’était pas de savoir si elle avait mal. Elle était en deça de la douleur.

La question était plutôt : Pourquoi s’était-elle sentie partir quand, enfin, à force de questions au Capitaine, elle avait finalement « compris » ce que signifiaient ses mots malhabiles. Qu’est ce qui, au fond d’elle, lui intimait l’ordre de repartir là-bas ?

Certes, son départ définitif lui enlevait un poids, celui de l’attente. Le fait de n’avoir pas senti sa mort lui donnait certification, le lien avait été rompu bien avant, et n’avait pas réapparu avec son retour. L’absence de douleur lui donnait une réponse, la tendre indifférence qu'il affichait avait finalement eu raison de son amour pour lui.

Mais cela ne répondait pas à la question de son absence à elle.

Lorsqu’elle avait compris les mots du Capitaine, quelque chose en elle avait cédé. Elle avait senti comme un appel, puissant, lointain, impérieux. Curieusement, l’appel venait bien de l’extérieur mais semblait prendre corps à la base de son cou, sur la nuque, à la jointure entre le cou et l’épaule droite. Là où une marque, parfois douloureuse, était apparue, lors de son voyage en Tanaris. Une marque qu’elle caressait parfois, un signe ou un symbole, elle ne savait pas et n’avait pas trop tenté de savoir, sans doute par peur de comprendre.

Là bas elle avait fait une rencontre, elle ne s’en souvenait pas, mais elle le « savait », elle le sentait. Depuis lors, quelque chose vivait en elle, qui l’animait, la faisait vibrer, l’attirait, l’appelait, par à coups. Lors de cette rencontre, quasi mortelle, Nelsie l’avait sauvée mais rien n’avait été prononcé, sinon la promesse d’oublier cette histoire et de n’en jamais parler à quiconque.

Lorsqu’elle avait compris les mots du Capitaine, la douleur de la marque avait ressurgi. Et dans la Cathédrale, toute la nuit, alors qu’elle y réfléchissait, l’appel n’avait cessé de grandir. Qu’était-ce donc ?

Au petit matin, elle décida qu'il était sans doute temps de répondre à l'Appel.